Fouille-merde
dimanche 24 août 2008, 17:08 Quelques bases Lien permanent
Vétérinaire, c'est un métier de merde. Au sens propre du terme. Si l'on peut dire...
La réalité peut être assez éloignée de l'image d'Epinal du docteur dans sa blouse blanche, au coeur d'une clinique immaculée.
Il existe un examen très intéressant que l'on nomme coproscopie. Littéralement, regarder dans la merde. L'intérêt est essentiellement de rechercher les oeufs des parasites que notre système digestif peut abriter. Notre système digestif, mais surtout, en ce qui me concerne, celui des animaux. Chiens, chats, chevaux, moutons, vaches, chevaux, poules, dindons, tout ce qui a un tube digestif un poil évolué abrite des parasites plus scientifiquement connus sous le nom d'helminthes (les vers) et d'hématozoaires (les protozoaires). Les vétérinaires de zoos et de parcs naturels y consacrent une bonne partie de leur temps (métier de rêve, hein ?).
Pour les chiens ou les chats domestiques, par exemple, on recommande deux vermifugations annuelles, voire plus dans certains cas (chiots, chiennes gravides, vieux chiens, présence d'enfants en jeune âge dans l'entourage). Ce sont des traitements préventifs destinés à détruire les parasites qui, immanquablement, se logent dans l'intestin. J'insiste sur le "immanquablement". Ce n'est pas parce que vous ne voyez pas de vers dans les selles de votre chien qu'il n'y en a pas. Ils ne sont pas fous, les vers : ils restent bien au chaud dans l'intestin, avec la nourriture qui arrive tous les jours à heure fixe. Quand on les voit dehors, c'est qu'il y a vraiment surpopulation : cela peut arriver avec les jeunes animaux, ou dans certains cas pathologiques. Seule exception : un tout petit taenia assez courant, dipilydium de son petit nom, qui sort parfois se balader autour de l'anus. Il a la taille d'un grain de riz, en plus plat, et il rampe.
Bon appétit.
Les parasites internes, en général, ça ne rend pas malade. Les deux exceptions, c'est quand il y en a vraiment trop, ou certaines espèces agressives. Prenons par exemple le cas des trichures des chiens, qui mordent la paroi de l'intestin à pleines "dents" et causent d'importantes pertes de sang cumulées.
La plupart du temps, ils se contentent de ponctionner un peu de sang, un peu de chyme (le contenu de l'intestin, mélanges de sucs digestifs et de nourriture partiellement digérée), et parfois certaines vitamines. Ils sont donc gênant surtout pour les animaux qui ont d'importants besoins : jeunes en croissances, mères gravides ou allaitantes. S'ils sont nombreux, ils peuvent aussi causer des coliques (douleurs digestives), voire des bouchons. Cela arrive assez fréquemment avec les taenias des chevaux (depuis combien de temps n'avez-vous pas vermifugé votre cheval avec un produit polyvalent, capable de détruire les taenias ?).
Comment lutter avant d'en arriver là ? Il suffit simplement de vermifuger... Il existe des méthodes un peu plus sophistiquées pour les troupeaux, mais, pour un animal domestique, l'essentiel, ce sont les vermifuges.
Parfois, nous avons besoin de savoir si les parasites sont bien là, si oui, lesquels, et en quelle quantité. Dans ce cas, une seule solution : prélever des selles et regarder dedans : réaliser une coproscopie. On ne cherche pas les parasites, mais leurs oeufs. L'autre technique, c'est l'autopsie, mais c'est réservé aux volailles, en général...
Bref : on prend un petit centimètre cube de selles, on met ça dans un pot avec un produit spécial qui sépare les selles des oeufs et on regarde au microscope. Il existe des méthodes un brin plus sophistiquées, mais le principe de base reste le même.
La plupart des vers pondent comme des mitraillettes, ils sont donc faciles à repérer. D'autres sont plus pénibles et exigent des coproscopies à répétition car ils pondent par intermittence.
Voilà le résultat au microscope. Ici, il s'agit d'une coproscopie réalisée à partir de selles de moutons (franchement malades) où l'on voit énormément d'oeufs. Les vétos ou autres biologistes qui traînent par là sauront sans doute nous dire lesquels (et s'il n'y a pas de volontaires, je mettrai quand même la réponse...).
Et les vétos touillent...
Vous l'aurez compris, on ne réalise pas souvent de coproscopies pour les chiens et les chats, mais cela peut se révéler utile. Je dois en faire une ou deux par semaine. J'en fais bien plus souvent pour des bovins et des ovins, sur des cas pathologiques ou pour déterminer s'il est nécessaire ou non de traiter : pas la peine de vermifuger un troupeau entier si le parasitisme est faible. Pareil pour les chevaux, mais comme il y en a de toute façon assez peu ici, j'en fais très rarement sur ces animaux. J'en fais aussi assez souvent sur des volailles au cours d'autopsies, lorsqu'il y a de la mortalité sur un lot.
Bref, la coproscopie est un examen simple, peu onéreux, facile à réaliser, que ce soit pour un diagnostic, un suivi ou la mise en place d'un plan de prévention. Que des avantages ?
Heu... non. Enfin, ça dépend si on aime fouiller la merde ou pas (et aller la chercher ou elle se trouve : sèche, posée dans l'herbe, elle devient sans intérêt).
Commentaires
Fourrure :
Pas beaucoup de temps, mais voici un billet qui me trottait depuis longtemps dans la tête. J'en profite pour réorganiser un peu les catégories en créant une rubrique "quelques bases" pour ces billets qui ressemblent à des espèces de cours.
Elle est bien cette rubrique !
Merci pour ces infos bien faites sur votre métier.
Allez, je me lance: Nematodirus, Trichostrongylus, Ostertagia et les petits je ne sais pas...?
Fourrure :
Je ne peux pas zoomer plus !
Taenia, tous les deux ans et tout le cheptel y passe (humains, canidés et autres félins compris), le reste deux à trois fois par an selon l'âge, l'espèce et la destinée.
Très jolis portraits… pas très ressemblant à papa et maman.
A la décharge des propriétaires de chevaux mal vermifugés, il me semble que le vermifuge susceptible d'éradiquer les ténias chez les équidés n'a reçu son autorisation de mise sur le marché pour cette espèce assez tard. Il s'agit du Praziquantel, qui est aujourd'hui commercialisé seul ou accompagné d'Ivermective ou de Moxidectine.
Je crois que le Praziquantel a été créé dans les années soixante-dix et autorisé pour les équidés seulement 30 ans plus tard.
La première fois que j'ai amené du Praziquantel au club, les autres propriétaires et le direction du club m'ont considérée comme une hystérique. Certains m'ont même affirmé avec un aplomb parfait que la probabilité que les chevaux aient le ténia était très faible... Pas chez nous !
Fourrure :
Depuis, les choses ont évolué et c'est amusant de constater que maintenant qu'il existe un vermifuge pour gérer le ténia, les humains (amateurs et professionnels) reconnaissent l'existence de ce vers.Et aujourd'hui les études coproscopiques varient entre 30% et 70% des chevaux porteurs, selon les régions !
Quand on cherche, on trouve. Ce qui est certain, c'est que nombre de "petites coliques" ont trouvé leur explication.
Céline.
Fourrure :
Ne pas oublier aussi que "quand on cherche, on trouve". C'est comme les cancers de la prostate ou ceux du sein : on n'en a jamais trouvé autant que depuis que l'on a affiné les méthodes de dépistage.
PS: j'ai le droit de dire "helminthes" Docteur, ou dans ma bouche ca fait trop Melle Jfurettesurlinternet ?
Fourrure : Le vocabulaire précis n'a jamais été réservé aux professionnels !
PS 2 : Avez-vous envie de nous parler de cet amusant animal qu'est le gastérophile ?
Fourrure : si je trouve quelque chose à raconter à leur sujet, pourquoi pas ?
Je crois que le ténia a un rôle à part des autres parasites dans l'inconscient des humains. Comme il possède un cousin germain dont le porteur est l'homme, j'ai l'impression que ce parasite est considéré avec d'avantage de dégout que les strongles et autre vers qui ne parasitent que les animaux (en France).
Je pense qu'un mécanisme simultané d'association et de rejet est à l'oeuvre dans l'inconscient des humains :
- mon cheval pourrait avoir un ténia,
- je pourrais moi aussi avoir un ténia,
- berk, c'est dégoutant un ténia dans mon ventre,
- je n'ai pas envie que le ténia existe,
- mon cheval n'a sûrement pas le ténia...
Et pourtant, mes recherches sur Internet en 2001 m'avait déjà permis de trouver des données qui estimait à plus de 60 % la prévalence du ténia sur les chevaux en Europe et USA. Je me souviens que face au septicisme général, j'en étais venu à me demander si je comprenais bien les conclusions de cette étude (prévalence est un mot compliqué).
Je vois que vous disposez de statistiques équivalentes.
Quand on veut savoir, on peut. Même en tant que simple amateur.
1 cheval sur 3 ou 2 chevaux sur 3 touchés, ça mérite qu'on s'en occupe, entre la dégradation de l'état général du cheval (un ténia, c'est une pompe à bons nutriments et un cheval peut porter plus de 200 individus) et l'augmentation du risque de coliques, il y du grain à moudre.
Pour les curieux qui souhaitent mieux connaitre les parasites, je vous recommande de consulter le dossier très complet publié sur le site généraliste 1cheval.com
On y apprend des choses qui pourraient en surprendre plus d'un, comme par exemple le fait que les vers ne se contentent pas d'occuper l'intérieur du tube digestif mais peuvent coloniser tout l'organisme depuis les ligaments jusqu'aux poumons en passant par les mamelles de la poulinière et les yeux.
Fourrure : Hihi... qui a dit que les humains n'avaient pas de strongles ?
Vous avez des strongles, vous ?
Berk, berk, berk...
Voilà ce qui arrive quand on met les pieds, les mains et la figure dans le caca toute la journée...
;-)
Et puis d'abord j'ai précisé "en France"...
Fourrure : Lorsque l'on explore un peu les terreurs nocturnes et les coliques des enfants, en général... même en France... Hem.
Je sais que dans les pays "en voie de sous-développement" les hommes sont infestés au même titre que les animaux (eau et aliments pollués, manque d'hygiène, etc.)
Je me demande d'ailleurs dans quelle mesure le parasitisme ne coûte pas plus cher à l'espèce humaine que le SIDA ou le paludisme. A elle seule l'onchocercose est la deuxième cause de cécité au monde.
Cela dit, le véto de mes chatchats m'avait expliqué qu'il avait demandé à son toubib de donner un traitement anthelminthique à son épouse avant de mener à bien un projet de maternité. Connaissant sa propre exposition au parasitisme des différentes espèces animales avec lesquelles il est régulièrement en contact, il craignait une possible contamination de son épouse et une possible migration d'un vers "égaré" vers le foetus. Il estimait que dans son cas, la contamination par un parasite était plus probable que celle de la toxoplasmose.
On s'endurcit (m'autorisez-vous "s'immunise" ?) contre les agresseurs auquel nous sommes confrontés. Le hic, quand il y a un coup de fatigue, de stress, rhume…
Un(e) infirmier(e) en milieu hospitalier est porteus(e) d'un tas de charmantes petites bestioles qui rendrait fortement malade son collègue de l'administration. Je n'ose imaginer la résistance d'un organisme de vétérinaire.
Fourrure : Pour survivre à une guerre bactériologique, devenez vétérinaire !
En médecine humaine le vers n'est peu ou pas considéré, je pense notament à qqs anémies inexpliquées.
D'après Fourrure, nous aurions donc une large tendance à sous-estimer notre propre taux d'infection par les vers...
Euh.. Dr... Il vaut mieux que je prenne les vermifuges des chatchats, ou ceux des chevals ? J'en ai une collec à la maison. J'ai une faiblesse pour le cocktail Moxidectine / Praziquantel parce qu'il dézingue aussi bien les gastérophiles que les cestodes. C'est méchant en fait les gastérophiles...
:-(
Fourrure : Il y a tout ce qu'il faut chez le pharmacien... par contre, pas de gastérophile chez l'homme.
Pas de gastérophile... je m'en doutais un peu. Vous nous voyez avec des oeufs accrochés à l'intérieur des genoux ?
Fourrure : En sachant que l'équidé se contamine en léchant ces oeufs qui sont attachés le long des membres, je me dis que pour être parasité, il faudrait être sacrément souple.
@ Celine : le pomme-cannelle ne doit pas être mal, hélas je ne prends que le format famille nombreuse dont le goût laisse à désirer.
@ Fourrure : "petites coliques inexpliquées", si un cheval vous entends je doute qu'il apprécie le "petites". Ca fait mal ce truc là.
Fourrure : Oui, ça a l'air de faire mal... m'enfin il y a clairement coliques et Coliques...
Fourrure : J'allais oublier :
Les très gros, c'est Trichostrongylus axei.
Les moyens, ce sont des oeufs du complexe Chabertia ovina, Haemonchus contortus, Nematodirus spp (ils ne sont pas différentiables, enfin peut-être par un spécialiste).
Les tout petits, ce sont des ookystes de coccidies.
Dans tous les cas, Céline est à fond! hihi
Moi j'avoue que... ça me dépasse un peu toutes ces histoires de merde! ^ ^
Mais bon, je suis pas inconsciente non plus, je vermifuge mon chat.
J'ai besoin de faire pratiquer un examen coprologique sur deux de mes lamas. Mon véto m'a donné une feuille à remplir et des récipients. Afin que je les expédie à EV de Toulouse. J'ai vu les tarifs des différents examens. Si je fais le total je suis à 169 €/lama !!!!!
Suis-je contraint de passez par l'EV Toulouse. Les DSV départementale font-elle des examens ?
Fourrure :
Outch !
A ce prix là, il n'y a pas qu'une coproscopie, même une lourde avec comptage, il doit aussi y avoir une bactériologie et d'autres analyses... (PCR paratuberculose ?)
Les DSV ne réalisent pas d'examens, ce sont des services administratifs. Par contre, les LVD (laboratoires vétérinaires départementaux) oui, mais pas tous les examens dans tous les labos, et surtout, pour que ça vaille 169€ par lama, c'est qu'il y a autre chose... et que ça risque de coûter le même prix ailleurs.
Très intéressant votre site ! bravo.
Je me suis amusée à pratiquer une coproscopie pour mon cheval. Malheureusement je n'ai que pu récupérer une boule de crottin déjà au sol, la plus récente possible et ce à 7h du matin....(pas moyen de lui en extraire du rectum !)
J'y ai trouvé un ver et des oeufs (strongles à priori mais sans certitude). A partir de combien d'oeufs doit on s'inquiéter ? Est il possible que ce soit déjà des oeufs d'insectes coprophages ?
Je vermifuge au naturel depuis bientôt 2 ans et ne tiens pas plus que ça à revenir aux molécules allopathiques nocives pour l'environnement et le cheval.
Fourrure :
Alors... tout dépend du type d'examen réalisé. Si les œufs étaient visibles à l'œil nus, ce n'étaient pas des œufs de strongles. Au microscope, ce sont de toute façon les plus courants. Il existe des seuils d'alerte en coproscopie quantitative, nettement plus complexe à réaliser et nécessitant un équipement particulier, de préférence en séries de trois jours pour réduire l'incidence du hasard dans la ponte.
Et à mon avis, tout cela ne sert pas à grand chose, surtout pour des chevaux.
Pour ce qui est des vermifuges naturels, j'en suis venu à les déconseiller suite aux échecs retentissants essuyés par divers clients qui s'y étaient essayés. Certains très avertis, d'autres moins, certains directement à partir d'autres plantes, d'autres avec des préparations réalisées par des acteurs assez connus dans le "milieu bio" ou homéopathique. Disons que pour un cheval adulte auquel on ne demande rien, pourquoi pas. Mais sur une mère gravide, un vieux cheval, ou un poulain, je pense que c'est une erreur. Quelques examens coproscopique m'ont dégoûté de ces traitements, et je n'en ai pas trouvé de meilleurs que d'autres.
Pour en finir avec les légendes : les vermifuges allopathiques ne sont pas nuisibles aux chevaux.
Ils sont d'une indéniable efficacité si on les utilise intelligemment, dans le cadre d'une rotation de pâture, etc. Demandez conseil à votre vétérinaire.
Certaines molécules sont effectivement nuisibles pour l'environnement, surtout si elles sont mal utilisées (je pense évidemment aux avermectines qui ont une rémanence démontrée dans le crottin et nuisent aux coprophages), mais ce problème est en réalité infime avec les médicaments utilisés chez les chevaux, dont la rémanence est presque nulle (contrairement aux bolus des ruminants, presque abandonnés depuis un certain nombre d'années déjà, dont la diffusion est très longue).
Effectivement je n'ai pas précisé qu'il s'agissait d'un examen microscopique. A l'oeil nu je n'ai jamais rien observé de visible !
Je sais que la coproscopie est peu efficace pour les chevaux : principalement à cause de la ponte aléatoire mais là cet hiver a été un peu rude pour lui qui a bien maigri au niveau des côtes et avait un mauvais poil cassant qui gardait trop la saleté. Et puis son poil d'été est tjs un peu plus long que la "normale"....donc j'ai préféré jetter un oeil sur le contenu de ses crottins !
Il a bien repris, grâce à la bonne herbe et fait sa mue (pas terminée).
Je vais demander au labo d'analyse s'ils me feraient un comptage histoire d'être un peu plus sûre !
Et puis il a tellement d'autres soucis que cela peut venir de là aussi : une douleur continue et lancinante peut elle engendrer une dégradation de l'état général du cheval identique à l'effet d'une infestation parasitaire ??!! je suppose que oui....
Fourrure :
Les causes d'amaigrissements sont hélas très nombreuses et très difficiles à diagnostiquer, au delà des évidences comme le parasitisme. Oui, une douleur permanente en est une autre...
Bonjour, je reviens ici pour vous poser une question.
Avez vous déjà eu des cas de petite douve du foie (dicrocoelium lanceolatum dans mon cas) dans des crottins de poulain d'un an ?
Là il est dans un état critique, les protéines totales ne font que chuter....(36 la semaine dernière et maintenant 31)
Je l'ai traité, j'attends que le Zanil fasse effet (et qu'une colique ne le terrasse pas avant)