Pourquoi vacciner mon chien ? (2/5)

"Bon, maintenant, vous avez compris ce que sont les vaccins et comment ils marchent."

La dame au labrador semble attentive. Pourtant, je lui ai déjà expliqué cela l'année dernière. Peut-être l'ai-je noyée d'informations, ce n'est évidemment pas simple...

"La quasi-totalité des vaccins des chiens sont des vaccins à agents atténués. Ils nécessitent deux injections à un mois d'intervalle, et un rappel annuel. Enfin, en général. On verra les exceptions et les évolutions au fur et à mesure...

Contre quelles maladies protège-t-on les chiens ?

Les cinq vaccins principaux

Il y a 5 vaccins principaux, que la plupart des vétérinaires réalisent simultanément : le "fameux" CHPPiL. Dans un flacon de vaccins, c'est ce qu'on appelle des valences.
Quatre sont destinés à prévenir des maladies virales, un une maladie bactérienne. Rappelez-vous qu'il n'y a pas vraiment de traitement contre une maladie virale, en tout cas pas de traitement simple et peu onéreux, comme les antibiotiques (qui ne tuent que les bactéries). On a donc tout intérêt à faire de la prévention puisque le traitement est soit hors de prix (et, selon les maladies, parfois inefficace), soit tout simplement impossible."

La dame au labrador prend le carnet de son chien, et regarde les étiquettes qui y sont collées depuis la première vaccination de son chien.

"La maladie de Carré (étiquette : c'est le C, ou le D pour Distemper) est une maladie virale qui s'attaque à plusieurs organes simultanément ou successivement, et finit par causer une encéphalite, c'est à dire une infection du cerveau. Cette maladie est pour ainsi dire incurable, et mortelle presque à tous les coups. Contagieuse, mais heureusement assez rare, elle a presque disparue grâce au vaccin.

L'hépatite de Rubarth (étiquette : H) est une infection virale du foie. Elle aussi a quasiment disparu en France, mais il y a des cas de temps en temps...

La parvovirose (étiquette : P) est une gastro-entérite hémorragique due à un virus, relativement fréquente. Elle est généralement mortelle pour un chiot, parfois même pour un adulte. Certains croient que ce n'est qu'une maladie du jeune, ce qui est une erreur : ils sont simplement plus fragiles. Pour celle-ci, je dirais que les chances de succès thérapeutique sont relativement élevées, mais nous perdons régulièrement certains jeunes chiens. Il existe un traitement antiviral à l'efficacité reconnue pour cette maladie, mais comptez plusieurs centaines d'euros... juste pour l'antiviral.

La toux du chenil (étiquette : Pi2) porte mal son nom. C'est une trachéo-bronchite due à un virus respiratoire (le parainfluenza 2), un peu comme la grippe. Celle-ci n'est pas trop grave mais peut se compliquer lorsque d'autres microbes entrent dans la danse, elle est très contagieuse et fréquente. Elle s'appelle toux du chenil parce qu'elle est particulièrement redoutable dans les effectifs de chiens et se propage sur un mode épidémique.

La leptospirose (étiquette : L) est une maladie bactérienne. Chez l'homme, on l'appelle "maladie de l'égoutier". Ces bactéries sont portées par des rongeurs comme les rats, dont les urines sont contaminantes. Votre chien peut l'attraper en chassant un rat ou en buvant, voire même en trempant ses pattes, dans de l'eau qui a recueilli les urines d'un rongeur. Ces bactéries ne survivent pas longtemps dans l'eau et il faut vraiment que le chien passe juste après le rat. En fait, la bactérie est fréquente, mais pas la contamination, donc cette maladie est rare chez les chiens. Heureusement : s'il existe des antibiotiques efficaces, les séquelles sont généralement tellement graves que le chien n'y survit pas, au, au mieux, reste gravement handicapé, par exemple avec une insuffisance rénale. Selon les souches de cette bactérie, elle s'attaque au rein, au foie, aux intestins, etc.

Ces vaccins sont réalisés systématiquement sur tous les chiens parce que ces maladies réunissent trois conditions :

  • elles sont assez fréquentes (ou elles l'étaient et le sont moins grâce au vaccin)
  • elles sont graves
  • la prévention est vraiment plus efficace que le traitement.

En plus, ils ne sont pas très chers, car ils sont fabriqués en grande quantité et relativement anciens, donc "amortis" par les laboratoires.

Les autres vaccins

Ce n'est pas le cas de tous les vaccins : comme il ne sert à rien de vacciner un français contre la fièvre jaune s'il ne quitte pas le sol métropolitain, on ne vaccine pas les chiens contre toutes les maladies qu'ils sont susceptibles d'attraper si le risque est infime, voire inexistant dans leurs conditions de vie.
En fait, la question à se poser, c'est : vu le mode de vie de mon chien, et les endroits où il va, de quoi a-t-il besoin ? Pour les cinq vaccins principaux, ne cherchez pas : quelles que soit ses conditions de vie, en ville, en appartement, à la campagne, qu'il soit un chien de concours, de chasse ou de compagnie, il peut attraper ces maladies.

Les maladies réglementées

La rage (étiquette : R) n'est pas présente en France, quoiqu'il y ait régulièrement des alertes dues à des importations illégales depuis des pays contaminés, notamment le Maroc. Étant donné que cette maladie est incurable et mortelle pour l'animal comme pour l'homme, c'est un vaccin important, qui est obligatoire pour voyager, et exigé dans la plupart des manifestations canines. Disons que c'est le moins optionnel des vaccins "secondaires".

Les maladies à tiques

La maladie de Lyme, ou borréliose, est transmise par les tiques, elle peut aussi toucher l'homme. Elle est fréquente dans certaines régions comme le sud-ouest ou le massif central, mais peu de chiens développent la maladie, même s'ils sont confrontés à la bactérie (ils se défendent très bien naturellement contre elle !).

La piroplasmose mériterait une heure de discussion, je ne vais pas rentrer dans le détail ici... Disons simplement que sa vaccination est discutable, à voir au cas par cas. J'en reparlerai dans un autre billet.

Retenez qu'en général, contre ces maladies, il vaut mieux lutter contre les tiques que vacciner : pipettes, sprays, colliers, il existe plusieurs techniques qui mériteraient une autre discussion.

Les maladies d'élevage

La bordetellose (étiquette : Bb) est une variante de toux du chenil, bactérienne cette fois. Disons que c'est une complication de la forme virale de la maladie. Ce vaccin n'est réellement utile que dans certains élevages, avec un contexte de diagnostic de l'affection. Il n'y a pas d'intérêt à faire ce vaccin sur un chien de famille, en général.
Certaines pensions canines demandent cette vaccination. Il existe d'ailleurs un vaccin à agent vivant, qui s'utilise en nébulisation dans le nez : il s'installe une immunité locale très rapide et puissante, ce qui permet de faire le vaccin en urgence sur des portées de chiots, chez des éleveurs chez qui sévirait cette maladie.

L'herpesvirose complique la vie des éleveurs. Encore une fois, ce n'est pas un vaccin pertinent pour des animaux de compagnie, mais il peut être indispensable dans certains élevages.

Comment on vaccine un chien ?

- Mais docteur, on peut faire tous ces vaccins en même temps ?

- Non ! Les cinq valences CHPPiL et rage peuvent être associées simultanément, mais, par exemple, il est formellement déconseillé d'utiliser le vaccin contre la piroplasmose en même temps qu'un autre vaccin. Ca finit par faire beaucoup pour un seul corps, tout ça...

- Beaucoup pour le corps... et si le chien est malade ?

- Le chien est vacciné lors d'une consultation, généralement dédiée à ce sujet : on ne vaccine pas un chien quand on le voit pour un problème de santé ! Il faut qu'il soit en état de recevoir le vaccin et d'y réagir, c'est à dire que son système immunitaire ne soit pas occupé ailleurs.

- Moi, j'ai peur que ça lui fasse mal, à mon chien... la première fois, il a crié quand le vétérinaire a fait l'injection.

- L'administration du vaccin se fait en injection sous-cutanée. C'est une piqûre très peu douloureuse et il n'y a généralement que quelques chiots, qui crient juste au cas où, et quelques chiens mal dans leur peau, qui n'apprécient pas qu'on les contraigne, pour y trouver à redire.
Il peut se faire une petite réaction locale pendant les jours qui suivent l'injection, un espèce de gonflement mou et parfois un peu douloureux, qui doit disparaître en trois jours au plus.

- On ne peut pas les faire autrement que par piqûre, ces vaccins ?

- Il existe un vaccin un peu spécial qui se fait en pulvérisation dans le nez, j'en parlais il y a un instant. Destiné à protéger contre certaines formes de toux de chenil, il a une action extrêmement rapide en stimulant ce que l'on appelle l'immunité locale (parce qu'elle n'intervient, dans ce cas, que dans les voies respiratoires), quand les vaccins classiques stimulent l'immunité dite "générale". Mais ça ne marche que pour celui-là, les maladies qui concernent tout l'organisme doivent être vaccinées par injection.

Mais ça marche vraiment bien, ces vaccins ?

- La réponse simple, c'est oui.
Mais je vois bien qu'il va falloir que je développe."

Dans la salle d'attente, quelques sourires. Ils m'attendent au tournant ! Je sens qu'ils vont être contrariants.

"Premièrement, il faut savoir qu'un vaccin n'agit pas instantanément. En sortant de sa première consultation vaccinale, un chiot n'est pas protégé.
Une immunité primaire se mettra en place en deux à trois semaines. Elle sera d'intensité modérée, peu protectrice.
La seconde injection de primo-vaccination va provoquer une réponse immunitaire secondaire, ou "mémoire" d'intensité supérieure, et surtout, qui va stimuler des globules blancs chargés de mémoriser les caractéristiques de l'agresseur, ce microbe dont on lui présente des aspects avec le vaccin. Ainsi, lorsque l'organisme rencontrera le "vrai" microbe responsable de la maladie, il saura immédiatement comment le détruire, car on lui aura appris.

- Mais si le microbe est mémorisé, pourquoi on fait des rappels ?

- Parce que l'organisme oublie. Selon les maladies et les types de vaccins, il oublie plus ou moins vite. Il faut donc stimuler la mémoire, pour qu'il se rappelle. D'où le nom !

- Mais c'est vrai qu'il y a des vaccins plus ou moins bons ?

- Dans le cas des maladies virales (maladie de Carré, Hépatite de Rubarth, parvovirose, rage), la capacité du corps à apprendre et à réagir vite est excellente, ce qui permet à la protection vaccinale d'être excellente. Comprenez moi bien, parce que c'est important : ces vaccins sont très bons car pour l'organisme, les virus concernés sont faciles à reconnaître et à neutraliser. Ce n'est pas le vaccin qui est bon, c'est la capacité du corps à réagir contre le microbe. La nuance est très importante.
En effet, en ce qui concerne d'autres maladies comme la toux du chenil, c'est moins évident. La protection, dans ce cas, est souvent plus partielle : suffisante pour que le chien ne soit pas vraiment malade, mais il peut fréquemment être un peu patraque s'il rencontre le virus. Dans ce cas précis, c'est encore plus compliqué car il existe de nombreux virus et bactéries qui provoquent des symptômes semblables, ce qui fait que l'on ne sait jamais vraiment très bien lequel est en train d'attaquer votre chien.

- Alors, ce vaccin là ne marche pas ?

- Si, il protège votre chien, qui fera une maladie moins grave - ou pas de maladie du tout, ne soyons pas trop négatifs - que s'il n'était pas vacciné. Vous aurez noté tout à l'heure que je vous ai parlé de vaccin contre la bordetellose, qui ressemble à la toux de chenil, et que l'on ajoute au vaccin contre le parainfluenza classique (valence Pi de l'étiquette) dans certains élevage et chenils. Ca peut être une solution pour mieux le protéger, mais, en général, pour un chien de famille, c'est inutile.

- Vous n'avez pas parlé de la maladie de l'égoutier ?

- Dans le cas de la leptospirose, c'est plus ennuyeux. En effet, le vaccin protège contre deux types de leptospires, les deux plus dangereux. En réalité, il en existe de nombreuses autres, plus ou moins pathogènes (pathogène, ça signifie : capable de créer une maladie). De plus, ce vaccin confère une immunité d'une durée inférieure à celles des autres valences. Le rappel annuel est le minimum, pour cette maladie. Par ailleurs, on rencontre parfois des formes atténuées de leptospirose chez certains chiens vaccinés, probablement parce qu'ils ont rencontré une leptospire contre laquelle ils ne sont pas vaccinés. Heureusement, même si elles sont différentes, ces leptospires se ressemblent, ce qui fait que le corps sait à peu près comment les combattre.
Le problème réside dans cette variabilité des leptospires : j'ai déjà vu des chiens mourir de leptospirose alors qu'ils étaient vaccinés. Ceci étant dit, j'en connais encore plus qui en sont morts non vaccinés...

- Mais c'est terrible ! Et comment faire pour que mon chien soit mieux protéger contre cette maladie ?

- Hélas, à cette heure, nous n'avons pas de meilleure protection...

- Et pour la piroplasmose ?

- Joker, nous en parlerons une autre fois, c'est trop compliqué pour aborder ce point aujourd'hui."

La vaccination, c'est obligatoire ?

Je reprends ma respiration. Je sens d'autres questions sur les lèvres de ces clients. Trop d'informations tuent l'information, mais je ne peux pas non plus ne pas leur répondre.

"Est-ce que c'est obligatoire, de vacciner le chien ? Parce que mon voisin ne vaccine pas ses chiens et je ne voudrais pas qu'ils transmettent des maladies aux miens !

- Alors, non, la vaccination, de manière générale, n'est pas obligatoire.
Il y a deux exceptions :

  • la vaccination contre la rage est obligatoire pour voyager à l'étranger. Elle peut aussi l'être ponctuellement dans certaines zones, quand il y a une alerte due à un cas de rage importée.
  • dans certaines circonstances, des vaccins peuvent être exigés, par exemple dans les pensions canines, les chenils, les clubs d'éducation et d'agility : comme il y a beaucoup de chiens au même endroit, les responsables de ces lieux souhaitent éviter les risques, ce qui est logique.

Et c'est cher ?

- Mais ça coûte combien, un vaccin ?

- Bonne question. Il y a deux choses différentes à prendre en compte :

  • Le prix de la consultation vaccinale, qui est souvent le même que le prix de la consultation classique, en moyenne en France entre vingt et trente euros.
  • Le prix de chaque valence vaccinale, souvent réunies dans un même flacon, comme le CHPPiL dont je vous parlais tout à l'heure. Là, selon le fabricant du vaccin, les valences exactes présentes dedans, c'est entre quinze et trente euros. Plusieurs facteurs peuvent expliquer les importantes variations de prix parfois constatées.

Certains vétérinaires vaccinent tous les chiens avec les cinq valences, ce qui est presque mon cas. Je ne stocke donc pas différents vaccins et je peux donc proposer celui-là à un prix intéressant. D'autres vétérinaires préfèrent pouvoir composer une vaccination sur mesure pour chaque chien, avec un flacon par valence. Dans ce cas, il y a plus de stock, plus de conditionnements, la valence revient, individuellement, plus cher.
Comme ailleurs, une grosse clinique aura sans doute plus de facilités à proposer des vaccins moins chers puisqu'elle en vendra plus, le mécanisme est classique, mais on peut avoir des surprises puisque un vétérinaire seul dans un petit cabinet peut tout à fait être compétitif, car il aura moins de charges (de bâtiment, de matériel, de personnel, etc).

A ce niveau là, je dirais que cela importe peu. En réalité, d'un cabinet à un autre, les variations de prix sont presque toujours très modestes, et faire vingt kilomètres de plus pour économiser trois euros ne me paraît pas un bon calcul... d'autant qu'il y a d'autres paramètres qui me semblent plus important, comme la relation que vous établissez avec votre vétérinaire. Vous êtes libres de votre choix, vous avez le droit de demandez le tarif, mais posez vous d'autres questions avant de choisir le moins cher... surtout pour des variations aussi peu importantes.

Pour en finir avec le prix des valences vaccinales : certains vaccins sont très chers, je pense notamment au vaccin contre la piroplasmose dont la dose coûte, selon le fabricant et le cabinet, entre quarante et soixante euros. Ces vaccins là sont fabriqués à des échelles très inférieures, et exigent une technologie beaucoup plus coûteuse que les valences classiques. D'où le prix. Je vous ai déjà conseillé de préférer, en priorité, une bonne protection contre les tiques à un vaccin contre la piro ?

- Mais moi, avec tous mes chiens, je pourrais avoir un prix ?

- Et bien, si nous ne passons pas une demi-heure avec chacun de vos chiens parce qu'ils ont d'autres soucis que nous découvrons lors de la consultation vaccinale, oui, bien entendu. Là encore, les arrangements commerciaux sont tout à fait possibles, et fréquents, n'hésitons pas à en parler.

Et les effets secondaires ?

- Et ça ne rend pas malade au moins ?

- Non. Il y a deux types d'effets secondaires :

  • la réaction locale dont je vous ai parlé tout à l'heure, tout à fait bénigne.
  • parfois, une réaction générale avec un peu de fatigue et une baisse d'appétit, quelques courbatures et, exceptionnellement, un peu de fièvre. Cela n'arrive pour ainsi dire jamais avec le CHPPiL, un peu plus fréquemment avec la valence rage.

Ces réactions sont par contre très fréquentes, et parfois assez violentes, avec un vaccin contre la piroplasmose, mais je vous en parlerai en détail si nous décidons de vacciner votre chien contre cette maladie.

Je vous l'ai déjà dit : les vaccins ne sont pas dangereux. Ils se contentent de stimuler les défenses de l'organisme, et, s'ils peuvent provoquer des effets indésirables, que je viens d'évoquer, ceux-ci sont minimes et bien peu de choses en regard du danger mortel de la maladie de Carré, de la parvovirose ou de la leptospirose, pour n'évoquer que celles-là.

- Et pour mon chat ?

- Hum... laissez moi recevoir ce chien pour le vacciner, et nous allons en discuter."

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