Consultation vaccinale
samedi 24 mai 2008, 19:52 Quelques bases Lien permanent
"Vous savez docteur, j'ai l'impression que mon chien est mieux suivi que moi. Je veux dire, il vient tous les ans pour son rappel, alors que je ne vois jamais mon médecin, puisque je vais bien."
L'homme qui me parle a la soixantaine. Comme tous les ans, il m'a amené Punky (il précise toujours que c'est son fils qui lui a trouvé ce nom), officiellement croisé de caniche et de berger allemand. Peut-être, s'il le dit. En tout cas il ne ressemble à rien, et ça lui va très bien. Bref, Punky a maintenant dix ans, et, au fil de la conversation, alors que j'examinais l'animal, l'homme m'a précisé qu'il arrivait que Punky se "relâche," et oublie un peu les notions de propreté : en gros, il fait pipi à l'intérieur.
"Le jour, la nuit ?"
J'ai posé mon stéthoscope pour me concentrer sur cette phrase anodine, perdue au milieu de la conversation.
"Heuu, seulement la nuit, docteur, le jour, il demande.
- Et la nuit, il ne demande pas ?
- Remarquez, peut-être, mais comme il dort en bas et que je suis un peu sourd, je ne l'entends peut-être pas."
Du coup, je hausse la voix. Sans crier, quand même.
"Et il boit plus qu'avant ?
- Ooh, non. Je ne crois pas.
- Vous diriez qu'il boit combien par jour ?
- Je lui remplis sa gamelle tous les jours. Je ne sais pas, un litre sans doute, bien un litre.
- Et il mange de la soupe, c'est ça ?
- Oui, oui...
- Bon, alors c'est trop pour son poids. Je vais lui prélever des urines et les analyser de suite."
Ce qui m'a permis de dépister une insuffisance rénale débutante, mise sous traitement à temps. Comme son cœur, auquel mon confrère a découvert l'an dernier un souffle bénin, sans conséquence, mais que nous suivons depuis avec attention.
L'homme reprend : "Moi, j'ai peut-être un souffle au cœur, et je ne le sais pas ?
- Et oui, si vous n'allez pas voir le docteur, vous ne pouvez pas le savoir, au début. Comme moi d'ailleurs...
- Mais je ne vais pas aller voir le docteur alors que je suis en bonne santé ?
- Votre chien aussi est en "bonne santé". Mais son organisme commence à s'user et des traitements précoces lui assureront une espérance de vie supérieure, sans souffrance.
- Mais c'est parce qu'on le vaccine tous les ans que vous avez trouvé ça.
- C'est parce que je le vois tous les ans. Sinon, je l'aurais trouvé bien plus tard, quand il aurait été malade de ses reins, ou de son cœur..."
La consultation vaccinale, c'est le cœur du suivi médical de mes patients. L'occasion de discuter, de parler des petits soucis du quotidien, qu'ils concernent ou pas l'animal. De maintenir le lien, d'offrir des conseils, sur la reproduction, l'alimentation, les sorties, les réglementations, etc.
C'est aussi un excellent moyen pour dépister les affections précoces qui peuvent venir assombrir l'avenir du chien, ou du chat. Insuffisance rénale, cardiaque, arthrose, problèmes oculaires, ces maladies là ne rendent pas "malade" avant une longue évolution, qui passe la plupart du temps inaperçue.
Parce que quand vous vous essoufflez plus facilement, vous le sentez. Parce que votre douleur sourde mais récurrente à l'épaule, vous la connaissez, vous savez l'évaluer sur le long terme. Mais votre chien, lui, ne se plaindra pas d'une douleur de ce type. Pas plus qu'il ne vous dira qu'il urine plus qu'avant, ou qu'il a tout le temps soif.
Dans mon cabinet, une consultation vaccinale dure, pour un animal en pleine forme, au sujet duquel il n'y a rien de spécial à raconter, une dizaine de minute. Si je dépiste un problème, ou si il y a un sujet sur lequel je souhaite sensibiliser les maître, cela peut durer une demi-heure. Voire plus.
Avec les chiots, je parle d'alimentation, de vermifuges et d'éducation. Généralement, ces consultations là durent trente à quarante minutes.
Avec les jeunes, je parle de sexe, de puberté et de stérilisation.
Pour les jeunes adultes, en général, pas grand chose à dire, mais on peut parler des vaccins, de certaines maladies courantes, comme la piroplasmose, ou de réglementation pour voyager, ou de toute autre chose.
Dès que les chiens vieillissent, on parle arthrose, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, alimentation, etc.
Certaines personnes pensent que, la plupart du temps, je me contente de poser mon stéthoscope, histoire de justifier mes honoraires, puis d'injecter la dose de vaccin et de coller mon coup de tampon sur le carnet (ce dernier point étant souvent le plus important pour elles).
Pourtant, j'examine l'animal dès son arrivée, à travers la fenêtre de la salle de consultation, sur le parking. Je regarde son attitude dans la salle d'attente, son comportement, sa façon de marcher, les réactions de son maître. Les vôtres !
Pareil quand il entre, et que je le met sur la table d'examen. J'ai serré la main du maître, demandé des nouvelles de la famille et écouté les considérations météorologiques, mais mon attention est ailleurs. J'encourage le maître à parler de son chien ou de son chat, de tout, et de rien. Pas difficile, en général. Les informations sont noyées dans les interprétations, peu de faits, beaucoup d'anthropomorphisme, mais sous-estimer cette discussion est une erreur. Au milieu de ce flot que je n'écoute que d'une oreille distraite, je pêche parfois l'information qui va donner une autre orientation à la consultation, voyez l'exemple de Punky.
Lorsque l'animal est sur la table, je palpe toutes ses articulation, j'examine sa peau tout en cherchant ses nœuds lymphatiques, je vérifie l'état de ses oreilles et de ses yeux. Je soulève ses pattes et examine ses coussinets, et les plis entre eux. J'ouvre sa gueule, regarde ses dents, ses gencives, sa langue, son palais. Je le caresse, je lui parle, je le rassure, et avec ces caresses, je cherche les anomalies, je palpe les mamelles, ou les testicules, je vérifie le fourreau, ou la vulve, l'air de rien. Je palpe son abdomen, aussi. Tout cela se fait naturellement, très vite, sans, généralement, que le propriétaire remarque grand chose. Souvent, je souligne mes explorations, je signale au maître ce que je regarde et ce que je vois.
Puis je prends sa température, et vérifie par la même l'état de son anus, la couleur de ses selles.
Enfin, je prends mon stéthoscope, j'écoute le cœur, et les poumons. Selon l'âge du chien, ou si j'ai le moindre doute, je prends mon ophtalmoscope ou mon otoscope, pour vérifier respectivement les yeux et les oreilles.
Avec les chats, les manipulations sont les mêmes mais se font au gré des caresses et des ronronnements : au rythme du chat...
Ensuite, et seulement ensuite, et si l'animal est en bonne santé, je réalise l'injection, puis je fais les papiers...
Et je laisse, pendant ce temps, l'animal en liberté, excellent moyen de l'observer encore, ou d'analyser ses rapports avec son maître... C'est le bon moment aussi pour une ultime recommandation !
Commentaires
Un bon post qui remettrait les pendules à l'heure à certains clients qui se plaignent fréquemment de ces visites "qui ne servent à rien" si ce n'est à remplir les poches du véto! "Mais que ça coûte cher! et ça, juste pour un tampon!"
Merci donc pour ce rappel.
Je n'ai moi-même aucun animal (pas encore) mais j'ai souvent entendu ces remarques...
Fourrure : Le "juste pour un tampon" prouve que nous avons encore beaucoup de choses à faire passer...
J'arrive à faire 1h pour une primo vaccination (c'était hier,incroyable, la proprio avait un BLOC-NOTE et une liste de questions qui ressemblait à la table des matières de "un chien, comment ça marche?"!!), par contre les oreilles chez moi c'est systématique (région à épillets+je déteste l'odeur des otites chroniques) c'est clair que maintenant je parle de ce que je fais ("je vais regarder ses oreilles", "je vais regarder ses dents"), parce que paraît-il que les gens ont l'impression que tu as fais plus de trucs que si tu as examiné le chien en silence...
Fourrure : oui, dire est important. Le coup du bloc-note, j'y ai déjà eu droit, et en plus c'était un couple, ils posaient une question chacun leur tour !
moi aussi je passe du temps à la consultation de primovaccination. Mais on dit tellement de choses que la moitié est oublié une demi-heure après. Alors j'essaye de toujours laisser un document concernant le comportement. Et je trie surtout. Il y a des choses que l'on dit à 2 mois, d'autres à 3 mois et encore d'autres à 6 mois, si on a la chance de revoir le chien à cet age-là...
moi j'aime bien ce post, ludique et pédagogique!
Waouf les vétos ! :o)
Moi, chien supérieurement intelligent, je remarque que quand vous parlez des bêtes vous êtes tendres, mais beaucoup plus acides et intransigeants quand vous causez de vos congénères.
Allez, ne vous moquez pas s'ils viennent en consultation avec un bloc, c'est mieux que de ne pas venir du tout, et laisser son chiot au bord de l'autoroute A7 au mois de juillet. :o)
Je vous prie d'accepter mes léchouilles respectueuses.
Fourrure : Hmm disons que je suis plus facilement tendre avec les animaux, oui... mais acide et intransigeant, oui, ça m'arrive, mais pas avec les jeunes-couples-au-bloc-note. Ceux là, je leur conseille surtout des bouquins !
Le bloc-note n'est pas du tout un problème pour moi, ce qui me dérange chez certains, c'est qu'ils écrivent tout ce que je dis et ressortent 3 - 4 ans après une faille dans la continuité de mes idées pour les pervers, d'autres ont l'art de me recontacter pour un renseignement du type "mon chien à des vers , Docteur, que dois-je faire ?" et, dans ce cas, je me retiens de leurs répondre "relisez vos notes, çà doit-être en page 30". Maintenant, quand je constate la présence d'un pervers, dès son départ, je fais un résumé très complet de la discussion et des conseils et je l'associe à ma visite.
Bien résumé oui, Fourrure. Le syndrome "30 euros pour un coup de tampon" me gonfle régulièrement aussi. Aujourd'hui, je me cache derrière le décret "prescription-délivrance" pour, en ultime recours, leur expliquer que non, je ne leur ferai pas une ordonnace gratuite pour qu'ils aillent l'acheter en pharmacie, le vaccin, mais je préfère largement les gens qui cèdent aux arguments sur l'importance de la visite annuelle.
Et à tous ceux qui, au fur et à mesure de leur carrière, finissent par trouver "lassant" l'acte vaccinal, je réponds que, de haut de ma jeune expérience, je ne les comprends pas. Pour moi, c'est à la fois un passage essentiel, et un vrai moment de plaisir, car c'est le meilleur moyen d'échanger avec les propriétaires de façon sereine, et avec un animal souvent en bonne santé (qui ne vous donne donc pas le cafard avec ses problèmes ;op).
Bonjour
Pour le coup du bloc-note, nous ne l'avons encore jamais fait... Mais par contre la liste de questions (sur le petit post-it discret au creux de la main) : oui ! Bah oui, dans vos clients vous avez aussi des éleveurs à dimension familiale, qui se posent parfois des tonnes de questions et qui recherchent des réponses ^_^
Avec le temps, on arrive même à dresser certains diagnostics sans se tromper, même si la case "véto" est inévitable et même incontournable chez nous (heureusement pour nos animaux !!! Chacun son métier comme on dit : nous aimons trop nos chats et notre chienne pour jouer avec leur santé)
Pour ce qui est des vaccinations, ce serait plus aux labos que je m'en prendrais, qu'aux vétos... Mais ceci est une autre histoire (résumé en une phrase : chats vaccinés 2 fois l'an contre la rhinotrachéïte et qui l'attrapent quand même...)
Fourrure :
Je n'ai rien contre les gens qui posent des questions, au contraire. Eleveurs ou pas. Il est juste dommage que, parfois, ce ne soient pas les bonnes questions qui soient posées.
Mais parfois, c'est amusant, voire franchement drôle, ou attendrissant, ou carrément énervant dans les circonstances évoquées plus haut en commentaire par pepivet.
Quant aux échecs vaccinaux... c'est un problème épineux, très difficile à explorer, je pense évoquer certains cas dans un billet ultérieur. Je crains cependant que les lecteur se focalisent plus sur les (rares) échecs que sur les (banales) réussites.