Leçon de choses

Astrée est sur la table, tremblante dans les bras de sa maîtresse, une jeune femme blonde qui a décidé qu'une portée, c'était bien assez.
Les chiots à la maison, c'est vraiment une expérience inoubliable : je me rappelle des échographies de suivi de gestation, de la radio quelques jours avant la mise-bas, quand, sa fille de 6 ans dans les bras, elle comptait avec moi les crânes et les colonnes vertébrales.

Salle noire, négatoscope : "Huit, maman !"

Pendant les échographies, elle dessinait des bébés sur mes certificats de vaccination antirabique. Une manière comme une autre de finir le stock de paperasses...

Les chiots à la maison, donc, c'est vraiment le paradis. Sauf si la mise-bas se complique et que, finalement, les bébés naissent à la clinique.

"Enfin, une autre portée, avec un chien choisi cette fois, ce serait bien, je connais un groenendal magnifique... Là, j'ai vraiment fait tout ce que j'ai pu, mais le braque d'un voisin a défoncé le grillage."

Aujourd'hui, donc, on fait avorter Astrée.
Pas de problème : la chienne est jeune, en bonne santé, et nous avons désormais à disposition d'excellents produits qui n'ont, pour ainsi dire, aucun effet indésirable, sauf sans doute pour le portefeuille.

La première étape, c'est un examen gynécologique. Astrée est donc sur la table, tremblante dans les bras de sa maîtresse. Elle n'était pas trop pour l'avortement, mais elle se plie à la réalité d'une gestation indésirable, quand la précédente a failli tuer sa chienne.
Pendant ce temps, sa fille découvre les ordonnances à papier carbone et les tampons. Sa mère tente donc de la canaliser un peu en l'intéressant à la consultation :

"Tu vois, le docteur va faire une piqure à Astrée pour qu'elle n'ait pas de bébés.
- Pourquoi ?"

Bouche en cœur, boucles blondes, sujet glissant.

"Parce que la dernière fois elle a été très malade et qu'il ne faut pas qu'elle en fasse cette fois."

Sa mère répond du tac au tac, simple et efficace. J'avais déjà apprécié sa gestion de la gestation d'Astrée et de ses complications, même si l'enfant est parfois difficile à calmer.

Moi, avec mon speculum et ma lampe frontale, je vérifie que les chaleurs sont bien terminée et qu'il n'y a rien d'anormal là-dedans.

"Dis docteur, tu fais quoi ?
- Je regarde si Astrée est encore en chaleurs. Et tu vois, ce n'est plus rouge, ça veut dire que c'est fini.
- Pourquoi ?
- Parce que quand elle est en chaleurs, c'est rouge, il y a des gouttes de sang.
- Et ça, c'est quoi ?"

Je lance un regard interrogateur à sa mère, sourcil levé.
Elle me répond avec un grand sourire et un haussement d'épaules, une façon de me dire "débrouillez-vous".

"Ca, c'est le vagin.
- Ca sert à quoi ?
- C'est par là que sortent les bébés."

Je n'ai pas d'enfants, mais je trouve que je ne m'en sors pas si mal, non ?

"Et ça c'est quoi ?"

Doigt pointé, précis.

Je retiens un rire.

"Ca, c'est le clitoris."

J'interromps l'enfant avant la question fatidique :

"Ta maman t'expliquera à quoi ça sert, hein ? Moi, je vais faire sa piqure à Astrée, mmmh ?"

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