samedi 18 octobre 2008

Permis provisoire de détention

Il y a un petit peu d'agitation dans le monde des "chiens dangereux" depuis quelques semaines : depuis la promulgation de la loi du 20 juin 2008, tout le monde attends les décrets la concernant (et les décrets manquants de la loi du 6 janvier 1999, mais j'y reviendrai).

Pourquoi ?
A cause de ce minuscule décret créant l'article D211-5-2 du code rural :

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lundi 25 août 2008

Farfouillectomie

19h00 - Officiellement, la clinique ferme ses portes.

19h30 - Le dernier rendez-vous quitte la clinique alors que je rentre de ma tournée de rurale.

19h45 - Je commence la compta de la journée. Mon confrère reçoit un chien en urgence. Je ne suis la consult' que de loin, mais le cas à l'air lourd. Francesca, notre ASV, fait des heures sup' puisque la femme de ménage est en vacances.

19h50 - Olivier - mon confrère - passe la tête par la porte de la salle de consultation, m'avise en train de faire la remise de chèque et vient s'assoir un instant en face de moi, contre ce bureau où s'empilent les factures, les tickets de carte bancaire et tout un amas improbable de choses qui seraient plus à leur place... ailleurs !
"Il allait bien ce matin, ce soir il se tord de douleur. Un abdomen aigü. Il a pu manger des os, ni plus ni moins que d'habitude."
Un chasseur, qui, comme beaucoup, nourrit en partie ses chiens avec des carcasses de volailles, des aliments assez riches en viande (c'est fou ce que la découpe industrielle laisse sur les carcasses une fois les blancs et les cuisses enlevés !), et très riches en petits os pointus.

Olivier a l'air épuisé. Il faut dire qu'il n'a pas encore pris de vacances, lui - plus que quelques jours à tenir. Il sature clairement, comme moi hier.
Je laisse tomber la caisse : "température ?
- Non, normale.
- Dans le rectum ?
- De la diarrhée, pas de sang.
- Le coeur ?
- Le rythme est haché, selon les spasmes algiques.
- Vacciné ?
- Oui.
- Tu as fait une radio ?"

Il me lance un regard désespéré, les yeux au fond de deux puits trop sombres.

"OK, je fais une radio, fais ta copro et lance une bioch pendant ce temps."

20h00 - J'enfile le lourd tablier de plomb, charge la cassette avec un film et ajuste un peu l'antédiluvienne radio.

"Vous venez monsieur ? On file en salle radio."

Je connais bien M. Collaix. Chasseur de sanglier, il possède une meute assez importante et nous nous retrouvons régulièrement autour de chiens éventrés pendant la saison. Un gars sérieux, qui n'hésite pas à mettre le budget pour soigner ses chiens. Je sens qu'à la fin de cette histoire, il va devoir consacrer une partie de son budget aux croquettes en remplacement des carcasses de volailles.

Le chien, c'est un bleu de Gascogne manifestement pas tout jeune, qui a du voir passer une série de saisons de chasse. Et de coups de défenses ?

"On l'a déjà recousu celui là ?
- Des plaies sur les membres, jamais l'abdomen.
- Son nom ?
- Azur ?
- Quel âge ?
- 7 ans."

Azur est dans les bras de son maître. Il a l'abdomen terriblement tendu et gigote en agitant rapidement la queue, projetant ainsi des matières fécales un peu partout. Génial. C'est Francesca qui va être contente !

20h05 - Je couche le chien sur la table de radio, sur la cassette. La croix lumineuse projetée par la machine est centrée sur l'estomac du bleu, il me manquera la partie postérieure de l'abdomen. Je fais sortir M. Callaix, histoire de lui éviter une dose de rayons X, je maintiens Azur sur la table, et "clic".

20h10 - Le cliché est sur le négatoscope. Je passe la tête par la porte de la salle radio.

"Olivier, je l'ouvre !"

Les intestins, le gros intestin apparemment, sont extrêmement dilatés. Il n'y a pas de bouchon d'os visible, je crains donc un volvulus, c'est à dire une torsion des intestins sur eux-mêmes, une espèce de noeud qui tord les boyaux et interdit le transit intestinal (d'où une accumulation de gaz) mais surtout bloque l'afflux sanguin. Or un tissu non irrigué est un tissu qui se meurt et nécrose... très rapidement. Ce chien n'attendra pas demain. Olivier n'est pas en état, tant pis, je m'y colle. Il jouera les secondes mains en cas de besoin.

20h20 - Le chien est sur la table de la salle de préparation. Couché, en sphinx, il a une allure de mort en sursis. M. Callaix se mâchonne la lèvre inférieure. C'est la première fois que je remarque ce tic.

Curieusement, je me sens bien. J'étais pourtant complètement vanné une demi-heure plus tôt. J'aime cet instant juste avant la bataille. L'atmosphère est claire, les décisions sont simples, il y a l'adrénaline et la certitude des gestes maintes fois répétés. Tout en expliquant les tenants et aboutissants de la chirurgie que je m'apprête à réaliser, je prépare le chien pour l'opération. Tonte d'une patte avant, pose d'un cathéter, branchement de la perfusion, injection d'anti-spasmodiques - le chien est immédiatement soulagé.
Je pose la boîte de chirurgie n°4 sur la desserte roulante, avec les compresses stériles et les champs. Deux paires de gants, une lame n°22, un monofilament résorbable 3-0, aiguille ronde, si l'on suture du boyau. Un tressé résorbable 0 pour les muscles et les tissus sous-cutanés. Un nylon 2-0 pour la peau.

"Je vais lui ouvrir le ventre, et explorer toute la longueur des intestins. Je pense que les boyaux sont tordus sur eux-mêmes. Il pourrait aussi y avoir une hernie à travers le mésentère, ou une intussusception - c'est quand l'intestin se digère lui-même, comme une chaussette retournée sur elle-même."

D'habitude, je fais un petit dessin pour expliquer l'intussusception. Là, pas le temps.

J'injecte une partie des anesthésiques à Azur, qui dodeline très rapidement de la tête. Je tonds rapidement son abdomen, puis le désinfecte. Alcool, bétadine, 5 fois. Je sais, à l'école on faisait 7. Mais 5, c'est mieux que 3, non ?

20h35 - Le chien est transféré sur la table de chirurgie. Les quatre pattes ficelés, le chien gît crucifié sous le scialytique, un tube dans la trachée. J'ai placé les champs, je me suis désinfecté les mains, j'ai enfilé mes gants. M. Collaix attends derrière la porte - s'il y a une décision à prendre en cas de lésion grave, je pourrais directement lui exposer la situation. Olivier m'aide pour les derniers préparatifs.

J'incise. La peau s'ouvre et les deux bords de la plaie s'écartent dans un glissement parfait. Je n'entends que la respiration du chien, et le discret grésillement des néons. Toujours impressionnant, cet instant où les muscles et le gras sous-cutané se révèlent. Mes ciseaux dissèquent et cherchent la ligne blanche, ce point de suture des fibres musculaires abdominales. Je ponctionne, introduit ma sonde cannelée dans l'abdomen : elle va servir de glissière pour mon bistouri, protégeant les fragiles viscères en dessous.

Les intestins sont violacés. Mon incision mesure sans doute une bonne vingtaine de centimètres de long, ligne droite du sternum à l'approche du fourreau, qui dévie pour éviter le sexe, récliné et maintenu de l'autre côté par rapport à mon ouverture.

Le colon est terriblement distendu, c'est lui que je voyais sur ma radio. En regard de la valvule iléo-coecale, ce carrefour où se rejoignent l'intestin grêle, l'appendice et le gros intestin, il y a un œdème très important du mésentère, ce filet dans lequel courent les vaisseaux sanguins et qui suspend l'intestin dans la cavité abdominale (la crépine pour les habitués de la tuerie du cochon).

Je fais glisser quelques dizaines de centimètres de boyaux entre mes doigts, pour prendre la mesure de ce sac de nœuds. L'intestin est très congestionné, mais pas nécrosé. Par contre, il y a de très nombreux points abcédés un peu partout : probablement les cicatrices de micro-perforations dues aux pointes acérées des os de volailles. J'appelle M. Collaix pour lui montrer ces lésions. Il entre sans hésiter, en habitué des chirurgies à sanglier. Seulement, le spectacle n'est pas le même. Le contexte non plus. Là, il y a ces mètres d'intestins que j'ai péniblement extraits de la cavité abdominale, et étalés sur les champs verts disposés autour de la plaie béante. Il y a la chaleur, et l'odeur de selles mêlée à celle du sang, lourde à donner des vertiges au chasseur le plus endurci.

M. Collaix est pâle, je lui montre ces abcès de trois millimètres de diamètre. Je lui montre ce mésentère épais de plus de cinq centimètres, au lieu d'un ou deux millimètres.

20h55 - Je ne décèle pas de perforation intestinale qui ne soit cicatrisée. La péritonite est généralisée, les intestins sont congestionnés sur toute leur longueur, il y a des fragments d'os dans l'appendice, dans l'iléon et dans le colon. J'ai réussi à vérifier la perméabilité des boyaux en pressant leur contenu vers la sortie. Une diarrhée sanglante et des fragments d'os jonchent la table et son conduit d'évacuation, loin sous les champs. J'ai bien vérifié, il n'y a pas de torsion. Pas de hernie. Pas d'intussusception.

"Simplement" un arrêt du transit dû à une douleur abdominale intense, arrêt qui a lui-même favorisé le développement de bactéries et la distension des intestins par les gaz.

Je réintègre les intestins à leur place, après avoir vérifié l'aspect des autres organes abdominaux. La prostate est correcte, le foie aussi, pas de problème avec la rate, encore moins avec le pancréas, ce qui vient corroborer les analyses sanguines, toutes normales.

21h10 - Après un rinçage abdominal, je commence mes sutures musculaires.

21h35 - J'ai terminé la suture cutanée, après un surjet sous cutané et quelques points un peu plus acrobatiques pour remettre le fourreau en place. M. Callaix est rentré chez lui, nous le tiendrons au courant demain. Le traitement sera donc médical - antibiotiques, anti-inflammatoires, antalgiques, anti-spasmodiques, la valse des anti-.

21h50 - Le chien est dans sa cage, il dort encore. A sa patte, le métronome du goutte à goutte égrène les secondes. Il semble paisible, mais demain, ou même cette nuit, il souffrira... La farfouillectomie est terminée.

Demain matin, il y a une chirurgie prévue, une tournée de vaccins contre la fièvre catarrhale, les visites de suspicion pour cette même fièvre catarrhale, les rendez-vous classiques (vaccins, bobos et compagnie), et tout le reste. Il est 22h25, je rentre chez moi après avoir fini de dégrossir le nettoyage dans le bloc, la salle de préparation et le chenil.

Je suis crevé, je n'étais même pas de garde, je vais aller me coucher après plus de douze heures de boulot. Mais je suis satisfait, j'ai les idées curieusement claires. Je suis content du boulot accompli, des choix que j'ai faits. Je ne sais pas si Azur vivra, mais nous aurons essayé.
Je suis fier, aussi,
Fier d'avoir aidé Olivier, qui n'était pas du tout en état de gérer ce cas. Je plains les vétérinaires solitaires...
Fier aussi d'avoir accompli cette chirurgie alors que ce n'est pas du tout ma partie, la chirurgie.
Fier enfin d'avoir fait du bon boulot, et de l'avoir montré à M. Collaix. Que le chien survive ou pas, il s'en voudra de lui avoir donné des carcasses à manger, mais il sera content d'avoir choisi de nous laissé opérer, et satisfait du travail accompli.

lundi 11 août 2008

Pleure pas maman, on en achètera un autre

"Pleure pas maman, on en achètera un autre !"

Louis doit avoir 5 ou 6 ans, derrière ses lunettes et ses cheveux en brosse, il a l'air désorienté. Désemparé, non pas tant par le cadavre de son chien qui gît, les pattes raides, la langue pendante et les yeux exorbités, que par les larmes de sa mère.

La boule de poils doit peser trois ou quatre kilos, un petit caniche de trois ans, jusque là sans histoire. Perle. Drôle de nom pour un mâle...

La jeune femme étouffe un sanglot, Louis me regarde. Je ne sais pas si mon expression est déchiffrable. Mélange de consternation, d'impuissance et de gêne. Je n'ai rien à faire ici, je ne peux rien faire pour ce chien.

"On pourrait peut-être lui mettre de l'électricité avec les poignées ?"

Il a parlé tout bas, sa mère est debout, appuyée contre le mur, il se tourne à nouveau vers moi.

"Non Louis, c'est trop tard."

Je met mon doigt devant la bouche lorsqu'il entame cette phrase qu'il répète comme une litanie depuis quelque minutes : "pleure pas maman, on en achèt..."

Son visage est étonnant : il a l'air triste, mais je devine qu'il ne sait pas vraiment pourquoi. Parce que sa mère est en larmes, certainement. Surpris, aussi, mais pour quelle raison ? Perplexe : il réfléchit, ça se voit, et ne sait pas du tout quelle attitude adopter.

"Pleure pas maman. Tu sais, il y en a d'autres au magasin."

Cette fois encore, il me regarde. Il me prend à témoin ? En tout cas, il attend de moi que j'intervienne. La blouse et le stéthoscope, peut-être. Sur la table, il y a un cadavre ébouriffé, la bave séchée a collé les poils autour de la gueule, la langue est presque violette.

"Chhhhut Louis, ce n'est pas le moment, on verra plus tard."

Et moi, qu'est-ce que je fais là ? La jeune femme s'est garée en trombe sur le parking éblouissant de la clinique, il y a cinq minutes à peine. J'étais en train de ranger le coffre de ma voiture, elle a crié, je me suis précipité. Sur le siège enfant, à l'arrière, il y avait le cadavre de Perle. J'ai immédiatement pris le petit corps dans les bras, il était déjà complètement raide. Mort, et depuis longtemps. Bouillant.

Un coup de chaleur, une hyperthermie intense parce qu'il est resté dans la voiture par cette très chaude journée d'été. Fatal en quelques dizaines de minutes, peut-être moins vu son poids.

Il est bien trop tard, mais je ne peux pas rester planté là sur la parking, regarder la dame et lui dire que son chien est mort. Je cours donc jusqu'à la salle de consultation, balance la porte d'un coup de pied, et le pose sur la table. Il semble fait de bois, ses pattes sont tordues comme celle d'une mouche crevée.

Je pose quand même mon stéthoscope, pour ne rien entendre. Pour... formaliser.

Je relève la tête et la regarde, il serait stupide de prolonger ce moment.

"Je suis désolé madame, il est mort."

Le visage de la dame était déjà baigné de larmes, ses cheveux roux collés à son front comme les poils du chien autour de sa gueule. Elle explose en sanglots. Francesca referme doucement la porte de la salle de consultation, nous isolant de l'accueil. Il faudra que je pense à la remercier.

"Pleure pas maman, on en achètera un autre."

dimanche 3 août 2008

Bobologie d'été : La chienne qui faisait scritch-scritch

"Ben docteur, je comprends pas, elle est jamais malade, mais depuis deux jours, elle est patraque, et depuis hier elle a vomi plusieurs fois, et à chaque fois qu'elle a mangé."

Jolie croisée de berger allemand, 5 ans, j'ai du la voir une fois dans sa vie. Effectivement, pas trop d'histoires. Pas de vaccins non plus, d'ailleurs.

Vue de loin, elle se tient voussée. Avec les vomissements et la baisse d'appétit, il va falloir se concentrer sur l'abdomen. Je vérifie rapidement les muqueuses, les nœuds lymphatiques, je sais que je ne devrais rien trouver, mais si je me focalise trop vite sur le ventre, je risque de passer à côté de quelque chose. Auscultation cardio-pulmonaire, tout va bien.

Température : 39.6°C

"Elle a d'la fièvre, docteur ?
- Oui, un peu..."

Je palpe l'abdomen.

*scritch*

"Comment ça, scritch ?
- Pardon, docteur ?"

Je me rends compte que j'ai parlé à haute voix.

"M'enfin ?"

Je reprends ma palpation abdominale.

*scritch scritch scritch*

Merde alors. Un genre de boudin de trois centimètres de diamètre dans toute la partie postérieur de l'abdomen, je peux facilement le faire rouler entre mes doigts, tout doucement, la texture est étonnante.

*scritch scritch scritch*

J'alpague Olivier qui passait dans la pièce d'à côté, histoire qu'il me donne son avis.

"Abattement, vomissements, un peu de fièvre, douleur abdominale, et ça. Palpe un peu pour voir ?"

Il ouvre de grands yeux.

"De l'éponge ?
- Moi je pense plutôt à de la paille de fer, ou un os spongieux explosé, genre une tête de fémur de boeuf. Il me semble que la texture est plutôt... minérale.
- Mais ça fait un bruit d'éponge."

Là, je vois que le propriétaire a du mal à suivre.

"Tiens, mettez votre oreille à côté de son ventre, et écoutez. Je palpe."

*scritch scritch scritch*

"Ben, c'est quoi ?
- Bonne question... je vais aller voir par la sortie si je peux toucher ce truc. Elle a tendance à manger n'importe quoi cette chienne ?
- Ben non, sa fille oui, mais elle non, elle a passé l'âge !
- Apparemment elle fait une crise de jeunisme..."

J'ai fini d'enfiler mon gant, et, sous le regard offusqué de Zaza - la chienne - j'essaie de toucher ce... truc. Je l'ai au bout du doigt, c'est effectivement de l'os, ou du gravier, j'arrive à en faire venir un fragment jusqu'à l'anus. Des matières fécales, du sang, et du gravier. Du tout petit gravier.

"N'importe quoi. Allez, on file en radio voir l'étendue du bazar."

Quelques minutes plus tard, la radio est fixée : trente centimètres de boudin de gravier dans la fin du tube digestif de la chienne. On ne saura jamais pourquoi elle a mangé ça. Une charogne roulée dans le gravier, la graisse d'un barbecue vidée dessus... En tout cas, ce n'est pas arrivé chez le propriétaire.

Mais comme c'est presque sorti, et que les cailloux ne sont pas trop abrasifs, avec un bon pansement intestinal, beaucoup de laxatifs, des antibiotiques et des antalgiques, ça devrait aller. Si ça se bouche, ce sera la table de chirurgie, et le chantier sera autrement plus difficile...

"Mais je comprends pas, docteur, comment un chien peut manger des graviers ? Normalement ça fait pas des idioties un chien adulte, la nature est bien faite non ?
- Ou pas... C'est la première fois que je vois une quantité pareille de graviers, mais des intestins perforés par des os de volaille, des occlusions avec des os, des ficelles, des éponges, des galets, des bouts de poupée, le coton de rembourrage d'une peluche, des tétines pour veaux..."

Si la nature était vraiment bien faite, j'aurais beaucoup moins de travail, hein...

samedi 12 juillet 2008

Leçon de choses

Astrée est sur la table, tremblante dans les bras de sa maîtresse, une jeune femme blonde qui a décidé qu'une portée, c'était bien assez.
Les chiots à la maison, c'est vraiment une expérience inoubliable : je me rappelle des échographies de suivi de gestation, de la radio quelques jours avant la mise-bas, quand, sa fille de 6 ans dans les bras, elle comptait avec moi les crânes et les colonnes vertébrales.

Salle noire, négatoscope : "Huit, maman !"

Pendant les échographies, elle dessinait des bébés sur mes certificats de vaccination antirabique. Une manière comme une autre de finir le stock de paperasses...

Les chiots à la maison, donc, c'est vraiment le paradis. Sauf si la mise-bas se complique et que, finalement, les bébés naissent à la clinique.

"Enfin, une autre portée, avec un chien choisi cette fois, ce serait bien, je connais un groenendal magnifique... Là, j'ai vraiment fait tout ce que j'ai pu, mais le braque d'un voisin a défoncé le grillage."

Aujourd'hui, donc, on fait avorter Astrée.
Pas de problème : la chienne est jeune, en bonne santé, et nous avons désormais à disposition d'excellents produits qui n'ont, pour ainsi dire, aucun effet indésirable, sauf sans doute pour le portefeuille.

La première étape, c'est un examen gynécologique. Astrée est donc sur la table, tremblante dans les bras de sa maîtresse. Elle n'était pas trop pour l'avortement, mais elle se plie à la réalité d'une gestation indésirable, quand la précédente a failli tuer sa chienne.
Pendant ce temps, sa fille découvre les ordonnances à papier carbone et les tampons. Sa mère tente donc de la canaliser un peu en l'intéressant à la consultation :

"Tu vois, le docteur va faire une piqure à Astrée pour qu'elle n'ait pas de bébés.
- Pourquoi ?"

Bouche en cœur, boucles blondes, sujet glissant.

"Parce que la dernière fois elle a été très malade et qu'il ne faut pas qu'elle en fasse cette fois."

Sa mère répond du tac au tac, simple et efficace. J'avais déjà apprécié sa gestion de la gestation d'Astrée et de ses complications, même si l'enfant est parfois difficile à calmer.

Moi, avec mon speculum et ma lampe frontale, je vérifie que les chaleurs sont bien terminée et qu'il n'y a rien d'anormal là-dedans.

"Dis docteur, tu fais quoi ?
- Je regarde si Astrée est encore en chaleurs. Et tu vois, ce n'est plus rouge, ça veut dire que c'est fini.
- Pourquoi ?
- Parce que quand elle est en chaleurs, c'est rouge, il y a des gouttes de sang.
- Et ça, c'est quoi ?"

Je lance un regard interrogateur à sa mère, sourcil levé.
Elle me répond avec un grand sourire et un haussement d'épaules, une façon de me dire "débrouillez-vous".

"Ca, c'est le vagin.
- Ca sert à quoi ?
- C'est par là que sortent les bébés."

Je n'ai pas d'enfants, mais je trouve que je ne m'en sors pas si mal, non ?

"Et ça c'est quoi ?"

Doigt pointé, précis.

Je retiens un rire.

"Ca, c'est le clitoris."

J'interromps l'enfant avant la question fatidique :

"Ta maman t'expliquera à quoi ça sert, hein ? Moi, je vais faire sa piqure à Astrée, mmmh ?"

samedi 28 juin 2008

Solitude

Jour 1

Il est 18h45. Dans quelques minutes, la clinique va fermer ses portes. Je suppose que je serai parti... d'ici une heure ?
Je suis assis dans la courette du chenil, à même le sol, sur le carrelage.
Mon regard se perd dans le vague. Devant moi, il y a le grillage et, derrière, la forêt.
Dans ma main droite, il y a le téléphone, que je viens de raccrocher. Une cavalière inquiète pour sa jument.
A ma gauche, tout contre moi, il y a Loulou.

Loulou, c'est un bâtard de chien de chasse à poil dur, du genre pas trop identifiable. Il a presque 14 ans. La dernière fois que je l'ai vu, c'était il y a environ un an, pour une crise d'insuffisance rénale aiguë sur fond chronique. Incurable, mais, pour une fois, la perfusion avait bien fonctionné, et la machine était repartie. Loulou n'allait pas si mal, et, cahin-caha, il vivait sa petite vie de chien de chasse retraité.
Les propriétaires de Loulou me l'ont amené vers 15h.
Un peu chancelant, mal assuré. Déshydraté. En légère hypothermie, malgré la température étouffante. Il y a des ulcères atones en regard de ses crocs, sur la muqueuse de ses gencives. Il ne mange plus depuis deux jours, et ne boit plus beaucoup. Je n'ai pas besoin d'analyses, mais les maîtres de Loulou, oui, pour mieux appréhender la réalité.
Ses urines sont diluées, alors qu'il ne boit plus assez, au point de se déshydrater. Elles sont bourrées de protéines qui n'ont rien à faire là. L'analyseur biochimique refuse de me donner ses valeurs d'urémie et de créatininémie : trop élevées.
Loulou va mourir.
Il n'y a aucun espoir.

Le maître de Loulou s'est mordu la lèvre, sa moustache a tremblé. Les yeux de sa femme étaient rouges alors que j'évoquais l'euthanasie. Loulou, c'est le vieux briscard de la meute, celui qui a tout traversé, et même survécu à une crise d'urée. La première.
Ils ne sont pas prêts à accepter sa mort : après tout, la dernière fois, ça a bien marché. Il y avait des larmes derrière ses lunettes lorsqu'il m'énonçait cet espoir.
Je l'ai balayé d'une voix désolée.
Parce qu'ils me l'ont demandé, je vais garder Loulou, et le perfuser.

Trois jours. Pas plus.

Il y a 20 minutes, Francesca, notre ASV, s'est précipitée dans ma salle de consultation. "C'est Loulou, ça ne va pas du tout !" Sa voix tremblait. J'ai compris quelques minutes plus tard qu'elle s'en voulait de ne pas avoir entendu ses gémissements à cause du jet d'eau dont elle se sert pour nettoyer les cages. Loulou était dehors, dans la courette.
Le chien semblait plus ou moins convulser, tout en tentant de rester debout. Lorsque j'ai posé ma main sous sa gueule, il s'est appuyé de tout son poids. Il tremblait.

Il tremblait comme un perdu.

Il paniquait.

Je l'ai couché délicatement, puis je lui ai débouché sa perfusion, tout en rassurant Francesca. Elle culpabilisait.

Loulou va mourir. Mais peut-être pas tout de suite.

Je me suis assis dans la courette, près de lui. Contre moi, à ma gauche, il y a Loulou, dont les antérieurs pédalaient dans le vide.
Il tremblait.
Il mâchonnait.

Il est comme un très vieil enfant perdu dans le noir, loin de ses maîtres, qui sont partis en pleurant leur compagnon.

"On est bête avec ces animaux".

Loulou est tout seul. Alors je m'assieds contre lui, je pose ma main sous son oreille, et je le caresse, fermement. Je lui parle, d'une voix grave et posée, sur un ton rassurant.
Juste quelques mots.
Quelques mots simples. Quelques mots idiots.
Les tremblement diminuent doucement, les antérieurs pédalent moins vite.
Sa respiration s'apaise. Il m'entend. Il comprend mes caresses.
Je ne peux rien pour lui. Juste l'accompagner, alors je reste là, et je lui parle, pour ne rien lui dire. Il n'y aura pas de médicaments.
Lorsque le téléphone sonne, le chien respire paisiblement. Je rassure la cavalière. Je sais qu'il m'entend. Je raccroche.

"Là Loulou, là..."

Passent les minutes.

Je suis si fatigué.

Loulou va mourir. Mais il remue la queue au rythme de ma main gauche.

Lorsque je me relève, il tente de me suivre, et je l'accompagne jusqu'à sa cage, où il s'allonge comme une masse.

Il ne passera peut-être pas la nuit.

Jour 2

Ce matin, Loulou s'est levé. Il m'a entendu lui parler, et je me suis accroupi devant lui. J'ai passé mes doigts à travers la grille, sans le toucher. Il voit, mais il ne me regarde pas. Il ne regarde plus rien.

Il refuse de manger, alors, j'ouvre la cage et tente de lui donner à boire. Il n'en a pas besoin, mais... Loulou s'intéresse à la gamelle d'eau, renifle la surface, plonge la truffe, il ne lape pas. Il ressort le museau mouillé de l'eau, et éternue.
Il se remet à mâchonner.

J'ai tenté de donner à manger à Loulou. Peine perdue. Même de force, c'est inutile : il vomit aussi vite que je le gave, malgré les anti-émétiques.

...

Je suis repassé dans le chenil. Il se tenait debout, un frisson a parcouru son épine dorsale.

Il attend.

...

La clinique va fermer. Loulou se tient couché, la tête posée à la verticale, dans un coin de la cage.
Quelques minutes plus tard, mes médicaments ont soulagé la douleur.

Il a tourné la tête vers moi quand je l'ai caressé. Je ne suis pas sûr qu'il m'ai regardé. Pourtant, il voit.

Jour 3

Cela fait deux fois que Loulou s'urine dessus, malgré les sorties régulières. Il pisse comme un chiot, debout, les quatre pattes posées. Toujours aussi chancelant.
Il n'y a aucune amélioration, mais cela n'empire pas non plus.

Je couche Loulou dans l'herbe, au pied de la forêt. J'enfile mes gants, j'ai l'impression que le temps ralentit. Une douchette au bout d'un tuyau, une bouteille de shampooing, je lui frictionne le bout des pattes, puis toute la cuisse droite. Mouvements lents, ma voix est grave, presque lancinante. Je lui nettoie le fourreau, puis tout l'abdomen. Le périnée, puis l'autre cuisse, après un demi-tour sur le dos. Il se laisse faire, tente vaguement de se redresser lorsque je lui shampooine un antérieur. Je suis sidéré par la douceur de cette douche.

Vient le temps du séchage, il fait si chaud !
Je relève Loulou, il tient vaguement sur ses quatre pattes et se prête avec complaisance à mes frictions, j'ai presque l'impression de le retrouver. Son regard s'est posé sur moi lorsque je l'ai appelé.

Suivant mes traces, il retourne s'effondrer comme une masse dans sa cage.

Pas d'eau, pas de nourriture, il refuse tout.

Que faisons-nous ?

Jour 4

Cette fois-ci, Loulou n'a pas passé une bonne nuit. Malgré le caillebotis, il s'est roulé dans sa diarrhée, ses premières selles depuis qu'il est arrivé. Il est couvert de merde jusqu'au-dessus des oreilles. Il se tient debout, frémissant.

Il attend.

Blouse.

Gants.

Bottes.

Je prends Loulou par la peau du cou, et le ramène dans la courette, au pied des arbres. Il semble guilleret un instant, puis s'effondre.

Je sais qu'aujourd'hui, Loulou va mourir. Je vais lui faire une prise de sang, les paramètres seront encore pire. Ensuite, je téléphonerai à ses propriétaires, et je leur dirai qu'il est temps. Puis je le tuerai.

Loulou est couché sur le flanc gauche. Malgré mes perfusions, il reste déshydraté. Je me rends compte qu'il a fondu.

A nouveau, je passe doucement la douchette sur son pelage rêche et collant, la boue diarrhéique s'écoule entre ses poils, ruisseaux bruns sur un carrelage blanc. Cette fois-ci, je ne parle pas. Il n'y a plus rien à dire. Je verse le shampooing, je ne sens même pas son odeur. Je me rends compte que, comme d'habitude, mon réflexe de respiration buccale a pris le dessus dès l'ouverture de la porte du chenil.
Je m'assieds. Ou plutôt : je tombe sur mes fesses. Puis je prends une grande inspiration. Une inspiration nasale. L'odeur est incongrue, quand se mêlent la douceur du shampooing et le parfum de la merde.

Je reprends la toilette de Loulou, qui tourne sa tête vers moi d'un air offensé lorsque je lui nettoie le périnée, l'anus et la queue. Le poil blanc prend une teinte plus conforme à sa nature, et je continue mes caresses. Cuisses, fourreau, abdomen, le dos est épargné. Je me rince les mains, puis lui nettoie les oreilles. En connaisseur, il apprécie le massage du conduit auditif. Par contre, il ne semble pas du tout goûter le rinçage des babines et du museau. A nouveau, il mâchonne.

D'ici une heure au plus, je le tuerai.

En attendant, je le rince, puis le sèche à nouveau avant de l'allonger au soleil. Il pousse un soupir de soulagement, presque un ronronnement.

Prise de sang. Il est encore humide, mais je pose un garrot sur son antérieur droit, mon aiguille s'enfonce sans erreur dans sa veine céphalique. 3 millilitres d'un sang noir, mais fluide. Loulou ne bronche même pas, il lève à peine la tête.

L'analyseur a commencé son travail. Plus que trente minutes.

Dehors, au soleil, Loulou s'est mis à japper comme un chiot. Je délaisse le petit laboratoire pour m'accroupir à ses côtés, je prends sa gueule entre mes doigts, il s'appuie instantanément. Je suis sûr qu'il ronronne.

L'analyseur a émit son bip fatidique. J'ai mal aux genoux en me relevant, un souvenir des vaches.

C'est pire qu'il y a trois jours.

Loulou va mourir.

"Madame Colombe ? Pardonnez-moi de vous déranger, c'est le cabinet vétérinaire. Je suis désolé, je vous appelle plus tôt que prévu, mais je viens d'avoir le résultat de l'analyse. Comme je le craignais, cela n'a servi à rien.
Comme d'habitude, j'aurais préféré me tromper.
Et puis... il perd doucement les pédales. Souvent, il agit comme un chiot.
Non, il ne mange toujours pas.
Non, je ne sais pas s'il souffre, mais je pense qu'il a des crises d'angoisse, il est perdu. Il faut arrêter, madame.
Oui.
Oui.
Je m'en occupe.
Il ne souffrira pas : je vais l'endormir, puis le second produit arrêtera son coeur.
Nous garderons le corps, vous pourrez venir le chercher quand votre mari rentrera.
Oui. Vous pourrez l'enterrer."

Je pose le combiné, je me relève. La porte du frigo, les anesthésiques. L'euthanasique dans son armoire fermée à clef. Quelques seringues. Olivier me jette un regard, je lui tends l'analyse. Il n'y a rien à dire.

Je m'assieds aux côtés de Loulou. Il relève la tête, et me regarde.
Finalement, je vais me mettre face à lui. Ses yeux semblent perdus au fond de puits obscurs, ses troisièmes paupières voilent son regard, Loulou va s'en aller. Je suppose que la clinique va continuer sa vie pendant ce temps, mais Francesca a fermé la porte de la courette.

J'ai disposé les seringues à côté de moi. Cette fois, ce sont les dernières caresses, Loulou. Je ne pleure pas, mais je me sens lourd. Sa tête est posée entre mes mains, mes doigts jouent avec la base de son oreille, je sais qu'il adore ça. Sa queue remue faiblement. Quelques minutes.

De ma main droite, je libère le cathéter et débranche le tuyau. Ma main gauche reste contre sa tête. Je branche la première seringue, et pousse doucement le piston.

Je reprends la tête de Loulou entre les mains. "Ca va aller, Loulou, ça va aller." Pas un son ne sort de ma bouche, mais c'est tout comme. Si j'avais parlé, je pense que j'aurais croassé. A la place, je bourdonne un peu, gravement, sans vraiment articuler.

Sa tête se fait de plus en plus lourde. Il soupire, son regard ne semble pas changer. Alors, je pose délicatement sa gueule par terre, puis j'injecte le contenu de ma deuxième seringue.

Un nouveau soupir.

Je mettrais son corps dans un grand sac blanc.

Un peu plus tard.

Loulou est mort.

jeudi 26 juin 2008

Loi du 20 juin 2008 sur les chiens dangereux.

Ca y est, la loi renforçant les mesures de prévention et des protection des personnes contre les chiens dangereux a été promulguée. Revue de détail.

Rappel des épisodes précédents :

Si vous avez un peu suivi, toute une catégorie de ce blog est dédiée aux chiens dits dangereux. Pour les plus intéressés, vous pouvez tout lire. Pour les autres, je vais récapituler rapidement.

A l'origine était la loi du 6 janvier 1999 sur les chiens susceptibles d'être dangereux, qui donna une existence légale au pitbull et tenta de trouver une solution de bon sens au problème : tous les stériliser, pour les faire disparaître, et punir les maîtres qui se promèneraient avec les survivants sans faire attention. On découvrit ainsi deux catégories de chiens dits dangereux, on réprima, et... on constata que ça ne marchait pas. On avait toujours de nouveaux pitbulls sur le marché, puisque le Journal de Mickey avait menti.
Le Journal de Mickey ? Oui, vous savez, Pat Hibulaire et autres brigands ont toujours un bandeau noir avec deux trous sur les yeux (on dit un loup, non ?), ça permet de comprendre qu'ils sont méchants. Le législateur aurait bien aimé qu'il en soit de même avec les chiens, et les pitbulls semblaient parfaitement coller au rôle. Idée splendide : en les stérilisant, ils disparaîtraient. Sauf que... un pitbull n'est finalement qu'un avatar raté de super-vilain et qu'un chien n'est pas génétiquement méchant. En plus, en croisant un boxer et un fox terrier, ou un labrador, ou à peu près n'importe quoi, on obtient un magnifique pitbull tel que défini dans la loi, et potentiellement aussi méchant que Pluto. Vous savez, l'ami de Mickey. Ou son chien. Bref.

Ca n'a pas marché. On a bien bidouillé un peu la loi ensuite, mais ça n'a pas été beaucoup mieux.

D'ailleurs, un gamin ou deux se sont fait manger par des chiens qui n'avaient pas leur bandeau noir. Il faut dire qu'entre 1989 et 2007, seules 5 décès sur 28 sont imputables à des chiens de catégories. Pour 23 provoquées par d'autres canidés ayant oublié de porter leur bandeau : des bergers allemands, des husky, un jagd terrier, etc. (et 6 qui n'ont pas été précisés). Et au-delà des morts, accidents dramatiques et spectaculaires, il y a aussi toutes les morsures qui restent généralement inconnues du grand public. Parfois, la presse et le président s'ennuient et s'éveillent soudain, promettant moultes répressions et punitions aux vilains porteurs de bandeaux. Ah zut, il ne portait pas de bandeau, celui-là.

Alors on s'est dit qu'on allait tous les euthanasier, tiens, les vilains pits et les Mirza qui avaient juste un peu une sale tronche. Un conseiller de bonne volonté a expliqué à la ministre que, par exemple, un croisement de labrador et de boxer ça donnait un pit, alors elle s'est dit qu'elle allait interdire ces liaisons accouplements dangereux, et surtout leurs produits (interdire, avec des chiens, ça veut dire tuer). Manifestement, le conseiller ne s'était pas bien fait comprendre. Puis finalement, ça n'a pas semblé très raisonnable, alors les débats ont avancé.

Le texte a fait des aller-retours entre le Sénat et l'Assemblée, subissant de nombreuses ajustements très importants. Les vétérinaires, notamment par l'intermédiaire de l'association Zoopsy, ont réussi à prouver que la profession pouvait s'impliquer dans le volet préventif,

Dans ces navettes, un observatoire des comportements canins, chargé de fournir des statistiques exploitables sur les morsures et autres impacts du chien dans la société française a joué le serpent de mer entre les deux chambres.
Le volet répressif s'est alourdi.
L'idée d'abandonner la catégorisation obsolète en fonction du bandeau noir n'a malheureusement pas été retenue, mais au moins les catégories n'ont pas été étendues.
Certains ont soutenu l'idée de catégoriser la dangerosité des chiens en fonction de leur poids.
L'idée d'évaluer le comportement du chien et de former le maître a été évoquée, puis retenue. Les conditions d'un détention d'un chien de garde par un professionnel du gardiennage ont également été définies.

La loi du 20 juin 2008

Je vous rappelle que vous pouvez trouver l'intégralité de ce texte sur Légifrance. J'ai déjà commenté une version assez aboutie de ce texte dans ce billet, consacré à la deuxième lecture au Sénat. Enfin, cette loi vient compléter celle du 6 janvier 1999, dont je parle ici, n'hésitez pas à vous y référer.
Le dernier rapport de Mme Vautrin, pour la commission mixte paritaire, détaille de façon intelligible les différents articles de la loi en précisant certains arguments des divergences entre l'Assemblée et le Sénat. Je reprends l'essentiel dans un ordre qui me semble plus logique.

Un observatoire du comportement canin

Il est institué, auprès du ministre de l'intérieur, des ministres chargés de l'agriculture et de la santé, un Observatoire national du comportement canin.
Un décret définit les conditions d'application du présent article.

Évidemment, le décret n'est pas paru. L'idée est de fournir des données et une structure capable de propositions dans le cadre de la lutte contre les chiens dits dangereux, mais aussi, plus largement, sur la place du chien dans notre société. Cette structure, souhaitée par le Sénat, était refusée par les députés qui craignaient, comme Authueil, une énième usine à gaz. Ou à pétrole, parce que c'est plus cher. A mon avis, cette structure est nécessaire, j'espère qu'Authueil se trompe et qu'elle sera productive.
Il faut quand même savoir que l'on légifère et argumente sans avoir de donnée fiable sur la dangerosité des chiens, sur le nombre de morsures, sur l'impact des lois précédentes, etc... Certaines mauvaises langues argueront que c'est une habitude de procéder ainsi, mais je ne serai pas fâché d'avoir des données sérieuses là où règne un mélange de bon sens (et je me méfie du bon sens), d'expérience empirique et un fatras de chiffres contradictoires.

L'obligation de déclarer les morsures

Les professionnels, dont je fais partie, devront passer outre le secret professionnel et déclarer au maire les morsures dont ils auront connaissance, même les plus minimes. Cette déclaration déclenchant éventuellement une action du maire dont vous allez découvrir les détails ci-après...

Une formation pour les maîtres de chiens considérés comme dangereux

Une des nouveautés de cette loi est de prendre en compte les chiens ayant déjà mordu, même légèrement. Les maîtres de ceux-ci, comme ceux des chiens des catégories créées par l'article L. 211-12 de la loi du 6 janvier 1999, devront suivre une formation dispensée par des éducateurs canins agréés.

Le rapport précise que :

La formation durerait une journée. Une partie théorique permettrait d’approfondir des connaissances sur le chien, son éducation, et les réseaux d’aide à l’éducation canine, ainsi que les règles fondamentales de sécurité relative à la garde de l’animal dans les espaces publics et privés. Lors d’une partie pratique, le propriétaire ou détenteur devra démontrer sa capacité à savoir faire marcher un chien à ses côtés et à le maîtriser, à savoir se faire obéir à des ordres élémentaires, savoir poser correctement une muselière, et maîtriser le comportement du chien en présence d’autres chiens et de leurs maîtres.

La formation sera à la charge du maître.

Une évaluation comportementale

Les chiens considéré comme dangereux, donc, par défaut, ceux des catégories 1 et 2 comme ceux qui auront déjà mordu (même légèrement !) devront passer par une évaluation comportementale. dans le dernier cas, ce sera donc éventuellement sur demande du maire. L'idée est de prendre en charge les chiens présentant des comportements agressifs même modérés afin d'éviter les véritables drames, car le bon sens et l'expérience (mais aucune donnée statistique ou validée, suivez mon regard vers l'observatoire) nous indiquent que les chiens qui ont mordu gravement avaient déjà fait preuve de comportements anormaux avant, comportements qui auraient du déclencher une alerte.

Notez que les sénateurs voulaient mettre en place un seuil de poids au-dessus duquel l'évaluation aurait été obligatoire en raison de la gravité supérieure des morsures des gros chiens. Ce critère a été abandonné, avec les justifications suivantes :

Les différents acteurs de la filière canine ne sont pas unanimes sur le poids critique. Le seuil de 30 kilogrammes, souvent évoqué, permettrait d’englober près du quart de la population canine. Mais de nombreux chiens considérés comme dangereux, appartenant aux catégories 1 et 2 notamment sont bien moins lourds. Un seuil plus bas concernerait un trop grand nombre de chiens, faisant peser des contraintes excessives sur leurs maîtres. Un tel dispositif serait sans doute inopérant, faute d’un nombre suffisant de professionnels qualifiés pour effectuer les évaluations comportementales. On ne peut pas non plus faire abstraction du risque de mauvais traitements de certains propriétaires de chiens qui ne les nourriraient plus assez, afin de maintenir leur poids en dessous du seuil réglementaire. Or on sait bien que ces mauvais traitements augmentent la dangerosité des chiens. Enfin, un tel seuil risque d’augmenter encore les abandons d’animaux.
En outre, comme l’indiquait le ministre de l’Intérieur, si le poids de référence était fixé à 30 kg, plus de 2 millions de familles seront concernées. Le contrôle de l'efficacité de cette mesure sera donc extrêmement difficile.
Votre rapporteur estime que l’article 4 apporte déjà une solution à ce problème, en soumettant à évaluation comportementale tout chien mordeur : les morsures sérieuses sont en général précédées de petits incidents. Si les chiens sont mis sous surveillance et leurs maîtres responsabilisés dès ce stade, cela doit permettre de prévenir les morsures dangereuses.

L'évaluation sera à la charge du maître.
Je reprendrais ultérieurement ce point spécifique qui concerne la profession vétérinaire dans un billet dédié.

Une augmentation des pouvoirs des maires

Dans le prolongement de la loi du 6 janvier 1999 et de l'extension du pouvoir des maires avec celle du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, le maire peut (et va) réclamer une évaluation comportementale puis une formation du maître pour tout chien ayant mordu, s'il ne choisit pas, comme il peut déjà le faire en cas de "danger grave et immédiat", de le placer dans un lieu de dépôt et, le cas échéant, et après avis (consultatif) d'un vétérinaire, de faire procéder à son euthanasie. Notons que rien ne définit un danger grave et immédiat...

Un permis de détention des chiens de première et deuxième catégories

Les détenteurs habituels de chiens de première et seconde catégories devront posséder un permis de détention réunissant les anciennes obligations (vaccination, assurance, etc) et les nouvelles, décrites ci-dessus. Ce permis sera délivré par le maire, qui pourra le refuser si le chien est considéré comme dangereux lors de l'évaluation comportementale (ou pour d'autres raisons d'ailleurs).

Le permis ne sera pas obligatoire pour les gens qui détiendront temporairement le chien, comme vos parents si vous leur laissez votre rottweiler pour le week-end. Par contre, dans ce cas, vous serez responsable de votre chien. L'idée est de responsabiliser les maîtres.

Je reprendrai les détails de ce permis dans un autre billet.

Un suivi administratif des animaux dont l'identification est obligatoire

Ou, le retour de Big Brother.

La collecte et le traitement des données ainsi que l'échange d'informations entre les structures professionnelles et la base de données nationale d'identification des animaux sont indispensables pour permettre le fonctionnement du dispositif de traçabilité des animaux et pour assurer une meilleure connaissance des filières.

Mouais. Fichons, fichons.

Les chiens de gardiennage

La loi prévoit toute une série de mesures concernant ces professionnels afin de s'assurer de leur qualification. D'importantes mesures répressives sont déployées afin d'obliger les employeurs de ces agents à assurer et contrôler la formation de leur personnel.
Je ne développerai pas ce point plus avant, à moins qu'il y ait des personnes intéressées ?

Renforcement des sanctions

Sur le modèle des accidents de la route, les accidents provoqués par les chiens entraînent pour leur maître des peines graduées qui peuvent être extrêmement lourdes. Maître Eolas, avocat, a déjà dit ce qu'il en pensait par ici, ou encore , et moi par là.

Mise en place des mesures

Elle sera progressive, jusqu'en décembre 2009. je reprendrai le calendrier dans les billets sur le permis de détention ou l'évaluation comportementale, mais vous pouvez le trouver ici.

Mon avis

Mon premier regret, c'est le manque de courage du législateur qui ne va pas au bout de son raisonnement et n'abandonne pas les catégories créées par la loi du 6 janvier 1999, qui ont largement prouvé leur inadéquation avec la réalité.

Mon second regret, c'est l'importance du volet répressif, qui, à mon sens, n'améliorera pas la situation. D'autant que les pouvoirs du maire sont très étendus et peu susceptibles de recours... le vétérinaire aura un rôle central à jouer dans ses décisions, mais sera-t-il écouté ?

Par contre, dans les bons points, on prend en charge les chiens mordeurs dans un dispositif à la fois préventif (évaluation comportementale, formation) et répressif (puisque ces deux points peuvent déboucher sur des sanctions, jusqu'à l'euthanasie pour les plus dangereux).

On prend enfin en compte la nécessité de données fiables avec l'observatoire du comportement canin.

Cependant, je pense sincèrement que cette nouvelle loi est inadéquate. Notamment avec la persistance des catégories. En réalité, avait-on vraiment besoin d'elle ? Il me semble que la loi aurait pu se résumer aux mesures concernant les chiens ayant mordu, avec évaluation et formation, et que tout le reste aurait pu être oublié... tout en abrogeant la loi de 1999.
Je me dis cependant que les choses auraient pu être bien pires, surtout pour une loi lancée sur un fait divers. J'apprécie que les professionnels, vétérinaires comme éducateurs, aient pu la faire évoluer dans le bon sens.
Alors je ferai avec, je réaliserai des évaluations comportementales et des diagnoses de catégories, et je soupirerai en entendant une dame m'expliquer qu'il faudrait tous les euthanasier, ces piteboules, tandis qu'elle caresse, d'une main distraite, le pit qui est venu lui dire bonjour au comptoir (ne riez pas, ça m'est arrivé).

lundi 16 juin 2008

Brossez-vous les dents !

Si un jour vous devez convaincre un enfant de se brosser les dents, montrez lui cette photo.

Pour information, celles-ci ont été extraites de la gueule d'un caniche d'une dizaine d'années. Pour éviter d'en arriver là, ou en tout cas réduire les risques, vous pouvez aussi éviter de lui donner n'importe quoi à manger, lui fournir une alimentation stable, lui donner des bâtons ou des trucs plus coûteux à mâcher, voire lui brosser les dents.

Brossez-vous les dents

Ah, il n'y a pas que des dents, il y a aussi des écailles de tartre, et bien sûr vous ne pouvez pas voir les abcès que nous avons ouverts ni les fistules vers les sinus maxillaires...

vendredi 6 juin 2008

IRC

IRC...

Pour la plupart des gens, ça ne doit pas évoquer grand chose. Les geeks penseront Internet Relay Chat, sans doute.

Pour les vétérinaires (comme les médecins), et un certains nombre de maître, l'IRC ce serait plutôt l'Insuffisance Rénale Chronique, première cause de mortalité du chien ou du chat âgé qui serait passé au travers des autres saletés que peut lui réserver l'existence. Pour résumer, et si l'on exclut les cancers, pour nous autres humains, c'est notre cerveau ou notre coeur qui seront les premiers organes à montrer de sérieux signes de défaillance, et, finalement, dont les dysfonctionnement causeront notre agonie, puis notre mort.

Pour les carnivores domestiques, ce sont les reins. Quand je parle des reins, je parle de ces deux stations de filtration/épuration/recyclage ultra-modernes et performantes qui permettent d'évacuer tous les déchets produits par le fonctionnement de notre organisme. Je ne parle donc pas des "reins" comme lorsque l'on dit "j'ai un tour de reins", où là, on évoque plutôt la musculature et les vertèbres lombaires, situées juste en regard des "vrais" reins. Je préfère préciser tant la confusion est fréquente.
Les reins, ce sont des organes vitaux. On ne peut pas vivre sans eux.
Les lombes, c'est pénible quand ça craque et que ça fait mal. La douleur, je ne la souhaite à personne, mais on peut vivre avec.

Formulons-le autrement : l'espérance de vie de votre chien ou de votre chat est suspendue à ses reins.

Chaque cellule de notre organisme fabrique des déchets. Comme une voiture, comme une usine, comme tout ce qui construit ou produit de l'énergie. Et le rendement de la machine biologique est particulièrement mauvais, ce qui fait du foie et des reins des organes incontournables dont la mission principale (en tout cas pour les reins, le foie fait pas mal d'autres choses) est de balancer aux ordures (l'urine et les selles !) tout ce qui ne sert à rien, et, surtout, tous les déchets toxiques. Car oui, nous fabriquons du poison, des quantités invraisemblables de bouts de protéines, d'acides, de trucs pas trop identifiables auxquels nos cellules accrochent un panneau "jetez-moi" pour indiquer au rein ou au foie de virer ces saletés. Un système certes peu rentable mais terriblement efficace.

Les reins, en fait, sont deux stations rassemblant des centaines de milliers de petites unités de filtration/recyclage que l'on appelle des néphrons. Leur boulot, c'est de fabriquer l'urine primitive en filtrant le sang grâce à un tamis assez peu sélectif mais très fin, à travers duquel passent les plus petites molécules sanguines. Les poids lourds du sang, comme le cholestérol, les globules rouges, ou les anticorps, ne passent pas ce filtre et ne vont donc pas dans les urines. Le reste, comme les minéraux, les toutes petites protéines et les déchets inclassables de petite taille, filent dans les urines. Un certain nombre de molécules importantes sont récupérées pour ne pas être balancées, comme les minéraux.

Comme je vous le disais, nous naissons avec des centaines de milliers de néphrons. Bien plus que nous n'en avons besoin, en réalité ! La marge de manœuvre est immense, sauf que... un néphron mort est définitivement perdu. Il ne repoussera pas, ne sera pas réparé, il sera perdu.
Et nous perdons des néphrons dès le premier jour de notre vie. Chez les humains, il se trouve en général que nous mourrons avant de ne plus en avoir assez.
Pour le chiens et les chats, ce n'est pas du tout la même chanson... eux, généralement, sont encore en vie lorsqu'il ne reste plus qu'un tiers du nombre de néphrons qu'ils avaient à l'origine. Lorsque ce tiers fatidique est atteint, un système d'alerte retentit dans le corps et la cadence des néphrons restant est augmentée pour permettre de garder le sang pur. Une alerte qui permet, entre autres, d'augmenter la tension artérielle à l'entrée des reins pour augmenter le débit de filtration. Le souci, évidemment, c'est que les tamis des néphrons ne sont pas faits pour être passé bien longtemps au kärcher de l'hypertension. Du coup, ils s'usent encore plus vite. Lorsqu'il ne reste plus que 25% des néphrons, les reins peuvent devenir incapables d'assurer leur travail. Du jour au lendemain. Sans prévenir. Et l'organisme de votre chien, de votre chat, va commencer à s'empoisonner doucement. Ou brutalement.

Heureusement, il y a des signes avant-coureurs. Lorsque le chien ou le chat flirte avec les 33%, des premiers signes d'alerte peuvent être décelés. Comme un coup de fatigue, un "coup de vieux". Une tendance à boire plus, mais très progressive : votre chien ou votre chat boit plus pour pouvoir uriner plus, filtrer plus... Un appétit plus capricieux, aussi. Une difficulté à supporter les temps chauds et humides, la forte pression atmosphérique avant l'orage. Des toutes petites choses qui peuvent ne rien signifier mais qui, mises bout à bout, doivent vous alerter. Surtout l'augmentation de la quantité d'eau bue, qui s'accompagne d'une dilution des urines. Attention ! Je ne dis pas que ses urines vont devenir comme de l'eau, ou même qu'elles vont s'éclaircir, seul un réfractomètre pourra donner leur densité exacte.

Une densité nettement inférieure à 1.020 sans raison particulière, c'est LE signe d'alerte biologique. A ce stade, les marqueurs sanguins sont encore normaux, la prise de sang ne sert à rien : le corps s'adapte pour filtrer plus, dons le sang reste normal : les reins assurent leur fonction, en modifiant leur façon de travailler. A ce stade, il existe des traitements pour retarder l'inéluctable. Supprimer le sel pour réduire l'hypertension, administrer des anti-hypertenseurs, très efficaces, ou des molécules ralentissant la sclérose du néphron, ou réduisant la formation des déchets azotés. Choisir une alimentation spécialement conçue pour un insuffisant rénal, très digeste, avec très peu de déchets. Toutes ces thérapeutiques sont intéressantes, certaines sont primordiales (IECA et alimentation), d'autres sont secondaires. Mais aucune n'empêchera ce qui arrivera forcément un jour ou l'autre : on ne peut que ralentir la dégénérescence rénale, pas l'empêcher.

Jusqu'au jour où un effort trop important leur fera dépasser leur capacité, et les déchets s'accumuleront. Nous serons alors bien proches de 25% fatidiques.
Ce jour là, la concentration sanguine de l'urée et la créatinine, deux déchets qui servent de marqueurs biologiques de la filtration rénale, augmenteront. L'intensité de cette augmentation sera un indice intéressant de la gravité de la situation.
Votre compagnon commencera à s'intoxiquer sérieusement, et les symptômes seront d'ordre neurologique : vomissements, perte de l'appétit, de la soif, avec une déshydratation correspondante, pertes d'équilibres, voire modifications du comportement, angoisses nocturnes, aboiements, etc.

Ce jour-là, votre vétérinaire vous proposera sans doute d'hospitaliser votre chien, ou votre chat, et de le mettre sous perfusion. La perfusion va mécaniquement relancer le fonctionnement rénal en forçant la filtration, et donc abaisser les concentrations de déchets dans le sang, faisant diminuer la gravité des symptômes. Ce traitement pourra fonctionner, c'est le plus souvent le cas, mais il pourra aussi échouer. Dans ce dernier cas, et malgré les efforts de votre vétérinaire, l'état de votre compagnon va empirer.
Si le traitement marche, votre chien, ou votre chat, pourra rentrer à la maison. Votre vétérinaire vous prescrira certainement des mesures d'accompagnement, afin de retarder au plus la prochaine crise. Car il y aura une prochaine crise, une nouvelle crise d'insuffisance rénale. Six jours plus tard, ou six mois plus tard, ou plus ? Difficile à dire.

Face à cette nouvelle crise, votre vétérinaire vous proposera peut-être de recommencer la perfusion, sauf si l'état de votre compagnon était trop critique. Ce traitement pourra marcher à nouveau, ou pas.

Vous serez face à l'agonie de celui qui a vécu plus de dix ans avec vous, qui a partagé vos galères, vos bonheurs, votre enfance ou votre première petite amie. Il était peut-être là, sur le buffet, le jour où vous avez embrassé ce garçon pour la première fois. Il vous faisait peut-être la fête le jour où vous êtes rentré à la maison avec votre bébé, de retour de la maternité. Il lui a collé un gros coup de langue sur le nez, ce jour-là. C'est cet abruti de chien qui a bouffé vos chaussures, cette boule de poil qui était un chiot il y a si peu de temps... C'est cet andouille de chat qui vous a fait trébuché alors que vous portiez les verres en cristal de maman, qui a fait ses griffes sur le canapé en cuir tout neuf. Cette boule de poil qui courrait après les bouchons en liège que vous lanciez sur le parquet.

Vous allez souffrir. Et le vétérinaire ne pourra rien faire, je ne pourrai rien faire. Je comprendrai votre souffrance, parce que je l'ai vécue, parce que toutes les semaines, je vois une personne, comme vous, qui m'aura dit, en retenant ses sanglots : "c'était mon cadeau de mariage, mon mari est mort il y a deux ans."
"Il a accompagné les premiers pas de mon fils."
"Elle a accouché dans mon tiroir à petites culottes."
"Il adorait se frotter contre l'épaule de mon mari quand il était dans le fauteuil en train de lire son journal. Nous avons divorcé et le chat a gardé le fauteuil."
Moi, je retiendrai mes émotions, j'utiliserai le bouclier de l'empathie pour évoquer avec vous l'euthanasie.

Je ne serai pas indifférent, et vous serez en colère, ou effondré. Vous m'en voudrez, ou vous en voudrez à la vie, à votre compagnon qui vous quitte déjà. Puis vous accepterez, mais vous souffrirez. Cela, je n'y pourrai pas grand chose.

Mais votre chien, ou votre chat, souffrira aussi. Les poisons dans son sang le rendront nauséeux, anorexique, le feront vomir, lui feront perdre ses repères. Pas une douleur aiguë, une souffrance intense, mais une déconnection avec la vie. Et lorsque les perfusions ne marcheront plus, il sera temps de cesser, car le seul vrai traitement serait une greffe de rein, et aujourd'hui, aucun vétérinaire en France ne pratique cette intervention. Son heure sera venue.

Vous aurez sans doute à choisir l'euthanasie, car l'agonie par insuffisance rénale est généralement très longue et très douloureuse. Vous ne le trouverez pas mort, paisible, dans son panier, le matin en vous levant. Vous vous accrocherez à cet espoir car un ami vous a dit que, parce que sur internet vous avez lu que c'était arrivé, que certains étaient morts sans souffrir. Je le souhaite pour vous, pour lui, pour moi aussi. Mais je sais comment finit la majorité.
Des jours entre la vie et la mort, et personne ne peut souhaiter cela. Il aura peut-être de la chance, mais ne comptez pas dessus... J'ai trop souvent vu cette agonie et cette souffrance dans les yeux d'un chat ou d'un chien que son maître ne pouvait se résoudre à laisser partir.
Rappelez-vous : il est un stade ou nul traitement ne le soulagera. Ce jour là sera terrible.

Aujourd'hui, je n'irai pas plus loin, mais un de ces jour, je vous parlerai de Minouche, ou de Trompette, d'un chien de chasse ou d'un vieux matou. De ce que nous avons fait pour eux, de ce que nous n'avons pas pu faire pour eux. De leur vie, et de leur mort. De moi, de vous peut-être.

dimanche 1 juin 2008

Pourquoi vacciner mon chien ? (2/5)

"Bon, maintenant, vous avez compris ce que sont les vaccins et comment ils marchent."

La dame au labrador semble attentive. Pourtant, je lui ai déjà expliqué cela l'année dernière. Peut-être l'ai-je noyée d'informations, ce n'est évidemment pas simple...

"La quasi-totalité des vaccins des chiens sont des vaccins à agents atténués. Ils nécessitent deux injections à un mois d'intervalle, et un rappel annuel. Enfin, en général. On verra les exceptions et les évolutions au fur et à mesure...

Contre quelles maladies protège-t-on les chiens ?

Les cinq vaccins principaux

Il y a 5 vaccins principaux, que la plupart des vétérinaires réalisent simultanément : le "fameux" CHPPiL. Dans un flacon de vaccins, c'est ce qu'on appelle des valences.
Quatre sont destinés à prévenir des maladies virales, un une maladie bactérienne. Rappelez-vous qu'il n'y a pas vraiment de traitement contre une maladie virale, en tout cas pas de traitement simple et peu onéreux, comme les antibiotiques (qui ne tuent que les bactéries). On a donc tout intérêt à faire de la prévention puisque le traitement est soit hors de prix (et, selon les maladies, parfois inefficace), soit tout simplement impossible."

La dame au labrador prend le carnet de son chien, et regarde les étiquettes qui y sont collées depuis la première vaccination de son chien.

"La maladie de Carré (étiquette : c'est le C, ou le D pour Distemper) est une maladie virale qui s'attaque à plusieurs organes simultanément ou successivement, et finit par causer une encéphalite, c'est à dire une infection du cerveau. Cette maladie est pour ainsi dire incurable, et mortelle presque à tous les coups. Contagieuse, mais heureusement assez rare, elle a presque disparue grâce au vaccin.

L'hépatite de Rubarth (étiquette : H) est une infection virale du foie. Elle aussi a quasiment disparu en France, mais il y a des cas de temps en temps...

La parvovirose (étiquette : P) est une gastro-entérite hémorragique due à un virus, relativement fréquente. Elle est généralement mortelle pour un chiot, parfois même pour un adulte. Certains croient que ce n'est qu'une maladie du jeune, ce qui est une erreur : ils sont simplement plus fragiles. Pour celle-ci, je dirais que les chances de succès thérapeutique sont relativement élevées, mais nous perdons régulièrement certains jeunes chiens. Il existe un traitement antiviral à l'efficacité reconnue pour cette maladie, mais comptez plusieurs centaines d'euros... juste pour l'antiviral.

La toux du chenil (étiquette : Pi2) porte mal son nom. C'est une trachéo-bronchite due à un virus respiratoire (le parainfluenza 2), un peu comme la grippe. Celle-ci n'est pas trop grave mais peut se compliquer lorsque d'autres microbes entrent dans la danse, elle est très contagieuse et fréquente. Elle s'appelle toux du chenil parce qu'elle est particulièrement redoutable dans les effectifs de chiens et se propage sur un mode épidémique.

La leptospirose (étiquette : L) est une maladie bactérienne. Chez l'homme, on l'appelle "maladie de l'égoutier". Ces bactéries sont portées par des rongeurs comme les rats, dont les urines sont contaminantes. Votre chien peut l'attraper en chassant un rat ou en buvant, voire même en trempant ses pattes, dans de l'eau qui a recueilli les urines d'un rongeur. Ces bactéries ne survivent pas longtemps dans l'eau et il faut vraiment que le chien passe juste après le rat. En fait, la bactérie est fréquente, mais pas la contamination, donc cette maladie est rare chez les chiens. Heureusement : s'il existe des antibiotiques efficaces, les séquelles sont généralement tellement graves que le chien n'y survit pas, au, au mieux, reste gravement handicapé, par exemple avec une insuffisance rénale. Selon les souches de cette bactérie, elle s'attaque au rein, au foie, aux intestins, etc.

Ces vaccins sont réalisés systématiquement sur tous les chiens parce que ces maladies réunissent trois conditions :

  • elles sont assez fréquentes (ou elles l'étaient et le sont moins grâce au vaccin)
  • elles sont graves
  • la prévention est vraiment plus efficace que le traitement.

En plus, ils ne sont pas très chers, car ils sont fabriqués en grande quantité et relativement anciens, donc "amortis" par les laboratoires.

Les autres vaccins

Ce n'est pas le cas de tous les vaccins : comme il ne sert à rien de vacciner un français contre la fièvre jaune s'il ne quitte pas le sol métropolitain, on ne vaccine pas les chiens contre toutes les maladies qu'ils sont susceptibles d'attraper si le risque est infime, voire inexistant dans leurs conditions de vie.
En fait, la question à se poser, c'est : vu le mode de vie de mon chien, et les endroits où il va, de quoi a-t-il besoin ? Pour les cinq vaccins principaux, ne cherchez pas : quelles que soit ses conditions de vie, en ville, en appartement, à la campagne, qu'il soit un chien de concours, de chasse ou de compagnie, il peut attraper ces maladies.

Les maladies réglementées

La rage (étiquette : R) n'est pas présente en France, quoiqu'il y ait régulièrement des alertes dues à des importations illégales depuis des pays contaminés, notamment le Maroc. Étant donné que cette maladie est incurable et mortelle pour l'animal comme pour l'homme, c'est un vaccin important, qui est obligatoire pour voyager, et exigé dans la plupart des manifestations canines. Disons que c'est le moins optionnel des vaccins "secondaires".

Les maladies à tiques

La maladie de Lyme, ou borréliose, est transmise par les tiques, elle peut aussi toucher l'homme. Elle est fréquente dans certaines régions comme le sud-ouest ou le massif central, mais peu de chiens développent la maladie, même s'ils sont confrontés à la bactérie (ils se défendent très bien naturellement contre elle !).

La piroplasmose mériterait une heure de discussion, je ne vais pas rentrer dans le détail ici... Disons simplement que sa vaccination est discutable, à voir au cas par cas. J'en reparlerai dans un autre billet.

Retenez qu'en général, contre ces maladies, il vaut mieux lutter contre les tiques que vacciner : pipettes, sprays, colliers, il existe plusieurs techniques qui mériteraient une autre discussion.

Les maladies d'élevage

La bordetellose (étiquette : Bb) est une variante de toux du chenil, bactérienne cette fois. Disons que c'est une complication de la forme virale de la maladie. Ce vaccin n'est réellement utile que dans certains élevages, avec un contexte de diagnostic de l'affection. Il n'y a pas d'intérêt à faire ce vaccin sur un chien de famille, en général.
Certaines pensions canines demandent cette vaccination. Il existe d'ailleurs un vaccin à agent vivant, qui s'utilise en nébulisation dans le nez : il s'installe une immunité locale très rapide et puissante, ce qui permet de faire le vaccin en urgence sur des portées de chiots, chez des éleveurs chez qui sévirait cette maladie.

L'herpesvirose complique la vie des éleveurs. Encore une fois, ce n'est pas un vaccin pertinent pour des animaux de compagnie, mais il peut être indispensable dans certains élevages.

Comment on vaccine un chien ?

- Mais docteur, on peut faire tous ces vaccins en même temps ?

- Non ! Les cinq valences CHPPiL et rage peuvent être associées simultanément, mais, par exemple, il est formellement déconseillé d'utiliser le vaccin contre la piroplasmose en même temps qu'un autre vaccin. Ca finit par faire beaucoup pour un seul corps, tout ça...

- Beaucoup pour le corps... et si le chien est malade ?

- Le chien est vacciné lors d'une consultation, généralement dédiée à ce sujet : on ne vaccine pas un chien quand on le voit pour un problème de santé ! Il faut qu'il soit en état de recevoir le vaccin et d'y réagir, c'est à dire que son système immunitaire ne soit pas occupé ailleurs.

- Moi, j'ai peur que ça lui fasse mal, à mon chien... la première fois, il a crié quand le vétérinaire a fait l'injection.

- L'administration du vaccin se fait en injection sous-cutanée. C'est une piqûre très peu douloureuse et il n'y a généralement que quelques chiots, qui crient juste au cas où, et quelques chiens mal dans leur peau, qui n'apprécient pas qu'on les contraigne, pour y trouver à redire.
Il peut se faire une petite réaction locale pendant les jours qui suivent l'injection, un espèce de gonflement mou et parfois un peu douloureux, qui doit disparaître en trois jours au plus.

- On ne peut pas les faire autrement que par piqûre, ces vaccins ?

- Il existe un vaccin un peu spécial qui se fait en pulvérisation dans le nez, j'en parlais il y a un instant. Destiné à protéger contre certaines formes de toux de chenil, il a une action extrêmement rapide en stimulant ce que l'on appelle l'immunité locale (parce qu'elle n'intervient, dans ce cas, que dans les voies respiratoires), quand les vaccins classiques stimulent l'immunité dite "générale". Mais ça ne marche que pour celui-là, les maladies qui concernent tout l'organisme doivent être vaccinées par injection.

Mais ça marche vraiment bien, ces vaccins ?

- La réponse simple, c'est oui.
Mais je vois bien qu'il va falloir que je développe."

Dans la salle d'attente, quelques sourires. Ils m'attendent au tournant ! Je sens qu'ils vont être contrariants.

"Premièrement, il faut savoir qu'un vaccin n'agit pas instantanément. En sortant de sa première consultation vaccinale, un chiot n'est pas protégé.
Une immunité primaire se mettra en place en deux à trois semaines. Elle sera d'intensité modérée, peu protectrice.
La seconde injection de primo-vaccination va provoquer une réponse immunitaire secondaire, ou "mémoire" d'intensité supérieure, et surtout, qui va stimuler des globules blancs chargés de mémoriser les caractéristiques de l'agresseur, ce microbe dont on lui présente des aspects avec le vaccin. Ainsi, lorsque l'organisme rencontrera le "vrai" microbe responsable de la maladie, il saura immédiatement comment le détruire, car on lui aura appris.

- Mais si le microbe est mémorisé, pourquoi on fait des rappels ?

- Parce que l'organisme oublie. Selon les maladies et les types de vaccins, il oublie plus ou moins vite. Il faut donc stimuler la mémoire, pour qu'il se rappelle. D'où le nom !

- Mais c'est vrai qu'il y a des vaccins plus ou moins bons ?

- Dans le cas des maladies virales (maladie de Carré, Hépatite de Rubarth, parvovirose, rage), la capacité du corps à apprendre et à réagir vite est excellente, ce qui permet à la protection vaccinale d'être excellente. Comprenez moi bien, parce que c'est important : ces vaccins sont très bons car pour l'organisme, les virus concernés sont faciles à reconnaître et à neutraliser. Ce n'est pas le vaccin qui est bon, c'est la capacité du corps à réagir contre le microbe. La nuance est très importante.
En effet, en ce qui concerne d'autres maladies comme la toux du chenil, c'est moins évident. La protection, dans ce cas, est souvent plus partielle : suffisante pour que le chien ne soit pas vraiment malade, mais il peut fréquemment être un peu patraque s'il rencontre le virus. Dans ce cas précis, c'est encore plus compliqué car il existe de nombreux virus et bactéries qui provoquent des symptômes semblables, ce qui fait que l'on ne sait jamais vraiment très bien lequel est en train d'attaquer votre chien.

- Alors, ce vaccin là ne marche pas ?

- Si, il protège votre chien, qui fera une maladie moins grave - ou pas de maladie du tout, ne soyons pas trop négatifs - que s'il n'était pas vacciné. Vous aurez noté tout à l'heure que je vous ai parlé de vaccin contre la bordetellose, qui ressemble à la toux de chenil, et que l'on ajoute au vaccin contre le parainfluenza classique (valence Pi de l'étiquette) dans certains élevage et chenils. Ca peut être une solution pour mieux le protéger, mais, en général, pour un chien de famille, c'est inutile.

- Vous n'avez pas parlé de la maladie de l'égoutier ?

- Dans le cas de la leptospirose, c'est plus ennuyeux. En effet, le vaccin protège contre deux types de leptospires, les deux plus dangereux. En réalité, il en existe de nombreuses autres, plus ou moins pathogènes (pathogène, ça signifie : capable de créer une maladie). De plus, ce vaccin confère une immunité d'une durée inférieure à celles des autres valences. Le rappel annuel est le minimum, pour cette maladie. Par ailleurs, on rencontre parfois des formes atténuées de leptospirose chez certains chiens vaccinés, probablement parce qu'ils ont rencontré une leptospire contre laquelle ils ne sont pas vaccinés. Heureusement, même si elles sont différentes, ces leptospires se ressemblent, ce qui fait que le corps sait à peu près comment les combattre.
Le problème réside dans cette variabilité des leptospires : j'ai déjà vu des chiens mourir de leptospirose alors qu'ils étaient vaccinés. Ceci étant dit, j'en connais encore plus qui en sont morts non vaccinés...

- Mais c'est terrible ! Et comment faire pour que mon chien soit mieux protéger contre cette maladie ?

- Hélas, à cette heure, nous n'avons pas de meilleure protection...

- Et pour la piroplasmose ?

- Joker, nous en parlerons une autre fois, c'est trop compliqué pour aborder ce point aujourd'hui."

La vaccination, c'est obligatoire ?

Je reprends ma respiration. Je sens d'autres questions sur les lèvres de ces clients. Trop d'informations tuent l'information, mais je ne peux pas non plus ne pas leur répondre.

"Est-ce que c'est obligatoire, de vacciner le chien ? Parce que mon voisin ne vaccine pas ses chiens et je ne voudrais pas qu'ils transmettent des maladies aux miens !

- Alors, non, la vaccination, de manière générale, n'est pas obligatoire.
Il y a deux exceptions :

  • la vaccination contre la rage est obligatoire pour voyager à l'étranger. Elle peut aussi l'être ponctuellement dans certaines zones, quand il y a une alerte due à un cas de rage importée.
  • dans certaines circonstances, des vaccins peuvent être exigés, par exemple dans les pensions canines, les chenils, les clubs d'éducation et d'agility : comme il y a beaucoup de chiens au même endroit, les responsables de ces lieux souhaitent éviter les risques, ce qui est logique.

Et c'est cher ?

- Mais ça coûte combien, un vaccin ?

- Bonne question. Il y a deux choses différentes à prendre en compte :

  • Le prix de la consultation vaccinale, qui est souvent le même que le prix de la consultation classique, en moyenne en France entre vingt et trente euros.
  • Le prix de chaque valence vaccinale, souvent réunies dans un même flacon, comme le CHPPiL dont je vous parlais tout à l'heure. Là, selon le fabricant du vaccin, les valences exactes présentes dedans, c'est entre quinze et trente euros. Plusieurs facteurs peuvent expliquer les importantes variations de prix parfois constatées.

Certains vétérinaires vaccinent tous les chiens avec les cinq valences, ce qui est presque mon cas. Je ne stocke donc pas différents vaccins et je peux donc proposer celui-là à un prix intéressant. D'autres vétérinaires préfèrent pouvoir composer une vaccination sur mesure pour chaque chien, avec un flacon par valence. Dans ce cas, il y a plus de stock, plus de conditionnements, la valence revient, individuellement, plus cher.
Comme ailleurs, une grosse clinique aura sans doute plus de facilités à proposer des vaccins moins chers puisqu'elle en vendra plus, le mécanisme est classique, mais on peut avoir des surprises puisque un vétérinaire seul dans un petit cabinet peut tout à fait être compétitif, car il aura moins de charges (de bâtiment, de matériel, de personnel, etc).

A ce niveau là, je dirais que cela importe peu. En réalité, d'un cabinet à un autre, les variations de prix sont presque toujours très modestes, et faire vingt kilomètres de plus pour économiser trois euros ne me paraît pas un bon calcul... d'autant qu'il y a d'autres paramètres qui me semblent plus important, comme la relation que vous établissez avec votre vétérinaire. Vous êtes libres de votre choix, vous avez le droit de demandez le tarif, mais posez vous d'autres questions avant de choisir le moins cher... surtout pour des variations aussi peu importantes.

Pour en finir avec le prix des valences vaccinales : certains vaccins sont très chers, je pense notamment au vaccin contre la piroplasmose dont la dose coûte, selon le fabricant et le cabinet, entre quarante et soixante euros. Ces vaccins là sont fabriqués à des échelles très inférieures, et exigent une technologie beaucoup plus coûteuse que les valences classiques. D'où le prix. Je vous ai déjà conseillé de préférer, en priorité, une bonne protection contre les tiques à un vaccin contre la piro ?

- Mais moi, avec tous mes chiens, je pourrais avoir un prix ?

- Et bien, si nous ne passons pas une demi-heure avec chacun de vos chiens parce qu'ils ont d'autres soucis que nous découvrons lors de la consultation vaccinale, oui, bien entendu. Là encore, les arrangements commerciaux sont tout à fait possibles, et fréquents, n'hésitons pas à en parler.

Et les effets secondaires ?

- Et ça ne rend pas malade au moins ?

- Non. Il y a deux types d'effets secondaires :

  • la réaction locale dont je vous ai parlé tout à l'heure, tout à fait bénigne.
  • parfois, une réaction générale avec un peu de fatigue et une baisse d'appétit, quelques courbatures et, exceptionnellement, un peu de fièvre. Cela n'arrive pour ainsi dire jamais avec le CHPPiL, un peu plus fréquemment avec la valence rage.

Ces réactions sont par contre très fréquentes, et parfois assez violentes, avec un vaccin contre la piroplasmose, mais je vous en parlerai en détail si nous décidons de vacciner votre chien contre cette maladie.

Je vous l'ai déjà dit : les vaccins ne sont pas dangereux. Ils se contentent de stimuler les défenses de l'organisme, et, s'ils peuvent provoquer des effets indésirables, que je viens d'évoquer, ceux-ci sont minimes et bien peu de choses en regard du danger mortel de la maladie de Carré, de la parvovirose ou de la leptospirose, pour n'évoquer que celles-là.

- Et pour mon chat ?

- Hum... laissez moi recevoir ce chien pour le vacciner, et nous allons en discuter."

samedi 24 mai 2008

Consultation vaccinale

"Vous savez docteur, j'ai l'impression que mon chien est mieux suivi que moi. Je veux dire, il vient tous les ans pour son rappel, alors que je ne vois jamais mon médecin, puisque je vais bien."

L'homme qui me parle a la soixantaine. Comme tous les ans, il m'a amené Punky (il précise toujours que c'est son fils qui lui a trouvé ce nom), officiellement croisé de caniche et de berger allemand. Peut-être, s'il le dit. En tout cas il ne ressemble à rien, et ça lui va très bien. Bref, Punky a maintenant dix ans, et, au fil de la conversation, alors que j'examinais l'animal, l'homme m'a précisé qu'il arrivait que Punky se "relâche," et oublie un peu les notions de propreté : en gros, il fait pipi à l'intérieur.

"Le jour, la nuit ?"

J'ai posé mon stéthoscope pour me concentrer sur cette phrase anodine, perdue au milieu de la conversation.

"Heuu, seulement la nuit, docteur, le jour, il demande.
- Et la nuit, il ne demande pas ?
- Remarquez, peut-être, mais comme il dort en bas et que je suis un peu sourd, je ne l'entends peut-être pas."

Du coup, je hausse la voix. Sans crier, quand même.

"Et il boit plus qu'avant ?
- Ooh, non. Je ne crois pas.
- Vous diriez qu'il boit combien par jour ?
- Je lui remplis sa gamelle tous les jours. Je ne sais pas, un litre sans doute, bien un litre.
- Et il mange de la soupe, c'est ça ?
- Oui, oui...
- Bon, alors c'est trop pour son poids. Je vais lui prélever des urines et les analyser de suite."

Ce qui m'a permis de dépister une insuffisance rénale débutante, mise sous traitement à temps. Comme son cœur, auquel mon confrère a découvert l'an dernier un souffle bénin, sans conséquence, mais que nous suivons depuis avec attention.

L'homme reprend : "Moi, j'ai peut-être un souffle au cœur, et je ne le sais pas ?
- Et oui, si vous n'allez pas voir le docteur, vous ne pouvez pas le savoir, au début. Comme moi d'ailleurs...
- Mais je ne vais pas aller voir le docteur alors que je suis en bonne santé ?
- Votre chien aussi est en "bonne santé". Mais son organisme commence à s'user et des traitements précoces lui assureront une espérance de vie supérieure, sans souffrance.
- Mais c'est parce qu'on le vaccine tous les ans que vous avez trouvé ça.
- C'est parce que je le vois tous les ans. Sinon, je l'aurais trouvé bien plus tard, quand il aurait été malade de ses reins, ou de son cœur..."

La consultation vaccinale, c'est le cœur du suivi médical de mes patients. L'occasion de discuter, de parler des petits soucis du quotidien, qu'ils concernent ou pas l'animal. De maintenir le lien, d'offrir des conseils, sur la reproduction, l'alimentation, les sorties, les réglementations, etc.

C'est aussi un excellent moyen pour dépister les affections précoces qui peuvent venir assombrir l'avenir du chien, ou du chat. Insuffisance rénale, cardiaque, arthrose, problèmes oculaires, ces maladies là ne rendent pas "malade" avant une longue évolution, qui passe la plupart du temps inaperçue.

Parce que quand vous vous essoufflez plus facilement, vous le sentez. Parce que votre douleur sourde mais récurrente à l'épaule, vous la connaissez, vous savez l'évaluer sur le long terme. Mais votre chien, lui, ne se plaindra pas d'une douleur de ce type. Pas plus qu'il ne vous dira qu'il urine plus qu'avant, ou qu'il a tout le temps soif.

Dans mon cabinet, une consultation vaccinale dure, pour un animal en pleine forme, au sujet duquel il n'y a rien de spécial à raconter, une dizaine de minute. Si je dépiste un problème, ou si il y a un sujet sur lequel je souhaite sensibiliser les maître, cela peut durer une demi-heure. Voire plus.
Avec les chiots, je parle d'alimentation, de vermifuges et d'éducation. Généralement, ces consultations là durent trente à quarante minutes.
Avec les jeunes, je parle de sexe, de puberté et de stérilisation.
Pour les jeunes adultes, en général, pas grand chose à dire, mais on peut parler des vaccins, de certaines maladies courantes, comme la piroplasmose, ou de réglementation pour voyager, ou de toute autre chose.
Dès que les chiens vieillissent, on parle arthrose, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, alimentation, etc.

Certaines personnes pensent que, la plupart du temps, je me contente de poser mon stéthoscope, histoire de justifier mes honoraires, puis d'injecter la dose de vaccin et de coller mon coup de tampon sur le carnet (ce dernier point étant souvent le plus important pour elles).
Pourtant, j'examine l'animal dès son arrivée, à travers la fenêtre de la salle de consultation, sur le parking. Je regarde son attitude dans la salle d'attente, son comportement, sa façon de marcher, les réactions de son maître. Les vôtres !
Pareil quand il entre, et que je le met sur la table d'examen. J'ai serré la main du maître, demandé des nouvelles de la famille et écouté les considérations météorologiques, mais mon attention est ailleurs. J'encourage le maître à parler de son chien ou de son chat, de tout, et de rien. Pas difficile, en général. Les informations sont noyées dans les interprétations, peu de faits, beaucoup d'anthropomorphisme, mais sous-estimer cette discussion est une erreur. Au milieu de ce flot que je n'écoute que d'une oreille distraite, je pêche parfois l'information qui va donner une autre orientation à la consultation, voyez l'exemple de Punky.

Lorsque l'animal est sur la table, je palpe toutes ses articulation, j'examine sa peau tout en cherchant ses nœuds lymphatiques, je vérifie l'état de ses oreilles et de ses yeux. Je soulève ses pattes et examine ses coussinets, et les plis entre eux. J'ouvre sa gueule, regarde ses dents, ses gencives, sa langue, son palais. Je le caresse, je lui parle, je le rassure, et avec ces caresses, je cherche les anomalies, je palpe les mamelles, ou les testicules, je vérifie le fourreau, ou la vulve, l'air de rien. Je palpe son abdomen, aussi. Tout cela se fait naturellement, très vite, sans, généralement, que le propriétaire remarque grand chose. Souvent, je souligne mes explorations, je signale au maître ce que je regarde et ce que je vois.
Puis je prends sa température, et vérifie par la même l'état de son anus, la couleur de ses selles.
Enfin, je prends mon stéthoscope, j'écoute le cœur, et les poumons. Selon l'âge du chien, ou si j'ai le moindre doute, je prends mon ophtalmoscope ou mon otoscope, pour vérifier respectivement les yeux et les oreilles.

Avec les chats, les manipulations sont les mêmes mais se font au gré des caresses et des ronronnements : au rythme du chat...

Ensuite, et seulement ensuite, et si l'animal est en bonne santé, je réalise l'injection, puis je fais les papiers...
Et je laisse, pendant ce temps, l'animal en liberté, excellent moyen de l'observer encore, ou d'analyser ses rapports avec son maître... C'est le bon moment aussi pour une ultime recommandation !

dimanche 4 mai 2008

L'origine

Lorsque l'homme est entré avec sa chienne dans les bras, à moitié comateuse, nous l'avons immédiatement aiguillé vers la première salle de consultation.
Alors que la conversation s'engageait sur la nature du problème, la perfusion était déjà posée, et les premiers soins de réanimation, administrés.

"Docteur, c'est ma meilleure chienne, le flair le plus aiguisé de la région et un instinct sans pareil à la chasse..."
Sur la même veine, l'homme nous explique à quel point sa chienne est extraordinaire, et en plus gentille, docile, tout ça.

Malheureusement, elle a 10 ans. C'est vieux pour un chien de chasse. Pire encore, elle n'a jamais eue de portée. A chaque fois, les petits naissaient morts. Cette fois-ci, il a choisi le meilleur étalon, et fait la dernière tentative : 10 ans, pour mettre bas, c'est vraiment tard...

"Il faut sauver l'origine ! je sais qu'elle fait de l'urée, je sais qu'elle ne pourra plus chasser, mais ce sang ne peut pas s'éteindre comme ça !"

Bon.

D'après la date de saillie, la chienne est largement à terme. Vérification rapide à l'échographie : le chiot est en vie. La chienne, ce n'est pas évident. Les analyses confirment qu'elle développe une complication métabolique grave, et que la mise-bas doit être très rapide.
La césarienne est programmée pour l'après-midi, le temps de retaper la future mère.

A 11h30, la chienne est dans le coma, nous déclenchons la césarienne en urgence. Sans anesthésie : de toute façon, elle n'est plus là.
Réanimation, assistance respiratoire, le chiot naît vivant, il est énorme, il est seul, voilà pourquoi il ne sortait pas. Un mâle.
Nos efforts sont payants et la chirurgie peut se terminer normalement (sous anesthésie...) : même la mère est sauvée, du moins pour le moment.

L'homme pleure de joie.

La mère met presque 24h à se réveiller complètement, mais les complications métaboliques s'estompent et la lactation commence sans problème. Le chiot est vigoureux.

Deux jours plus tard, l'état de le chienne semble se dégrader. Malgré les antibiotiques, une métrite (infection de l'utérus) associée à une mammite (infection de la mamelle) se développe. Ce genre de complication infectieuse est grave, et méritera qu'on y revienne une autre fois. Changements d'antibiotiques, perfusion, alimentation de force, la chienne mettra, malgré tous nos efforts, deux jours à mourir.

Depuis le début du processus infectieux, de toute façon, elle n'a plus de lait. Nous nous relayons donc au biberon, 8-10 fois par jour, voire plus. L'ASV au comptoir, en répondant au téléphone, un véto en passant dans la salle d'hospitalisation, entre deux consultations, le tableau blanc se remplis de petites croix noires, pour autant de tétées. Mon confrère finit par emmener le chiot chez lui, ce sont ses enfants qui le nourrissent quand ils reviennent de l'école.

Il est arrivé à la maison en déclarant : "il faut sauver l'origine". Alors, devant la télé, pendant le goûter, le soir, la nuit, quand le petit dernier faisait un cauchemar : ils ont sauvé l'origine. Lui, sa femme, ses deux enfants les plus âgés.
Avec tous ces efforts, sa courbe de croissance est enfin devenue normale.

Le coup de téléphone est passé une semaine exactement après l'admission de la chienne : "monsieur, nous avons sauvé le chiot, il peut rentrer à la maison, mais il va demander beaucoup, beaucoup de soins".

Le visage de l'homme lorsque mon confrère lui a tendu le chiot valait tout l'or du monde. Surtout quand il lui a dit : "mes enfants lui ont donné un nom, à moins que ce soit moi, je ne sais pas trop."
Regard interrogateur du vieux monsieur.
"Il s'appelle l'Origine. Et nous l'avons sauvé."

Aujourd'hui, l'Origine est un magnifique chien de chasse.

Par contre, les qualités de sa mère et de son père ont du se perdre en route, mais ce n'est pas bien grave. Le vieux monsieur se dit que parfois, les qualité sautent une génération, et avec un étalon et tous les chiots qu'il va pouvoir engendrer, il y en aura bien un bon.

Une femelle, par exemple.

jeudi 10 avril 2008

Regard : fatigué

Un chiot de chasse hospitalisé, derrière les barreaux de sa cage. On aperçoit son tuyau de perfusion et son regard fatigué, ainsi que la pâleur de ses conjonctives.

mercredi 2 avril 2008

Chien volé ?

Mme Louge entre dans la salle d'attente de la clinique. C'est une dame assez âgée, que je connais bien car son mari avait des vaches, autrefois. Elle habite dans un petit village voisin. Comme d'habitude, elle se promène avec son parapluie, qui lui sert de canne sans montrer son infirmité, et son cabas, qui déborde manifestement de légumes. Jour de marché...
Elle s'attarde quelques instants sur les annonces de chiens perdus ou trouvés, sur le panneau d'affichage, puis elle se tourne vers Francesca et moi, derrière le comptoir.

"Bonjour docteur. Je viens vous voir parce qu'on a volé mon chien, alors j'en cherche un autre. Je vais aller porter plainte à la gendarmerie.
- Oh."

Regards de circonstance, c'est à dire consternés.

"C'est arrivé quand ?
- Il y a deux jours. Elle est trop gentille cette chienne, elle saute sur tout le monde pour faire la fête, c'est trop facile de me la voler.
- Ah.
- Du coup, je cherche un nouveau chien, pas trop gentil, je voudrais pas qu'on me le pique, et puis il faudrait qu'il monte la garde. Pas comme elle. La preuve, elle a été volée !
- Elle a disparu de chez vous, votre chienne ?
- Oui oui, elle était là samedi soir, et plus personne dimanche matin...
- Si ça fait si peu de temps, elle s'est peut être enfuie ? propose notre ASV.
- Non non, elle ne s'est jamais éloignée de la maison."

La vieille dame secoue vigoureusement son parapluie. Manifestement, elle doit penser que nous n'y comprenons rien.
Je me dis qu'ils ont bon dos, les voleurs...

"Vous savez si des gens donnent des chiens ?
- Heuu, attendez un instant. Elle a quel âge votre chienne ?
- Un an, je crois."

Francesca et moi échangeons un regard de connivence. Mme Louge ne remarque rien.

"Et elle été tatouée ou pucée ?
- Ah non, elle était trop jeune pour ça !
- Heuuu... un an, ce n'est pas trop jeune, on peut identifier des chiots nouveaux-nés vous savez."

La vieille dame nous regarde d'un air méfiant.

"Et elle ressemble à quoi ?
- C'est une bâtarde de cocker et d'épagneul ! Poil roux, pas très grande. - Bon. Je crois avoir ici une chienne qui pourrait vous convenir."

J'invite Mme Louge à me suivre vers notre chenil. Elle s'exécute en claudiquant.
J'ouvre la porte de la courette.
La chienne "hospitalisée" depuis deux jours me saute dessus pour me faire la fête.

"Comme celle-ci vous voulez dire ?
- Ah ben oui. Vous voyez, elle saute sur tout le monde !"

Effectivement. On me l'a amenée il y a deux jours, trouvée sous la pluie dans la cour d'une maison avec le chien de la famille, très occupés à perpétuer l'espèce canine.

"Bon, ben voilà, au moins on a retrouvé le propriétaire, nous commencions à nous poser des questions. Par contre, elle est en chaleur - c'est pour ça qu'elle a fugué - et elle a été prise.
- Mais je ne veux pas de chiots moi !
- Si vous le souhaitez, nous pouvons la stériliser à la fin de ses chaleurs, et l'identifier aussi.
- On peut mettre la puce tout de suite ?
- Ca, oui, bien entendu.
- Et comment elle est arrivée chez vous ?
- Une personne qui habite à un kilomètre de votre domicile me l'a amenée dimanche. Elle était avec son chien. Nous avons un accord avec la mairie, nous leur servons de fourrière temporaire. Du coup, il va vous falloir régler la pension.
- Ah, oui, bon... Mais elle ne va pas monter la garde pour autant, elle continue à sauter sur tout le monde, mon mari adore ça, mais moi je trouve que c'est idiot, elle ne monte pas la garde, elle est trop gentille !
- Ehhh... oui, ça, elle est gentille, c'est sûre."

La dame repart dix minutes plus tard avec sa chienne et son certificat d'identification temporaire. Elle ne semble pas trop savoir si elle est contente ou contrariée...

Elle s'appelle Gentille.
Pas assez méchante, hein ?

lundi 31 mars 2008

Pourquoi vacciner mon animal ? (1/5)

"Docteur, bonjour."

Une dame s'avance vers moi. La quarantaine, les cheveux frisés, elle me sourit. Elle n'a pas d'animal avec elle. Prise de rendez-vous ou demande de renseignements ?

"Je voudrais vous voler quelques minutes de votre temps afin de discuter des vaccins de mes animaux. Je suis nouvelle dans la commune et ma voisine m'a conseillé de venir vous voir.

- Heureuse idée, que souhaitez-vous savoir ?"

Il y a trois ou quatre personnes dans la salle d'attente. L'ASV est en train de servir un éleveur venu chercher des antibiotiques et quelques conseils, tandis que les autres patientent en attendant leur tour. Il y a là une cliente habituelle avec son labrador, un chien sans histoire aucune, venu justement pour son rappel vaccinal. Il y a également un jeune homme avec un chaton sur l'épaule, je devine d'ici ses paupières gonflées et son écoulement nasal. Un coryza ?
Enfin, il y a M. Ferrier, un jeune homme très stressé depuis qu'il a acheté une ponette à sa fille, et encore plus depuis que je lui ai annoncé qu'elle allait bientôt pouliner... Elle a manifestement eu le temps de faire des galipettes avant d'arriver chez lui. Son anxiété est perceptible depuis le comptoir contre lequel je m'appuie pour répondre à la dame qui m'a interpellé.

"Et bien, aucun de mes animaux n'est vacciné. Enfin, mon chien Whisky l'a été, mais cela fait longtemps, je ne suis pas sûre qu'il soit encore protégé. Est-ce que ça vaut la peine de recommencer ? J'ai peur que ce soit dangereux, il est vieux maintenant. Et mon chat, qui vivait en appartement, il sort, maintenant. Il faut le vacciner aussi ?"

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mardi 18 mars 2008

Obligation de soins ?

Un vétérinaire peut-il refuser de soigner votre animal ?

Est-il obligé d'accepter une consultation en pleine nuit, voire d'opérer votre chat s'il s'est cassé la patte, ou s'il a une allergie aux piqûres de puces ?

Et si vous n'avez pas d'argent, doit-il quand même lui détartrer les dents ? Soigner ses blessures ?

Peut-il le laisser souffrir, ou mettre sa vie en danger en refusant de le soigner ?

Je vous laisse réfléchir aux questions, avant d'aborder les explications.

Ca y est, vous avez vos réponses ?

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samedi 8 mars 2008

Vive internet !

Le vétérinaire : Bon, 39.6 de température, auscultation normale, mais la rate est un peu grosse, je vais faire un frottis sanguin pour rechercher des piroplasmes.
La dame, catégorique : Ce n'est pas une piroplasmose, docteur.
Le vétérinaire, sceptique : Ah ?
La dame, moderne : Oui, j'ai vu sur internet que si les urines étaient foncées, c'était la piroplasmose, et que sinon, c'était autre chose.
Le vétérinaire, qui se demande pourquoi il a fait 6 ans d'études : Mais les urines foncées, ce n'est pas tout le temps, et c'est un signe tardif, ça peut venir demain.
La dame, têtue : Je pense que c'est une leptospirose.
Le vétérinaire, d'un ton résigné : J'en doute, mais nous allons vite le savoir, je vais faire ce frottis sanguin.
La dame, narquoise : Alors ?
Le vétérinaire, devant son microscope : Ben c'est une piro...
La dame : ...
Le vétérinaire, pédagogue : Venez-voir par vous-même. Mettez vos yeux ici. Voilà, il y a plein de petits ronds, ce sont les globules rouges.
La dame, contrariante : Ils ne sont pas rouges.
Le vétérinaire, patient : Certes, au microscope, la couleur est moins nette. Bon, au milieu de l'écran, dans un petit rond, il y a deux petits trucs qui brillent un peu. Ce sont des piroplasmes.
La dame, méfiante : Je ne les vois pas.
Le vétérinaire, angélique : Si si, au milieu, deux petites poires blanches et brillantes dans un rond.
La dame : Ah oui, je vois !
Le vétérinaire, fier de lui : Donc, c'est une piroplasmose.
La dame, affirmative : Je pense que c'est une leptospirose.
Le vétérinaire, contrarié : Et ben pas moi. Et je vais lui faire le traitement de la piroplasmose, car si je vous écoutais, votre chien mourrait demain ou après-demain, et que nous ne souhaitons pas cela. Et s'il ne va pas mieux, on le reverra, et vous m'enverrez au tribunal si vous le souhaitez.

Heureusement, ce chien a eu la bonne idée de ne pas faire de complication de sa piroplasmose. Je passe sur les reproches de la dame quand son chien a crié à cause de l'injection d'imidocarbe, un piroplasmicide efficace mais douloureux...

Depuis, elle m'adore, et ne veut voir que moi en consultation...

jeudi 6 mars 2008

Rage

On entend à nouveau parler de la rage ces dernières semaines, suite à la découverte d'un cas en Seine et Marne le 26 février.

Comme d'habitude, cet épisode est la conséquence d'une importation illégale d'un animal depuis un pays où la rage reste une maladie courante. En l'espèce, il s'agirait d'un chien non vacciné, parti avec ses maîtres au Maroc, et qui aurait rapporté le virus dans ses souvenirs de vacances avant de le transmettre à ses petits camarades.

Comme d'habitude, c'est l'ignorance ou la négligence qui mettent des vies en danger et, accessoirement, lancent une alerte sanitaire d'ampleur.

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vendredi 29 février 2008

Transfusions

Premier petit préambule, technique

Le corps est capable de reconnaître ce qui circule en lui et qui lui appartient pas - c'est le non-soi. Ces molécules du non-soi sont des antigènes, dont la présence dans les tissus déclenche une réaction de l'organisme, et notamment la production d'anticorps, qui sont des molécules qui se fixent sur les antigènes et les neutralisent ou les marquent comme des cibles à abattre pour les globules blancs. L'antigène, c'est la cible, l'anticorps, le missile. Un anticorps est relativement spécifique d'une cible : il suffit que le système de reconnaissance des antigènes (le satellite ?) trouve que deux choses se ressemblent pour faire n'importe quoi (par exemple, prendre des silos à grains irakiens pour des armes de destruction massive).
Les groupes sanguins sont définis par des antigènes, A et B chez l'homme (et les rhésus, mais passons) [1].

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mercredi 20 février 2008

La valeur de la vie

Les vétérinaires praticiens sont des professionnels de santé des animaux. Vous avez pu constater au fil de mes billets qu'ils doivent également faire preuve de pas mal de psychologie. Je vous expliquerais sans doute un jour ou l'autre qu'ils doivent également être des chefs d'entreprise.

Ils doivent également être des comptables. Je ne parle pas des comptes du cabinet (j'en parlerais dans un autre billet). Je parle de la comptabilité de la vie, et de la mort.

En parler ?

Le sujet gêne, le sujet fâche. On préfère l'esquiver. Se dire que la vie a la valeur que l'on daigne lui accorder. Nier. Parce qu'il n'est pas question d'argent avec mon chien adoré, c'est ma peluche, mon compagnon de jeu, mon confident fidèle, lui, alors que mon petit ami m'a quitté. Parce que mon chat ronronne sur ma couette le matin, et qu'il fait ces petits caprices si agaçants lorsqu'il a faim.
Pourtant, un jour, je vous déclarerai peut-être : "C'est un cancer. Il existe un traitement efficace qui peut offrir à votre chat 6 mois à 3 ans de vie, sans souffrance. Un traitement qui exigera un suivi extrêmement précis, et que je chiffrerais aux alentours de 2500 euros. Une chimiothérapie. Ou alors, nous pouvons lui donner de la cortisone, qui ralentira la maladie et lui permettra de finir sa vie confortablement, au bout de 3 à 9 mois, pour environ 30 euros."
N'ergotez pas sur les chiffres, ils sont vagues dans une situation vague, mais ils sont réalistes. Que répondrez-vous ?

Que l'argent n'a pas d'importance ? En général, ceux qui me disent ça sont ceux pour lesquels il en a le plus, justement.

Peut-être me demanderez-vous combien aura coûté le traitement de votre chat au bout de 6 mois ? Je vous répondrais sans doute : 1200 euros. Peut-être calculerez vous alors que la cortisone offre aussi six mois de vie confortable, mais pour 30 euros. Nous parlerons de médiane de survie, de probabilité de survie au bout d'un an, de deux ans. Vous vous direz sans doute que, finalement, la cortisone, ce n'est pas si mal que ça. Vous vous direz aussi que certains humains n'ont même pas l'accès au vaccin polyo/tétanos, qui doit coûter quelques euros. Et vous aurez raison... Mais vous serez en train de marchander la vie de votre chat. Et que penserez-vous si malgré les meilleurs soins, après avoir payé 900 euros, au bout de cinq semaines, le chat meurt ?

Ou vous me direz sans doute que vous n'avez pas les moyens de payer 2500 euros pour votre chat, même en trois ans. Vous aurez honte. Vous culpabiliserez. Moi aussi, parce que je peux pas vous offrir ce traitement pour moins. Parce qu'en réalité, 2500 euros pour une chimiothérapie, ce n'est pas cher. Cela vous choque ? Je comprends. Nous en reparlerons dans un autre billet.

Et oui, nous parlons bien du prix que vous serez prêt à payer pour la santé de votre compagnon. De la valeur de sa vie.

Certains personnes me disent que 60 euros, pour le vaccin de leur chat qui est en parfaite santé, c'est cher. Je leur réponds que pour beaucoup de gens, 60 euros pour un animal, c'est un luxe. Je leur parle ensuite du typhus ou de la leucose qui sont des maladies mortelles. Je ne leur parle même pas de la valeur de la consultation vaccinale, du nombre de points que je contrôle, des dépistages effectués à cette occasion. Mais j'assume mes 60 euros.

Qu'est-ce qui définit la valeur de la vie ?

Classiquement, on définit deux paramètres dans l'argent que des propriétaire sont prêts à mettre dans les soins vétérinaires.

La valeur monétaire, c'est le prix de l'animal. Peu de gens sont prêts à soigner le hamster de leur fils, qui a coûté huit euros. "Il suffit d'en racheter un autre. Et puis, c'est une leçon de vie pour le gamin. Et la consultation du véto est à 25 euros ! Alors que, si ça se trouve, il ne pourra rien faire."

La valeur affective, c'est l'argent que ces mêmes propriétaires sont prêts à donner pour que l'on soigne leur compagnon. Combien aurait payé l'enfant pour sauver son hamster ? Tout, sans doute, parce que dans ce cas, l'exemple est mauvais, il s'agit d'un enfant, n'est-ce-pas ?

En fait, ces deux paramètres, classiquement donnés en cours, sont très incomplets. La profession vétérinaire touche à une multitude de milieux sociaux et culturels. Une stagiaire me demandait aujourd'hui, pour son rapport, comme je définirais ma clientèle. Je lui ai répondu : "Géographique. Ma clientèle, dans cette région rurale, ce sont les habitants 20 kilomètres à la ronde. Il y a des paysans, des chasseurs, des ouvriers, des médecins, des bourges, des pauvres, des enfants, des homme, des vieux, des médecins, un curé, des femmes, un foyer pour handicapés..."

Et toutes ces personnes ont leur propre rapport à l'animal. A leur animal, et à celui des autres. Je connais une jeune retraitée bien pensante qui ne supporte pas ces chasseurs de sanglier qui envoient leurs chiens au carton. Je lui parle alors de ces chiens qui, même blessés à mort, feraient n'importe quoi pour y retourner, qui adorent chasser. Qui sont malheureux lorsqu'ils voient la meute partir sans eux sous prétexte qu'ils ont des sutures partout. Je connais aussi une très vieille dame qui trouvait quand même étrange de payer une cinquantaine d'euros pour castrer son chat alors que, quelques soixante années plus tôt, elle quittait Lille pour gagner la zone libre. Elle trouvait qu'elle avait de la chance de payer cette somme aujourd'hui.

Il y a l'utilité de l'animal. Travaille-t-il avec son propriétaire pour lui faire gagner sa vie, comme un chien de berger ou un chien de garde ? Lui permet-il de surmonter son handicap, comme un chien guide d'aveugle ? Lui rapporte-t-il de l'argent lorsqu'il le vend, comme un veau limousin (son seul revenu, sans doute) ? Lui permet-il d'avoir des loisirs, comme un chien de chasse ou un cheval de concours. Il est probable qu'il ne "sert" à rien, comme votre chat. Il a pourtant de la valeur.

Il y a la place que l'on accorde à son animal. Le statut social, si vous préférez. Certains pensent que leur chien, même s'ils l'adorent, n'est qu'un chien. Ils veulent bien payer, mais ils veulent être "raisonnables". Certains pensent qu'un chat, c'est à peine "plus" qu'une fouine. Presque un nuisible. "Certaines personnes achètent un chat ? Les gens sont fous." D'autres demandent à leur avocat de négocier le droit de garde alterné du Yorkshire que leur ex a emporté. Comment cet avocat va-t-il leur expliquer qu'en droit, un chien est un bien meuble ? La plupart se situent dans un "juste" milieu. Juste ? Mais pour qui ?

Il y a l'espérance de vie de l'animal. Qui payerait des milliers d'euros pour offrir un mois de vie à son chien de 16 ans ? Tant de mes clients décident d'arrêter de vacciner leur chien lorsqu'il atteint un "certain" âge, souvent un âge où, pourtant, ces protections lui seraient bien utiles... D'autres refusent de réparer une patte cassée lorsque la chienne est vieille. Certains se moquent de son âge, ils se disent qu'ils leur doivent bien ça. Un éleveur de bovins n'investira pas une grosse somme dans une vache âgée qui ne pourra plus produire de lait ou de veaux. Il la réformera. Qui a raison, qui a tort ?

Enfin, il y a simplement l'affection que l'on porte à son animal. Vous ne vous posez pas vraiment la question, mais je vous la poserai peut-être un jour : combien êtes-vous prêt à payer ? J'espère sincèrement que ce cas ne se posera jamais pour vous. Mais la question est intéressante, non ? Et glaçante, sans doute. Vous n'avez sans doute plus très envie de vous la poser.

Alors pourquoi répondriez-vous pour les autres ?

Un conducteur a renversé une chienne avec sa voiture. Il n'y est pour rien, elle s'est jetée sous ses roues, il roulait à une vitesse normale. Quelle somme est-il prêt à payer pour soigner la chienne ? Et le maître de la chienne, si le conducteur s'est enfui ? Et le conducteur, s'il s'avère que la bestiole est une chienne errante que personne ne regrettera ? Combien le conducteur serait-il prêt à payer, si, cette fois, il était en tort ? S'il se disait que cela aurait pu être sa chienne ? Ou s'il déplaçait le problème, s'il se disait qu'il aurait pu renverser un enfant ?
Un éleveur demande au vétérinaire d'euthanasier l'une de ses vaches. Combien, pour qu'elle ne souffre pas, au lieu de la regarder mourir, ce qui ne lui coûterait rien ? Le prix des vaccins de ses veaux ?
Et celui qui achète un steack, combien est-il prêt à payer pour que l'animal meurt sans souffrance à l'abattoir ? Plus, d'après les sondages. Les gens sont si généreux. Pourtant, ils achètent la viande la moins chère au lieu d'acheter celle qui vient d'un pays où des règles très strictes encadrent l'abattage et la souffrance animale, comme la France.

Ces préjugés que j'aimerais tant briser

Je vous en ai donné quelques exemples avec mes chiens de chasse et mon yorkshire. J'ai répondu à Mona par ici, je lui rends hommage, c'est elle qui m'a donné l'envie de vous écrire ces lignes. Je ne veux pas être agressif avec elle, mais je devine ses a priori.

Chaque personne donne, pour chaque animal, une valeur à son existence. Ce prix dépend de tous ces paramètres plus ou moins irrationnels... alors, avant de juger les autres, essayez de comprendre. Moi, c'est ce que je dois faire tous les jours.
Et pourtant, je n'ai pas à décider, personnellement : j'offre des alternatives, et j'aménage un peu selon les clients. Le gamin avec son rat, qui pleure toutes les larmes de son corps, ne paiera qu'une somme symbolique, mais une somme quand même. Pour le symbole, justement. La dame, avec son yorkshire, qui me demande un certificat comme quoi son ex a maltraité Kiki (pour avoir le droit de garde, vous comprenez), ou celle qui réveille tous les confrères de la région en pleine nuit pour avoir une ovariectomie de chatte en urgence, risque fort de payer plus. Oh, rassurez-vous, je ne me permettrais pas de gonfler mes tarifs, mais je multiplierais les examens pour démontrer que Kiki va très bien. Heureusement, la plupart du temps, je me contente d'énoncer des devis, de proposer, et de laisser le maître se débattre avec ses contradictions.

Pourquoi pensez-vous qu'un éleveur se fiche de ses vaches, qu'il paiera le moins possible et certainement pas pour du "superflu" ? Parce qu'il les envoie à l'abattoir ? Vous pourriez aussi vous dire qu'il consacre sa vie à marcher dans la merde à se casser le dos. Qu'il subit des contraintes réglementaires dont vous n'avez même pas idée, pour le bien-être animal, pour la sécurité sanitaire. Et tout ça pour gagner combien, finalement ? Peut-être qu'il ne fait pas ça que pour l'argent. Je sais bien que beaucoup jouent les durs... mais les éleveurs aiment leurs animaux. J'aimerais que vous voyiez l'un de ces rustres lors d'une euthanasie.

Qu'est-ce qui vous permet de penser que ces brutes de chasseurs se fichent de leurs chiens ? Vous n'imaginez même pas combien ils payent pour les nourrir, les emmener à la chasse, ou les soigner. Combien de temps ils passent à les dresser, aussi. Vous devriez vois leur visage lorsque l'un d'entre eux reste sur le carreau.

Un chien de race, un shar pei qui se vend 2000 euros, vaut-il plus qu'un bâtard ? Non, bien sûr ! Pourquoi cette cliente si gentille, qui soigne si bien son chiot, s'est-elle mise à dépenser beaucoup d'argent pour lui alors que sa vieille corniaude a juste eu droit à une euthanasie précoce, quand elle aurait pu être soignée ? Je n'exagère pas, et cette personne est vraiment charmante, en plus.

Ca vous choque que l'on gave une oie ? Que l'on paye 2000 euros pour faire une triple ostéotomie du bassin sur son bouvier bernois de 7 mois ? Que l'on mange les chevaux ? Que l'on euthanasie un rottweiler parce qu'il a grogné ? Que l'on enferme un chien dans un appartement 23h30 par jour ? Que l'on donne des trucs à table à son chien pendant les repas ? Que l'on décapite une poule ?

Pourquoi ? Pourquoi pas ?

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