mardi 28 juin 2016

Jour sept. Motif : vaccination FCO

Jour sept

Motif : Vaccination FCO

Ce matin, c'est tournée FCO. Les vaccins contre la fièvre catarrhale ovine, ça a tout pour plaire. Le virus circule, mais personne ne voit d'animal malade (ici). Le vaccin est obligatoire, avec certification (donc réalisation par le vétérinaire) pour l'export des broutards (jeunes bovins) en Espagne ou en Italie.

Oui, nous exportons nos veaux en Espagne et en Italie, où ils sont engraissés, abattus et mangés. Nous nous mangeons du cul de vieille vache laitière de réforme, les voisins nous envoient même leur bidoche de vieille. C'est ce que les Français préfèrent. Bizarre.

Bref, nous exportons nos veaux, mais notre pays n'est plus indemne contre le sérotype 8 de la FCO. Du coup, il faut que les veaux soient vaccinés (deuxième injection depuis au moins 12 jours pour l'Italie) ou désinsectisés (c'est transmis par des moustiques) puis testés contre la maladie sur une prise de sang (pour l'Espagne). V'là l'bordel. Pour l'instant, le vaccin est gratuit, mais plus la vaccination. Donc nous facturons nos visites, pour un virus qui, vu d'ici, ne pose aucun problème, juste pour exporter les veaux (je ne dis pas qu'il n'en pose pas, de problème, mais dans le coin… non). Du coup nous essayons de ne pas coûter trop chers aux éleveurs, et pour ce faire, nous mutualisons et groupons les visites, ce qui permet aussi de ne pas gaspiller de dose de vaccin, idéalement (hem) conditionné en flacons de 50.

Ces tournées sont des rallyes. De saut de puce en saut de puce, avec de brusques accélérations sur la grande départementale, en esquivant les cyclistes et les tracteurs, on se gare, bonjour, on pique, ça prend un instant, on tamponne les cartes, et puis on appelle le suivant. Parce qu'évidemment, tout le monde fait les foins, en retard à cause de la météo, donc en urgence. Ce n'est même pas la peine de se pointer dans les fermes sans prévenir, et il est hors de question de les faire poireauter toute la matinée. Comme nous avons du mal à être précis sur les horaires (par exemple, je n'étais pas censé amputer un chien d'un doigt ce matin avant de partir vacciner), nous avons trouvé cette solution : téléphoner pour prévenir que nous serons là dans une dizaine de minutes. Ça fonctionne.

Je viens de vacciner quatre veaux (étiquetés « urgents » : on préfère vacciner des lots plus grands, mais l'éleveur n'en a aucun plus jeune que nous pourrions grouper avec, et ceux-là doivent partir vite – vous devriez voir le bordel que ça représente au secrétariat pour organiser ces tournées – louées soient nos ASV).

- Et au fait, Sylvain, vous vous rappelez du veau d'une heure du matin ? Celui que vous êtes revenu voir avec votre fille. Il a belle allure, non ?

M+2

- Par contre, vous pourriez regarder celui-là ? Il a de la diarrhée depuis hier soir, ce n'est le cas d'aucun autre.

Alors je change de casquette, passe du vaccineur fou au vétérinaire traitant, je sors mon stéthoscope et mon thermomètre. Il faut que je change de temps. Je ne suis plus une machine à vacciner, je ne suis plus une machine à vacciner, je ne suis plus... Cardio-pulmonaire ok, ça gargouille dans les boyaux, la palpation abdominale est souple mais rapidement douloureuse. Nombril sec et non douloureux. Veau de huit jours. Rota, corona ? Ou colibacille ? C'est bizarre en l'absence d'autre animal malade dans le lot. Ces veaux sont magnifiques… Je penche pour un coli, et retourne à la voiture chercher le traitement après une rapide fouille de sa pharmacie, où je ne trouve rien de pertinent. Gentamycine, flunixine, ça devrait suffire.

Je prépare mes seringues, laisse deux doses pour les deux prochains jours, et rédige mon ordonnance. Date, nom, adresse, identification du bovin, nom des médicaments, temps d'attente, tampon, signature.

Et je bondis à nouveau dans ma voiture.

vendredi 24 juin 2016

Jour trois. Motif : échange intracommunautaire de bovins

Jour trois
Motif : échange intracommunautaire de bovins

Je m'évade à grande vitesse de la clinique, faisant comme si je n'avais pas vu M. Barguelonne entrant en regardant partout où se cache le vétérinaire.

C'est l'heure des tampons. Je file en vitesse sur la départementale, me gare à l'arrache devant la stabulation. C'est le bordel, il y a encore des veaux dans le parc de tri. Je prends mon carnet, je fais le tour, ils sont tous debout, ils respirent normalement, les boucles sont en place. Je relève des numéros, au pif. Joli lot de blondes. Les employés de ce centre d'allotement me saluent en hurlant : c'est leur seule chance d'être entendu dans le vacarme des veaux qui meuglent et des barrières d'acier qui claquent. Je lève la main en retour, sans m'attarder, je dois être revenu dans quarante minutes à la clinique pour la suite des rendez-vous.

Mon ordinateur sur l'épaule, ma mallette à la main, je rentre dans le bureau et m'assieds à mon poste en saluant les deux forçats de l'export. Le patron n'est pas dans les environs. Deux lots aujourd'hui, et quatre certificats. Depuis le début de l'année, je suis VOP. Vétérinaire Officiel Privé. J'ai un beau tampon avec une Marianne, et tout un tas de textes réglementaires européens sous la main.

Premier lots, des mâles, vaccinés contre la Fièvre Catarrhale Ovine, sérotype 8, depuis plus de 60 jours. Je vérifie tampons et signatures. Ils sont là depuis moins de six jours, ils ont des attestations de désinsectisation, les vaccins sont en ordre. Je me connecte au Trade Control And Expert System. TRACES. Le mot de passe, la recherche du certificat pré-rempli. Contrôle des adresses, du lot, du transporteur, des attestations. Vérification du temps de trajet. Du plan de route. Tout est comme d'habitude : au carré. Je clique sur la partie qui m'est réservé, la certification. Clic-clic-clic-clic-clic-clic-2004-315-2003-467-ce-2004-315-2003-467-ce-2004-315-2006-467-clic-les animaux ont été contrôlés le-clic-valable 10 jours-clic-BT-2-animaux-clic-8(1)(b)-clic-BT-3-désinsectisation le-clic-BTA-5-Vacciné sérotype-8-clic-clic… Soumettre décision. Espagnol. Enregistrer sous, impression en deux exemplaires, tampons, tampons, tampons, signature, signature.

Lot suivant, des mâles blonds non vaccinés, mais désinsectisés et dépistés par PCR contre le sérotype 8, j'écris à la main, « animales son sometidos, con resultado négativo, a un test PCR contra el serotipo 8 de la FCO », je vérifie toutes les cartes, tous les résultats des PCR, cette fois-ci tout est bon, pas d'erreur, je retourne sur TRACES-clic-clic-clic, encore deux lots, il manque une adresse, coup de fil en Espagne, discussion rapide, nouveau client, l'exportateur lie l'organisation destinataire au certificat TRACES, je me connecte, j'uploade les myriades d'attestations et certificats, je reclique partout-2004-315-clic-clic-clic, je signe, je tamponne, nouveau lot, cette fois des femelles vaccinées depuis plus de 60 jours, tout est en règle, je retourne à l'écran de recherche des certificats, et je recommence, les clic, les 2004-315, les dates, les tampons, les signatures, puis les femelles avec désinsectisation et test PCR, je contrôle tout, je reclique, 2003-467-ce, soumettre, imprimer, signer, tamponner.

J'en profite pour valider le registre, faire les sauvegardes.

45 minutes. On a été bons. Ils ont super bien assuré la préparation documentaire, je salue tout le monde et repars aussi vite que je suis venu. Nous facturons ça à l'heure : tout le monde a intérêt à ce que ça dépote, et ça dépote. Quand rien ne cafouille. Car s'il faut expliquer au boss que non, ce veau ne part pas…

J'arrive à la clinique, madame Arrats vient de s’asseoir en salle d'attente pour Zéphyr, pour une diarrhée qui dure depuis trois jours. Je me lave les mains, j'enfile ma blouse blanche. Je
change
de
temps.

J'ouvre la porte de la salle de consultation.

- Bonjour madame, entrez je vous prie. Vous allez bien ?

lundi 31 janvier 2011

FCO : continuer à vacciner, ou pas ?

Suite aux légitimes interrogations de Paysan heureux et de la quasi-totalité de ses collègues, voici un petit point sur la vaccination FCO. Je n'exprime là que mon point de vue, mais je vais essayer de l'argumenter au mieux.

Je ne reviens pas sur la description de la maladie, j'en ai déjà parlé, ainsi que de la campagne de vaccination et les amers souvenirs qu'elle m'a laissé.

Le préalable à toute discussion est un document très simple disponible librement sur le site de l'ANSES, l'agence nationale de sécurité sanitaire (qui a avalé, entre autres, l'ancienne AFSSA). Ce document de 7 pages est un avis suite à plusieurs questions sur la stratégie vaccinale à adopter sur la campagne 2010-2011. C'est suite à cet avis que le gouvernement a décidé de rendre la vaccination contre la FCO facultative et réalisable par les éleveurs.

Cela signifie qu'en pratique, cet hiver :
- la vaccination contre la FCO n'est plus obligatoire
- la vaccination contre la FCO n'est pas interdite
- la vaccination contre la FCO peut être réalisée par les éleveurs eux-mêmes.
- la certification de vaccination contre la FCO ne sera cependant obtenue que si les vétérinaires sanitaires vaccinent (on ne certifie pas ce qu'on ne fait pas soi-même).
- la vaccination et le prix des vaccins ne sont plus du tout pris en charge et sont donc à l'entière charge des éleveurs, dans un cadre libéral avec les vétérinaires (ce qui implique : tarifs libres).

Mais la vaccination reste indispensable pour exporter les bovins vers l'Italie, premier marché (et de très loin) pour les jeunes bovins français. C'est une exigence de l'Italie. Une vaccination certifiée reste donc indispensable pour les plus jeunes animaux, et à l'entière charge des éleveurs.

Corollaires divers :
- les vaccins sont vendus par flacons de 50 ou 100 doses. Si vous avez dix vaches (ou 60 !) et que vous voulez les vacciner vous-mêmes, cela vous coûtera une fortune par tête de pipe (sauf à s'arranger avec les voisins).
- les vétérinaires facturent à la dose, mais il faut les payer... et nous savons tous où en sont les comptes des éleveurs.
- les vétérinaires fixent librement leurs tarifs, et ils n'ont pas le droit de s'entendre sur les prix. D'où grogne des éleveurs et des vétérinaires, personne n'est content, c'est parfait.

La question que l'on me pose tous les jours est donc : "Et toi Fourrure, t'en pense quoi, est-ce que je vaccine ?"

L'avis des experts est très simple, je cite (mais je vous invite à lire le document dans son ensemble, il est très simple à comprendre) :

Toutefois, il est impossible d’affirmer que les sérotypes 1 et 8 du virus FCO ont disparu de l’Hexagone. Seule une épidémiosurveillance, passive et active, bien conduite, permettrait dans le courant de l’été de confirmer la circulation du virus ou, en fin d’année, de supposer l’absence de circulation virale. La détection, dans les semaines ou mois à venir, de résultats positifs avec des Ct inférieurs à 28, mettrait en évidence une éventuelle nouvelle circulation virale. Ainsi, bien qu’il n’existe pas de preuve d’une circulation virale actuellement (données disponibles en mai 2010, fournies par la DGAl), la présence récente du virus sur le territoire français continental, associée au faible taux de vaccination des ovins, permet au GECU d’estimer que la probabilité de circulation de BTV-1 et/ou BTV-8 en 2010 en France continentale est élevée à très élevée (8 à 9 sur une échelle de 0 à 9).

Au vu de la diminution très marquée du nombre de foyers de FCO entre 2008 et 2009, résultant d’une part de la campagne de vaccination 2008-2009 et, d’autre part, de l’immunité postinfectieuse consécutive aux épizooties de 2007 et 2008, une éradication de la FCO à sérotypes 1 et 8 du territoire français continental paraît possible dans l’avenir. Elle nécessite la poursuite des efforts déjà mis en place.

Etant donné la probabilité élevée de circulation du virus de la FCO en 2010 (estimée entre 8 et 9 sur une échelle de 0 à 9), les moyens à mettre en oeuvre sont les suivants : maintien d’un taux de couverture vaccinale le plus élevé possible chez tous les animaux réceptifs, quel que soit leur âge, et quel que soit le nombre d’injections vaccinales antérieures, et ce pendant au moins 12 mois supplémentaires. Il est recommandé de maintenir, durant la campagne 2010-2011, une vaccination généralisée des bovins, des ovins et des caprins (i.e. correspondant à un taux de couverture vaccinale de l’ordre de 80 à 90% pour chacune des espèces). Le taux de vaccination des ovins serait notamment à améliorer par rapport à celui de la campagne en cours 2009-2010. Il appartient au gestionnaire de décider des modalités permettant d'atteindre cet objectif vaccinal ; réalisation d’un effort particulier afin d’optimiser la couverture vaccinale durant la campagne 2010-2011 dans les zones où des foyers de FCO seraient identifiés en 2010 (i.e. dans les élevages atteints et leur voisinage) ; maintien de mesures de surveillance et de dépistage de l’infection chez les animaux réceptifs (cf. avis 2010-SA-0107 relatif à l’épidémiosurveillance).

Tout est dit.
Pour ma part, au vu de la situation dans ma région, je ne m'attends pas du tout à voir resurgir sérieusement la FCO dans les deux ans qui viennent. Mais l'immunité post-vaccinale (vaccin non renouvelé) et post-infectieuse va s'atténuer, et de nombreux animaux, qui n'ont jamais vu le virus ou le vaccin vont devenir de jeunes vaches... renouvelant le stock d'animaux "naïfs". Je ne m'attends pas à une nouvelle épizootie, mais plutôt à une situation endémique, avec des cas par-ci, par-là, une flambée de temps en temps et des cas sporadiques en tâche de fond.

Donc MA réponse aux éleveurs est la suivante :

Vous n'aurez pas de FCO d'ici un an ou deux, même si vous arrêtez de vacciner.
Vous avez vu ce que ça donnait quand un élevage se la prenait dans la poire, ce qui pourrait arriver d'ici trois ans ou un peu plus. On en saura plus d'année en année avec la surveillance.
Vous savez combien coûtent les vaccins.
Faites vos calculs selon vos moyens !

J'observe deux types de réactions :
Ceux qui ont eu mal, ou ceux qui ont eu peur, qui n'ont pas oublié combien ils ont désiré le vaccin, et qui continuent à vacciner.
Ceux qui n'ont pas souffert de la FCO, ou qui ont plus peur du vaccin que de la maladie (ici nous avons eu une grosse confusion sur la nocivité du vaccin, car nous avons vacciné trop tard, alors que l'épizootie était déjà déclenchée, entraînant une superposition de la maladie et de la vaccination, ce qui a poussé à voir dans le vaccin le responsable des dégâts - et puis il y a la paranoïa habituelle sur les vaccins).

L'AFSSA expliquait très bien dans ce document l'impact probable de la vaccination sur la reproduction. Un bilan avait été établi quelques mois plus tard. Je n'ai pas connaissance de documents plus récents. Mon expérience sur le terrain est très proche de celle décrite dans ces documents.

Pour réduire les coûts, nous vaccinons de préférence en réalisant d'autres opérations sur l'élevage (prises de sang etc). Nous groupons les tournées de vaccination. Et par ailleurs, nous continuons à réaliser des prélèvements sur tous les cas suspects, même peu suspects. Pour l'instant, tout est négatif, et ce n'est pas une surprise au vu des données 2010, qui sont excellentes (quasi aucun foyer clinique).

Je ne sais pas si cela peut servir de conclusion mais... dès qu'on me parle de vaccination FCO, j'ai juste envie de soupirer. Voire de m'enfermer dans un placard pour pleurer. Depuis le début de l'épizootie, il y a eu une cacophonie et des défauts de gestion qui ont conduit, d'une part à une relative inefficacité des mesures prises (notamment, cette vaccination trop tardive), d'autre part, à une tension sans précédents entre vétérinaires et éleveurs. La décision de rendre la vaccination facultative et à la charge des éleveurs n'est que la dernière pierre à ce foutage de merde, dont je suis bien persuadé qu'il est involontaire, mais parfaitement insupportable. Pour moi, dans dix ans, je suis persuadé que le seul souvenir qui restera de tout cela sera celui de la délirante dégradation de nos relations avec les éleveurs.

NB : c'est fou le nombre de documents auxquels on peut avoir accès. Évidemment, il faut savoir qu'ils existent. les sites des diverses agences, du parlement et du gouvernement regorgent de pépites !

dimanche 13 décembre 2009

Case manquante

- Alors la FCO, c'est un virus ?
- Ben oui monsieur...
- Ah je m'en doutais !
- ...
- On m'a dit que c'était un moustique !
- C'est un virus transporté par un moustique.
- Non.
- ...
- De toute façon mes brebis je leur ai laissé la laine, comme ça pas de piqûre.
- Ce ne marche pas, les brebis n'ont pas de laine entre les cuisses...
- Moi je crois que ça marche.
- Vous êtes têtu hein ?
- De toute façon c'est pas possible il n'y a pas de moustiques en Belgique.
- Bien entendu, c'est pour ça qu'on en trouve aussi en Sibérie ou dans l'Himalaya ?
- Pfff
- Ben...
- De toute façon tout ça c'est comme la mouche tsé-tsé !
- Une maladie transportée par un insecte ? Oui.
- Mais non ! La maladie du sommeil elle n'existe pas et ces mouches elles rendent pas malade !
- Ah ?
- Oui les africains restent à dormir dans leur case parce qu'ils sont feignants et qu'ils ont peur des piqûres de mouche, c'est pour ça qu'on appelle ça la maladie du sommeil.
- Bien sûr. Et moi je vais faire un courrier à la DSV pour leur expliquer pourquoi vous refusez de vacciner votre troupeau.

jeudi 15 octobre 2009

Le retour des largages de moustiques en tongs bleues

Morceaux choisis...

- Ouais, mais n'empêche, l'autre jour, il y avait de drôles de nuages de moustiques partout au-dessus des marronniers et dans le ciel, j't'avais jamais vu ça, moi à mon avis s'parce qu'il n'y a pas eu assez de cas alors ils ont largué des moustiques.
- Un coup d'pluie, un coup d'chaud et un vent pas habituel venu du sud, non ?

- Je comprends pas pourquoi on appelle ça la blou tong les brebis c'est la gueule qu'elles ont bleue.
- ...

- Tu vois bien qu'le vaccin il sert à rien il n'y a pas eu de cas sur nos bêtes s't'année, pourquoi on revaccinerait ?
- Parce que c'est le fait d'avoir vacciné l'an dernier qui les a protégées ?

- J'vois pas pourquoi on vaccine les bêtes qu'on exporte vu qu'elles restent pas chez nous ?
- Parce qu'ils ne veulent pas de notre virus là-bas ?

- Tu vois s't'année ils nous ont inventé la grippe du cochon parce qu'on n'a pas cru à la langue bleue l'an dernier

- La FCO il y a 26 sérotypes pourquoi c'est des numéros alors que la grippe y en a plus que 26 et c'est des lettres ?
- Question existentielle, il est vrai. Et puis il y a 24 sérotypes de FCO.

- Moi cette année je vaccine pas et elles sont pas malades, alors que l'an dernier j'ai vacciné et elles ont été malades, alors c'est le vaccin qui rend malade.
- Mon pote, tes brebis ont été malades avant qu'on les vaccine, tu as la mémoire courte.

Oui, c'est véridique. Le second plaisantait, cependant, mais un instant, j'ai eu un doute...

Pour ceux qui n'ont pas suivi, là, on parle de la fièvre catarrhale ovine, ou FCO, qui a ravagé l'élevage français ces dernières années.

jeudi 13 novembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : coup de blues post-epizooticum

Les choses se tassent sérieusement. Nous avons bouclé le gros de notre vaccination en 6 semaines de folie, et, aujourd'hui, il ne reste plus à vacciner que quelques bêtes éparpillées dans les prés d'éleveurs pas stressés. Il y a aussi quelques veaux par ci, par là, qui atteignent les deux mois et demi, âge minimum de la première injection vaccinale.

Nous avons attaqué les prises de sang sur les veaux vaccinés destinés au marché italien : ils doivent être viro-négatif pour passer la frontière, et ces analyses nous ont réservé de belles surprises. Un tiers des veaux vaccinés environ sont actuellement porteurs du virus. Entendons-nous bien : ils ne sont absolument pas malades, ils sont simplement porteurs du virus, pour quelques semaines. Un moustique les a piqué, leur a transmis le virus, comme ils sont vaccinés ils ne sont pas malades, mais cela interdit leur vente à l'étranger, ce qui n'arrange pas la trésorerie des éleveurs, déjà pris à la gorge.

Il marche d'ailleurs drôlement bien, ce vaccin : je n'ai pas vu une vache malade depuis presque deux mois. Ah si, une : elle avait une autre maladie, et son affaiblissement a permis au virus de se développer.

La plupart des éleveurs attendent donc les 60 jours après la seconde injection pour envoyer leurs veaux en Italie, car ce délai permet d'éviter la fatidique virologie. Ce qui, en soit, est complètement stupide : ce n'est pas parce que ces veaux seront bien vaccinés qu'ils ne seront pas porteurs. Tout au plus peut-on espérer qu'ils ne risquent pas trop de transmettre le virus grâce à leurs défenses immunitaires et leur faible taux viral sanguin.

A côté de ça, la machine à rumeurs fonctionne toujours aussi bien, il ne se passe pas deux jours sans qu'un éleveurs viennent me parler du sérotype 52 qui serait apparu dans un élevage du Boukhistan, et qu'il va falloir rattraper toutes les bêtes, docteur.

Nan.

Pas d'autre sérotype pour le moment, s'il se passe quelque chose, on vous préviendra.

Bref, l'activité vétérinaire à proprement parler, s'est considérablement ralentie. Nous en avons profité pour prendre quelques jours voire semaine (au singulier, quand même), de congé.

Surtout, nous nous sommes lancé dans la délirante montagne de paperasses engendrée par cette crise sanitaire.

Pour chaque visite de suspicion, une fiche de police sanitaire : quatre pages.

Pour chaque élevage vacciné, un inventaire relevant chaque bête ayant reçu l'injection, avec date et type de vaccin évidemment. Quand on n'est passé que deux fois dans un élevage, c'est facile. Quand on est venu pour huit lots différents, c'est le drame. Dis comme ça, ça a l'air facile, mais nous avons vraiment vacciné très vite, et pas relevé grand chose. Funeste erreur lorsqu'il faut faire les comptes... Pour chaque élevage, je compte, je coche, je vérifie et je recoupe, je contrôle les âges des veaux et les intervalles entre injections.

Pour chaque élevage, date, nom du vaccin, signature et tampon sur chaque passeport de veau destiné à l'export. Une fois pour chaque injection, ça en fait des lignes ! Encore une fois, attention aux âges minimaux !

Pour chaque élevage, une facture spéciale sur une fiche spéciale, avec déduction de l'aide directe de l'état. Un exemplaire pour l'éleveur, un exemplaire pour l'organisme qui nous versera (un jour) cette aide, et la retranscription de cette facture dans notre propre logiciel. Evidemment, les tarifs sont par visite et par bête, mais varient selon la taille des cheptels.

Pour chaque éleveur, des dizaines de minutes d'explications.
C'est l'Etat qui paye une partie, ne vous inquiétez pas, c'est marqué là. Cette facture, une fois acquittée - oui, il faut la payer avant d'être remboursé, sans blague - vous l'amenez au conseiller agricole du conseil général, pas celui de la chambre, il va vous monter le dossier. Pour les vaccinations faites avant le passage de notre département en zone infectée, c'est le conseil régional. Non, je ne sais pas qui s'occupe de ça. Pour les médicaments administrés aux animaux soignés pour la FCO, vous amenez la copie de notre facture (oui, je vais vous faire un double), de notre ordonnance, et une déclaration sur l'honneur au conseiller agricole de la chambre d'agriculture. Non, pas à celui du conseil général, vous rigolez ? Pour les bêtes euthanasiées, je vais vous faire un certificat d'euthanasie. Non, pas besoin de certificat pour celles qui sont mortes "naturellement". Elles, vous fournirez le bon d'équarrissage. Vous ne l'avez plus ? Ben demandez un double à l'équarrissage. Ah, vous avez filé le cadavre de la brebis à vos chiens ? Super, c'est une excellente idée. Non, ils ne risquaient pas grand chose, c'est vrai. Mais pour le bon d'équarrissage, oubliez, et l'aide aussi du coup. Oui, monsieur, c'est illégal, je suis désolé. L'inscription UPRA ? Ah ça ce sont des documents qui sont en votre possession, là je ne peux rien faire. Ah oui, il y a une franchise de 3% du cheptel et un plafond à 25%. 3% de 20 brebis ? Ben 0.6 brebis, je suppose. Non, je ne sais pas si vous serez indemnisé avec une seule bête morte. Vous verrez avec le conseiller. Celui de la chambre, hein, pas celui du conseil général. Il a une permanence le jeudi matin à la mairie. mais pas cette semaine, il est en vacances. Pour deux semaines, paraît-il. Sa collègue de Framboisy devrait pouvoir vous aider si vous êtes pressé. Ah, oui, Framboisy, c'est à 30km est vous avez 80 ans.

Soyons sérieux : la vaccination à proprement parler, ce n'était que le tiers du boulot. Le premier tiers, c'était la logistique, l'organisation, bref toute la préparation de la vaccination. Le dernier tiers, cette folie de paperasses de la maison qui rend fou.

Avec ça, il faut ajouter ce curieux syndrome de relâchement qui nous envahit tous, à la clinique. Moi plus que les autres, cela dit. A ma décharge, c'est moi qui ai organisé toute la vaccination et qui fait toutes les factures : trop complexe pour s'y mettre à plusieurs si on voulait aller vite.
Au mois de septembre, j'ai travaillé 280 heures. Un joli score, je trouve. Octobre n'était pas mal non plus, en tout cas au début du mois. Et là, les quelques jours de repos que j'ai pris m'ont complètement cassé.

En septembre, j'avais redécouvert cet étrange rush d'adrénaline permanent qui m'avait permis de traverser la classe préparatoire vétérinaire. Drôle de sensation, drôle de plongée dans mes souvenirs.

Maintenant, je me sens... sans objet. Sans direction. Un peu perdu, étonné au milieu de mes papiers, presque désorienté sans l'objectif précis qui m'avait permis de tenir.

Pour la suite ?

On verra bien...

vendredi 3 octobre 2008

Prophylaxie

Prophylaxie, c'est un mot qui signifie, en gros, "méthode de prévention".
La prophylaxie dont je vais vous parler, la plupart des acteurs du monde rural la nomment "pique" ou "prophylo".
Je pense que c'est surtout un aspect du métier de vétérinaire que peu de gens connaissent.

Pour les vaches, les moutons et les chèvres, ce terme désigne en général les prises de sang qui sont réalisées annuellement sur une partie du cheptel français. Ainsi, tous les ans, je vais chez tous mes clients éleveurs de bovins pour réaliser une prise de sang sur chaque vache de plus de deux ans. Je vais également chez chaque éleveur de moutons pour faire une prise de sang sur tous ses reproducteurs, ou sur une partie s'il a vraiment un très gros cheptel. Les règles de cette lutte organisée par l'État sont édictées dans chaque département en fonction de leur situation sanitaire. Selon les maladies, le rythme peut être annuel, ou bisannuel, voire moins souvent. Quand une maladie est éradiquée, on arrête...

La prophylaxie est presque intégralement prise en charge par l'Etat : frais vétérinaires, analyses de laboratoire, gestion globale, ce qui a permis l'élimination de nombreuses maladies dangereuses pour le cheptel comme pour l'homme.

C'est une organisation titanesque qui mobilise :

  • Les éleveurs, qui doivent assurer la contention de leurs animaux.
  • Les vétérinaires sanitaires (des vétérinaires qui agissent sur mandat de l'État dans ce genre de situation), qui réalisent les prises de sang, ou toute autre opération, comme la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine, ou (mais c'est terminé pour l'instant), contre la fièvre aphteuse...
  • Les laboratoires départementaux vétérinaires, qui réalisent les analyses.
  • Les groupements de défense sanitaire, qui organisent.
  • Les directions des services vétérinaires, qui supervisent le tout.

Par exemple, pour les bovins, la prophylaxie concerne, ou a concerné :

  • La brucellose, une maladie qui a presque disparu (grâce à la prophylaxie). Chez l'homme, on parle de fièvre de Malte, vous avez peut-être un grand-père qui l'a attrapée et qui en a gardé des séquelles ?
  • La leucose bovine enzootique (LBE), une maladie très grave pour les bovins, elle a pratiquement disparu (grâce à la prophylaxie).
  • La tuberculose, que je ne vous présente pas, et qui elle aussi pratiquement disparu des élevages (devinez grâce à quoi ?).
  • La fièvre aphteuse, très grave pour les ruminants, qui a disparu en France (grâce, a la prophylaxie, aussi).
  • La rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), qui elle n'est pas grave mais est prise en compte dans les échanges commerciaux (elle elle n'a vraiment pas disparu mais la lutte commence seulement).
  • Le varron, un parasite qui finit sa vie larvaire dans le cuir des ruminants et en déprécie fortement la valeur.
  • La fièvre catarrhale ovine, qui s'installe par chez nous depuis quelques années, et sans doute pour un bout de temps.

Mais la prophylaxie concerne aussi les ovins (pour la brucellose et la fièvre catarrhale) et les porcins (maladie d'Aujeszky, SDRP).

Dans tous les cas, soit l'État décide qu'il faut supprimer la maladie (prophylaxie obligatoire), soit ce sont les éleveurs (prophylaxie facultative, mais que l'État rend obligatoire si au moins 60% des éleveurs s'y mettent de leur propre chef, ça a été le cas de l'IBR).

Je parlais d'organisation titanesque. Ce n'est vraiment pas un vain mot, même en réduisant la prophylaxie à mon niveau de vétérinaire sanitaire libéral, ce qui est injuste pour ces techniciens des services vétérinaires et ces vétérinaires sanitaires qui interviennent à l'abattoir. L'inspection de la carcasse de l'animal permet de rechercher certains agents pathogènes dangereux pour l'homme et/ou l'animal. La plupart des (rares) cas de tuberculose sont aujourd'hui découverts par cette voie, on recherche des parasites dans les carcasses d'équidés ou de porcins... Je ne devrais pas non plus oublier la recherche de l'ESB dans la moelle épinière des bovins.

La prophylaxie mobilise chaque année tous les troupeaux bovins et ovins, ainsi que les élevages porcins. Tous les ans, il faut attraper ces bestioles pour leur faire des prises de sang, quand une épizootie de fièvre catarrhale ne vient pas compliquer les choses en obligeant à les coincer deux, voire quatre fois de plus. En plus, curieusement, la plupart des ces bêtes n'apprécient pas de subir :

  • une prise de sang (recherche de brucellose, de LBE, d'IBR et de varron).
  • une injection intradermique de tuberculine, qui permet de dépister la tuberculose.
  • deux injections intra-musculaires de vaccins contre la FCO.

Et là, il faut aimer les coups de pieds et ne pas tenir à sa propreté, parce que les prises de sang se font sous la queue. Âmes sensibles s'abstenir, il y a de la violence (dirigée contre le véto, je tiens à rassurer les amis des bêtes), de la merde et du sang. Que la vache vive dans une belle stabulation bien paillée ou dans un pré en altitude (allez les choper les limousines qui ne voit un homme qu'une fois par an, pour se faire perforer par un maniaque).

Chaque tube est identifié par le numéro du bovin ou de l'ovin, étiqueté, puis envoyer au laboratoire départemental. je vous laisse imaginer la complexité du bazar et la rigueur nécessaire. Quand je pense qu'on nous prédisait la mort du papier grâce à l'informatique !

De plus en plus, la prophylaxie est aussi l'occasion d'assurer un suivi sanitaire, un genre de mini audit de l'élevage sur les points-clefs (enfin, il paraît) : contrôle de la pharmacie de l'éleveur, de la tenue des registres, des précautions sanitaires de bases, de l'état général des animaux, de l'hygiène de la traite (enfin, ça, franchement, c'est théorique...). Cet aspect de la prophylaxie, avec l'éradication de ces maladies, vient peu à peu remplacer la "pique" d'antan. On y verra la marche du progrès, ou l'expression de la paranoïa attribuée au consommateur et l'invasion des tracasseries administratives et de la paperasse...

lundi 22 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Usure

Pour suivre ces billets publiés au gré des moustiques :

Ca y est, le premier cycle de trois semaines est bouclé, nous avons attaqué les rappels de vaccination. La panique est totalement oubliée, au point que certains n'ont même plus envie de vacciner... Quand je leur explique que le sérotype 1, c'était l'apéritif avant le 8, en général, ils prennent rendez-vous. Certains veulent attendre quand même, mais aurais-je des doses pour eux ?

A priori, cette galère des doses est derrière nous : aller piquer des flacons au cabinet voisin pour tenir jusqu'à la livraison du lendemain, en prêter à un autre, en faire envoyer à un troisième qui va vacciner certains de "nos" moutons en estives. Cette crise aura au moins permis de resserrer les liens entre les vétérinaires de la région.

Les nouveaux foyers deviennent plus rares. Logique, tout le monde a la pécole ! Par contre, nous découvrons plusieurs fois par semaines de petits cheptels non déclarés, qu'ils faut régulariser avant de vacciner. Maintenant, la procédure est bien rodée : coup de fil à la chambre d'agriculture, attribution d'un numéro EDE, prises de sang de création de cheptel, prises de sang pour virologie FCO, traitement des malades, et vaccination des brebis par encore atteintes. A la fin de la crise, le département aura "gagné" un certain nombre de têtes ! Paradoxal quand les pertes peuvent s'élever jusqu'à 30% dans certains cheptels. Les gens n'ont clairement aucune idée des obligations qu'implique la détention de ruminants, même pour tondre la pelouse.

Si les foyers deviennent plus rares, je ne sais pas trop pour le nombre d'animaux malades, c'est assez difficile à suivre : nous ne visitons que les nouveaux foyers ou les cas très graves, les éleveurs soignant eux-mêmes la plupart de leurs bêtes. Au vu du nombre de flacons d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires vendus, en tout cas, il y a encore pas mal de nouveaux cas. Ou d'anciens qui traînent.

Je suis assez surpris par le nombre de vaches que nous avons perdu. Oh, pas des dizaines, mais peut-être 0.5-1% du cheptel ? Des vaches qui bricolent et s'affaiblissent malgré tous les traitements, avec des myosites majeures, des syndromes hémorragiques digestifs voire nasaux. D'autres ne supportent pas une co-morbidité avec une pathologie grave, telle une mammite aiguë ou une broncho-pneumonie. A côté des mortes, il y a beaucoup d'animaux sérieusement touchés, qui mettront des semaines, voire des mois, à se remettre. De plus, certains taureaux seront peut-être infertiles. Un dommage moins spectaculaire mais sans doute plus important que la mortalité. Un peu comme les "blessés graves" des accidents de la route, oubliés par rapports aux morts.
Du côté des brebis, la mortalité est par contre moindre qu'escomptée : soignées à temps (c'est à dire dès le premier jour de la maladie), la plupart s'en sortent bien avec une semaine de traitement.

Vaccins FCO : avant - aprèsDe notre côté, c'est l'usure. Nous avons vacciné plus de dix milles bêtes en moins de trois semaines, et il faut recommencer. Certains jours, les coups de pieds sont plus difficiles à éviter... Normal avec 6 à 7 jours de travail par semaine, dix à douze heures par jour, et ce depuis plus d'un mois. Sans parler des (heureusement rares) urgences nocturnes.

Nous risquons trop souvent l'erreur en devant penser à trop de choses simultanément. Préparer les plannings de vaccination, n'oublier personne, gérer les animaux malades et surtout continuer à faire tourner la clinique, car la vie ne s'est pas arrêtée pour un moustique : bobos, vaccins, vrais malades, chiens à sangliers éventrés, vêlages, etc. Nous en avons déjà commises quelques une, des erreurs, qui ne seraient pas survenues en temps normal. Rien de grave, heureusement : nous sommes conscients de nos limites, mais vivement dans trois semaines ! Plus que 8000 bêtes !

lundi 15 septembre 2008

Veaurien

Calcul : petit problème appliqué

Soit le prix d'un veau laitier de sexe mâle, âgé de 4 jours, à la sortie de son exploitation de naissance : moins de 50€
Soit une réglementation pour la Fièvre Catarrhale Ovine imposant une virologie avant sa sortie de l'exploitation
Soit le prix de la visite du vétérinaire pour cette prise de sang, déplacement compris : environ 40€
Soit le prix de l'analyse virologique : environ 40€
Soit le prix d'une masse, inusable, incassable, ne nécessitant aucun entretien, pouvant servir à plein de choses à la ferme : environ 80€

Quel est le coût de vente du veau ?

Quelle est la valeur de la vie ?

La solution :

ksk le sait bien : en élevage laitier, les veaux mâles, c'est le dommage collatéral.

Si ce veau-ci suivra le chemin normal des veaux de boucherie, parce son éleveuse serait bien infichue de faire du mal à une mouche et qu'elle a une toute petite exploitation, la plupart de ses congénères veaux mâles de race laitière se prendront un coup de masse derrière les oreilles. Parce que les vendre, ça ne rapporte pas d'argent, au contraire.

Ensuite, un veau d'une semaine, c'est immangeable.

Bien sûr, on peut l'élever à la maison, et, si on a le coeur encore plus accroché que pour donner un coup de masse à sa naissance, le saigner en douce et le mettre au congélateur (je dis qu'il faut avoir le coeur bien accroché, parce que je connais peu de gens qui saignent facilement un animal qu'ils ont élevé au biberon pendant des mois...).

En douce, parce que l'autoconsommation, l'abattage à la ferme, c'est interdit. Pour la sécurité des consommateurs, et pour le bien-être animal (c'est pas moi qui l'ai dit). On peut faire abattre un animal à l'abattoir et le récupérer, ça oui, mais pas se le planquer au congélo. Bien sûr, il y en a qui le font. Mais je ne suis pas au courant (non, non, je vous assure, je ne sais rien).
De toute façon, ce n'est pas ça qui assurerait un débouché pour ces milliers de veaux...

L'élevage de ces veaux à la ferme, ce n'est pas une option non plus : élever des veaux, c'est pas si facile, ça prend du temps, et puis, surtout, il faut les nourrir... et ça coûte cher !

Alors voilà, les éleveurs qui vendront leurs veaux, en gros, payeront 30 euros pour ne pas avoir à leur mettre un coup de masse derrière la tête.

C'est "juste" une situation à la con.

mardi 9 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Une journée en enfer

4h10 - Réveil en sursaut, pas de sonnerie de téléphone pourtant - je suis en sueur, j'ai rêvé que les vaccins qui devaient être livrés ce matin n'arrivaient pas car j'avais oublié de passer le fax. 10 minutes pour me rendormir en m'insultant.

5h10 - Mon foutu téléphone portable fait vibrer les baffles de mon radio-réveil. Pour rien. Résultat : une augmentation délirante de ma fréquence cardiaque, une bonne bouffée de stress et une dizaine de mots doux à l'encontre de mon téléphone que je balance bien loin de ma table de nuit. Je ne suis même pas d'astreinte !

8h00 - Lever rapide, petit-dej' très rapide, café, sortir les chiens. Même pas en mode automatique : je me réveille instantanément maintenant !

8h30 - Je démarre la voiture, direction la clinique. 10 minutes de route avec les infos. Rien de neuf sous le soleil, évidemment.

8h40 - Je passe vite fait entre les cages des animaux hospitalisés après avoir salué notre ASV, qui vient de reprendre le téléphone de garde. Ici non plus, rien de neuf sous le soleil. Si j'ai le temps, je ferai les soins aux animaux, sinon Francesca s'en occupera. Rien d'urgent de toute façon. Notre parvovireux a arrêté de tout repeindre de diarrhée et l'anémie auto-immune a uriné clair. Impeccable.

8h50 - Je distribue la tournée de vaccination FCO à Olivier qui vient d'arriver. Ben oui, j'ai le privilège d'être le Grand Organisateur de nos tournées de prophylaxie. Boulot de dingue, je vous en toucherai un mot dans ce billet, et plus encore dans un autre épisode du journal de bord FCO.

9h00 - La clinique ouvre ses portes. 8 personnes (!) s'engouffrent avec leurs bestioles, leurs enfants, leurs sacs à main et leur stress. Je me cache lâchement dans la deuxième salle de consultation avec un téléphone, le planning des tournées et les feuilles de prophylaxie.

9h02 - Après deux minutes à bouger des piles de papier pour éviter de réfléchir, je jette un oeil par la porte. Merde, M. Dueil, c'est moi qui lui ai donné un rendez-vous pour une série de tests hormonaux. Pauvre chien, ça fait des mois qu'il se traîne une foutue infection cutanée récidivante, sans cause sous-jacente encore détectée. Le chien a 8 ans, c'est un chien de chasse, mais son propriétaire est prêt à aller sur les tests hormonaux et leur éventuel traitement. J'en profiterai pour refaire une série de raclages à la recherche de demodex ou autres saletés parasitaires.

9h03 - Finalement, je me décide. Un bonjour à la contonnade, j'interpelle M. Dueil et lui demande d'aller chercher son chien. Quelques minutes plus tard, ce dernier est dans la courette, son propriétaire reparti au travail, il reviendra le chercher à midi. Dans le même mouvement, j'hospitalise une minette venue pour une ovariectomie, salue un client venu régulariser des factures de médicaments pour la FCO, et avise un homme d'une quarantaine d'années avec sa fox dans les bras. M. Petit. Lui, il avait rendez-vous à 10h00, il s'est encore gouré...

9h15 - Olivier est parti en tournée, il n'a que 200 vaches à faire ce matin. Tranquille. Cette fois-ci, il a pris trop de vaccins, il s'est fait coincé hier à 25 km d'ici avec 35 doses manquantes...

9h16 - J'invite M. Petit à me rejoindre en salle de consultation avec sa fox, pour un vaccin. Ca fait au moins trois fois que ce rendez-vous est reporté : M. petit est vraiment un homme très gentil, mais il est un peu... léger. Sa présence est presque incongrue dans notre quotidien de stress et de tensions. Il sourit et me salue de sa voix étrange, à la fois brisée comme celle d'un vieux fumeur, et aiguë comme celle d'une fillette. Il n'articule pas bien du tout et entends très mal, mais il lit remarquablement sur les lèvres. Il rit aux éclats en voyant sa chienne faire le beau devant moi, puis me décrit ses dernières chasses au renard. Je n'y comprends pas grand chose : son élocution est terriblement difficile à suivre, surtout quand il aborde un sujet que je ne maîtrise pas du tout, mais il mime, il gesticule, il rit à nouveau pendant que j'examine rapidement. J'en oublierai presque la FCO et le stress quotidien.

9h24 - Olivier passe la tête par la porte de la salle de consultation :"heu j'avais rien compris à ce que m'avait dit Mme Wood au téléphone ce matin, je croyais qu'elle amenait un chat qui bavait mais c'est un bélier ! Il est dans le coffre de leur 4x4, tu y jetteras un coup d'oeil ?"
Il n'était pas parti, lui ?

9h30 - Le bélier a une magnifique langue bleue. Évidemment, c'est un tout petit cheptel non déclaré, et Francesca a remarquablement anticipé la suite : elle a déjà téléphone à l'EDE pour faire enregistrer le cheptel afin que la suspicion de FCO puisse être validée. Deux injection, une longue conversation en anglais pour expliquer la blue tongue et la déclaration de l'élevage, le traitement aux insecticides et la vaccination à prévoir dans la semaine qui vient (mais quand ???), et je repars sur les chiens et les chats.

9h50 - Je m'excuse auprès de M. Bel qui avait rendez-vous à 9h30, pour recevoir Belle (si si, Belle Bel) qui nous revient avec sa DAPP annuelle mâtinée d'aoûtats en goguette. En plus elle est en chaleur et mon pantalon vient de recevoir une belle quantité d'écoulements vaginaux. C'est tiède, c'est humide, c'est presque transparent (fin des chaleurs, donc) et ça va terriblement plaire aux chiens mâles que je verrai en consultation aujourd'hui.

10h15 - Je vois Francesca qui réceptionne un sac de poulets morts pour autopsie. Super.
Je viens de me rendre compte que nous n'avons pas en stock les produits nécessaires aux tests hormonaux que je comptais réaliser sur le chien de M. Dueil. Je téléphone donc illico à la pharmacie pour les commander - livraison à 15h30 cet après-midi. Il faut penser à rappeler le propriétaire pour lui dire de venir chercher le chien ce soir, finalement.
Pas de rendez-vous avant 10h30, je devrais pouvoir placer quelques fermes supplémentaires sur la tournée de vaccins de vendredi, et il faut que je valide un élevage pour demain, je n'ai pas encore eu leur réponse.

10h20 - Finalement, c'est une éleveuse qui m'alpague avec sa feuilles d'analyses bactériologiques à la main. Un prélèvement qu'elle a elle-même réalisé sur le lait d'une vache à mammite, et une belle saleté de Streptococcus uberis résistants à plein de choses. Pratique.

10h45 - J'ai prescris le traitement ad hoc à l'éleveuse et invite M. Dulin dans la salle de consultation. Évidemment, je n'ai pas pu joindre les éleveurs comme je l'avais prévu quelques minutes plus tôt, je m'excuse auprès de M. Dulin pour le petit quart d'heure de retard et je l'écoute m'expliquer les manies de sa chienne anxieuse. Je n'ai absolument pas le temps de gérer une consultation de comportement maintenant, d'autant qu'un éleveur de mouton a appelé, il a un cas de FCO... Je rassure donc M. Dulin sur les tumeurs mammaires de sa chienne, il faudra penser à opérer mais sans urgence, je l'invite à reprendre un rendez-vous pour une consultation de comportement si mes quelques indications trop vite assénées ne suffise pas faire rentrer les choses dans l'ordre. Accessoirement, je le conseille sur le choix d'un traitement pour les aoûtats qui pullulent sur sa chienne.

10h58 - Je prends ma voiture et me lance vers un village distant d'une dizaine de kilomètres afin de vérifier l'existence d'un nouveau foyer de FCO. La brebis a les lèvres gonflées, violacées, mais elle est relativement en forme. Comme le bélier de ce matin, elle a une chance de s'en sortir. prise de sang, conseils, dissipation de rumeurs, je note ce que j'ai fais sur mon indispensable bloc-note et reprends la route.

11h28 - Je m'arrête chez des clients qui sont sur le chemin, pour prendre des nouvelles d'une vieille chienne opérée une semaine auparavant avec d'énormes réserves sur la période post-opératoire, en raison d'une ancienne crise d'insuffisance rénale aiguë. Ils ne sont pas là, mais j'entre quand même pour jeter un coup d'oeil au chenil des chiens de chasse. Elle ne semble pas en forme du tout, la louloute...

11h35 - J'arrive à la clinique, le livreur est en train de déposer la commande. Tandis qu'il finit son déchargement, je passe enfin les coups de fil pour les rendez-vous de vaccination de demain.

11h42 - Je remplis rapidement la paperasse pour les deux suspicions de FCO de ce matin, puis je m'attelle au classement des prises de sang de prophylaxie d'un cheptel ovin.

11h48 - Je me lève pour aller chercher un meilleur stylo, et, sur le passage, je ne peux pas m'empêcher de jeter un oeil aux milliers de doses vaccinales pour la FCO.

11h48 - Le temps s'arrête.

11h48 - Il manque les doses de sérotype 8.

11h48 - Il me reste à peine de quoi faire la tournée de demain au frigo !

11h48 - En plus les seringues automatiques commandées ne sont pas livrées non plus, et il ne nous en reste plus que deux !

11h49 - J'appelle la centrale d'achat, qui me confirme une rupture de stock de vaccins et m'annonce une livraison dans la semaine.
Dans la semaine ?
Mais quand ?
Impossible !

Et les seringues automatiques ?
Il ne reste plus qu'un modèle médiocre et inadapté en stock.

11h51 - Je téléphone à un confrère voisin pour lui demander s'il pourrait me dépanner de 1500 doses. C'est une de ses ASV qui me répond, elle dépose le combiné le temps d'aller vérifier les stocks. J'entends une autre ASV expliquer à une dame manifestement bouchée que les vétérinaires, elle ne les voit pas de la journée, et que donc le certificat pour Kiki, il attendra ! Je souris malgré moi.

11h53 - 1500 doses, peut-être. Il faudrait que je rappelle dans l'après-midi.

11h58 - Je file en vitesse de la clinique, j'ai une course urgente à faire. Évidemment, en partant, je croise M. Dueil que personne n'a appelé pour le prévenir du contretemps sur les tests hormonaux de son chien. Heureusement, il n'habite pas loin. Il repassera ce soir vers 18h.

12h25 - Je suis chez moi avant 13h00 ! Une première depuis 24 jours de travail non-stop ! Pour fêter ça, je mange en vitesse et j'écris un billet sur mon blog.

14h00 - De retour à la clinique, je croise mes deux confrères qui vaquent chacun à leurs consultations canines. Olivier repartira en tournée de vaccination. Dans trente minutes j'y vais aussi, en attendant je découvre avec plaisir qu'il faut que je prépare les cartes roses de 27 veaux pour l'éleveur de 14h30 : il a trouvé un acheteur et il faut donc mettre leurs papiers en règle pour la vente. Tampons, signatures...

14h14 - Olivier est en train d'examiner un chat qui avait rendez-vous avec moi, normalement, un suivi d'une vilaine plaie cutanée. Je vais quand même saluer la dame et regarder l'évolution, histoire de. Puis je retourne à mes tampons.

14h21 - Je rappelle à Olivier qui passe par là dans sa blouse immaculée qu'un éleveur l'attends pour la tournée de l'après-midi.

"Merde !"

14h27 - Francesca me demande de l'aide pour une facturation de médicaments pour la FCO - il faut faire des factures spéciales afin que les éleveurs puissent prétendre à la caisse de solidarité des GDS pour les soins aux bovins malades. Je ne vois vraiment pas comment je serais à 14h30 chez cet éleveur pour les vaccins et les prises de sang de vente...

14h41 - Je tamponne à nouveau.

14h52 - Je n'ai pas fini de tamponner mais je me rends compte que j'ai oublié de rappeler le véto voisin pour les 1500 doses. Et s'il pouvait avoir deux seringues automatiques, aussi... ? la discussion s'anime au sujet de quelques problèmes de procédure avec certains élevages que nous nous échangeons pour les vaccination : normalement, cette vaccination est réalisée par le vétérinaire sanitaire de l'élevage, responsable du suivi sanitaire. Afin de gagner du temps, pour cette crise, nous nous "échangeons", sur demande ou avec l'accord des éleveurs, certains cheptels qui sont beaucoup plus proches du cabinet du voisin. J'apprécie vraiment la bonne entente qui règne entre les vétos de la région. En attendant, il peut me dépanner de 1000 doses, et pas de seringue automatique.

15h08 - J'appelle la DSV pour lui soumettre mon problème de doses. On me propose 1500 doses débloquées pour demain et livrées sur place afin de pallier l'urgence. Pour la suite... croisons les doigts pour que notre centrale soit très vite livrée en doses fournies par d'autres centrales (c'est marrant, à leur échelle, les centrales d'achats font comme nous : "t'as pas 1000 doses ?").

15h24 - J'ai fini de tamponner ces foutues cartes, je file chez l'éleveur pour les vaccination et les prises de sang.

15h52 - Premier lot de 24 broutards terminé. Numéros relevés, vaccinés, prélevés, triés, ils sont prêts à partir. En attendant le lot suivant, j'ai une idée. je passe un coup de fil à un autre cabinet voisin que je sais se fournir dans une autre centrale d'achats que la nôtre. "Dis moi, tu pourrais me commander deux seringues Injecto-matic pour demain ? Oui, ils en ont en stock ? Magnifique !"

15h58 - Je passe un autre coup de fil, à la clinique cette fois. J'ai oublié de dire à Juliette de passer chercher les médicaments à la pharmacie pour les tests hormonaux, il faut se dépêcher si l'on veut rendre ce chien ce soir. Normalement, j'aurais du être en train de finir ces prises de sang et de m'occuper de ça, mais bon... J'ai du mal à l'entendre au bout du fil avec ces cons de veaux qui gueulent à 10 mètres de moi.

Couché sur l'asphalte, un setter hors d'âge me regarde d'un air morne.

16h02 - Prises de sang, vaccins, tampons, signatures, j'en profite pour remplir les cartes vertes.

16h15 - Trop vite, je me suis planté et j'ai rempli des cartes de veaux qui ne partent pas. J'ai gagné le droit d'appeler l'EDE pour demander des duplicatas, tiens.

16h24 - Je reviens à la clinique. Les test hormonaux sont lancés, je finis de ranger les prises de sang de prophylaxie ovine que j'avais entamées ce matin.

16h44 - Je reprends le chien à problèmes cutanés sur la table de consultation afin de refaire des recherches parasitaires. Raclages, calques, microscope...

16h58 - Pas moyen, tout est négatif, il n'y a pas un demodex sur ce chien...

17h04 - Je repasse quelques coups de fils pour les tournées de vaccination bovine de la fin de semaine. Il ne me reste presque plus d'élevages à placer.

17h11 - M. Tourlan veut me parler, et me tiens la jambe au moins 25 minutes sur l'organisation de la vaccination de son cheptel de 16 bêtes...

17h30 - L'anémie auto-immune se dégrade à nouveau. Je relance une prise de sang pour vérifier les paramètres sanguins. Pas trop mal, mais bon...

17h45 - Je modifie le traitement en ajoutant des immuno-suppresseurs. Demain, s'il empire, on tentera le tout pour le tout avec une transfusion.

17h52 - Je reprends mon bloc-note afin de facturer les six derniers jours de visites. Un enfer ponctué de coups de fil, du retour de M. Tourlan avec ses 15 vaches, d'un appel de la DSV qui me précise quand et comment me seront livrées les doses (merci, merci !).

18h07 - Je fais sa dernière prise de sang au chien de M. Dueil que je lui rends après lui avoir expliqué que nous n'avons rien trouvé de neuf. J'espère que les tests seront concluants mais je n'y crois plus trop.

18h15 - J'ai fini de centrifuger le sang du chien précédemment mentionné, et transfère le plasma dans des tubes stériles plus approprié au transport. J'en profite pour remplir sa feuille de commémoratifs, y agrafer son chèque et compléter le bon d'expédition en colissimo. En passant, ej signe un chèque pour un laboratoire qui nous a réalisé quelques analyses en début de semaine. Faudra penser à vérifier si c'est enregistré et refacturé, ça...

18h22 - Tout ça me fait penser que j'ai aussi les prises de sang des vaches de M. Bleure à préparer pour des sérologies douve. Feuille de commémos, bon d'expédition, facturation des frais d'envoi au client...

18h37 - Olivier est en train d'autopsier les poulets. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas l'air très frais... Ca parfume la pièce dans laquelle je suis en train de mettre à jour toutes les vaccinations ovines afin de préparer la tournée de rappels qui commence... la semaine prochaine déjà !

19h21 - J'en ai fini avec les feuilles de vaccination, je prépare celles de demain, puisque je partirai directement en tournée. J'en profite pour charger ma glacière avec 250 doses de chaque vaccin. Finalement, je passerais d'abord chez un autre véto voisin pour lui piquer une seringue automatique - j'en ai retrouvé une vieille qui fera bien l'affaire malgré ses joints défaillants.

19h24 - Comme je m'ennuyais, je passe dix minutes à changer les joints de la vieille seringue et à lubrifier tous ses composants.

19h35 - OK, je passe au chenil pour le dernier tour de la journée. le parvovireux est de mieux en mieux, je stoppe presque sa perfusion et le force à manger un peu après une batterie de piqûres. On verra s'il garde tout d'ici demain matin. L'ASV est partie depuis un quart d'heure et le téléphone ne sonne plus.
L'anémique a l'air un peu plus gaillard, et Olivier est en train de faire le tour de toutes les armoires de la clinique pour la commande de médicaments bi-hebdomadaire.

19h51 - Cette fois-ci, je m'attelle à la caisse. Compter, vérifier les chiffrages, contrôler que chaque traitement pour la FCO a été facturé en bonne et due forme pour la prise en charge - c'est le cas cette fois - reprendre les chèques, faire la remise, vérifier le fond de caisse et sauvegarder les données...

20h02 - Le téléphone sonne ! Un monsieur que nous ne connaissons pas et qui a manifestement de la FCO dans son petit cheptel ovin. Nous passerons demain, je prends dix minutes pour lui expliquer les choses et noter l'endroit précis où il habite.

20h12 - Le chiot à parvo hurle un coup. Je vais vérifier rapidement : cet ahuri de bleu de Gascogne s'est coincé la perfusion dans les lattes de son caillebotis... Rien de méchant.

20h17 - Cette fois, j'ai terminé la caisse, et Olivier semble en avoir fini avec la commande. L'heure de rentrer à la maison, un peu plus tôt que d'habitude dans cette journée finalement moins chargée que celles de la semaine dernière...

Comme vous vous en doutez, je ne vous ai pas parlé de tout ce que j'ai pu faire dans cette journée, puisque j'en ai déjà oublié la moitié. Plus que 5 semaines à tenir...

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : La flambée

Pour suivre ces billets publiés au gré des moustiques :

Lorsque le sérotype 1 fut confirmé, cela faisait déjà une bonne huitaine de jours que nous gérions l'épizootie sur le terrain. De deux ou trois foyers les premiers jours, nous sommes rapidement passés à une dizaine, puis une quarantaine. En 10 jours, j'estimais à 80% le nombre de foyers déclarés. Curieusement, la plupart des cas concernaient des élevages bovins, et restaient assez bénins. Il y avait bien quelques troupeaux ovins atteints, mais très peu.
Le fait que nous les ayons appelés dès la première suspicion pour leur faire traiter leurs troupeaux aux insecticides y était sans doute pour quelque chose ?

Alors que la panique gagnait la région, nous roulions d'élevage en élevage. Les résultats tombaient dix jours plus tard, mais ils ne servaient finalement qu'à permettre à l'élevage de devenir "officiellement infecté" ce qui lui permettait de prétendre aux aides. Nous savions déjà que le virus était chez eux, nous avions appris très rapidement à repérer les animaux atteints, même quand il n'y avait presque rien - souvent, en passant, nous avons prélevé des bêtes dont les propriétaires ne pensaient pas qu'elles puissent être contaminées.
D'ailleurs, au début, nous avons fait des prises de sang sur presque chaque bête vue en visite, que son problème soit manifestement la FCO ou pas - histoire de voir et de comprendre. Nous avons eu de sacrées surprises : la plupart étaient positives alors que les symptômes n'étaient pas du tout évocateurs.

Le tableau clinique s'est affiné :

FCO - brebisChez les ovins, une forte inflammation des lèvres, de la bouche, de la langue, entraînent le plus souvent une tête gonflée. Les muqueuses virent au rouge vineux puis éventuellement au bleu violet (d'où le nom de la maladie). Le nez coule énormément (c'est ce que veut dire « catarrhale »), de grosses croûtes se forment sur les narines. Les animaux sont très raides, abattus, ils ont une forte fièvre. En général, ils arrêtent de manger. Pas d'avortements pour le moment, mais nous ne nous faisons pas d'illusions.
Le traitement est illusoire sur les animaux qui déclenchent une forme très brutale de la maladie. Ceux qui résistent ont une chance de s'en sortir avec des antibiotiques et des anti-inflammatoires, deux à cinq jours de traitement. Apparemment, les béliers en sortiront stériles. A vérifier.

FCO - bovin - sérotype 1Pour les bovins : Il est clair que la plupart des animaux cliniquement ateints ne sont pas réellement malades : des courbatures, très nettes (l'éleveur appelle en disant que sa vache boîte de tous les pieds, ou qu'elle a du mal à se lever), et une petite fièvre, pas systématique. Je suppose qu'en réalité, il y a énormément d'animaux infectés qui ne présentent aucun symptôme.
Chez les plus sensibles, les symptômes les plus fréquemment observés sont de petits ulcérations qui deviennent croûteuses sur le mufle et dans les narines, parfois un peu d'écoulement nasal. Le mufle vire alors au gris-violet. Il peut y avoir un œdème inflammatoire de la tête, des ulcérations buccales (dans ce cas en général la vache bave et mange moins, ou difficilement, voire rejette son bol ruminal). Les plus atteintes se lèvent peu et mangent moins, leur production laitière diminue. Aucun avortement n'a été observé ici (les avortements sont provoqués par une forte fièvre, or il n'y en a pas avec le sérotype 1).
En général, tout ça passe en deux jours, au plus cinq. Certains animaux (notamment les plus âgés) ont mis une dizaine de jours à s'en remettre.
Nous comptons quelques morts, essentiellement dans des cas de co-morbidité avec des pathologies lourdes (mammites aiguës) ou un parasitisme délirant. Aucun animal par ailleurs en bonne santé et en bon état d'entretien n'a été sérieusement malade.

La maladie est donc clairement plus grave pour les animaux âgés, déjà malades, ou très forts producteurs : les plus fragiles. En général, j'explique à l'éleveur que c'est comme la grippe pour les humains : ce sont les plus vieux et les plus fragiles qui sont les plus malades.

Après 10 jours de flambée, alors que nous nous apprêtions à vacciner les ovins, puis les bovins, l'épizootie nous laissait un sentiment mitigé, fruit notamment de cette panique délirante sans rapport avec la gravité de la maladie. Journaux locaux, téléphone arabe, la machine à rumeurs fonctionnait à plein et, pendant quelques jours, cela a confiné à l'hystérie. Puis, comme le nombre de nouveaux foyers, cette panique s'est effondrée. Il ne restait plus beaucoup d'élevages indemnes, et, si les cas se multipliaient, nous ne les comptabilisions plus dans une exploitation déjà déclarée infectée. Au vu du nombre de médicaments vendus, cependant, il était clair que nous étions encore dans le pic de l'épizootie.
En tout cas, apparemment, le message était passé. Maintenant, nous allions pouvoir arrêter de "perdre" du temps à calmer les gens pour nous consacrer à la vaccination.

vendredi 5 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Panique

Si vous débarquez par ici, commencez par l'épisode précédent : Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : du plan aux premiers cas.

Panique

La flambée... après nos deux premiers foyers, les coups de fil ont commencé à pleuvoir. Ils étaient de deux types :

  • Les appels pour suspicions : des éleveurs qui trouvaient leur vache bizarre et qui, paniqués, voulaient nous voir au plus vite pour savoir si ça en était.
  • Et les demandes de renseignements...

Nous, nous avons appelé les éleveurs laitiers et ovins afin qu'ils mettent au plus vite des insecticides sur leurs troupeaux afin de limiter la casse. Pour les autres...

C'est du 8 hein ?
Je le savais toutes mes vaches vont avorter
On vaccine demain ?
Pourquoi on va vacciner alors que la grippe est déjà là, fallait le faire avant !
Bande de connards !
La DSV m'a dit que vous aviez les doses ?
J'ai une portée de chiots qui est morte de FCO, je peux être indemnisé ? Heu, oui, une diarrhée hémorragique. Vaccinés ? Pas contre la FCO ! Non, contre le reste non plus.
Encore un coup du gouvernement qui veut supprimer les éleveurs.
Ma vache a un pis rouge c'est la FCO ?
J'ai deux vaches à vacciner je veux être le premier ! Comment ça pas prioritaire ? J'ai 80 ans, on n'a jamais osé me dire ça !
Pff on nous invente encore une nouvelle maladie hein ?
J'ai pas de FCO, mais si j'avais deux vaches qui boitent et qui bavent, ça pourrait en être ? Vous passez ? Ah bon.
Non j'ai pas de FCO, vous n'abattrez pas mon troupeau !
L'huile essentielle de lavande elle marche contre le moustique ?
J'ai une vache qui a le chickungunya !
J'avais demandé qu'on me vaccine mon troupeau le mois dernier !

Grâce soit rendue à nos ASV, qui ont géré ces coups de fils incessants avec beaucoup de calme, malgré quelques crises de fou rires plus ou moins nerveux en raccrochant. En général, quand nous entendions distinctement la personne à deux mètres, nous leur prenions le téléphone. Bizarre, ils ne gueulaient plus avec nous... "Ah, bonjour docteur..."

Oui, je peux être vacciné en premier si je paye plus ?

Imaginez qu'à ce moment là, nous ne savions pas si c'était du 8 ou du 1. Nous ne savions pas quand nous aurions les vaccins. Je rassurais les gens ne leur disant que nous les aurions dans les dix jours. Nous avons briffé les ASV pour leur faire tenir un discours homogène, noté des tonnes d'élevages qui voulaient être les premiers à vacciner, tout en continuant à gérer l'activité quotidienne de la clinique !

Mon cheval tousse, il a la fièvre !? Non ? Ah bon. Pas grave alors ? Si, peut-être ? Ah ben oui si vous pouviez venir...

Des foyers se déclaraient un peu partout. En une semaine, j'ai fait autant de kilomètres que dans un mois... A chaque fois, la même procédure : noter un maximum de renseignements sur les bêtes atteintes, faire une prise de sang, téléphoner ou envoyer un e-mail à la DSV et attendre. Nous avons commandé des stocks énormes d'insecticides, d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires... tout en sachant que nous serions payés trois mois plus tard puisque les éleveurs ne pouvaient pas vendre leurs broutards ! Il allait aussi falloir gérer la trésorerie.

Le Butox vous le faites à combien vous ? Ah ben vous êtes cher, c'est dix euros de moins chez les vétos d'à côté ! J'ai qu'à aller chez eux ? Ouais mais bon c'est à 30 bornes...

Les journées commençaient à s'allonger. 10 à 11 heures en général. Jusqu'à 15.

Ca ça va vous faire du beurre hein ?

Et puis, le résultat : sérotype 1. Plus de 200 foyers en l'espace de 10 jours. Les vaccins étaient en train d'être débloqués. Réunion des vétérinaires la semaine prochaine.

Faites quelque chose docteur !

Le DSV, le directeur du LVD et le préfet, ainsi que divers représentants des professions, allaient se réunir demain.

Elles vont toutes mourir !

Avec cette information, nous allions pouvoir calmer les gens, et, d'ailleurs, nous le faisions déjà, car nous en étions déjà presque sûr : presque aucun cas sérieux, des bêtes raidouillardes un peu partout, pas de morts, peu de vrais malades. Inlassablement, nous faisions passer le mot. A chaque visite, nous avons, dans la cour d'une ferme, expliqué les choses aux éleveurs, à leurs femmes, à leurs mères, à l'inséminateur, au peseur, à tous ceux qui allaient relayer le message pour calmer la panique. Parler, expliquer, convaincre, communiquer, encore et encore...

Si je les vermifuge, elles résisteront mieux ?

Sérotype 1.

Et mes broutard qui allaient partir, ils restent ?

Pas un cadeau, mais pas non plus la catastrophe... sauf pour la trésorerie des éleveurs, et nos quelques troupeaux de mouton.

dimanche 31 août 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : du plan aux premiers cas

Je vais essayer de tenir un journal un peu décalé de cette invraisemblable épizootie. Quand j'y pense... trois ans que la maladie touche le nord de l'Europe ou l'Espagne, deux ans qu'elle est en France, et je n'ai lu presqu'aucun article sur la façon dont les vétérinaires (et encore moins les autres acteurs de la filière) ont vécu la crise. Ni même d'actualisation des listes de symptômes ou de l'épidémiologie de la maladie. Encore moins de papier du genre "ça s'est passé comme ça, c'est ça, ou ça, qui nous a mis la puce à l'oreille".

Le rappel des faits

La fièvre catarrhale ovine est une maladie connue depuis très longtemps dans l'hémisphère sud. Elle s'introduit progressivement en France depuis plusieurs années. Plus connue sous le nom de maladie de la langue bleue ou blue tongue, elle affecte uniquement les ruminants. Il en existe de très nombreuses formes, mais deux surtout nous concerne en France métropolitaine :

  • Le sérotype 1, confiné jusqu'à il y a peu au pays basque et à ses environs, s'attaque aux ovins. Les bovins et caprins le subissent plutôt comme une mauvaise grippe, rien de très méchant.
  • Le sérotype 8, venu de Hollande (probablement via transport aérien depuis l'Afrique), qui est aussi mauvais que le 1 pour les moutons mais qui, en plus, rend les bovins très malades. Pour les chèvres, je ne connais pas assez la question pour en parler de façon constructive.

Le virus responsable de la FCO n'est pas contagieux d'animal à animal : il doit absolument passer par un petit moustique très particulier qui sert de vecteur. Du coup, la maladie peut frapper n'importe où et se déplace au gré des courants aériens... Les mesures classiques de gestion des épidémies ne fonctionnent pas (isolement/abattage des animaux malades par exemple).

J'ai assez longuement parlé de cette maladie dans ce billet, alors que, dans ma région, nous commencions à nous préparer pour l'épizootie.

Le plan

Pendant des mois, ce schéma de lutte a persisté : sérotype 8 dans le très grand quart nord-est, sérotype 1 dans le pays basque, tout petit bout de quart sud ouest.
Les décideurs ont choisi : on vaccinerait tout le pays contre le sérotype 8, le plus dangereux pour les bovins, en commençant par les régions historiquement touchées afin d'essayer de sauver la filière. Le reste du pays serait vacciné au rythme des chaînes de fabrication des vaccins.
Pour le sérotype 1, les départements autour du pays basque subiraient une vaccination massive et obligatoire contre le sérotype 1 afin de tenter d'étouffer le virus. L'idée était de l'empêcher de se "réfugier" dans des ruminants afin de le faire disparaître, ce qui revient à ôter son combustible à un feu pour l'empêcher de brûler.

A la mi-août, quasiment tous les animaux du nord est du pays étaient vaccinés contre le sérotype 8. Presque tous les troupeaux des départements des Pyrénées Atlantiques, des Hautes Pyrénées, du Gers, des Landes et de la Gironde étaient vaccinés contre le sérotype 1. Dans cette zone, les cas devenaient assez rares. Les choses semblaient à peu près sous contrôle.

Les premiers cas

Dans toute la France, une vaccination dérogataire était réalisée par les vétérinaires sur les broutards, ces jeunes bovins destinés à l'exportation en Espagne et en Italie, ces deux pays refusant l'entrée sur leur territoire d'animaux non-vaccinés.

C'est au cours de l'une de ces tournées de vaccination qu'un éleveur m'a présenté une vache, une blonde d'Aquitaine de 6 ans qu'il trouvait "un peu bizarre". Il ne me l'aurait probablement pas montrée si je n'étais pas passé par là pour une autre raison.
La bête avait 39.8°C de température, une bonne fièvre, donc. Les muqueuses congestionnées, ce qui est normal en cas de fièvre. Elle respirait vite, rien de bien étonnant avec cette hyperthermie et la chaleur estivale. Elle ne présentait par ailleurs aucun symptôme d'aucune sorte. J'ai suspecté une maladie parasitaire transmise par les tiques, et traité en fonction, notamment avec des anti-inflammatoires. La bête a été mieux pendant deux jours, puis a rechuté. Devant l'absence de nouveaux symptômes, une antibiothérapie de couverture a été mise en place, les anti-inflammatoires ont été arrêtés (plus de fièvre). La vache était simplement "raide". Nous nous sommes dits qu'elle devait avoir de l'arthrose.
Dans le même temps, un troupeau d'habitude sans histoire a compté dans ses rangs deux vaches boiteuses, ce qui ne serait pas forcément surprenant si ces boiteries n'avaient pas concerné tous les membres simultanément. L'une des deux bêtes avait un peu de fièvre (39.1°C). Encore une fois, aucun symptôme ! Le jour suivant, l'une des deux vaches a présenté un écoulement nasal séreux, très liquide. Toutes deux semblaient éprouver d'assez importantes douleurs dans les membres, et se déplaçaient comme des animaux âgés. Une autre vache du même troupeau a commencé à présenter le même tableau clinique.

A ce stade, nous n'avions fait aucun lien entre les deux élevages. Nous ne nous inquiétions pas trop puisque de toute façon, même si le problème n'était pas identifié, il ne se passait rien de bien méchant. Un virus respiratoire banal aurait pu provoquer de tels symptômes.

C'est le coup de fil d'un vétérinaire du canton voisin qui nous a amené à réaliser : lui avait déjà 6 troupeaux du même type et commençait sérieusement à suspecter la FCO. Nous n'y avions même pas pensé. C'est lorsqu'il a prononcé ces trois lettres que nous avons compris ce qui nous arrivait. Et nous avons confirmé ses soupçons en lui parlant de nos cas.

Les premières prises de sang de suspicion ont été réalisées. A ce moment là, nous ne savions pas du tout où nous allions. Nos tubes de sang sont partis au laboratoire départemental. La DSV nous a confirmé un très grand nombre de suspicions.

Nous ne savions pas du tout à quel sérotype nous faisions face, mais nous supposions le 8 en raison des nombreux cas sur les bovins. Nous ne savions pas encore comment ces animaux allaient évoluer, mais nous discutions quotidiennement avec les vétérinaires de la DSV pour les tenir au courant, et centraliser les informations.

Les déplacements de ruminants en dehors du département, et donc tout le négoce, ont été gelés.

Nous avons téléphoné à chacun de nos clients éleveurs d'ovins ou de bovins laitiers, afin de les prévenir au plus vite et de les encourager à reprendre immédiatement la désinsectisation que la plupart d'entre eux avaient abandonné. Nous avons compté sur le bouche à oreille pour que l'information circule ensuite à tous les éleveurs de la région, ce qui a été le cas.

Cette période a duré environ une semaine. Elle a pris fin avec les résultats du laboratoire vétérinaire départemental.

lundi 18 août 2008

Fièvre catarrhale, c'est parti...

Ca y est, elle est là. Elle ? La fièvre catarrhale ovine...
Tout le monde s'est planté : les labos, les vétos, les éleveurs, les GDS...
Nous pensions avoir le temps de la voir venir.

Il y a à peine dix jours, je disais encore à un client : "vous savez, si la maladie continue à rester dans ses foyers d'origine, on attendra sans doute la prophylaxie de cet hiver pour vacciner.
- Ah oui docteur, ça serait franchement mieux."

Ils n'y croyaient plus. Ils ne voulaient plus mettre d'anti-moustiques.

Nous restions prudents, mais détendus. On verrait bien.

Alors on vaccinait (et on vaccine toujours) les broutards pour l'exportation, en attendant les doses pour les troupeaux.

Ca n'arrive qu'aux autres, n'est-ce pas ?

Ironiquement, c'est moi qui ai eu l'honneur de voir la première, alors que je vaccinais les veaux d'un client. Pas en forme, 40,5°, des bouses un peu sèche, des raideurs, mais rien d'autre. J'ai pensé à une anaplasmose. Perdu.

Et puis je suis parti en vacances. Quand je pars en vacances, je coupe tout, je deviens injoignable. J'ai bien fait, ils m'ont envoyé un sms : "FCO, on baigne dedans, à la semaine prochaine".

Mon "anaplasmose" a été un peu mieux (merci les anti-inflammatoires) mais a continué à bricoler. Je la sentais mal, j'avais briefé mes confrères avant de partir. Penser à la revoir.
Et puis une autre à fait pareil à 8 km de là. A la troisième vache aux symptômes incompréhensibles, Olivier a bien du se rendre à l'évidence. Surtout quand il a reçu un coup de fil d'un confrère voisin : "je crois que j'ai de la FCO, toi aussi tu as des trucs bizarres ?"

Jeudi dernier, le foyer le plus proche était à plus de 200 km.

Pour l'instant, nous n'avons que des cas très très frustes.

Du coup, tous les éleveurs ovins qui ne voulaient pas vacciner parce qu'"on ne sait jamais, avec ces vaccins", veulent que nous passions chez eux. On commence à 7h demain.

Branle-le-bas de combat !

Je vous tiendrai au courant.

mercredi 25 juin 2008

Vaccination FCO

Ca y est... il est là.

Bovilis BTV8

Je suis un peu silencieux en ce moment, non pas que je passe le bac ou autre joyeusetés de saison, mais l'organisation de cette campagne de prophylaxie, comme les multiples questions des éleveurs ou des négociants, accaparent beaucoup trop mes neurones... tandis que le reste de l'activité ne faiblit pas.
Et non, ce n'est pas la vaccination elle-même qui me prend le plus de temps, c'est tout ce qui l'entoure, surtout les conseils aux éleveurs.

Je vous prépare aussi un gros billet sur la nouvelle loi sur les chiens dangereux, un peu de patience !

jeudi 19 juin 2008

Amateurisme

Il y a des fois, comme ça, où on aimerait avoir un tracteur et une remorque de fumier à aller déverser devant le ministère de l'agriculture et de la pêche.

Depuis plusieurs mois maintenant, il est prévu que les départements indemnes de FCO8 du sud ouest et de la Bretagne deviennent "zones réglementées" le jour où y débutera la vaccination contre cette maladie.
En effet, contrairement à l'avis de l'AFSSA et des vétérinaires, le ministère a choisi un plan de vaccination destiné à permettre aux zones les plus touchées de vacciner les premières, dans une louable intention de les soulager dans leurs difficultés économiques. Les experts auraient préféré une vaccination destinée à supprimer la maladie, avec une ceinture de protection autour desdites zones les plus touchées, afin de circonscrire l'épidémie. C'est un choix politique qui a été fait, et je le comprends, il n'est pas injustifié.

Il faut savoir que la plupart des grands veaux (on les appelle des broutards puisqu'ils ont commencé à brouter, contrairement aux veaux sous la mère, ou aux veaux en batterie qui boivent du lait, et uniquement du lait), bref, ces broutards nés en France sont exportés en Italie, qui constitue le principal marché pour les éleveurs français. Si les animaux sont dans une zone infectée, ou réglementée (en "bordure" des zones infectées) et qu'ils ne sont pas vaccinés, l'Italie les refuse. Si un certain délai ne s'est pas passé depuis la vaccination, l'Italie les refuse.
Ceci dure depuis des mois et fait l'objet de négociations serrées entre la France et l'Italie, avec des plans, des arrêtés, les contraintes européennes et nationales, les conflits d'intérêts, etc. C'est toute une filière qui tente de survivre aux cahots de cette crise, éleveurs et négociants les premiers.

Bref, dans ma région (indemne de FCO8 et 1), la vaccination devait commencer le premier juillet. Nous devions donc devenir une "zone réglementée", ce qui interdit de facto l'exportation des broutards jusqu'à ce que les animaux soient valablement protégés, c'est à dire d'ici deux à trois mois selon les protocoles vaccinaux.

Il s'est trouvé qu'un laboratoire a réussi a produire plus de doses vaccinales que prévu, permettant une vaccination anticipée des zones indemnes. On nous a donc annoncé vers le 30 mai que nous allions devenir zone réglementée 15 jours plus tôt que prévu, à savoir le 15 juin, et commencer à vacciner vers cette même date.
Soit. Je me dis que j'ai de la chance : certains départements ont été prévenus la veille de ce changement. Les éleveurs ont donc commencé à vendre des veaux pas finis, ou se sont préparés à les garder bien plus longtemps que la normale (alimenter des animaux que l'on garde plus longtemps que d'habitude sans pouvoir les vendre, ça fait un sacré défaut de trésorerie pour les éleveurs). les négociants se sont organisés pour faire partir tous ces animaux au plus vite, quitte à brader, et à trouver des solutions pour continuer à entretenir le flux d'animaux en se servant dans d'autres régions. Le fait d'être, comme les voisins, une zone réglementée, nous dispense des formalités nécessaire au passage d'un broutard de zone réglementée à zone indemne (que nous étions).
Vous suivez encore ?
Je vais éviter de vous noyer avec les subtilités réglementaires permettant de passer d'une zone réglementée FCO1 comme le Gers ou les Haute-Pyrénées, qui restent néanmoins indemnes de FCO8. Ou sur tous les pièges des différents délais afférents aux différents vaccins, j'ai des pages et des pages d'arrêtés, de communiqués et de protocoles d'accords sur mon bureau.

Vous aurez compris que c'est un casse-tête.

Donc, le 30 mai, nous apprenons que nous passons le 15 juin en zone réglementée, et que nous aurons des vaccins plus tôt que prévu, réservés aux broutards à exporter.
Nous envoyons donc immédiatement un courrier à tous nos clients pour les prévenir, commençons à organiser les tournées tandis que les éleveurs vendent leurs bêtes.
Nous discutons des heures avec nos clients négociants afin de débroussailler la nouvelle organisation.
Nous passons de nombreux coups de fils à la DDSV, responsable de la distribution des vaccins et des certificats d'exportation des broutards, afin de clarifier certains points. Il faut changer tous les certificats d'export. Soit. En utiliser des différents pour des broutards allotés selon le vaccin qui a été utilisé pour eux, leur origine, leur destination. Magnifique.
Nous recevons les coups de fil ou les visites de nos clients, qui veulent des conseils, ou des explications, qui veulent être sûrs de vacciner, nous recensons les broutards, définissons les priorités, commençons à esquisser les tournées, annulons nos jours de repos, nos week-end. Nous commençons à réaliser que nous n'allons pas avoir assez de doses.
Passent les jours, le rythme s'accélère, la pression monte. Nous savons enfin combien de doses nous allons avoir, mais il y a trop de broutards, qui sera prioritaire ? Nous commençons à faire des choix, quitte à vexer, pour la survie des exploitations. Faut-il favoriser les négociants, clef de la vente pour les éleveurs, ou les éleveurs directement ? Je vous laisse imaginer l'ambiance.
Nous commençons à prendre des contacts avec les vétérinaires voisins pour savoir s'ils n'auraient pas trop de doses.
Nous établissons un planning prévisionnel avec notre DSV pour essayer de prévoir l'arrivée des nouveaux lots de vaccins. Je ne lui aurais jamais autant parlé, à celui-là !
Nous passons également du temps avec les responsables des laboratoires d'analyses vétérinaires de la région afin de comparer la réactivité et les tarifs. Qui a une navette, qui répond le jour même, combien ça coûte ?
Le téléphone chauffe, mais tout prend forme. Dans la douleur.

Et puis, avant hier, je reçois un coup de fil d'un négociant, sa voix hésite, moitié rire, moitié larme, moitié rage. Au moins.

"Et tu sais quoi Fourrure ?
- Heuuu, ils se fichent du prévisionnel ? Je t'avais prévenu, ils n'ont pas le contrôle de l'arrivée des doses.
- Non, laisse tomber ça : nous ne sommes pas en zone réglementée.
- Hein ? Mais si, depuis le 15.
- Non, j'ai reçu un fax de la fédé. L'arrêté n'est pas sorti !
- Faxe moi ça, que je téléphone au DSV !"

L'arrêté n'a pas été pris.
Nous sommes toujours en zone indemne : il n'y a pas assez de doses vaccinales.
Quand il y en aura assez, ils publieront.

Quand ?
Quand il y en aura assez.

Notre plan de prophylaxie s'effondre.

Les éleveurs ont vendu trop tôt certains broutards.

Les animaux venus de zones réglementées chez le négociant ne sont plus tous en règle puisque nous ne somme "plus" une zone réglementée, les protocoles sont différents. On en fait quoi ?
Les certificats d'exportations ne sont plus valables, les lettres A/R pour leur expédition n'ont pas fini de fonctionner.

La filière cale à nouveau, l'incertitude est totale. Les chauffeurs italiens piétinent sur le parking autour de leurs camions désinsectisés. On recommence à vendre des broutards de zones indemnes, alors ? Mais si ils publient demain, ils seront bloqués dans le centre de rassemblement. C'est invivable.

Et les éleveurs, quand ils vont savoir, ils vont dire quoi ?

Tout ça, pour ça ?

Parce que le ministère n'avait pas prévu ? Alors qu'il a tous les chiffres ?

EDITION du 23 juin : et paf on repasse en zone réglementée. Tiens, chez les voisins, ils avaient le vaccin et ils ont vacciné, alors qu'ils étaient en zone indemne. Ne vous inquiétez pas, la France gère.

lundi 9 juin 2008

Paysan heureux, fièvre catarrhale et humeurs...

J'ai failli poster un commentaire hier en découvrant l'avalanche de visiteurs venus de ce blog que je suis régulièrement depuis quelques mois. Voir dans mon agrégateur un billet intitulé "Boules de fourrure" est assez surprenant ! Et puis j'ai décidé de laisser quelques heures passer, ne pas poster à chaud. Le très gentil courrier de paysan heureux pour me signaler son billet m'a décidé à franchir le pas, et à transformer le commentaire en billet.

Il y a quelques mois, j'ai écris un court billet pour signaler l'existence de ce blog, que je suis avec plaisir. Le quotidien d'un éleveur, entre ses vaches, ses prés et ses cultures, ses humeurs et ses réflexions. Puis la fièvre catarrhale et ses tensions sont passées par là. J'ai alors découvert avec beaucoup de tristesse l'état de colère et de stress dans lequel se trouve une partie du monde paysan. Ca m'a réellement.. touché. J'ai ressenti un sentiment d'injustice. Et j'ai continué à lire, car ce blog m'offrait une fenêtre directe sur les mots d'un éleveur durement frappé par les conséquences réglementaires et financières de la maladie, très différente de mes sources d'informations habituelles, c'est à dire la presse professionnelle vétérinaire et la communication des grands organismes tels que le Ministère de l'Agriculture, l'AFSSA, l'Ordre, etc.

A ce stade, j'ai préféré ne pas réagir, ou peu. Qu'aurais-je pu dire à quelqu'un qui, très légitimement, se sent dépossédé de sa responsabilité sur son élevage par le biais de tracasseries administratives et d'interventions diverses de personnes extérieures, qui est obligé de payer encore et toujours quand son revenu ne fait que diminuer, et que la moitié de la population française soupçonne de vouloir empoisonner ses bêtes qu'il maltraite et envoie, sans coeur, à l'abattoir ? Qui se permettrait de se plaindre d'être injustement traité en lisant les mots d'un éleveur tel que paysan heureux ?

Moi ?

Oui.

Sans grand état d'âme, car je connais ses difficultés quotidiennes, et parce que j'ai les miennes, du même ordre, ou d'autres. Nous avons, éleveurs comme vétérinaires, tout à perdre et rien à gagner dans cette crise sanitaire.

Et donc ?

Pas grand chose... j'en veux beaucoup à notre ministère de tutelle qui a géré cette histoire de vaccination avec ses pieds, qui a laissé les vétérinaires et les éleveurs se déchirer en n'imposant pas son autorité quand il aurait du le faire.
La vaccination contre la fièvre catarrhale (sérotype 1) dans le sud ouest a été obligatoire et prise en charge par l'Etat, afin d'éradiquer cette souche de la maladie de notre territoire. Très bien.
La vaccination contre la fièvre catarrhale (sérotype 8) sur notre territoire sera obligatoire et prise en charge par l'Etat à partir de la campagne de prophylaxie de cet automne. Comme il en a toujours été au cours de diverses crises sanitaires que nous avons traversé. Très bien.
Mais dans l'intervalle, entre avril et novembre 2008, la vaccination contre la FCO8 sur notre territoire est facultative, et corollaire, en partie à la charge de l'éleveur, qui en a déjà par-dessus la tête. Cerise sur le gâteau, l'Etat n'a pas tranché et n'a pas dit clairement qui devrait vacciner. Les vétérinaires, habitués aux crises précédentes, n'ont pas imaginé un seul instant qu'ils ne seraient pas ceux qui vaccineraient ! Jusqu'à ce que la FGDSA mette les pieds dans le plat en s'engouffrant dans la brèche créée et entretenue par le Ministère de l'Agriculture.
Pour beaucoup de vétérinaires, ça a été un choc. Je ne m'attendais absolument pas à voir des représentants des éleveurs être aussi vindicatifs, et, surtout, aussi déconnectés de ce que je voyais et entendait sur le terrain ! Ici, la plupart de mes clients ont exigé que les vétérinaires vaccinent, histoire d'être sûrs qu'il n'y aurait pas de magouilles.
Aujourd'hui, les vétérinaires entendent bien vacciner, comme l'exige la réglementation actuelle. Les éleveurs ne sont pas tous d'accord, et les discussions ressemblent généralement à des échanges d'insultes quand on me les transcrit. Sauf chez paysan heureux, où j'ai lu sa colère, mais surtout ses arguments, ses aspirations, ses doutes, sa détresse aussi. De quoi nuancer ma réflexion quand trop se contentent d'écouter ce que raconte leur "camp". Un terme révélateur : certains, représentants des éleveurs comme vétérinaire, semblent prendre cela pour une guerre dont j'ai peur de saisir les réels enjeux.

Bizarre, non ? Tous les vétos disent que ça se passe plutôt bien avec leurs clients, mais apparemment, chez les autres, ce n'est pas le cas. Parce que nous comprenons nos clients, qui nous connaissent, que nous écoutons, quand nous imaginons je ne sais quoi dans d'autres régions françaises ?

Je crois surtout qu'il y a un décalage entre l'ancienne génération de vétérinaires, à l'image de notables et de tout-sachant, et la nouvelle, plus technique et plus souple. Entre l'ancienne génération d'éleveurs, qui n'osait pas faire une simple piqûre à ses vaches, et la nouvelle, formée, technique, habituée aux interventions extérieures et qui exige, légitimement, une certaine forme de reconnaissance.
Vu de mon petit coin de France, c'est surtout ici que je situe les racines de la crise humaine que nous semblons vivre aujourd'hui.

Le vétérinaire ne veut pas être pris pour un technicien corvéable et sous-estimé, ni pour un notable privilégié qu'il n'est plus.
L'éleveur ne veut pas être pris pour un bouseux inculte, incapable de saisir un diagnostic ou les enjeux d'une lutte sanitaire.
Je crois ne pas faire cette erreur. Mais je connais des vétérinaires qui n'ont pas vu certaines évolutions et qui réagissent avec colère et incompréhension aux revendications de leurs clients... ou de leurs représentants.

Je crois par contre fermement que la dérégulation que l'absurdité de cette situation semble légitimer serait une erreur. On a vu l'effet de la "privatisation" des services vétérinaires sanitaires en Grande-Bretagne au travers des crises qui ont secoué ce pays. Est-ce un exemple à suivre ? Oh, je ne veux pas agiter le spectre du désastre que nous encourrions si les éleveurs vaccinaient, ce serait idiot, mais une certaine réflexion s'impose sur l'avenir du mandat sanitaire qui confère cette "autorité" et cette responsabilité aux vétérinaires.
Faut-il pour autant se braquer et envoyer paître des éleveurs acculés ?
Non, certainement non. Une négociation intelligente sur les tarifs, par exemple, aurait sans doute désamorcé la crise. Une position claire sur "qui fait quoi" aussi. C'était le rôle du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche, comme pour toute prophylaxie d'ampleur. Et le ministère s'est désengagé.

Amertume, et colère, chez les vétérinaires comme chez les éleveurs, pour quel bénéfice ?

Paysan heureux m'a blessé, mon ton lors de ce billet le montre sans doute. Pas lors de son dernier billet, au contraire, mais en dévoilant son amertume et en pointant du doigt les points qui lui, le mettaient hors de lui, au cours des derniers mois. Je me suis senti injustement mis en cause. J'ai eu envie de me défendre, mais comment, et pour quoi ?
Et en lisant son dernier billet, par contre, je retrouve cette alliance presque naturelle, cette compréhension entre deux partenaires professionnels plongés dans les mêmes galères. Des partenaires qui ont oublié de travailler intelligemment, ensemble, sur cette crise.

En attendant, je continue à soigner les vaches et à écouter ceux avec qui je partage mon quotidien : les éleveurs.

Mais je crains les cicatrices.

mercredi 23 avril 2008

Fièvre Catarrhale Ovine

Ca y est. la lumière est éteinte. Il aura fallu trois semaines de préparation pour en arriver là : aller moi-même à une formation sur le sujet, fabriquer le diaporama, trouver un vidéoprojecteur et la salle, et surtout, surtout, faire venir ces quarante personnes. Je passe sur l'écran qui manquait malgré le gars de la mairie vu dans l'après-midi, j'en ai déniché un dans un placard au rez-de-chaussée. Ou sur la journée de fou qui a précédé cette réunion, pour changer.

J'ai une conscience aiguë de tous ces gens assis dans l'ombre, de tous ces visages connus, appréciés ou non. Ils sont tous éleveurs. Presque tous de bovins allaitants. Ils ont entre 25 et 80 ans. Il y a quelques femmes. Pas nombreuses. Je n'ai pas vraiment le trac, je maîtrise mon sujet et j'ai envie de leur faire passer ce message, ce soir.

Sur l'écran, il est écrit : Fièvre Catarrhale Ovine, alias Maladie de la langue bleue.

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