lundi 18 février 2008

Coagulation

Dans tous les métiers, il y a des cauchemars professionnels. C'est en lisant celui d'un avocat que j'ai repensé à l'un des miens (en passant, Jeanne Brugère-Picoux est vétérinaire et prof à l'ENVA, et son propos a été discuté dès le lendemain par un autre témoin, mais bon, je disgresse).

La matinée semblait partie pour être tranquille. Nous allions donc être surchargés.

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samedi 9 février 2008

Ethique, conscience et mal à l'être

Désorienté et assez mal à l'aise.

Ce sont les mots que je choisirais après avoir géré un "cas" qui semblait pourtant assez simple.

Prenons les faits : M. et Mme Hermann sont un couple de retraités d'environ 70 ans. J'imagine qu'il vivent ensemble depuis plus de 40 ans.
Depuis 19 ans, ils partagent leur existence avec Gitane, petite boule de poil inquiète de 5 kg, dont vous imaginez l'état de santé.

Un rendez-vous avec M. et Mme Hermann, c'est presque un rituel.
C'est d'abord, lorsque j'ouvre la porte de la salle de consultation, l'image de ce couple très accordé. Monsieur Hermann porte un pardessus noir, un fin pull bordeaux et une écharpe grise. Ses cheveux argentés, très épais, sont parfaitement coiffés. Il a un chapeau gris. Ses chaussures noires sont impeccables. Madame Hermann porte un manteau de fourrure et une toque discrète, un foulard en soie noué autour du cou, une broche florale dorée sur la poitrine. Une mise qui pourrait être vulgaire, mais ces vêtements sont portés avec naturel, sans ostentation.
Juste après l'image vient le parfum, celui de madame Hermann, un parfum très présent, assez lourd, une note de vanille presque oppressante. C'est curieusement ce parfum qui domine mes perceptions lors de mes rencontres avec M et Mme Hermann.
Pas la voix grave, calme et posée de monsieur, ni les notes plus inquiètes de celles de madame.
Pas la poignée de main ferme et souple, sans énergie excessive, de monsieur, ni la caresse de cette main légère, presque impalpable, de madame.
C'est ce parfum de vanille, qui imprègne également le pelage de Gitane, tremblante, déjà, dans les bras de sa maîtresse.

Evidemment, avec une telle description, vous imaginez sans doute un couple de riches retraités jouant parfaitement le rôle de convives dans un diner du Rotary Club. Des gens cultivés, ou croyant l'être, (trop) bien pensants, sans histoire, qui vont à l'Eglise et votent à droite. Ce n'est pourtant pas l'image que je voudrais donner d'eux. Car si je devais choisir un mot pour définir leur apparence, ce serait dignes.
J'apprécie ces clients polis, attachés à leur animal mais réalistes, qui comprennent les nuances d'un diagnostic ou d'un pronostic, et qui viennent briser ces clichés que nous rattachons tous, inconsciemment, à cette apparence.

M et Mme Hermann m'amènent donc, pour la troisième fois de l'année, leur chienne Gitane. Gitane a 19 ans. Comme tous les caniches de son âge, elle est cardiaque. Elle est presque aveugle (cataracte). Mais elle n'est pas devenue idiote, ses repères et ses réactions sont parfaitement cohérents.
Mme Hermann vous en parlerait mieux que moi, mais elle parle au passé "Comme elle était belle, docteur. Une vraie petite fée, avec ses boucles dorées, et tellement intelligente, tellement câline. Un ange !"
Aujourd'hui, Gitane est moins jolie, mais je dirais qu'elle est bien conservée pour son âge. Son poil est très fin, mais dense, et doux. Sa peau est impeccable. Elle est très bien toilettée. Ses articulations et ses postures sont normales (pas d'arthrose !). Bref, ce n'est pas un de ces vieux chiens visqueux qu'on ne caresse qu'avec dégoût, en souvenir d'une époque où ils étaient beaux et ne sentaient pas mauvais.

Il y a quatre mois, nous avons opéré Gitane pour lui retirer une tumeur mammaire. Malgré le risque anesthésique, tout s'est bien passé, et la chienne a très bien cicatrisé.

Aujourd'hui, M et Mme Hermann amènent Gitane à cause d'une espèce de croûte sous l'œil droit, une plaque vaguement suintante qui couvre sa paupière inférieure et quelques centimètres carrés de peau en dessous, quelque chose qui lui fait manifestement assez mal et que Mme Hermann n'arrive plus à nettoyer. Comme elle, je pense d'abord à un écoulement lacrymal muqueux qui se serait accumulé, compliqué d'une infection cutanée.
Je prends de tout petits ciseaux, une minuscule lame de bistouri, et je commence à enlever cette plaque, millimètre par millimètre, en évitant les coups de dents d'une chienne qui, manifestement, éprouve une douleur intense à cet endroit.
Finalement, je découvre que cette croûte suintante n'est pas issue de l'œil, mais d'un petit trou dans la paroi nasale, une fistule infra-orbitaire, complication classique d'une infection sinusale, elle-même provoquée par un abcès dentaire. Evidemment, les dents de Gitane sont dans un état catastrophique, mais nous avons jusque là refusé de prendre un risque anesthésique pour un détartrage.

Là, cependant, nous n'avons pas le choix. J'expose mon avis à M et Mme Hermann :
Cette lésion ne guérira pas tant qu'il y aura une dent pourrie en dessous.
Des antibiotiques seuls ne pourront nettoyer une pareille infection.
Le traitement sera nécessairement chirurgical : extraction des dents gâtées et détartrage du reste, anti-inflammatoires et antibiotiques.
L'anesthésie sera sans doute assez longue, et la chirurgie douloureuse. Le risque anesthésique est très élevé.
Mais nous devons traiter la chienne : on ne peut pas infliger à Gitane de supporter une douleur pareille sans traitement. Ces abcès dentaires ne datent pas de hier, les médicaments n'ont pas pu les enrayer. Si Gitane est résistante à la douleur, il y a des limites à ce que l'on peut lui demander de supporter. Mme Hermann me le confirme : elle ne mange plus beaucoup, et se frotte souvent le museau par terre.
"Il faut donc prendre ce risque anesthésique si l'on veut permettre à Gitane de continuer à vivre décemment." Je choisis cette tournure de phrase car elle ouvre la porte aux propriétaires pour parler d'euthanasie. Gitane a 19 ans, elle souffre, la chirurgie sera douloureuse et beaucoup d'autres petites choses commencent à ne plus fonctionner. S'ils choisissent l'euthanasie, je ne refuserais pas. Je vois que M et Mme Hermann saisissent parfaitement mon sous-entendu.
"Mais, docteur, si jamais elle meurt pendant l'anesthésie, elle ne souffrira pas ?" La voix de M. Hermann est grave.
La mienne aussi, lorsque je lui confirme, d'un simple "non", la justesse de ce raisonnement.
Mme Hermann tourne son regard vers son mari, elle acquiesce. Elle me demande si je pense que l'opération la soulagerait vraiment, ce qui est le cas. Elle choisit donc la chirurgie, et repousse l'euthanasie. Je note un rendez-vous pour la semaine suivante, je mets la chienne sous antibiotiques et anti-inflammatoire après avoir réalisé un bilan sanguin qui se révèle excellent.

Ce soir là, je me sens mal à l'aise. Quelque chose me chiffonne.

Il me faut une semaine pour réaliser, lorsque j'hospitalise Gitane pour la chirurgie dentaire. M et Mme Hermann sont déjà partis lorsque je dépose la petite chienne dans sa cage. Le parfum de vanille m'oppresse. Je me demande... je me demande s'ils n'espèrent pas que Gitane meure pendant l'anesthésie. Consciemment, ou pas. Une fin qui leur permettrait de ne pas avoir à assumer le choix d'une euthanasie, qui leur donnerait l'impression d'avoir tout fait pour leur chienne, pour cette compagne qui a partagé 19 années de leur existence, pour cette petite boule de fourrure, "qui était si jolie. Un ange !"
C'est presque une certitude.

J'ai un peu mal au ventre. Et si je poussais l'anesthésie ? Juste un peu trop ?
Elle ne souffrirait pas.
Ils seraient délivrés, la conscience apaisée.

Je joue avec l'idée, quelques minutes. Ce parfum de vanille m'obsède.

Je n'en parle à personne.






Trois heures plus tard, Gitane se réveille très lentement de son anesthésie. Elle est sous morphine, complètement désorientée.
Dans une petite bassine, il y a dix dents pourries.
Tout s'est parfaitement bien passé. Mon confrère et ma consœur ont parfaitement bien gérés cette anesthésie et cette chirurgie. Pendant ce temps, comme d'habitude, je consultais : je suis plus médecin que chirurgien.

Ce parfum, toujours.
M et Mme Hermann rendent visite à Gitane dans l'après-midi.
Je leur serre la main lorsqu'ils repartent. Gitane rentrera demain, nous la gardons pour gérer la douleur.

J'ai entendu les mots mal assurés de ma consœur s'échapper du chenil quelques minutes auparavant : "mais elle est toujours jolie ! Bien sûr, là, elle bave, elle saigne, elle est assommée par la morphine, mais vous retrouverez votre petite Gitane dès demain !"
J'imagine madame Hermann murmurant : "elle était si jolie !"

Lorsque la porte se referme sur le couple, je tourne mes yeux vers ma consœur, au fond du couloir. Les poings sur les hanches, elle a l'air déstabilisée. Fragile. Très belle. "Ils avaient l'air... presque déçus, quand ils ont appris que tout s'était bien passé."

Je ferme les yeux. Juste un instant.

samedi 19 janvier 2008

Donner la mort

L'euthanasie est l'un des actes emblématiques de la profession vétérinaire. Nous tuons tous les jours, ou presque. Pourtant, ce n'est un acte banal ni pour le praticien, ni pour le maître ou le propriétaire de l'animal.

Comment euthanasie-t-on ?

Il existe deux produits destinés à l'euthanasie des animaux, qu'ils soient de compagnie, de sport ou de rente (les animaux de rente, ce sont les bovins, porcins... qui sont élevés dans une optique économique).
Le premier est un anesthésique d'ancienne génération, surdosé. Le second est un toxique puissant qui bloque la respiration et arrête le coeur. Le choix de l'un ou de l'autre, ou d'un mélange des deux, repose plus sur des habitudes que sur des critères objectifs.

Je vais vous décrire ce que moi, je fais. Ce n'est nullement une méthode de référence. Je pense que dans la réalisation technique de cet acte, chaque vétérinaire doit surtout être à l'aise. Le résultat, de toute façon, est le même.

En général, je m'occupe des papiers et règlements avant l'euthanasie. Ainsi, le maître n'est pas obligé de s'attarder dans la clinique après ce moment difficile. Si je ne peux pas faire ainsi, c'est notre secrétaire qui s'occupe du règlement.

Le cas le plus classique, celui d'un chien ou d'un chat.

Je commence par poser un cathéter, car les produits euthanasiques doivent être injecté par voie intraveineuse. C'est parfois techniquement très difficile, notamment chez les tout petits animaux, ou ceux qui sont très déshydratés. C'est souvent la partie de l'euthanasie la plus pénible.
Ensuite, j'anesthésie l'animal. Il perd conscience très vite. Parfois, l'anesthésie induit des vomissements : je préviens avant. Si je peux (si l'animal supporte l'anesthésie), je laisse du temps au maître avec son chien. Juste une minute : c'est assez pour réaliser, pas assez pour se trouver mal à l'aise à côté du corps déjà inerte. Evidemment, cela dépend des gens, à moi de deviner à chaque fois.
Enfin, j'injecte l'euthanasique. La mort survient généralement dans la minute. Souvent, les animaux très âgés, ou malades, résistent mieux que ceux qui sont "en bonne santé". Je ne sais pas pourquoi. Encore une fois, s'il le souhaite, je laisse du temps au maître avec son animal.

La plupart des gens choisissent de rester pendant l'euthanasie. Evidemment, j'ai plus de pression, mais je préfère : ça permet de voir la réalité de cet acte et diminue d'autant les fantasmes. Le chien ne souffre pas, c'est évident, et donc apaisant pour les maîtres. C'est certainement une étape très importante du deuil.

Les cas plus difficiles, avec les animaux de compagnie.

Dans le cas de très petits animaux, ou d'animaux tellement déshydratés que je n'arrive pas à poser une voie veineuse, je n'ai qu'une solution pour euthanasier : l'injection intracardiaque. C'est un acte techniquement difficile, mais l'injection intrapulmonaire fonctionne aussi. Sauf que c'est très douloureux, il faut donc que l'animal soit anesthésié avant de la réaliser (l'injection intraveineuse n'est pas douloureuse).
Dans ce cas, je réalise une anesthésie avec une injection intramusculaire, puis l'intracardiaque (ou intrapulmonaire, à défaut). Si l'intracardiaque est réussie, la mort est instantanée. Sinon, cela prend deux à trois minutes.
Symboliquement, c'est un geste très fort, et très violent. Je préfère éviter que les maîtres y assistent, mais je ne leur ment pas.

Les bovins, équins, ovins...

Le protocole est exactement le même, mais sans l'anesthésie préalable qui entraîne avec ces animaux plus de problèmes qu'elle n'apporte de confort. Sans parler du coût des anesthésiques...

Qui euthanasie-t-on ? Pourquoi ?

En préambule, il faut aborder la question de la responsabilité de la décision d'euthanasie. Ne surtout pas choisir à la place du maître s'il hésite : je dois donner les moyens de choisir, mais pas choisir. A ce titre, la phrase "mais si c'était votre chien, docteur, vous feriez quoi ?", est un piège. Il faut l'esquiver : "ce n'est pas mon chien" !
Il est très important que les choses soient claires dans la tête de mon interlocuteur : il doit avoir été libre de son choix pour l'assumer, et ne pas rejeter "la faute" sur quelqu'un d'autre. Moi, en l'occurrence.
Evidemment, il est de rare cas ou j'appuie l'euthanasie. Lorsqu'il faut aller vite, qu'il n'y a pas vraiment d'alternative, suite à un accident par exemple, ou pendant une chirurgie lorsque je découvre une lésion trop importante pour qu'un traitement soit envisageable. Lors de souffrance aigüe et ingérable, également.
Mon devoir est d'informer de façon claire et loyale, de savoir me mettre à la portée de mon interlocuteur.

Les motifs d'euthanasie sont très variés, mais les plus fréquents sont :
- les maladies incurables, ou difficilement soignables. Le motif le plus fréquent est l'insuffisance rénale chronique dans son stade terminal, suivent les cancers divers et variés ou certaines maladies métaboliques en décompensation (diabète...). Parfois, l'animal peut techniquement être soigné, mais au prix de souffrances et pour un résultat difficilement justifiable. Parfois, c'est financièrement que les soins sont irréalisables.
- la paralysie, totale ou partielle, due à des causes nerveuses ou à une arthrose avancée (c'est très fréquent). L'animal ne peut plus se lever pour faire ses besoins ou manger, les escarres s'accumulent.
- les portées indésirées. Chiots ou chatons d'un jour ou parfois plus, portées entières ou partielles...
- les animaux mordeurs. C'est un motif rare, mais symboliquement important.

Dans le cas des grands animaux, c'est souvent une fracture qui amène à l'euthanasie. Certaines maladies chroniques qui rendent l'animal impropre à la consommation y obligent aussi.

Je peux refuser l'euthanasie. Cela m'arrive rarement, mais on ne m'obligera pas à euthanasier un animal pour lequel il existe une autre solution, traitement simple, placement ou abandon dans un refuge, selon les cas.
Je ne me fais pas d'illusions, certains recevront un coup de fusil, d'autre iront chez un confrère.

Ca fait quoi d'euthanasier ?

Pour le vétérinaire, je le disais en introduction, ce n'est pas un acte anodin.

D'abord, je dois anticiper. Deviner si le maître préfèrera être présent ou non pour l'euthanasie elle-même, comprendre très vite son état d'esprit, pour choisir les bons mots, pour réconforter, déculpabiliser ou expliquer pourquoi c'est un bon choix. Ca demande pas mal de finesse psychologique, c'est complexe.

Euthanasier un animal en fin de vie, souffrant de pathologies invalidantes et/ou incurables, moralement, ça ne me dérange pas. La justification médicale, pour moi, est évidente.
Parfois, l'euthanasie est l'aboutissement d'une longue démarche clinique et thérapeutique, un accompagnement de l'animal et de son ou ses maîtres jusqu'à cette dernière étape. A l'inverse, je peux aussi recevoir un animal que nous connaissons à peine car il n'a jamais été vraiment médicalisé, mais qui arrive au bout du rouleau.
Le geste en lui-même n'est difficile pour moi que sur les portées de chiots ou de chatons. Je sais que je n'ai pas vraiment le choix, mais ça reste moralement discutable et puis... euthanasier des nouveaux-nés, c'est dur ! Je le fais, parce que je sais que sinon ce sera la noyade ou l'abandon, ou d'autres solutions sans élégance. A choisir, les euthanasier implique moins de souffrances.

Dans tous les cas, il faut que je me protège. C'est vital. Même si l'animal est un patient depuis parfois dix ou quinze ans, même si j'ai fait son premier vaccin, même si j'ai parfois vacciné ses descendants, même si je l'ai suivi pour ses bobos et son coeur qui fatiguait, ou si j'ai sué sur un diagnostic complexe ou difficile à annoncer au propriétaire, je dois rester "le docteur". Même si les clients sont parfois des amis, ou du moins des relations appréciées.
Ne pas m'impliquer émotionnellement. Eprouver de la compassion, oui, mais rien de plus. Surtout, rien de plus.

Parfois, c'est terriblement difficile.

Certaines euthanasies m'ont dévasté. Le vieux caniche d'une grand-mère atteinte d'alzheimer, qui trouve dans la mort de son chien l'écho de sa propre déchéance physique et mentale.
Le chiot d'une petite fille qui ne peut pas accepter la malformation cardiaque incurable de la peluche. "Tu vas le soigner, docteur ?"
Cette dame d'une quarantaine d'années, qui m'a dit au moment ou j'appuyais sur la seringue : "ce chien, c'était notre cadeau de mariage. Mon mari est décédé il y a deux ans d'un cancer."
Tous ceux qui fondent en larme ou qui retiennent leurs pleurs, ces messieurs très dignes, ces dames effondrées.

Les larmes, c'est contagieux, mais je n'ai pas le droit de pleurer. Je suis "le docteur", solide, et rassurant.

Et ne croyez pas que ce soit facile pour une vache... ce n'est pas parce que la logique économique dicte les choix de l'éleveur qu'il apprécie pour autant de voir un animal qu'il a vu naître, qu'il a fait têter, qu'il a élevé pendant des années, finir tristement son existence à l'équarissage. Bien sûr, l'implication émotionnelle du propriétaire n'est pas la même. Mais elle existe, plus que la plupart des éleveurs ne l'admettront.

Mais c'est cher une euthanasie ?

Alors oui, une euthanasie, c'est assez cher.
D'abord, parce que ça prend du temps.
Parce que c'est un acte technique qui se passerait très mal si nous ne le réalisions pas dans les règles de l'art.
Parce qu'en général l'animal est incinéré et qu'il faut garder son cadavre puis payer l'incinération.
Parce que nous engageons notre responsabilité en acceptant d'euthanasier un animal (et si la personne qui présente ce chien n'était pas le maître mais un voisin mal intentionné ? Oui, il y a des décharges et des déclarations de consentement éclairé, mais...).
Parce que se décharger de sa culpabilité sur le dos du véto, ça a un prix (euthanasie de portées de nouveaux-nés...).

Parfois, c'est gratuit. Je ne facture généralement pas les euthanasies des animaux hospitalisés, ceux pour lesquels on a tenté un traitement qui n'a malheureusement pas porté ses fruits. C'est une erreur, sans doute, car généralement, je ne suis pour rien dans l'échec du traitement... Je facture un prix symbolique aux indigents qui ont été jusqu'aux bouts de leurs moyens pour leur animal de compagnie.

Le fait de payer, d'ailleurs, joue sans doute un rôle dans le processus de deuil, je ne sais pas...

Réflexions errantes en guise de conclusion

Il parait que nous, vétérinaires, avons un rapport très étrange à la mort. Notre profession serait l'une des toutes premières de par son taux de suicides. Nous avons les produits, nous savons que ça ne fait pas mal, et nous avons une profession très anxiogène.
Par ailleurs, d'après une espèce de sondage réalisé par un hebdomadaire vétérinaire sur son site internet, nous sommes globalement en faveur de l'euthanasie humaine.
D'après un autre sondage de ce même type, la plupart de mes confrères et consœurs se disent au minimum "affectés" par une euthanasie, même parfaitement "justifiée".

Ce qui me réconforte, moi, égoïstement, c'est que certains propriétaires d'animaux se rendent compte de ce qu'ils nous demandent quand il s'agit d'une euthanasie.

mardi 15 janvier 2008

Cannabis

Par Vache albinos, invité de luxe
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18h30, un vendredi : Mme Très-Riche, la soixantaine, gérante d'une propriété comprenant des activités de chasse, pêche, exploitations agricoles fruitière et horticole, une propriété abritant également un hôtel restaurant parmi les plus renommés du canton (une opulence qui aura son intérêt dans la section « Diagnostic »)... Mme Très-Riche, donc, débarque en urgence, catastrophée, tenant aux bras Linette, sa petite croisée (type bichon croisée papillon, 1,5 kg environ), sa fifille recueillie et sauvée de la famille Nardier chez qui elle est née dans des conditions douteuses il y a quelques mois.
Linette présente des symptômes plus qu'évidents : elle tremble comme jamais je n'ai vu trembler un animal. La petite chienne a un peu vomi mais, surtout, on citera comme clinique : convulsions brutales, sur l'ensemble du corps, les yeux - en mydriase, noirs de jais – sont pris de violents nystagmus, le tout à une vitesse frénétique. Imaginez quelque chose entre la possession démoniaque et le cartoon (vous savez, Grominet qui prend le jus)... Pathologie d’apparition suraiguë, température corporelle : 42°C (un muscle qui travaille est un muscle qui chauffe). L'animal est hyperesthésique à un degré rare (augmentation des réactions aux stimuli ; dans le cas présent, vous marchiez à moins de 2 mètres sur un sol carrelé sans prendre la précaution de retirer vos semelles et d'arriver en chaussettes, le bruit de vos pas faisait bondir - comme propulsée par un ressort - la pauvre Linette).
Gestion dans l’urgence, Valium insuffisant, anesthésie générale... L'animal continue de trembler sous anesthésie, même profonde...

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