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samedi 18 décembre 2010

Au fil de l'eau...

... au fil des mots...

Les journées et les nuits s'enchaînent avec une fluide et trompeuse facilité, mais elles me laissent une étrange sensation de temps enfui. Pour la première fois, des ébauches de billets s'accumulent sur dotclear. Pas la tête à écrire. Pas la tête à réfléchir, je me laisse juste porter, balloté de cas tout bête en cas de merde, de petites joies en belles réussites ou en échecs.
Un chat qui sert de corde à nœuds à deux chiens. Hémorragie thoracique, décès en deux jours.
Une chienne de chasse qui se fait juste disséquer un muscle intercostal par une défense de sanglier, sans pneumothorax. Petit chantier là où je craignais un gros boulot.
Une anémie hémolytique des familles, qui vient tester mon dernier protocole immunomodulateur.
Un stagiaire de troisième qui n'imaginait pas qu'il y aurait des choses aussi tristes que des agneaux morts-nés ou l'euthanasie d'une vieille jument. Qui ne pensait pas non plus qu'un "grand" pouvait s'arrêter sur la route pour ramasser une grive en état de choc. Des fois que ça compenserait ?
Il n'imaginait d'ailleurs pas non plus le nombre de papiers que je peux remplir en une semaine. Surtout une semaine avec deux après-midi à faire des visites sanitaires bovines, un genre de questionnaire assez con, surtout chez les éleveurs à deux-trois vaches (pour les "vrais", encore, ça peut ouvrir des pistes de discussion).
J'apprécie beaucoup les conversations avec lui. Il a quoi, 14-15 ans ? Il est un peu en retrait, mais attentif. Branché. Je dois faire bien attention à ne pas oublier son âge, à préparer et débriefer. On ne sort pas indemne d'une première rencontre avec la mort toute nue, d'avec la douleur des gens.
De la prophylaxie, tranquille pépère, cerveau débranché, éviter les coups de pieds - prise de sang, tuberculine, puis vaccin. Routine, routine, confortable routine.
Une césarienne, un p'tit veau dans sa stabu, une perfusion ou deux, un cheval boiteux.
De la compta.
Du givre, de la flotte. Ne jamais oublier mon bonnet.
Ne pas oublier non plus que c'est une mauvaise idée d'aller râper des dents de chevaux quand il fait -2°C. Les entailles sur les mains et l'eau glacée, dur dur.
Tiens, une belle tentative d'arnaque. Je lui offrirai un billet. Des fois que ça puisse servir, ou faire sourire.
Le flot des consultations ne s'interrompt pas, des clients râlent : "oui, mais c'est vous que je veux voir." Je ne peux pas être partout.
Une bête consultation vaccinale, je détecte une masse abdominale, à explorer. Inquiétant. Je parie un hémangiome, une tumeur de la rate. Prise à temps, ce n'est pas méchant, comme le dit la pub.
Piro, piro et piro. Pour changer.
Ah et sinon, monsieur, oui, contre la leptospirose, votre chien aurait pu être vacciné. Il s'en serait très probablement sorti.
Pas comme cette IRC. Fin de règne. Fin de vie.
Belle polyarthrite auto-immune, je suis tout fier, j'ai trouvé une cellule de Hargrave. Beau diagnostic, docteur. J'en parle à tout le monde à la clinique, je suis tout content, et en plus, le chien va super bien. Auto-congratulation.
Je suis tout aussi content d'avoir sorti un pseudo-pit' de sa catégorie. Hop, plus de muselière ! J't'en foutrais du chien méchant.
Touiller du caca d'un effectif de chiens, diarrhée mucoïde un peu étonnante. La coproscopie : un art, un sacerdoce.
Brasser de la pisse, de la merde et du vomi. Pas étonnant que ma femme me demande de virer toutes les saloperies non identifiables et bizarrement macérées qui s'accumulent sur la bonde de l'évier. J'ai l'habitude, je suis vétérinaire.
Belle radio d'un thorax de chat avec de très moches métastases de tumeurs mammaires. Elle n'en a sans doute plus pour très longtemps. Sa propriétaire va s'enfoncer un peu plus dans sa déprime. Les curieux en apprendront plus ici et , et la verront .
Un couple d'anglais m'amène un chat à castrer. Ils aiment la sonorité du mot "châtrer". Étonnante conversation.
Et puis il y a ces souvenirs qui n'arrivent pas à devenir des billets, douleurs à mûrir, à accoucher avant de publier.
L'oreiller, le réveil.
Heureusement, il y a la splendeur des collines givrées, des couchers et levers de soleil d'hiver, toutes les boules de poils et les sourires, des clients, des ASV, des simples passants.

mardi 2 mars 2010

Brèves d'évaluations comportementales

- Bah, ces évaluations, c'est comme la ceinture dans les voitures: on l'a rendue obligatoire mais ça n'a jamais diminué le nombre d'accidents.

- Je viens pour l'évaluation comportementale parce que bon, c'est normal, la loi s'applique à tout le monde.
- Mmhhh
- Mais je sais qu'à la base c'est fait pour les croisé arabes avec leurs croisés pitbulls.

- Mon chien n'est pas méchant !
- Il a quand même mordu cinq fois...
- Il n'est pas méchant, mais il est très con.

- Ce qui devrait être interdit c'est de laisser un rott' à une femme. Les femmes, elles sont pas faites pour ces chiens là.

Au téléphone : Oui, ce serait pour prendre rendez-vous pour une évaluation comportementale, mais je voudrais savoir si le vétérinaire a peur des rottweilers ?

- Comment ça c'est pas un rottweiler mon chien ?
- Ben non, le texte de loi est assez précis sur la taille des chien de type rottweiler et j'ai le plaisir de vous annoncer qu'étant donné qu'il est trop petit, il n'appartient en fait pas à la seconde catégorie - ni à la première d'ailleurs. Fini la muselière, la déclaration en mairie...
- Mais c'est un rottweiler mon chien !
- Pas aux yeux de la loi.
- Mais oh c'est un rot' j'te dis !
- L'évaluation c'est 110 euros, la décatégorisation 60, vous préférez quoi ?
- Ouais mais bon, ya du rot' dedans quand même ?
- Mais oui, c'est un très joli mini-rot', et super sympa en plus. Mais pas un rot'.

Dans la même catégorie, par une mère de famille âgée d'une cinquantaine d'année :
- Quand même : pas une rottweiler ? Je crois que je ne la regarderais plus jamais de la même façon. Je me sens presque trahie...

Ou aussi :
- Docteur, je ne vous permets pas : mon chien n'est pas un bâtard.

Pour en savoir plus sur la diagnose de catégorie ou les évaluations comportementales, consultez la catégorie de billets intitulés "chien dangereux".

Et pour ceux qui se poseraient la question : 110 euros l'évaluation correspond à mon tarif spécial "rottweiler ou pit' adorable juste venu se mettre en conformité avec la loi" pour une heure à une heure et demie d'évaluation, plus un rapport d'expertise dans les formes.

mercredi 3 février 2010

Il m'a souri

Assis à mon bureau, je regarde, à travers la grande baie vitrée, le grand-père et son petit-fils s'avancer vers la porte de la clinique. Devant moi, mon bloc-notes, des stylos éparpillés, le recueil de la formation sur l'évaluation comportementale. L'écran de l'ordinateur est figé sur la fiche de Loupiot, un beau brin de braque âgé de 7 ans, suivi depuis toujours à la clinique pour ses vaccins, ses piros et ses bobos, mais aussi pour une arthrose galopante du coude droit.

Loupiot qui est venu ce matin pour une évaluation, après avoir mordu au visage le petit blondinet qui tient, bien serrés, deux doigts de la main droite de son "Dédé". J'anticipe leur arrivée, ouvrant la porte de la salle de consultation au moment où ils franchissent le seuil de la clinique, les invitant à s'assoir devant moi. Le bol de bonbons est posé sur le bord du bureau, et Dédé en propose un à Jonathan, après l'avoir installé sur un des deux sièges.

Je n'ai pas grand chose à raconter sur Loupiot. Chien banal dans une famille banale, il chasse quand son maître a envie de se dégourdir les jambes et mène, le reste du temps, une vie de famille tranquille chez ce couple de personnes âgées. Cela fait bien longtemps que je le fréquente, et même s'il a toujours été sur la réserve à la clinique, il ne m'a jamais posé de problème en salle de consultation, endurant plus ou moins stoïquement toutes les manipulations, même les plus douloureuses. Un joli gris fumé, un panache blanc sur le poitrail, une cicatrice sur sa babine, à droite, une queue un peu pelée et un collier orange fluo : un chien comme les autres.

Jonathan a cinq ans environ, une bouille de gosse adorable, une masse de cheveux blonds coupés au bol - ça se fait encore ? - et un joli anorak rouge. Un de ces jean's d'enfants qui n'ont pas le temps de s'user qu'ils sont déjà trop petits, et une paire de baskets qui clignotent - clignotaient ? - lorsqu'il marche. Un gosse comme tant d'autres.

Mais Jonathan a quelques points de suture sur l'oreille gauche, et une vilaine marque violacée à l'angle de la mâchoire. Comme l'a dit le médecin : ça aurait pu être pire.

Jonathan passe, depuis des années, la plupart de ses journées chez ses grands-parents. Avec Loupiot le chien et Minou le chat. Il ne fréquentait pas particulièrement le braque, mais ne manquait jamais l'occasion de lui faire une caresse, ou de lui donner une croquette. Surtout s'il lui avait bien donné la patte, le genre d'exercice qui n'avait pas l'air d'intéresser beaucoup le chien, qui l'ignorait la plupart du temps. Dédé m'avait décrit une relation très neutre, normale. Un gosse attaché mais pas envahissant, un chien plutôt indifférent. Jamais menaçant, ni collant.

Devant moi, Jonathan balance ses jambes, l'une après l'autre, et engloutit un, puis deux chocolats.

Avant hier, Dédé est allé faire du bois, avec son C15, son Loupiot et son petit-fils. Le gosse jouait tranquillement dans le sous-bois à côté de la voiture, le chien vaquait à ses occupations. Lorsqu'il est revenu en courant se terrer dans le C15, se glissant par la porte arrière encore ouverte, Dédé n'y a pas trop prêté attention. Il lui a bien semblé que le bruit de course était un peu rapide, mais, sur le coup, il n'a pas réagi. Loupiot finit toujours par aller dormir dans la voiture après sa promenade. Dédé s'est même demandé s'il n'a pas entendu un couinement, mais il n'en est pas sûr, il se l'est peut-être inventé après coup. Le reste, il ne l'a pas vu. Lorsqu'il a entendu son petit-fils hurler, il s'est précipité vers la voiture, à une vingtaine de mètres de lui, a vu son chien détaler et le sang, le sang sur le visage de Jonathan. Ensuite, la voiture, la chemise déchirée et nouée autour du visage, les urgences, les sutures. Les parents paniqués, les cris, la colère. Le père voulait tuer le chien, alors Dédé a pris son fusil et son C15, il est retourner chercher Loupiot. Le braque l'attendait à côté de la tronçonneuse, patient.

Dédé a levé son fusil.

Il l'a armé. Puis il l'a baissé, et rangé dans son étui. Il a battu le chien, il a frappé sa colère, sa peur, sa frustration, sa lâcheté, sa déception, sa culpabilité, son impuissance. Puis il l'a jeté dans l'arrière du C15. Il pleurait. Il est venu directement à la clinique, et j'ai hospitalisé le chien le temps de laisser les choses se calmer. J'ai gardé Loupiot deux jours. Il attendait, paisible, au fond de la courette, profitant des promenades et pleurant lorsqu'il restait tout seul trop longtemps.

Puis Dédé et revenu, j'ai sorti son chien du chenil, et nous avons parlé. Loupiot avait une petit blessure au bout de la patte droite, les anti-inflammatoires et les soins locaux avaient suffi à tout faire rentrer dans l'ordre. Le maire avait demandé une euthanasie, j'avais évoqué l'évaluation comportementale. Alors nous avons parlé, parlé, abandonnant les sentiers des fiches, des petits carrés à cocher et des questions ritualisées, des rapports et des arrêtés. Comme moi, Dédé pense que le chien s'est fait mal, que son arthrose l'a sévèrement lancé, et que l'enfant l'a approché alors qu'il se terrait et souffrait. Que le gosse a déconné.

Dédé voudrait garder son chien, parle de pièces séparées, de loquets, de verrous, de l'enfant qui pourrait ne plus l'approcher, mais il est résolu, il veut bien qu'il soit euthanasié. Mais il ne pourra pas le tuer.

Comme lui, j'ai besoin de savoir : est-ce qu'il recommencera ?

- Jonathan, dis-moi.
- Écoute le docteur, Jojo.

D'un signe de la main, j'isole Dédé. Ce sera entre Jonathan et moi.

- Jonathan, est-ce que tu peux me raconter ce qu'il s'est passé ?

Jonathan regarde ses pieds, ses jambes qui se balancent, l'une après l'autre.

- Comment ça s'est passé lorsque tu es rentré dans la voiture ?
- Loupiot était couché, et il pleurait.
- Il pleurait ? Pourquoi il pleurait ?
- Il s'était fait momo à la patte. Il saignait.

L'enfant regarde toujours ses pieds, la clinique est silencieuse, le soleil baigne le bureau. Les chocolats vont fondre.

- Alors je lui ai dit que c'était pas grave et que ça allait passer, et je l'ai consolé. Je lui ai pris sa patte qui faisait momo. Il ronronnait, parce qu'il était content.

Il prononce ronron-nait.

- Alors je lui ai fait un bisou sur la patte, parce qu'il souriait. Et puis...

Et puis sa voix s'étrangle, et j'en ai assez.

Il souriait.

Il ronron-nait.

Loupiot a grogné. Loupiot a montré les dents, acculé dans le C15, blessé, il a averti l'enfant, a voulu le chasser. Mais l'enfant est resté, Jonathan n'a pas compris les signaux du chien, ces avertissements pourtant évidents. Évidents pour un adulte, pas pour un enfant. D'après mes cours, les jeunes enfants ne savent pas interpréter le langage des chiens, leurs attitudes et leurs signaux. Le cours venait brutalement de se faire rattraper par la réalité.

En ce qui me concernait, je n'avais pas grand chose à reprocher à Loupiot. Le reste de la discussion est venu confirmer cette interprétation. Le chien qui vient se cacher, l'enfant inquiet, qui veut le consoler, qui appuie là où ça fait mal, le chien qui prévient, cohérent, et puis qui repousse l'agresseur d'une unique morsure contrôlée, à sa hauteur, celle du visage de l'enfant agenouillé dans le C15.

Comme l'exige l'évaluation comportementale, j'ai donc classé ce chien.
Niveau de risque II : le chien présente un risque de dangerosité faible pour certaines personnes ou dans certaines situations.

Faible, car même dans une situation "critique", le chien a prévenu et contrôlé sa morsure, utilisée en dernier recours pour chasser un importun.
Pas en niveau I, car l'enfant, même s'il en sera désormais séparé, pourrait réussir à se retrouver avec lui (quoique les conditions pour une nouvelle morsure seraient probablement difficiles à réunir).
Par contre, la persistance de la douleur arthrosique crée un facteur de risque supplémentaire, je recommanderai d'améliorer la prise en charge de la douleur.

Le maire a suivi mes recommandations. J'ai eu une explication calme avec le père de Jonathan, qui, une fois la colère passée, a parfaitement compris l'évaluation.

Quant à Loupiot... il continue à aller faire du bois avec Dédé, car maintenant, Jonathan est assez grand pour passer l'essentiel de ses journées à l'école...

vendredi 4 décembre 2009

Qu'est-ce qu'elle a ma race ?

Petit problème amusant lié aux catégories de chiens de la loi du 6 janvier 1999 : et à la diagnose de catégorie.

Soit un chien présentant les caractéristiques physiques suivantes :

  • Hauteur au garrot 62 cm
  • Tour de poitrine : 90 cm environ (embonpoint modéré) ; poids 53 kg
  • Stop marqué, museau d'une longueur légèrement inférieure à la longueur du crâne, truffe large, occlusion dentaire parfaite
  • Robe bringée à panache blanc
  • Queue coupée suite à une intervention chirurgicale à visées thérapeutiques (ce n'est pas une caudectomie de convenance)
  • Testicules en place

Pour vous aider à visualiser le chien, imaginez un genre de rottweiler bringé avec un panache blanc, avec une tête un peu moins ronde que le rottweiler moyen. Pas un amstaff en tout cas.

Soit un certificat d'exportation émis par une société canine d'un pays extérieur à l'Union européenne mais inscrit à la fédération cynologique internationale, qui indique le chien appartient à la race Staffordshire terrier américain.

Tous les autres documents administratifs étant en règle : identification électronique étrangère inscrite sur le fichier national canin, passeport, vaccination contre la rage, assurance en responsabilité civile.

D'après vous, ce chien appartient-il à l'une des deux catégories définies par l'article L211-12 du code rural et l'arrêté NOR: AGRG9900639A ?

N'hésitez pas à vous servir de l'annexe de l'arrêté cité ci-dessus.

J'avais d'autres documents à ma disposition lorsque ce problème s'est présenté à moi, ils pourraient vous servir :

Lire la suite...

dimanche 19 juillet 2009

Catégorisation des chiens dits dangereux

Voici un billet depuis longtemps promis à une patiente lectrice qui me demandait un exemple de certificat de non-catégorisation de chien dit "dangereux" au termes de la loi du 6 janvier 1999. Plutôt que de placer directement ledit certificat sans explications ni commentaires, je vais plutôt m'attacher à vous expliquer la logique de cette démarche, ses limites et ses qualités, ce qui risque certainement de montrer encore une fois la conception boiteuse de cette loi.

Pour rappel, je vous invite à (re) lire le billet consacré à cette loi publié en décembre 2007.

Qu'est-ce qu'une catégorie de chiens dits dangereux ?

Ce concept de catégories de chien susceptibles d'être dangereux a été inventé avec cette loi citée plus haut, qui avait pour objectif de contrôler voire d'interdire la reproduction des fameux pitbulls et assimilés, en se basant :

  • d'une part sur des caractères génétiques, objectivés par l'inscription au Livre des Origines Français (c'est à dire, la détention d'un pedigree),
  • et, d'autre part, en l'absence de critères objectifs (pour ce qui concerne, disons, les bâtards, du moins les chiens qui ne sont pas inscrits au LOF), sur la ressemblance entre un individu et les individus de ces races.

Première limite, un choix a été réalisé dans la définition des chiens "susceptibles d'être dangereux". En clair, le législateur, soutenu par le "sens commun", s'est dit qu'il y avait des races plus dangereuses que d'autres. Or, hormis sur un critère de poids et de puissance de la mâchoire, c'est une erreur. Une erreur commune, mais une erreur. Un american staffordshire terrier n'est pas plus dangereux qu'un berger allemand ou qu'un labrador. Les connaissances scientifiques tout autant que les statistiques d'accidents sont très claires sur le sujet (et on pourra y revenir dans un autre billet, mais ce n'est pas le sujet du jour). En fait, il est aussi stupide de dire que telle race est dangereuse que d'affirmer que les chats noirs portent malheur ou que les chiens aux yeux jaunes sont plus vicieux.

Combien d'idées reçues de ce type véhiculons-nous tous les jours sans même y prêter attention ?

Bref : la loi existe, et il faut la respecter. D'après l'arrêté du 27 avril 1999 :

Elle a définit la seconde catégorie, celle des chiens "de garde et de défense" :

Relèvent de la 2e catégorie des chiens telle que définie à l'article L. 211-12 du code rural :
- les chiens de race Staffordshire terrier ;
- les chiens de race American Staffordshire terrier ;
- les chiens de race Rottweiler ;
- les chiens de race Tosa ;
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race Rottweiler, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et la première catégorie, celle des chiens "d'attaque" :

Relèvent de la 1re catégorie de chiens telle que définie à l'article L. 211-12 du code rural :
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race Staffordshire terrier, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race American Staffordshire terrier, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ces deux types de chiens peuvent être communément appelés "pit-bulls" ;
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race Mastiff, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche. Ces chiens peuvent être communément appelés "boerbulls" ;
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race Tosa, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comme je le disais dans un autre billet : les chiens avec une sale tronche, et les chiens avec une sale tronche et des papiers. Ne me demandez pas pourquoi les rottweilers et type rottweilers sont tous de seconde catégorie, je n'en sais rien. Ni pourquoi les Tosa, race rarissime dans l'hexagone, s'y retrouvent, et pas les dogues argentins, qui étaient tout aussi rares à l'époque... J'ai déjà pas mal épilogué sur ces sujets dans les billets de la catégorie "chiens dangereux", je vous invite à vous y reporter si vous voulez approfondir la question.

L'annexe de l'arrêté nous fournit heureusement les caractéristiques de diagnose des types évoqués pour les chiens de première catégorie, mais nous pourrions tout aussi bien nous reporter au standard des races, ce qui est parfois important dans certaines diagnoses.

Petit détail amusant : la race "staffordshire terrier" n'existe pas, amusez-vous à faire la recherche sur le site de la Société Centrale Canine. Et le staffordshire bull terrier n'est donc pas concerné.

Cette liste est exclusive : si votre chien est un chien de race et n'apparaît pas dans ces listes, il n'est pas concerné !

Quand a-t-on besoin de connaître la catégorie d'un chien ?

Deux catégories de personnes peuvent demander à un vétérinaire de définir ou d'exclure l'appartenance d'un chien à une catégorie : les propriétaires, en général pour se mettre en règle ou se rassurer, et les autorités (un maire, un juge).

Je reçois régulièrement des demandes de tels certificats pour d'autres cas, qui sont à mon avis à la limite de la légalité (mais comment les refuser ?) :

  • assurances (pour assurer le chien de la maison, soit en responsabilité civile soit en mutuelle de santé vétérinaire)
  • associations, maisons de retraites et encore plus fréquemment les "nounous" qui ont un sacré dossier remplir avant d'accueillir votre enfant chez elles, ce qui m'a permis de réaliser des certificats pour un caniche, un berger blanc de suisse, un berger allemand et un berger des Pyrénées

Qui peut définir la catégorie d'un chien ?

Un vétérinaire, et exclusivement un vétérinaire, mais n'importe quel vétérinaire. Aucun agent des forces de l'ordre ou maire ne peut décréter qu'un chien appartient à telle ou telle catégorie.

Il existe des vétérinaires "experts" mais ils ne sont pas experts en catégorisation, ils sont experts auprès des tribunaux, et sont en général habitués aux subtilités juridiques entourant ces lois. Cela dit, il n'est pas nécessaire d'avoir recours à ces experts pour définir la catégorie d'un chien.

J'attire en passant l'attention des confrères qui me lisent : réaliser un tel certificat engage :

  • votre responsabilité civile contractuelle (obligation de moyens),
  • votre responsabilité pénale (bien sûr, aucun vétérinaire ne ferait une chose pareille, mais c'est un certificat, à la limite de la définition légale de l'expertise, ne réalisez pas de faux !)
  • votre responsabilité disciplinaire (cf ci-dessus)

Pour faire un certificat, il faut voir le chien, le mesurer sous toutes les coutures, et produire un document digne de ce nom.

Et j'attire l'attention de mes lecteurs non-vétérinaires (et des vétérinaires aussi, ne dépréciez pas votre travail !), tout ceci a un coût : temps, formation, responsabilité. Selon les cas, je facture un tel acte entre 50 et 80 euros. Et je ne suis pas cher. Je connais un confrère expert qui les facture entre 150 et 200 euros.

Comment se déroule une consultation de catégorisation ?

Très simplement : comme toute consultation, elle comprend un examen clinique complet du chien.

Il convient de vérifier l'identité du chien ! Puce électronique ou tatouage, peu importe, mais on ne réalise pas un tel certificat pour un animal non identifié (et de toute façon, tous les chiens doivent être identifiés, c'est la loi qui le dit).

Si le chien est un chien de race, ses propriétaires doivent produire les documents qui en attestent (pedigree). Il convient d'enregistrer leurs références sur le certificat.

Ensuite, comme nous disposons d'une liste de critères physiques objectifs fournis par l'annexe de l'arrêté et les standards des races concernées, le plus simple est de procéder par élimination. Hauteur au garrot, poids, tour de poitrine doivent être mesurés.

Cette consultation peut également être l'occasion de réaliser d'autres actes : identification, vaccination antirabique ou que sais-je, en rapport ou non avec les lois sur les chiens "dangereux".

Un dernier point, qui a son importance : je ne réalise jamais ce genre de diagnose en l'absence du propriétaire de l'animal (celui dont le nom est indiqué sur la carte d'identification de l'animal).

Un exemple de catégorisation

En italique, mes commentaires. Dans les blocs de citation, les références. Le reste, c'est le certificat tel que je le rédige.

Clinique vétérinaire des oliviers
Route qui monte
75000 L'Ouve

Le vendredi 30 février 2009

Objet : Catégorisation du chien identifié sous le numéro 250269000000000, appelé « Cosmos »

Personnes présentes lors d el'examen :

  • Melle Martin Cécile
  • M. Martin Benoit (propriétaire)

Je soussigné Dr Fourrure, vétérinaire à l'Ouve, certifie avoir examiné ce jour le chien « Cosmos », identifié sous le numéro 250269000000000, appartenant à M. Martin Benoit, 7 jetée de la plage, 75000 L'Ouve, en vu de son éventuelle catégorisation selon les termes de l'article L.211-12 du Code rural.

Cette diagnose est réalisée à la demande du propriétaire à qui ce certificat est remis.

I- Descriptif physique :

65 cm au garrot
77 cm de tour de poitrine
41 kg, plutôt svelte
Type longiligne
Tête large, stop moyen, museau de la longueur du crâne, occlusion dentaire parfaite, mâchoire moyenne, babine courtes, pas tombantes, truffe de taille normale
Robe blanche et bringée
Poitrine haute, abdomen relevé, thorax ovale
Encolure faible, pas de fanons
Musculature faible, longiligne
Castré

Je commence toujours par là, ça permet de gagner du temps.
Maintenant, on attaque le cœur du sujet.

II- Discussion

A- Seconde catégorie

Cosmos n'étant pas un chien de type rottweiler (de par sa robe, la forme de sa tête, son gabarit). Il ne possède aucun pedigree, il n'appartient donc pas à la catégorie 2, catégorie des chiens dits de « défense ».

Là, c'est très facile. Ce n'est pas un chien de race inscrit au Livre des Origines Français, et ce n'est manifestement pas un rottweiler.

Petit aparté : Méfions-nous du "manifestement pas". Ce qui est évident pour un professionnel ou un amateur de chiens ne l'est pas forcément pour un gendarme. Si un point prête ne serait-ce qu'un minimum à discussion, il faut bien l'étayer.

Maintenant, les choses se compliquent avec la première catégorie.

B- Première catégorie :

1- Type "pittbull"

La taille du chien examiné, de 65 cm au garrot, supérieur au seuil légal de 50 cm et sa musculature trop faible excluent l'appartenance à cette catégorie.

2- Type "boerbull"

La musculature du chien est trop faible pour correspondre à ce type. Le profil est longiligne, l'aspect levreté, la taille trop petite pour y correspondre également. L'absence de babines pendantes et de fanons achèvent de permettre de conclure avec certitude que le chien n'appartient pas à ce type.

3- Type "tosa"

La faiblesse de l'encolure, l'étroitesse du thorax et l'absence de fanons excluent l'appartenance à cette catégorie.

CONCLUSION

Il ressort de l'examen et des caractéristiques physiques rappelées ci-dessus que le chien identifié sous le numéro 250269000000000, appelé « Cosmos » ne correspond pas aux critères physiques qui définissent les chiens de première catégorie ou deuxième catégorie de l'article L.211-12 du Code rural et de l'arrêté NOR: AGRG9900639A du 27 avril 1999.

Ce chien a l'apparence d'un chien croisé de dogue et de chien de chasse, ayant hérité du premier une mâchoire de puissance moyenne ainsi qu'une robe bringée à poils ras. Du second, il a pris la faiblesse de la musculature et l'aspect longiligne.

J'essaye de toujours conclure sur un descriptif qui en appelle au "bon sens" de l'autorité qui le lirait, puisque c'est avec le même "bon sens" que l'on considère la sale gueule des chiens dits dangereux.

Le présent certificat n'est pas une évaluation comportementale au sens de l'article L.211-14-1 du Code rural, mais concerne exclusivement la diagnose de catégorie de l'animal.

Ça va mieux en le disant.

Fait à L'Ouve, le 30 février 2009

Cachet, signature.

Plusieurs commentaires d'ordre général :

Notez que l'annexe, qui commence par les termes suivants, permet d'écarter rapidement les caniches, bergers allemands et autres loulous :

Les chiens visés dans le présent arrêté, que ce soit pour la 1re ou la 2e catégorie, sont des molosses de type dogue, définis par un corps massif et épais, une forte ossature et un cou épais. Les deux éléments essentiels sont la poitrine et la tête. La poitrine est puissante, large, cylindrique avec les côtes arquées. La tête est large et massive, avec un crâne et un museau de forme plus ou moins cubique. Le museau est relié au crâne par une dépression plus ou moins marquée appelée le stop.

J'attire votre attention sur les termes "large ressemblance" utilisés dans l'arrêté : il ne faut pas non plus prendre les gens pour des cons, et mesurer au centimètre près. Je n'exclue pas un chien d'une catégorie pour un centimètre, ou même deux. Cependant, je suppose qu'un avocat me dirait que c'est plaidable.

Par ailleurs, les termes de l'arrêté sont flous : une "apparence puissante", c'est quoi ? La, le chien était carrément fluet, donc ça allait, mais...

On peut se référer aux standards des races, il ne faut même surtout pas hésiter lorsqu'on a un doute. Tous sont disponibles sur le site de la Société Centrale Canine. Ils sont plus précis que l'annexe de l'arrêté, et la loi dit très précisément :

les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race XXX, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche

Les mauvais esprits noteront en s'amusant que le standard de l'american staffordshire terrier précise entre autres que :

Les mâles doivent avoir deux testicules d'apparence normale complètement descendus dans le scrotum.

Dire qu'un chien castré n'est pas concerné serait de la mauvaise foi, mais si le chien est monorchide ?

Un dernier point : je ne l'ai jamais fait, mais je sais que des confrères font parfois appel à l'expertise de juges de la Société Centrale Canine pour attester qu'un chien ne correspond pas au standard d'une race. Dans le cas de conflits devant un tribunal, je pense qu'il ne faut pas hésiter.

Questions fréquemment posées

C tro cher !

Dans un monde idéal, je n'aurais pas besoin de payer mes salariés, le bâtiment, le matériel ni mes courses ou tout le reste.

Dans un monde idéal, il n'y aurait d'ailleurs pas la loi du 6 janvier 1999.

Dans un monde idéal, je serais riche. Même si je n'avais plus besoin d'argent (cf. première ligne de la définition du monde idéal).

Est-ce que le bull terrier est un chien de catégorie ?

Non, s'il s'agit bien d'un bull terrier et que vous possédez un pedigree. Non plus s'il y ressemble très fort.

Et ça marche en remplaçant "bull terrier" par toute autre race non citée dans l'arrêté du 27 avril 1999. Et, et tant que j'y suis, pour les recherches Google amusantes qui arrivent je ne sais pas comment sur mon blog : pitboule, pitboulle, pittboule, pittboulle, pitebule, piteboule, chien le plus dangereux du monde, chien le plus mortel de la mort (sic), chien tueur. Bienvenue (ça c'est de l'indexation).

Ca vous amuse de contourner la loi ? ou Arrêtez d'essayer de protéger ces sales bêtes dangereuses !

C'est comme les avocats, il faudrait les empêcher de nuire.

Cette loi est mal faite. Ne me demandez pas d'essayer de la rendre intelligente.

La plupart de ces chiens ne sont pas plus dangereux que leurs congénères.

Quand une gamine sera tuée par un de ces chiens que vous n'aurez pas catégorisé, vous serez fier de vous ?

La loi, pourtant très bien appliquée d'après les déclarations des ministres (cherchez dans les débats sur la loi de 2008), n'a pas diminué le nombre d'accidents. Et catégoriser (oui, j'emploie votre néologisme, cher questionneur) un chien ne l'empêchera pas de mordre dans un grand nombre de circonstances. Notamment à la maison. Ou s'il s'échappe malgré la surveillance attentive de ses maîtres.

Et puis, allez troller ailleurs.

Édition du 25/07/2009 : mise à jour de l'exemple de certificat selon les pertinents conseils de Maître Eolas, que je remercie très sincèrement d'avoir pris de son temps (mais où le trouve-t-il ?) pour améliorer les aspects formels du certificat.

vendredi 12 décembre 2008

L'évaluation comportementale

Le 12 novembre 2008 est paru au JO le décret n°2008-1158 du 10 novembre 2008 relatif à l'évaluation comportementale prévue dans la loi du 20 juin 2008 sur les chiens dangereux.

Comme le décret n°2008-897 du 4 septembre 2008 relatif au permis provisoire de détention de chien de catégories (selon les termes de la loi du 6 janvier 1999), il vient progressivement mettre en place les mesures votées dans ces deux lois.

Article D211-3-1
Modifié par Décret n°2008-1158 du 10 novembre 2008

L'évaluation comportementale prévue à l'article L. 211-14-1 du présent code est réalisée dans le cadre d'une consultation vétérinaire. Elle a pour objet d'apprécier le danger potentiel que peut représenter un chien. L'évaluation comportementale est effectuée, sur des chiens préalablement identifiés conformément aux dispositions de l'article L. 212-10, par un vétérinaire inscrit sur une liste départementale établie par le représentant de l'Etat dans le département. Les modalités d'inscription des vétérinaires sur cette liste sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'agriculture.

Quels sont les chiens concernés ?

L'article évoqué, qui prévoit l'évaluation comportementale, est le suivant :

Article L211-14-1
Une évaluation comportementale peut être demandée par le maire pour tout chien qu'il désigne en application de l'article L. 211-11. Cette évaluation est effectuée par un vétérinaire choisi sur une liste départementale. Elle est communiquée au maire par le vétérinaire.
Les frais d'évaluation sont à la charge du propriétaire du chien.

Ce "chien qu'il désigne en application de l'article L. 211-11, c'est un animal [...] susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques.

Cela concerne donc potentiellement tous les chiens, selon l'appréciation du maire, ou à défaut du préfet.
Les chiens de catégories (ceux de l'article L211-12) sont par contre directement concernés puisque cités dans l'article 211-13-1.

Qui réalise l'évaluation comportementale ?

Tout vétérinaire peut réaliser cette évaluation, s'il est inscrit sur les listes départementales (ce qui relève d'une démarche volontaire et individuelle de la part du vétérinaire). Les maires disposent de ces listes. Les vétérinaires inscrits sur ces listes sont des praticiens, pas forcément des spécialistes.

Ils peuvent avoir suivi la formation organisée par l'association Zoopsy et plusieurs organisations professionnelles. Ce n'est pas obligatoire (d'ailleurs, cette formation n'est pas diplômante).

L'évaluation comportementale est réalisée dans le cadre d'une consultation vétérinaire. Ce n'est pas une expertise, c'est une consultation : votre vétérinaire habituel peut donc évaluer votre chien. Il peut y rechigner un peu (il n'est pas forcément facile d'être objectif avec un chien que l'on suit régulièrement, et surtout délicat, dans les cas les plus sérieux, de dire ses quatre vérités au propriétaire d'un chien pas net...), mais il ne peut pas refuser formellement de le faire, puisqu'il s'est porté volontaire en s'inscrivant sur les listes départementales.

Qui a connaissance des résultats de l'évaluation comportementale ?

Article D211-3-2
Créé par Décret n°2008-1158 du 10 novembre 2008 - art. 1
A l'issue de la visite, le vétérinaire en charge de l'évaluation communique les conclusions de l'évaluation comportementale au maire de la commune de résidence du propriétaire ou du détenteur du chien et, le cas échéant, au maire qui a demandé l'évaluation comportementale en application de l'article L. 211-11 ainsi qu'au fichier national canin. Les modalités de transmission au fichier national canin des informations relatives à l'évaluation comportementale canine et la teneur de ces informations sont fixées par arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les résultats de l'évaluation sont communiqués au maire par le vétérinaire, c'est expressément une clause de non-respect du secret professionnel. Le maire de la commune où réside le détenteur du chien, et au maire qui a demandé l'évaluation, le cas échéant.

Le fichier national canin devrait également recevoir les résultats, mais l'arrêté n'est pas paru à ce jour.

Évidemment, ces résultats ne seront communiqués à personne d'autre.

Combien ça va coûter ?

L'évaluation est réalisée dans le cadre d'une consultation vétérinaire. Les honoraires sont donc libres, à chaque praticien de choisir son tarif selon les règles habituelles (ne pas fausser la concurrence, être raisonnable etc.).

A prendre en compte :
La responsabilité du vétérinaire sera lourde.
L'évaluation d'un chien à problèmes sera longue.
Une formation est utile (pas très chère car très aidée, mais une journée de "perdue" quand même).
Beaucoup de réflexion est indispensable !

Dans mon cabinet, selon les cas, je pense que nous oscillerons entre 50 et 150 euros selon le temps passé. En réalité, je n'en suis pas encore sûr, je n'en ai pas fait assez pour évaluer ce que cela me coûte.

A quoi ressemblera un résultat d'évaluation comportementale ?

Article D211-3-2
Créé par Décret n°2008-1158 du 10 novembre 2008 - art. 1
Le vétérinaire en charge de l'évaluation comportementale classe le chien à l'un des quatre niveaux de risque de dangerosité suivants :
Niveau 1 : le chien ne présente pas de risque particulier de dangerosité en dehors de ceux inhérents à l'espèce canine.
Niveau 2 : le chien présente un risque de dangerosité faible pour certaines personnes ou dans certaines situations.
Niveau 3 : le chien présente un risque de dangerosité critique pour certaines personnes ou dans certaines situations.
Niveau 4 : le chien présente un risque de dangerosité élevé pour certaines personnes ou dans certaines situations.
Selon le niveau de classement du chien, le vétérinaire propose des mesures préventives visant à diminuer la dangerosité du chien évalué et émet des recommandations afin de limiter les contacts avec certaines personnes et les situations pouvant générer des risques.
Il peut conseiller de procéder à une nouvelle évaluation comportementale et indiquer le délai qui doit s'écouler entre les deux évaluations.
En cas de classement du chien au niveau de risque 4, le vétérinaire informe son détenteur ou son propriétaire qu'il lui est conseillé de placer l'animal dans un lieu de détention adapté ou de faire procéder à son euthanasie. Un lieu de détention adapté est un lieu dans lequel, sous la responsabilité du propriétaire ou du détenteur, l'animal ne peut pas causer d'accident.

On aura donc deux parties distinctes :

  • Un résultat chiffré allant de 1 à 4, comme explicité ci-dessus
  • Des recommandations

Qu'est-ce qui va influencer la note de mon chien ?

C'est la question la plus complexe, et la plus intéressante. Heureusement, la loi ne fige rien : nous sommes dans le domaine du vivant, et plus encore, du comportement. Une loi trop précise aurait conduit à un grand n'importe quoi. Le législateur a fait confiance à l'association Zoopsy et aux représentants professionnels qui lui ont proposé une démarche d'évaluation aboutissant à ces quatre notes.

Risque et danger

Avant d'en venir aux critères de l'évaluation, il faut d'abord la définir : l'évaluation comportementale n'est pas une consultation de comportement destinée à poser un diagnostic de trouble du comportement, domaine qui relève pour les cas les plus graves de vétérinaires spécialistes. L'évaluation comportementale est une analyse de risque.

Un risque, c'est la probabilité de survenue d'un danger (les articles wikipedia mis en lien ici sont bien fichus pour expliquer ces mots mal compris). Une météorite de deux kilomètres de diamètre qui s'écrase sur la terre, c'est très dangereux. Mais il y a peu de chances que cela arrive, le risque est donc très faible.

Pour l'évaluation comportementale du chien, c'est le même principe : est-il dangereux ?

La réponse est oui, plus ou moins. Toujours. Le libellé du niveau 1 reflète bien cet état d'esprit : le chien ne présente pas de risque particulier de dangerosité en dehors de ceux inhérents à l'espèce canine. D'ailleurs, il n'y a pas de niveau 0.

La question est donc : ce chien représente-il un risque particulier ?

Notez que l'évaluation comportementale n'est pas non plus une boule de cristal. Le vétérinaire ne doit pas répondre à la question : "ce chien mordra-t-il un jour ?"
La loi peut être stupide, mais elle ne l'est pas à ce point, sachons mettre au crédit de ceux qui ont conçu celle-ci d'avoir approfondi leur réflexion, et écouté les spécialistes. Ce que l'on veut savoir, c'est si un chien présente un risque supérieur à la moyenne.

Si c'est le cas, on veut également savoir comment limiter ce risque.

Un exemple ? Un chien effrayé peut facilement mordre s'il est acculé. En lui évitant d'être en contact avec ce qui lui fait le plus peur, on évitera la morsure. Si Kiki est mort de trouille quand il voit belle-maman, pourquoi le lui fourrer dans les bras sous prétexte qu'elle aime les animaux et qu'elle est triste que Kiki ne la comprenne pas ? Pourquoi risquer une morsure de caniche au visage ? Laissez Kiki se planquer au fond du couloir, dans son panier, et servez une tisane à votre belle-mère, vous passerez certainement un très agréable moment avec elle.

Les critères de l'appréciation

L'appréciation sera globale, et tiendra compte de très nombreux éléments. Ce n'est pas une démarche figée.

  • La puissance physique du chien :

C'est un critère objectif et facile à imaginer. Un berger allemand peut faire plus mal qu'un caniche, même si ce dernier n'est pas inoffensif. Un berger allemand est donc plus dangereux qu'un caniche, si toutes choses sont par ailleurs équivalentes.

  • Le milieu de vie du chien :

Vit-il avec des personnes vulnérables (enfants, personnes âgées) ?
Vit-il dans un jardin clôturé, à la chaîne, dans un chenil, dans une maison, sort-il dans la rue ?
Avec quelles personnes sera-t-il mis en contact, et avec quelle fréquence ? Souvent avec des petits vieux, parfois avec les petits cousins ?
Vit-il avec d'autres animaux ? Lesquels, comment, pourquoi ?

Bref, tous ces éléments de contexte qui vont nous permettre d'appréhender le risque.

  • Le comportement du chien :

Cela semble évident dans le contexte d'une évaluation comportementale :
Est-il bien éduqué, soumis à l'homme, à tous les humains ? Comment se comporte-t-il dans la salle de consultation, avec le vétérinaire, en situation de stress ?
Et avec des "groupes" particuliers, quel est son comportement ? D'ailleurs, en a-t-il déjà rencontré ? Enfants, porteurs d'uniformes, un chien observateur mais rarement sorti de chez lui pourrait avoir peur de ces humains à l'apparence différente des autres.
Comment réagit-il en présence d'autres animaux ?

  • L'existence d'une morsure

Le chien a-t-il déjà mordu ? Ou même simplement pincé ? D'ailleurs, est-il dans cette salle de consultation pour cette raison ?
S'il a mordu, pourquoi, que s'est-il passé ? Le vétérinaire ne voudra pas des interprétations, il voudra des faits. Restez factuels. Toute appréciation que vous pourriez ajouter sera entendue d'une oreille distraite. Ce n'est pas parce que le chien a déjà mordu qu'il va être placé en niveau 4, mais le vétérinaire aura besoin de comprendre.
Il se demandera si le chien chassait, s'il se défendait, si l'agression était causée par un conflit hiérarchique (sexuel, ou lié à la nourriture, à la gestion de l'espace). Si cette agression, du point de vue d'un chien (et pas d'un humain) était normale.

Un exemple ? J'ai déjà laissé vivre un mordeur d'enfant. Un chien de 7 ans, sans histoire, auquel un enfant de quatre ans est venu mettre un coup de bêche alors que le chien venait de se blesser, et qu'il se terrait au fond de la voiture de son maître. La morsure était simple, vulnérante mais non appuyée, elle est venue après un avertissement en bonne et due forme que l'enfant n'a pas respecté. Je crois que je ferai un billet sur cette évaluation, tiens...
J'ai interdit au maître de remettre le chien en présence d'enfants (facile, c'était déjà le cas avant, il n'y a aucun enfant qui vive dans ce foyer, ni même qui y passe régulièrement). J'ai constaté que les parents avaient (c'est assez rare pour être souligné, mais le cas était simple) bien compris que l'enfant était en faute. D'ailleurs, ils ne réclamaient pas l'euthanasie du chien... Ils voulaient savoir s'il y avait un risque majoré.

  • L'état de santé du chien :

L'évaluation a lieu au cours d'une consultation, il y aura un examen clinique. Est-il bien nourri, bien soigné, est-il atteint de maladie qui peuvent affecter le risque ?

Un chien qui souffre d'arthrose, et qui a donc des douleurs chroniques, peut être très susceptible : comment va-t-il réagir lorsque le petit cousin ira le chahuter dans son panier alors qu'il a déjà mal partout ? Quand vous avez mal, vous êtes de mauvaise humeur, plus susceptible, plus violent. Un chien, c'est pareil.

  • Le comportement du maître :

A-t-il peur de son chien, méconnaît-il le danger potentiel qu'il représente ? Est-ce qu'il le gère bien ?

Est-ce qu'il comprend quelque chose aux chiens ?

Est-ce qu'il peut physiquement le maîtriser ?

Est-ce qu'il sera capable de le maîtriser ?

  • La catégorie du chien :

La catégorie du chien (1 ou 2 selon la loi du 6 janvier 1999) n'est pas un critère.

Renouvellement de l'évaluation comportementale

Article D211-3-3
Créé par Décret n°2008-1158 du 10 novembre 2008 - art. 1
Le propriétaire ou le détenteur d'un chien mentionné à l'article L. 211-12 est tenu de renouveler l'évaluation comportementale prévue à l'article L. 211-14-1 dans les conditions définies ci-après :
1° Si l'évaluation comportementale conclut que le chien est classé au niveau de risque 2, elle doit être renouvelée dans un délai maximum de trois ans ;
2° Si l'évaluation comportementale conclut que le chien est classé au niveau de risque 3, elle doit être renouvelée dans un délai maximum de deux ans ;
3° Si l'évaluation comportementale conclut que le chien est classé au niveau de risque 4, elle doit être renouvelée dans le délai maximum d'un an.

Le vétérinaire a manifestement la possibilité de prescrire une réévaluation plus précoce. Je pense notamment aux cas de pathologies organiques qui doivent être traitées, ou aux familles dans lesquelles la relation homme-chien n'est pas cohérente par défaut de compétence du maître. Dans ce dernier cas, six mois de travail en club d'éducation peuvent aplanir bien des difficultés...

Voilà tout ce que m'inspire ce texte pour le moment, je complèterai le billet selon vos questions ou les oublis que je pourrais éventuellement remarquer dans les jours qui viennent, n'hésitez pas à réagir.

dimanche 30 novembre 2008

Congélo

Premiers jours

J'ai trois ans. Quatre, peut-être. Je viens de mettre bas, et je n'ai plus mes chiots. Où sont-ils ?

Aucune idée.

Depuis trois jours, j'erre entre les maisons d'un hameau du sud ouest, chipant quelques ordures dans les poubelles. Des gens me regardent. Parfois, ils me parlent. Je dors sous le hangar de l'un d'entre eux. Il fait un peu froid, mais la vie est belle, non ?

Aujourd'hui, l'un des humains du quartier m'a à nouveau approché, avec quelques croquettes et des mots doux. Je n'ai pas compris grand chose, mais avec son regard fatigué, ses pieds trainant et sa silhouette voûtée, il me rassure. Je vois bien qu'il apprécie quand je m'approche doucement, tête basse, en remuant la queue.

"Ben ma jolie, t'es pas tatouée hein ? L'véto m'dira bien si t'as une puce ?"

Une voiture. Ca faisait longtemps. Ou pas ? Je ne sais pas, personne ne le sait, personne ne le saura. En tout cas, j'en ai l'habitude, ça ne m'inquiète pas. Abandonnée ? Et alors ?

Cette maison est plutôt sympa : il fait chaud, il y a pas mal de monde et beaucoup d'odeurs intéressantes. Eux aussi ils aiment bien quand je remue la queue, tête basse. Pour les croquettes, c'est imparable. Le grand me manipule avec des caresses, alors, oui, je montre mes cuisses, je montre mes oreilles. Il me passe une drôle de machine sur le corps. Trois fois.

Puis il secoue la tête : "non, pas de puce. Pas de tatouage non plus. Elle vient de mettre bas, elle a trois ou quatre ans, bien soignée, c'est bizarre."

Et s'accroupit devant moi.

"Le problème, monsieur, c'est... hein ma jolie ? Tu as une sale tronche, ma pauvre. C'est une chienne de type amstaff, un pit', quoi. Et franchement, je pense qu'elle rentre parfaitement dans les critères de la première catégorie. De plus elle n'est pas identifiée, pas stérilisée, bref, elle n'est absolument pas dans les clous. Je vais appeler le maire."

J'avise la jeune femme, là-bas, je pense qu'il y a moyen d'obtenir un monceau de caresses avec elle. C'est étrange, ils sont tous très gentils, mais ils ont tous l'air chiffonnés. Bah... avec quelques manières, ils vont tous m'adorer.

Voilà, le grand avec la blouse blanche me décrit au téléphone. "Une cinquantaine de centimètres au garrot, grise et blanche, une bonne grosse bouille d'amstaff, bien nourrie, elle traîne depuis trois jours autour d'un hameau de votre commune, oui. Oui, c'est une femelle, qui vient de mettre bas, pas identifiée".

Pas identifiée, mais plutôt sexy, avec mon poil ras, ma robe cendrée, mes yeux marrons, ma grosse langue baladeuse et mes attitudes de jeu perpétuelles. Une gamine de trois ans. Jolie, avec une sale tronche. Je le note, ça fera bien sur mon pedigree.

"On va vous la garder quelques jours en attendant de l'envoyer à la fourrière, des fois que son propriétaire se manifeste. Mais je n'y crois pas trop : elle n'est pas en règle et il le sait. De toute façon, je vous tiens au courant, elle semble gentille comme tout, donc a priori pas de souci.
Oui, au niveau légal, vous pouvez demander son euthanasie quand vous le souhaitez.
Oui, je sais, on ne tue pas un chien comme ça, mais je vous informe, vous en êtes malgré tout responsable..."

Il a la voix qui traîne, le grand en blouse blanche. Tous me regardent du haut de leurs interminables jambes, avec les mains sur les hanches, ou les bras croisés.

"Bon, qu'est-ce qu'on va faire de toi ?"

Remuons la queue.

Paradis

Non, c'est vrai, quoi : le matin, on me file à manger, quelqu'un me promène. Peu à peu, ils prennent confiance en moi, et me lâchent dans un grand pré, quand il n'y a personne. Plus pratique, quand même. Ensuite, on m'attache avec une laisse à l'armoire, près du bureau, avec une couverture - s'il n'y a pas la couverture, je gueule, faut pas déconner quand même - et je passe la journée à ronfler, renifler, manger, boire, me faire caresser.

La belle vie.

M'enfin, il faut la mériter : des fois, ces humains ne comprennent pas grand chose. Il leur arrive de me laisser seule plus de deux minutes, de ne pas me caresser, voire de m'ignorer ! Dans ce cas, je gueule, je piaule, pas des aboiements francs, plutôt des espèces de grincements qui ont une magnifique capacité à les faire réagir très vite. Ils me crient plein de choses, s'occupent de moi très vite et cessent de m'ignorer. J'adore.

"Me putaaaaaaaaaaaaaain, ta gueuuuuuuuuuuule !"

"Mais muselez-la, bordel !"

"Jamais elle la ferme ?"

"T'es gentille, t'es jolie, mais t'as une sale gueule et t'es pénible, hein ?"

"Si t'es pas sage, congélo !"

Quand ils arrivent tout rouges, ils me crient dessus et me secouent un peu, j'ai trouvé la parade : remuer la queue, et prendre une attitude béate. Pour ça, je n'ai pas trop à me forcer.

"Putain elle est con, elle est adorable, mais on en fait quoi ?"

La jeune femme part en vacances deux semaines, elle a laissé un mot à mon sujet sur la fiche de ma cage juste avant de partir.

Elle est adorable, prenez-en soin, trouvez lui un bon maître, je reviens dans deux semaines.

Mignon, non ? Les gars en blanc ont adoré quand ils ont vu ça lundi matin. Ils ont eu l'air encore plus désarmé que d'habitude. Du coup, ils discutent. Cinq minutes de retard sur la gamelle, avec ça. Ca ne va pas du tout.

Tût tût

Je piaule.

"Rhah mais ta gueule hein ! Si t'es pas sage, congélo !"

Mais j'ai eu mes croquettes, ma balade et des caresses.

Congélo

"J'ai appelé la SPA. Ils n'en veulent pas, ils me disent qu'ils n'auront pas le droit de la donner puisque la cession des chiens de catégorie est interdite, donc soit elle moisira au chenil, soit elle sera euthanasiée. Ouais, le maire est d'accord pour qu'on la garde pour le moment, on va essayer de lui trouver un bon maître, comme elle dit ?"

Ils m'ont même trouvé un nom. J'aime bien, c'est court, ça sonne bien, et je dois être la seule à le porter.

"Congélo"

Des gens, j'en vois défiler. Certains viennent pour me voir, la plupart passent simplement à la clinique avec leurs chiens - je n'ai pas le droit de jouer avec eux - et discutent avec les gars en blanc à mon sujet.

"Mignonne, cette chienne, elle est abandonnée ?"

Il a dit mignonne ? Remuer la queue, tête basse, faire la fête, ils adorent : caresses assurées.

"Ouip
- C'est quoi comme race ?
- A votre avis ?
- Je sais pas, heu, un boxer ?
- Non, du tout, les boxers ne sont pas comme ça du tout. Elle ressemble à un amstaff, c'est un pitbull.
- Un pitbull ? Mais elle n'est pas méchante !"

Ben non, je ne suis pas méchante. Adorable, collante, piaulante, fatigante, remuante, mais pas méchante. Et belle !

Le gars en blanc dit qu'au moins, j'aurai prouvé à plein de gens que les pits ne sont pas forcément des chiens méchants. Ca brise le mythe, qu'il dit. Ca casse les fantasmes, et puis ça permet de mettre un peu le nez dans la merde à ceux qui applaudissent des deux mains les déclarations présidentielles sans en mesurer les réelles conséquences.

Je ne suis pas un fantasme, qu'il dit. M'en fous, j'ai des croquettes, des caresses et je me balade en liberté quand il n'y a personne dans la clinique.

Beaucoup de gens sont passés et ont dit qu'ils me trouveraient une maison. Des vieux, des jeunes, des anglais, des français, des gens qui avaient des habits confortables, et d'autres moins, certains sentaient la vache, d'autre le parfum. Ils me trouveront une maison ?

Ils ne sont jamais repassés, en tout cas.

Les gars en blancs discutent beaucoup, et téléphonent autant. Ils ont toujours l'air désarmé quand ils me regardent, alors, je remue la queue. Imparable. Bon, des fois, quand je chouine un peu trop, ils ne sont plus désarmés du tout, mais bon, c'est que je m'emmerde, moi !

"'Congélo, ta gueule !"

Tsssss

Congélo

Trois semaines que ça dure. Le plus grand des gars en blanc est accroupi près de moi, dans la pelouse, une cigarette dans la bouche, il me regarde me rouler dans l'herbe, dans la nuit. Il a l'air triste.

"La dernière cigarette du condamné, hein ?"

L'après-midi a été riche en coups de fils. J'ai même vu le maire. Lui n'a pas trop voulu me voir.

Une dame très gentille a demandé aux vétérinaires s'ils allaient m'euthanasier : "vous n'allez quand même pas faire ça ?
- Vous voulez l'adopter ?"

Silence...

"Mais ça ne va pas vous faire bizarre de tuer une chienne gentille, en bonne santé, âgée de trois ans et avec qui vous partagez le quotidien depuis trois semaines ?"

Le gars en blanc l'a regardée. Il a pris une voix étrange : "vous faite un métier fooOOoormidable, docteur".

Moi, je m'en fous, je me roule dans l'herbe. Il fait froid, mais la vie est belle.

"Désolée ma belle, t'as une sale gueule."

Remuons la queue.

J'ai droit à une séance de câlins sur leur table marrante. Je n'ai pas trop aimé l'espèce d'aiguille en plastique qu'ils m'ont mise dans la patte, ils ne parlent pas, ou pas beaucoup, mais ils me caressent. Sincèrement.

Je suis belle, je suis adorable, je suis collante et un peu chiante.

Remuons la queue : ils sont tous là.

Le gars en blanc a une seringue dans la main, et le visage fermé. Ils me caressent en injectant.

Je suis belle, je suis adorable, je suis collante, et un peu chiante. Je m'appelle... congélo.

samedi 18 octobre 2008

Permis provisoire de détention

Il y a un petit peu d'agitation dans le monde des "chiens dangereux" depuis quelques semaines : depuis la promulgation de la loi du 20 juin 2008, tout le monde attends les décrets la concernant (et les décrets manquants de la loi du 6 janvier 1999, mais j'y reviendrai).

Pourquoi ?
A cause de ce minuscule décret créant l'article D211-5-2 du code rural :

Lire la suite...

jeudi 26 juin 2008

Loi du 20 juin 2008 sur les chiens dangereux.

Ca y est, la loi renforçant les mesures de prévention et des protection des personnes contre les chiens dangereux a été promulguée. Revue de détail.

Rappel des épisodes précédents :

Si vous avez un peu suivi, toute une catégorie de ce blog est dédiée aux chiens dits dangereux. Pour les plus intéressés, vous pouvez tout lire. Pour les autres, je vais récapituler rapidement.

A l'origine était la loi du 6 janvier 1999 sur les chiens susceptibles d'être dangereux, qui donna une existence légale au pitbull et tenta de trouver une solution de bon sens au problème : tous les stériliser, pour les faire disparaître, et punir les maîtres qui se promèneraient avec les survivants sans faire attention. On découvrit ainsi deux catégories de chiens dits dangereux, on réprima, et... on constata que ça ne marchait pas. On avait toujours de nouveaux pitbulls sur le marché, puisque le Journal de Mickey avait menti.
Le Journal de Mickey ? Oui, vous savez, Pat Hibulaire et autres brigands ont toujours un bandeau noir avec deux trous sur les yeux (on dit un loup, non ?), ça permet de comprendre qu'ils sont méchants. Le législateur aurait bien aimé qu'il en soit de même avec les chiens, et les pitbulls semblaient parfaitement coller au rôle. Idée splendide : en les stérilisant, ils disparaîtraient. Sauf que... un pitbull n'est finalement qu'un avatar raté de super-vilain et qu'un chien n'est pas génétiquement méchant. En plus, en croisant un boxer et un fox terrier, ou un labrador, ou à peu près n'importe quoi, on obtient un magnifique pitbull tel que défini dans la loi, et potentiellement aussi méchant que Pluto. Vous savez, l'ami de Mickey. Ou son chien. Bref.

Ca n'a pas marché. On a bien bidouillé un peu la loi ensuite, mais ça n'a pas été beaucoup mieux.

D'ailleurs, un gamin ou deux se sont fait manger par des chiens qui n'avaient pas leur bandeau noir. Il faut dire qu'entre 1989 et 2007, seules 5 décès sur 28 sont imputables à des chiens de catégories. Pour 23 provoquées par d'autres canidés ayant oublié de porter leur bandeau : des bergers allemands, des husky, un jagd terrier, etc. (et 6 qui n'ont pas été précisés). Et au-delà des morts, accidents dramatiques et spectaculaires, il y a aussi toutes les morsures qui restent généralement inconnues du grand public. Parfois, la presse et le président s'ennuient et s'éveillent soudain, promettant moultes répressions et punitions aux vilains porteurs de bandeaux. Ah zut, il ne portait pas de bandeau, celui-là.

Alors on s'est dit qu'on allait tous les euthanasier, tiens, les vilains pits et les Mirza qui avaient juste un peu une sale tronche. Un conseiller de bonne volonté a expliqué à la ministre que, par exemple, un croisement de labrador et de boxer ça donnait un pit, alors elle s'est dit qu'elle allait interdire ces liaisons accouplements dangereux, et surtout leurs produits (interdire, avec des chiens, ça veut dire tuer). Manifestement, le conseiller ne s'était pas bien fait comprendre. Puis finalement, ça n'a pas semblé très raisonnable, alors les débats ont avancé.

Le texte a fait des aller-retours entre le Sénat et l'Assemblée, subissant de nombreuses ajustements très importants. Les vétérinaires, notamment par l'intermédiaire de l'association Zoopsy, ont réussi à prouver que la profession pouvait s'impliquer dans le volet préventif,

Dans ces navettes, un observatoire des comportements canins, chargé de fournir des statistiques exploitables sur les morsures et autres impacts du chien dans la société française a joué le serpent de mer entre les deux chambres.
Le volet répressif s'est alourdi.
L'idée d'abandonner la catégorisation obsolète en fonction du bandeau noir n'a malheureusement pas été retenue, mais au moins les catégories n'ont pas été étendues.
Certains ont soutenu l'idée de catégoriser la dangerosité des chiens en fonction de leur poids.
L'idée d'évaluer le comportement du chien et de former le maître a été évoquée, puis retenue. Les conditions d'un détention d'un chien de garde par un professionnel du gardiennage ont également été définies.

La loi du 20 juin 2008

Je vous rappelle que vous pouvez trouver l'intégralité de ce texte sur Légifrance. J'ai déjà commenté une version assez aboutie de ce texte dans ce billet, consacré à la deuxième lecture au Sénat. Enfin, cette loi vient compléter celle du 6 janvier 1999, dont je parle ici, n'hésitez pas à vous y référer.
Le dernier rapport de Mme Vautrin, pour la commission mixte paritaire, détaille de façon intelligible les différents articles de la loi en précisant certains arguments des divergences entre l'Assemblée et le Sénat. Je reprends l'essentiel dans un ordre qui me semble plus logique.

Un observatoire du comportement canin

Il est institué, auprès du ministre de l'intérieur, des ministres chargés de l'agriculture et de la santé, un Observatoire national du comportement canin.
Un décret définit les conditions d'application du présent article.

Évidemment, le décret n'est pas paru. L'idée est de fournir des données et une structure capable de propositions dans le cadre de la lutte contre les chiens dits dangereux, mais aussi, plus largement, sur la place du chien dans notre société. Cette structure, souhaitée par le Sénat, était refusée par les députés qui craignaient, comme Authueil, une énième usine à gaz. Ou à pétrole, parce que c'est plus cher. A mon avis, cette structure est nécessaire, j'espère qu'Authueil se trompe et qu'elle sera productive.
Il faut quand même savoir que l'on légifère et argumente sans avoir de donnée fiable sur la dangerosité des chiens, sur le nombre de morsures, sur l'impact des lois précédentes, etc... Certaines mauvaises langues argueront que c'est une habitude de procéder ainsi, mais je ne serai pas fâché d'avoir des données sérieuses là où règne un mélange de bon sens (et je me méfie du bon sens), d'expérience empirique et un fatras de chiffres contradictoires.

L'obligation de déclarer les morsures

Les professionnels, dont je fais partie, devront passer outre le secret professionnel et déclarer au maire les morsures dont ils auront connaissance, même les plus minimes. Cette déclaration déclenchant éventuellement une action du maire dont vous allez découvrir les détails ci-après...

Une formation pour les maîtres de chiens considérés comme dangereux

Une des nouveautés de cette loi est de prendre en compte les chiens ayant déjà mordu, même légèrement. Les maîtres de ceux-ci, comme ceux des chiens des catégories créées par l'article L. 211-12 de la loi du 6 janvier 1999, devront suivre une formation dispensée par des éducateurs canins agréés.

Le rapport précise que :

La formation durerait une journée. Une partie théorique permettrait d’approfondir des connaissances sur le chien, son éducation, et les réseaux d’aide à l’éducation canine, ainsi que les règles fondamentales de sécurité relative à la garde de l’animal dans les espaces publics et privés. Lors d’une partie pratique, le propriétaire ou détenteur devra démontrer sa capacité à savoir faire marcher un chien à ses côtés et à le maîtriser, à savoir se faire obéir à des ordres élémentaires, savoir poser correctement une muselière, et maîtriser le comportement du chien en présence d’autres chiens et de leurs maîtres.

La formation sera à la charge du maître.

Une évaluation comportementale

Les chiens considéré comme dangereux, donc, par défaut, ceux des catégories 1 et 2 comme ceux qui auront déjà mordu (même légèrement !) devront passer par une évaluation comportementale. dans le dernier cas, ce sera donc éventuellement sur demande du maire. L'idée est de prendre en charge les chiens présentant des comportements agressifs même modérés afin d'éviter les véritables drames, car le bon sens et l'expérience (mais aucune donnée statistique ou validée, suivez mon regard vers l'observatoire) nous indiquent que les chiens qui ont mordu gravement avaient déjà fait preuve de comportements anormaux avant, comportements qui auraient du déclencher une alerte.

Notez que les sénateurs voulaient mettre en place un seuil de poids au-dessus duquel l'évaluation aurait été obligatoire en raison de la gravité supérieure des morsures des gros chiens. Ce critère a été abandonné, avec les justifications suivantes :

Les différents acteurs de la filière canine ne sont pas unanimes sur le poids critique. Le seuil de 30 kilogrammes, souvent évoqué, permettrait d’englober près du quart de la population canine. Mais de nombreux chiens considérés comme dangereux, appartenant aux catégories 1 et 2 notamment sont bien moins lourds. Un seuil plus bas concernerait un trop grand nombre de chiens, faisant peser des contraintes excessives sur leurs maîtres. Un tel dispositif serait sans doute inopérant, faute d’un nombre suffisant de professionnels qualifiés pour effectuer les évaluations comportementales. On ne peut pas non plus faire abstraction du risque de mauvais traitements de certains propriétaires de chiens qui ne les nourriraient plus assez, afin de maintenir leur poids en dessous du seuil réglementaire. Or on sait bien que ces mauvais traitements augmentent la dangerosité des chiens. Enfin, un tel seuil risque d’augmenter encore les abandons d’animaux.
En outre, comme l’indiquait le ministre de l’Intérieur, si le poids de référence était fixé à 30 kg, plus de 2 millions de familles seront concernées. Le contrôle de l'efficacité de cette mesure sera donc extrêmement difficile.
Votre rapporteur estime que l’article 4 apporte déjà une solution à ce problème, en soumettant à évaluation comportementale tout chien mordeur : les morsures sérieuses sont en général précédées de petits incidents. Si les chiens sont mis sous surveillance et leurs maîtres responsabilisés dès ce stade, cela doit permettre de prévenir les morsures dangereuses.

L'évaluation sera à la charge du maître.
Je reprendrais ultérieurement ce point spécifique qui concerne la profession vétérinaire dans un billet dédié.

Une augmentation des pouvoirs des maires

Dans le prolongement de la loi du 6 janvier 1999 et de l'extension du pouvoir des maires avec celle du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, le maire peut (et va) réclamer une évaluation comportementale puis une formation du maître pour tout chien ayant mordu, s'il ne choisit pas, comme il peut déjà le faire en cas de "danger grave et immédiat", de le placer dans un lieu de dépôt et, le cas échéant, et après avis (consultatif) d'un vétérinaire, de faire procéder à son euthanasie. Notons que rien ne définit un danger grave et immédiat...

Un permis de détention des chiens de première et deuxième catégories

Les détenteurs habituels de chiens de première et seconde catégories devront posséder un permis de détention réunissant les anciennes obligations (vaccination, assurance, etc) et les nouvelles, décrites ci-dessus. Ce permis sera délivré par le maire, qui pourra le refuser si le chien est considéré comme dangereux lors de l'évaluation comportementale (ou pour d'autres raisons d'ailleurs).

Le permis ne sera pas obligatoire pour les gens qui détiendront temporairement le chien, comme vos parents si vous leur laissez votre rottweiler pour le week-end. Par contre, dans ce cas, vous serez responsable de votre chien. L'idée est de responsabiliser les maîtres.

Je reprendrai les détails de ce permis dans un autre billet.

Un suivi administratif des animaux dont l'identification est obligatoire

Ou, le retour de Big Brother.

La collecte et le traitement des données ainsi que l'échange d'informations entre les structures professionnelles et la base de données nationale d'identification des animaux sont indispensables pour permettre le fonctionnement du dispositif de traçabilité des animaux et pour assurer une meilleure connaissance des filières.

Mouais. Fichons, fichons.

Les chiens de gardiennage

La loi prévoit toute une série de mesures concernant ces professionnels afin de s'assurer de leur qualification. D'importantes mesures répressives sont déployées afin d'obliger les employeurs de ces agents à assurer et contrôler la formation de leur personnel.
Je ne développerai pas ce point plus avant, à moins qu'il y ait des personnes intéressées ?

Renforcement des sanctions

Sur le modèle des accidents de la route, les accidents provoqués par les chiens entraînent pour leur maître des peines graduées qui peuvent être extrêmement lourdes. Maître Eolas, avocat, a déjà dit ce qu'il en pensait par ici, ou encore , et moi par là.

Mise en place des mesures

Elle sera progressive, jusqu'en décembre 2009. je reprendrai le calendrier dans les billets sur le permis de détention ou l'évaluation comportementale, mais vous pouvez le trouver ici.

Mon avis

Mon premier regret, c'est le manque de courage du législateur qui ne va pas au bout de son raisonnement et n'abandonne pas les catégories créées par la loi du 6 janvier 1999, qui ont largement prouvé leur inadéquation avec la réalité.

Mon second regret, c'est l'importance du volet répressif, qui, à mon sens, n'améliorera pas la situation. D'autant que les pouvoirs du maire sont très étendus et peu susceptibles de recours... le vétérinaire aura un rôle central à jouer dans ses décisions, mais sera-t-il écouté ?

Par contre, dans les bons points, on prend en charge les chiens mordeurs dans un dispositif à la fois préventif (évaluation comportementale, formation) et répressif (puisque ces deux points peuvent déboucher sur des sanctions, jusqu'à l'euthanasie pour les plus dangereux).

On prend enfin en compte la nécessité de données fiables avec l'observatoire du comportement canin.

Cependant, je pense sincèrement que cette nouvelle loi est inadéquate. Notamment avec la persistance des catégories. En réalité, avait-on vraiment besoin d'elle ? Il me semble que la loi aurait pu se résumer aux mesures concernant les chiens ayant mordu, avec évaluation et formation, et que tout le reste aurait pu être oublié... tout en abrogeant la loi de 1999.
Je me dis cependant que les choses auraient pu être bien pires, surtout pour une loi lancée sur un fait divers. J'apprécie que les professionnels, vétérinaires comme éducateurs, aient pu la faire évoluer dans le bon sens.
Alors je ferai avec, je réaliserai des évaluations comportementales et des diagnoses de catégories, et je soupirerai en entendant une dame m'expliquer qu'il faudrait tous les euthanasier, ces piteboules, tandis qu'elle caresse, d'une main distraite, le pit qui est venu lui dire bonjour au comptoir (ne riez pas, ça m'est arrivé).

dimanche 3 février 2008

Chiens dangereux : deuxième lecture au Sénat

A ce stade, ce sont la commission des lois et la commission des affaires économiques qui ont le produit le travail le plus important sur ce projet de loi. M. Jean-Patrick Courtois et M. Dominique Braye sont les principaux acteurs de ce travail de fond.
Rien n'est encore voté, mais leurs commissions respectives ont adopté leurs avis et rapport, dont voici les grandes lignes :

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vendredi 11 janvier 2008

Chiens dangereux : ras-le-bol !

Ce sera mon premier coup de gueule sur ce blog, mais là, j'en ai ras-le-bol. Le traitement de cette information, déjà, m'avait agacé. Une annonce lapidaire sur France Info, et une dépêche du même tonneau sur Le Monde.fr

Prenons les choses par le commencement :

Lu sur Le Monde.fr d'après une dépêche Reuters :

Ce n'est qu'une dépêche factuelle, mais elle comprend déjà quelques erreurs regrettables...

Un garçon de deux ans et demi a été mordu à mort, mercredi soir 9 janvier, par le rottweiller familial. La mère de l'enfant venait de se garer devant le domicile de la famille, à Charnay, un village du Beaujolais, quand le chien, âgé de 4 ans, est devenu agressif et a attaqué le garçon au visage à sa descente du véhicule, ont rapporté les gendarmes. Les services de secours n'ont pas réussi à sauver l'enfant grièvement blessé.

On ne sait rien sur les circonstances du drame, j'espère plus d'informations rapidement.

Le rottweiller a été enfermé dans un garage avant d'être récupéré par la brigade cynophile de la gendarmerie et conduit à la SPA. Il pourrait être euthanasié, la décision revenant à un tribunal.

Si la morsure n'a pas d'explication "logique", le chien devra passer par trois visites réalisées par un vétérinaire titulaire du mandat sanitaire afin de déterminer s'il pourrait être atteint de rage. En tout état de cause, il serait illégal de l'euthanasier avant 15 jours, le délai nécessaire à la réalisation de ces visites (et de plus il me semble que la décision revient au maire ou au préfet, si les propriétaires du chien ne décident pas d'eux-même de l'euthanasie).



Selon les premiers éléments de l'enquête, le chien était en règle, officiellement déclaré en mairie et ses propriétaires possédaient un "permis de détention" de chien dangereux.

Le permis de détention n'existe pas (encore), le reste ressort de la procédure normale de déclaration d'un chien de deuxième catégorie. Comme quoi ces lois très contraignantes n'empêchent pas les accidents dans le cercle familial (et même au dehors).

La dépêche d'Associated Press sur le Nouvel Obs est moins pire.

Mais ce qui me hérisse le plus, au final, ce sont les réactions lues à droite à gauche (commentaires des abonnés du Monde.fr par exemple, représentatif de ce que j'entends autour de moi en ce moment).

Arrêtez de penser que l'euthanasie (oui, ce terme est le bon, même pour un animal) des chiens de première ou seconde catégorie va résoudre le problème ! Tant qu'il y aura des chiens de plus de 15 kg il y aura des morsures potentiellement mortelles. Va-t-il falloir tous les abattre ?

C'est regrettable, mais il y aura toujours des morsures, des chiens méchants et des drames. Ce n'est pas en empilant des législations bancales et répressives qu'on améliorera la situation. Ni en bombardant tout azimut la population de reportages bâclés ou de dépêches lapidaires. Faire de la prévention, expliquer aux gens qu'un chien ça peut être dangereux, surtout avec un enfant, repérer les chiens qui présentent un comportement inquiétant, oui ! Tout baser sur le délit de sale gueule, non ! Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit à l'heure actuelle.
Et bien sur, ça ne suffira pas. Comme il y aura toujours des enfants pour se noyer dans une piscine, d'autres pour se faire renverser devant l'école, tomber dans un escalier ou s'électrocuter. Bien entendu, il y a des lois et du bon sens pour limiter ces accidents. Mais tout le monde a compris que ça ne les empêchera pas complètement, je suppose. La différence, là, c'est qu'il s'agit de plusieurs centaines de milliers de chiens, voire de millions de chiens potentiellement dangereux (si l'on prend en compte le poids des chiens). Et on voudrait tous les tuer parce que certains d'entre eux ont mordu ? Doit-on supprimer les humains pour se débarrasser des psychopathes, ou tous les enfermer chez eux, peut-être ? Faut-il interdire les piscines, le métro, les prises de courant, les objets coupants ?

J'espère surtout que les parlementaires qui examineront le projet de loi sur les chiens dangereux dans les jours qui viennent ne subiront pas de pression médiatique suite à ce dernier drame.

lundi 24 décembre 2007

Bronx Attitude

Samedi, 16h

Il fait plutôt beau, moins froid que les jours précédent, il y a peu de rendez-vous. Plus qu'un sur le carnet, à 17h : "puce électronique chien". Sans doute un chiot-cadeau-de-Noël, ça va être sympathique. Je ne connais pas ce client, ce sera une bonne occasion.

Samedi, 16h50

La porte s'ouvre, un courant d'air, quelques feuilles mortes, une femme souriante, la quarantaine. Elle tient un magnifique pitbull de deux ans au plus au bout de sa laisse, un vrai tracteur impatient de renifler notre comptoir et, éventuellement, de lever la patte dessus. Non muselé, bien sûr. Je soupire.

"Bonjour madame
- Bonjour docteur ! Je vous amène ce chien pour un tatouage électronique."

Vu son âge, il serait temps. Je fais passer la dame devant moi dans la salle de consultation. Le chien semble très jeune dans sa tête, curieux, attentif et mal maîtrisé. Aucun danger en tout cas. Vu qu'il me précède d'un mètre, il est facile de voir qu'il n'est pas castré.

Je reboutonne ma blouse, j'attrape mon stéthoscope - donnons nous un air de docteur. "Alors, madame, parlez-moi de ce chien.
- Bon, il n'est pas à moi."
Ca commence mal.
"Ah bon ?
- Oui, c'est le chien du fils de mon compagnon. Il l'a eu quand il était chiot, mais depuis, il a trouvé un emploi en ville et n'a qu'un appartement, il cherche une maison. En théorie, je devais le garder 15 jours, mais ça fait trois mois. Alors il est bien gentil, mais je ne peux pas m'en occuper, je suis visiteuse médicale, il reste attaché parfois deux jours. Et le papy d'à côté en a peur depuis qu'il l'a bousculé en jouant. Je veux le mettre au chenil et envoyer la facture à mon beau-fils, histoire qu'il comprenne, mais au chenil ils veulent qu'il soit identifié et vacciné.
- Normal, de toute façon c'est obligatoire." Je reprends, l'air de rien, en caressant distraitement le cabot. "Il s'appelle ?
- Bronx.
- Il a un carnet ?
- Oui, mais c'est mon beau-fils qui l'a.
- Vous savez s'il a des papiers ?
- Le carnet, oui oui.
- Je pensais plutôt à un arbre généalogique, quelque chose comme ça, passons. Vous savez son vrai nom, je veux dire, a-t-il un nom plus compliqué que Bronx, genre "Bronx des vertes prairies de la vallée des colons" ?
- Je sais pas."
Évidemment, il n'en a pas. Si ce chien avait une affixe, s'il était inscrit au Livre des Origines Françaises, il serait également tatoué ou pucé. Je fais comme si de rien n'était, cette femme a l'air de bonne foi.
"Bon, lui mettre une puce et faire les papiers, ce n'est pas vraiment un problème."
En fait, si : cette femme n'est pas la propriétaire du chien, je ne sais rien d'elle, et elle n'a pas l'air de réaliser que c'est un type "American Staffordshire terrier", autrement dit un pittbull. Identifier un chien inconnu à un nom inconnu, c'est limite. Je lui ferais bien confiance, mais il va falloir la responsabiliser.
Allons-y franco.
"Vous savez que ce chien est un pittbull ?"
Je guette ses réactions. Elle n'a pas l'air plus surprise que ça, mais un peu hésitante. Elle ne dit rien, je poursuis.
"La loi de 1999 définit des races de chiens dits "dangereux", d'après des critères physiques. Ils correspondent exactement à Bronx. En soit, ça ne change rien pour le chien, mais ça change beaucoup de choses pour moi, et pour vous et votre beau-fils. J'ai besoin de savoir, pour lui faire sa carte d'identification, s'il a un arbre généalogique ou pas, ce qu'on appelle un LOF. Votre beau-fils le saura forcément. C'est important pour la gestion légale du chien."
La dame est attentive : "et alors, je fais quoi ? J'aurais son maître au téléphone demain, je pourrais lui demander tout ça. Le chenil, ça peut attendre un jour de plus, s'il faut.
- Ce serait mieux, oui."
Je voudrais surtout que cette femme tire les choses au clair avec le véritable propriétaire du chien. Qu'il réfléchisse à tout ça. Je lui donne rendez-vous pour lundi, je lui conseille de contacter son assureur, pour la responsabilité civile. La dame n'a pas l'air d'être affolée à l'idée que Bronx est un pitbull. Elle connaît le chien, elle l'apprécie même s'il l'encombre.

Lundi, 10h

La porte s'ouvre. Ce matin, il fait très froid, mais ça n'a pas l'air de gêner Bronx qui voudrait bien renifler les sacs de croquettes. Et lever la patte dessus ?
Je fais entrer la dame, détendue, dans la salle de consultation. Mon confrère lève des yeux interrogateurs en voyant un pittbull non muselé, je lui fais un petit signe, tout va bien. L'air de rien, je caresse le chien, il se met sur le dos, histoire de se faire gratouiller le ventre. Pas de tatouage sur les cuisses. Il n'en a pas non plus dans les oreilles. Pas de problème.
"Alors, vous avez pu discuter avec votre beau-fils ?
- Juste quelques minutes, et je lui ai envoyé la facture du chenil, histoire qu'il comprenne. J'aurais le carnet demain. Il m'a dit qu'il fallait aussi faire le rappel de vaccins, et que Bronx était un Bull terrier.
- Mais il n'a pas de papiers qui disent que Bronx est un Bull terrier ?
- Juste le carnet."
S'en suit une explication sur la définition "légale" d'une race de chien. Bronx a beau avoir la tête d'un Amstaff, ou d'un Bull si ça fait plaisir à la dame, il n'en est pas "officiellement" un. Même s'il en est un, et ses parents aussi. Ca ne change rien pour le chien, mais ça change tout au regard de la loi.
"Bronx est, d'un point de vue légal, un chien de première catégorie, un chien dit "d'attaque"."
J'insiste sur les guillemets.
"Un pittbull, quoi. Ca veut dire qu'il y a un certains nombre de règles à respecter : l'identifier, le vacciner contre la rage, l'assurer, et le déclarer en mairie. Et puis le castrer, aussi." Là, en général, les gens tiquent. La dame m'écoute attentivement, et, apparemment, se fiche des roubignolles de Bronx. Tant mieux. Elle a l'air de réfléchir. J'insiste :
"La loi est très stricte pour ces chiens, et si jamais il arrivait un accident, avec votre voisin par exemple, vous pourriez avoir beaucoup d'ennuis. Je parle de très lourdes amendes, de prison.
- A ce point ?
- Ouip, la loi n'est pas tendre avec les chiens qui ont une tête pas conforme, et encore moins avec leur maître.
- Vous pourriez expliquer tout ça directement à mon beau-fils ?"
Le piège classique. Elle se rend compte qu'il a mis les doigts dans un engrenage sans rien demander, et que ça peut lui retomber sur le nez. Tant mieux. Elle veut responsabiliser le maître du chien. Bonne idée. Mais ça va être pour ma pomme.
"Il a quel âge, votre beau-fils ?
- 24 ans."
On devrait pouvoir discuter, je compose le numéro. Il va falloir être concis, clair mais pas trop autoritaire, je dois incarner le professionnel-qui-vous-veut-du-bien. Ne pas tout rejeter tout sur le dos de cette loi stupide, à 24 ans il pourrait vouloir l'ignorer si je lui sers cette excuse.
"Bonjour, c'est le cabinet vétérinaire. Dr Fourrure au téléphone, je vous appelle au sujet de Bronx. Bon, c'est votre belle-mère qui m'a demandé de vous appeler pour vous expliquer un peu la situation.
- Ah euuhhh..."
Hésitation. Il n'a pas l'air surpris que le chien soit chez moi, plus que je l'appelle. C'est bon. J'enchaîne.
"Parce que d'après la loi, votre chien est un pittbull ! Vous le saviez sans doute ?
- Mais non ! Quand je l'ai acheté, on m'a dit que c'était un Bull terrier !
- Et on ne vous a pas menti, mais en jouant sur les mots : si votre chien n'a pas de papiers prouvant qu'il est un Bull terrier, un arbre généalogique officiel, alors la loi ne le considère pas comme un Bull terrier, mais comme un chien de première catégorie. Pour le dire vite : un pittbull. Ca ne change rien à la gentillesse du chien, comprenez-moi bien : je ne dis pas que votre chien est dangereux. C'est la loi qui dit qu'il faut s'en méfier, et, qu'on approuve ou pas, il va falloir s'y plier. Je vais donc l'identifier, le vacciner contre la rage, et votre belle-mère a pris rendez-vous chez son assureur.
- D'accord, d'accord, pas de problème.
- Il faudra aussi le déclarer à la mairie. Et le castrer." Je me prépare au refus, il a 24 le gars, pas l'âge où l'on aime entendre parler de castration.
Ca ne loupe pas : "Le castrer ?
- Oui, la loi ne veut pas que ces chiens puissent se reproduire. C'est comme ça. On en discutera à tête reposée si vous voulez, mais il faudra y penser rapidement.
- Mais le pauvre !
- Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas si grave que ça, encore une fois, nous en reparlerons." Repousser le problème, lui lancer l'idée, qu'il la soupèse et l'examine, ce n'est pas le moment de prendre une décision, même s'il n'a pas le choix.
Fin de la discussion sur quelques formules de politesse. Le gars a l'air sympathique, j'ai confiance, je vais faire l'identification. D'autant que je me suis renseigné, ce week-end : la famille est connue, on m'a confirmé l'essentiel.
Je redeviens le docteur, j'examine le chien, je le vaccine, je le puce. Il est foufou, mais adorable. A cadrer.
"Vous faites la facture à son nom, hein.
- Pas de problème."

samedi 15 décembre 2007

Chiens dangereux : à l'Assemblée, ça trolle mais on avance... ou on recule

Le 28 novembre, le projet de loi sur les chiens dangereux passait en première lecture à l'Assemblée.

Dans le cas précis, je dois dire que le niveau des débats m'a... sidéré. On part d'une présentation fort convenue pour s'écarter sur les chemins de la démagogie et des généralisations abusives, avec de belles démonstrations d'incompétence caractérisée. Heureusement, les trolls de l'Assemblée ne semblent pas y déclencher plus de passions qu'ailleurs, et la rapporteure comme Mme. Alliot-Marie ont su défendre leurs objectifs et gérer les individualités indésirables. Ca sert aussi à ça, l'Assemblée ?
Bon, j'exagère, il y a eu des interventions de qualité, mais pour quel résultat ?
Le texte voté par les sénateurs ne va cependant pas sortir intact de son passage à l'Assemblée, mais je ne suis pas aussi pessimiste que les journalistes de la Semaine Vétérinaire (l'hebdomadaire qui se partage l'actualité avec la Dépêche Vétérinaire)

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lundi 10 décembre 2007

Chiens dangereux : lecture du Sénat le 7 novembre 2007

Je vous ai déjà parlé du rapport Courtois, mais j'ai esquivé l'avis n°58 de M. Dominique BRAYE, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 24 octobre 2007. Je ne vais pas vous assommer avec un nouveau billet de la longueur de celui consacré au rapport Courtois, d'autant qu'il va globalement dans le même sens en soulignant les insuffisances et limites de la loi de 1999.

La lecture du Sénat du 7 novembre 2007 permet de toute façon de voir l'impact positif de ces rapports, dont je vous recommande encore une fois la consultation. Je n'imaginais pas la qualité du travail de fond que les sénateurs pouvaient fournir... Le dossier législatif du Sénat peut être consulté ici.

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jeudi 6 décembre 2007

Loi du 6 janvier 1999 sur les chiens "susceptibles d'être dangereux"

Pour mémoire, avant de s'attaquer à l'actualité...

La loi 99-5 du 6 janvier 1999 a marqué les mémoires en créant deux catégories de chiens susceptibles d'être dangereux. Pour simplifier : les "sales tronches" et les "sales tronches avec papiers". Elle nous a également expliqué comment ces chiens seraient gérés afin de protéger la population française.

Les deux catégories

Art. 1er. - Relèvent de la 1re catégorie de chiens telle que définie à l'article 211-1 du code rural :
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race Staffordshire terrier, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race American Staffordshire terrier, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche. Ces deux types de chiens peuvent être communément appelés « pit-bulls » ;
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race Mastiff, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche. Ces chiens peuvent être communément appelés « boerbulls » ;
- les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race Tosa, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Bref une série de chiens qui ont une sale tronche.

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samedi 1 décembre 2007

Projet de loi... renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux

Les députés ont adopté, mercredi soir 28 novembre, le projet de loi sur les chiens dangereux (source)

Ce texte va peut-être - sans doute - modifier nombre de choses dans ma pratique quotidienne, mais, au-delà de ses conséquences directes et indirectes, il m'a amené à me poser beaucoup de questions sur la manière dont fonctionnait notre beau pays...

J'ai retrouvé le projet de loi, juste ici. Celui-ci vient compléter un dispositif déjà étoffé, le processus entamé en 1999 (loi 99-5 du 6 janvier 1999), qui créait deux catégories de chiens dits dangereux, arsenal législatif déjà renforcé en mars 2007 par la loi relative à la prévention de la délinquance (loi 2007-297).

Je vous propose de découvrir ce projet de loi dont la version finale achève ses navettes entre parlement et sénat, avant de regarder ce que nous avions avant et ce que nous offrira désormais le législateur... Ca prendra bien plusieurs jours et plusieurs billets, autant commencer tout de suite.

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