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dimanche 3 juillet 2016

Bagarres, abcès, leucose féline et SIDA du chat

C'est le week-end, je ne travaille pas, du coup je vais en profiter pour répondre à une question du jour quatre, lorsque je précisais qu'en cas de bagarre et abcès chez les chats, le danger le plus important était de contracter la leucose féline ou le SIDA du chat.

Évacuons la problématique des abcès : comme je l'ai expliqué, ils sont fréquent lors des bagarres entre chats. Des phlegmons, ou de bonnes grosses boules purulentes qui finissent en général par percer après une phase fébrile, et qui peuvent guérir tout seuls, en laissant des cratères plus ou moins importants. C'est même l'évolution assez normale d'un abcès. Bien entendu, l'abcès peut-être placé à un endroit dangereux, près d'un œil, sous la gorge. Il peut aussi favoriser une septicémie, c'est à dire une diffusion des germes dans l'organisme, qui risquent de finir leur course dans un endroit hautement indésirable – les valvules cardiaques, pour choisir un exemple tristement classique. Sur un chat âgé, l'anorexie, la déshydratation, la fièvre peuvent précipiter une insuffisance rénale. Consulter un vétérinaire pour un abcès de chat n'est pas du tout une mauvaise idée, même si vous trouverez de nombreux exemples de guérison spontanée !

La leucose féline et le SIDA du chat sont malheureusement souvent associés aux bagarres et abcès, et souvent confondus tant ces maladies ont de points communs. Souvent associées ? Pour la leucose, en Amérique du Nord, une étude dépiste la leucose féline et ou le SIDA chez 19,3 % des chats présentés pour abcès ou plaies de morsure, la prévalence étant de l'ordre de 2-3 % de la population générale, en Amérique du Nord toujours.

Je ne vais pas vous ennuyer avec de la virologie pointue, mais pour faire simple : ces deux virus appartiennent à la catégorie des rétrovirus. Comme le SIDA chez l'homme, dont le SIDA du chat est un cousin (et un modèle d'étude). On les appelle, pour la leucose, FeLV (Feline Leukaemia Virus), et pour le SIDA du chat, FIV (Feline Immunodeficiency Virus).
Ces virus ont la capacité d'insérer leur code génétique dans l'ADN des globules blancs, les cellules de défense du corps (c'est très bien expliqué ici). A la suite d'un épisode fébrile plus ou moins marqué, pas du tout spécifique et qui peut facilement passer inaperçu, la maladie peut devenir invisible. Le chat se porte alors très bien… et peut vivre des années ainsi !

Ces virus se transmettent essentiellement par les morsures, mais, c'est une différence importante, la salive est nettement plus contaminante en cas de leucose que de SIDA. Ce sont toutes deux des maladies sexuellement transmissibles (MST) mais ce n'est pas la voie de contamination majeure chez les chats. Une transmission de la mère aux chatons est également possible, mais pas systématique. Après contamination par le virus de la leucose, et épisode fébrile non spécifique, deux évolutions sont classiquement décrites : certains chats restent virémiques (le virus peut toujours être détecté dans le sang, et ces chats développent des symptômes), d'autres deviennent avirémiques (ils portent toujours le virus, mais il se planque bien, dans la moelle osseuse notamment, et ces chats ne sont généralement pas malades). Contrairement à ce qu'on a longtemps cru, les vraies guérisons, avec élimination réelle du virus, sont exceptionnelles.
Après contamination par le virus du SIDA et épisode fébrile non spécifique, en général, une longue phase asymptomatique commence. Le chat va bien, mais, petit à petit, des dysfonctionnements immunitaires vont apparaître et des maladies opportunistes se développer.

Les symptômes observés dans la phase clinique de la leucose sont en majorité liés aux cellules sanguines : la moelle osseuse déconne, et on observe des anémies (diminution du nombre de globules rouges, qui transportent l'oxygène), thrombopénies (diminution du nombre de plaquettes, qui servent à coaguler) et leucopénies (diminution du nombre de globules blancs, qui servent au corps à se défendre). L'hémobartonellose, une maladie opportuniste transmise par les tiques, peut venir compliquer les choses en détruisant les globules rouges (cette maladie est rarissime chez les chats non immunodéprimés). Les lymphomes sont aussi très fréquents. Ce sont des cancers des globules blancs. Et puis il y a toutes les maladies opportunistes, qui deviennent bien plus fréquentes en raison de la diminution des défenses du corps.

Les symptômes observés dans le syndrome d'immunodéficience acquise du chat sont essentiellement des infections opportunistes. Les plus fréquentes sont des gingivites virales, mais tout est possible… et elles peuvent guérir, ou pas. C'est imprévisibles.

Le diagnostic se fait en priorité grâce à des tests sanguins rapides et peu onéreux dont disposent tous les vétérinaires. Ils sont fiables, mais ils ont leurs limites. Dans le doute, on peut améliorer la fiabilité du test en allant vers des méthodes plus perfectionnées. Ils seront utilement complétés par une Numération-Formule (comptage des cellules sanguines) qui permettra de mieux comprendre où en est le chat avec son virus.

Le traitement… Oui, il y a des possibilités. Outre la gestion de toutes les infections opportunistes. Il existe des traitement antiviraux, il en existe même un spécifique pour les rétrovirus félins. Ils améliorent la durée de vie des chats, c'est correctement documenté pour la leucose, moins pour le FIV. Ils ne permettent pas une vraie guérison.
Mais ils coûtent très chers. Vraiment. Je n'ai jamais réussi à en mettre un seul en place. Même en vendant les médicaments à leur prix d'achat.

La prévention, alors ?
Faites stériliser vos chats. Le mode de contamination principal est la morsure. La première cause de morsure est la défense du territoire. Partir à la recherche de partenaires sexuels est une cause majeure d'invasion du jardin des voisins. Si vous les faites castrer ou ovariectomiser, ils auront moins de chance d'attraper ces saletés (c'est bien documenté pour le FIV, c'est moins clair pour le FeLV, pour lequel la salive est un contaminant majeur et un toilettage mutuel un mode de contamination bien documenté, en dehors de tout cadre de conflit).
Faites les vacciner contre la leucose. Le vaccin marche bien. Il nécessite un rappel annuel, tout au long de la vie de votre chat. Pour le SIDA du chat, il n'existe pas de vaccin sérieux. Comme pour l'homme. Concernant la vaccination contre les autres maladies des chats atteints par l'une ou l'autre de ces maladies : elle est utile ! Par contre vacciner contre la leucose un chat porteur du FeLV est inutile (mais pas dangereux).

Certains craignent lors du dépistage que je ne leur propose d'euthanasier leur chat s'il est positif. Soyons clairs : on n'euthanasie pas un animal parce qu'il porte un virus. On peut décider de le faire s'il est impossible de lui assurer une vie confortable en raison des complications (maladies opportunistes incurables, lymphomes avancés...) mais la plupart des chats finissent leur vie assez confortablement. Si le chat n'est pas castré, par contre, j'insiste lourdement pour qu'il le soit. Le "simple" portage du FIV ou du FeLV n'est en tout cas pas un motif d'euthanasie.

lundi 4 juin 2012

Stériliser sa chienne ou sa chatte

La peluche vient de recevoir sa seconde injection de primo-vaccination. Nous discutons alimentation, et un peu éducation. Je pose la question de la stérilisation.
- Ah oui docteur, on va la faire opérer hein, quand elle aura fait sa première portée.
- Ah, vous voulez une portée ?
- Oh oui docteur, comme ça elle sera heureuse.
- Mmh vous savez, ce n'est pas d'avoir une portée qui la rendra, ou pas, heureuse. Vous avez réfléchi à ce que vous ferez des chiots ?
- On lui en laissera un, parce que sur le bon coin, c'est difficile de les vendre.
- Donc vous allez tuer les autres ?
- On vous les apportera quand ils seront tout petits.
- Et vos faites ça pour qu'elle soit heureuse ?

Je veux dire : anthropomorphisme pour anthropomorphisme, soyons au moins cohérents.

Notez que ça marche avec plein de variantes :
On lui laissera faire une fois des chaleurs.
Une portée, mais on ne garde aucun petit.
Ce serait mieux si on la faisait saillir puis avorter ?

Cela fait des années que j'entends ce genre de choses. J'anticipe de plus en plus, amène la conversation sur le sujet le plus tôt possible, dès la première consultation de primo-vaccination, en indiquant sans insister qu'on en reparlera le mois prochain - histoire de forcer les gens à y réfléchir un minimum.

J'ai appris à ne plus énoncer ma science en me réfugiant dans mes scolaires certitudes. J'ai appris à ne pas donner l'impression d'être un maniaque de la stérilisation. Je fais attention aussi à ne pas avoir l'air vouloir opérer "juste pour faire de l'argent". D'ailleurs, quand je devine le soupçon dans le regard de mon interlocuteur, un calcul rapide de ce que me rapportent les problèmes de reproduction le dissipe assez efficacement. On y reviendra.

Mais de quoi parle-t-on ?

Aujourd'hui, on parle des filles. J'ai déjà abordé le devenir des testicules dans un précédent billet, je ne reviens pas dessus. Je ne vais pas reprendre certains éléments, qui restent pertinents dans le cadre de la stérilisation des femelles. Je vais me concentrer sur les chiennes et les chattes.

Chez la chienne, la puberté (le moment où l'animal devient apte à se reproduire) survient entre 5 et 18 mois. En général, plus c'est une chienne de grand gabarit, plus la puberté est tardive. 5-6 pour une chienne de 5-10 kg, 18 mois pour une Saint-Bernard. Évidemment, c'est complètement approximatif, et il y a des tonnes de contre-exemple. Mais ça vous donne une idée. C'est d'ailleurs assez spectaculaire pour les plus précoces, les propriétaires ne s'étant pas encore habitués à leur petit bébé boule de poil qu'elle est déjà enceinte.

Les chattes sont plus compliquées : leur puberté survient en général vers 4-6 mois, mais le déclenchement des cycles sexuels est saisonnier. En gros : de janvier à septembre. Plus que l'âge, je regarde la période de l'année (quel âge aura-t-elle en janvier si elle est née en été/automne, quel âge aura-t-elle en automne si elle est née au printemps ?).

Un cycle sexuel canin dure 6-7 mois, en moyenne. Disons deux périodes de chaleurs (on dit œstrus quand on veut être précis) par an. Gestation ou pas, cette durée ne varie pas, ou peu. Selon les races, les portées comptent de deux à quinze petits. Voire plus.

Le cycle sexuel de la chatte est un véritable foutoir. Sans saillie, une chatte est généralement en chaleur pendant une semaine toutes les deux semaines. La gestation dure environ deux mois, pour deux à six chatons en général. Trois portées par an, avec les filles de la première portée qui mettent bas en même temps que la troisième portée de leur mère, pas de problème.

Elle veut des bébés ?

Pour les gros malins du fond qui font des blagues sur les salopes en chaleur : les chaleurs, ce n'est pas un choix de la part de la femelle. A aucun moment. Lorsque le cycle en arrive là, les décharges hormonales poussent la femelle à chercher le mâle. Elle part "en chasse", comme on dit. Pas parce qu'elle en a envie, ou qu'elle veut se faire plaisir, ou parce qu'elle sera heureuse avec des bébés. Non : parce que ses cycles l'y obligent. Et les mâles ne sailliront pas pour le plaisir, ou par choix. S'ils vont se foutre sur la gueule pour la femelle en chaleur, c'est parce qu'ils sont en rut, à cause des phéromones produites par la femelle. On ne parle donc pas de plaisir, de désir d'enfant, ou de toutes ces choses qui font la complexité de notre humanité. Je sais que des commentateurs vont encore me faire le coup de "mais les humains aussi marchent aux phéromones". Non. Les phéromones ne dictent pas notre conduite, ne nous forcent pas à accomplir des actes instinctifs. Qu'elles aient une action dans le désir et la séduction, admettons. Mais je n'ai jamais vu de femme en train de se rouler sur le dos dans la rue en espérant que tous les badauds du quartier la sailliront en montrant leurs pectoraux virils.

Tiens, dans la Paille dans l’œil de Dieu, de Larry Niven, il y a un abord très intéressant d'une civilisation intelligente soumise à un impératif de reproduction.

La chirurgie

Chienne ou chatte, le principe est le même : une incision cutanée, soit sur la ligne blanche (c'est la ligne verticale qui prolonge le sternum, passe sur le nombril et arrive au pubis) près du nombril, soit sur les flancs (dans le creux en arrière des côtes et sous les lombes). Incision musculaire en dessous, on ouvre le "sac abdominal" plus précisément nommé péritoine, et là, on se trouve dans le ventre : on voit les intestins, l'estomac, la vessie, le foie, les reins, et les ovaires et l'utérus.

Les ovaires, ce sont les couilles des filles : ayant meilleur goût que les garçons, elle se passent du scrotum et cachent leurs affaires près des reins, près de la colonne vertébrale. Tout au fond.

L'utérus, c'est un tuyau qui ressemble à un Y. Au bout de chaque bras du Y (on appelle ça les cornes), il y a un ovaire. En bas du Y, il y a le col de l'utérus, qui sépare l'utérus des parties qui intéressent plus le mâle moyen, en tout cas humain : le vagin, puis le vestibule et la vulve. C'est dans l'utérus que se passe la gestation.

Quand on stérilise une chienne ou une chatte, on réalise une ovariectomie (ovari- pour les ovaires, -ectomie pour enlever). Une ligature ou deux sur le pied qui apporte le sang à l'ovaire, une ligature sur le bout du bras du Y, et hop. Je passe sur les détails.

On peut également pratiquer une hystérectomie : on enlève l'utérus. C'est un poil plus lourd. Et dans ce cas on enlève aussi les ovaires, c'est donc en réalité une ovario-hystérectomie. Mêmes ligatures sur les pédicules ovariens, mais on enlève l'utérus tout en laissant le vagin.

Vous pouvez employer le mot castration, qui est le terme courant pour la chirurgie consistant à enlever les gonades (une gonade, c'est le terme générique pour les ovaires et les testicules). En pratique, l'usage consacre plutôt le mot castration à l'orchiectomie, c'est à dire la castration des mâles.

Ce sont des opérations courantes. Pas anodines, mais pratiquées tous les jours ou presque par tous les vétérinaires. Les complications chirurgicales sont rares, et consistent essentiellement en des hémorragies au niveau du pédicule ovarien, pénibles mais pas très graves : il suffit de rechoper ce foutu pédicule (c'est simple, dis comme ça, mais en fait c'est super casse-gonade) et de refaire une ligature. Stress maximum pour tous les chirurgiens débutants, surtout sur les grasses.

En pratique, chez la plupart des vétérinaires : vous amenez votre chienne ou votre chatte le matin, vous la récupérez le soir. Elle sera debout, un poil dans le gaz, et prête à faire comme si de rien n'était, en dehors de ce pansement et/ou de ces sutures qui grattent et qu'elle aimerait bien arracher. Elle aura sans doute une collerette. Elle aura peut-être des antibiotiques et des anti-inflammatoires à prendre quelques jours.

Choix chirurgical

Ovario, ou ovario-hystérectomie ?

A ma connaissance, la plupart des vétérinaires français pratiquent en priorité, sur les jeunes animaux non pubères ou à peine pubères, une ovariectomie simple. Les manuels américains semblent privilégier l'ovario-hystérectomie, mais les publications que j'ai trouvées semblent plutôt en faveur de nos habitudes (notamment van Goethem & al., 2006).

En pratique, surtout sur les jeunes chattes qui risquent d'être pleines, c'est surprise à l'ouverture : s'il y a une gestation visible, on enlève l'utérus, sinon on le laisse. Note aux ASV : bien penser à prévenir avant les propriétaires des animaux que le prix ne sera, du coup, pas le même, ça évite des crises à l'accueil, surtout avec ces charmants clients qui téléphonent d'abord à toutes les cliniques de la région pour choisir la moins chère pour opérer minette.

Par les flancs, ou par la ligne blanche ?

Sur les jeunes chiennes, je propose les deux. Si j'ai un doute sur une gestation, c'est ligne blanche (on ne peut pas faire d'hystérectomie par les flancs). je n'ai pas de préférence forte, je laisse choisir les gens, surtout sur des critères esthétiques. Je trouve que la récupération post-op' est un poil meilleure en passant par les flancs, mais ce n'est pas essentiel.

A quel âge pratiquer la stérilisation ?

Le discours classique, c'est : avant les premières chaleurs, au plus tard entre les premières et secondes chaleurs. Pas pendant les chaleurs. Et pourquoi pas sur des animaux très jeunes. Cette chirurgie peut bien entendu être pratiquée sur des animaux plus âgés, ayant déjà eu, ou non, des portées. Rien n'empêche de stériliser une chienne ou une chatte de dix ans. Ou quinze.

La stérilisation très précoce (vers trois mois) ne semble pas augmenter le risque d'apparition d'effets indésirables (je reviendrai sur ces derniers plus bas). Elle possède d'indéniable avantages pratiques, Dr Housecat est vétérinaire et éleveur de chats, il vous explique ici pourquoi il la pratique.

Les avantages de la stérilisation

Les chaleurs

Si votre chatte est ovariectomisée, elle ne miaulera pas comme une perdue pendant une semaine toutes les deux trois semaines pendant 6 mois. Elle ne vous fera pas deux ou trois portées de chatons dont vous ne saurez que faire. Elle n'attirera pas tous les matous du quartier qui viendraient hurler tels des métalleux décidés à expérimenter la sérénade au balcon. Qui du coup ne se sentiront pas obligés de se foutre sur la gueule sous vos fenêtres, voire dans votre maison, si ils arrivent à rentrer. Ils éviteront aussi, du coup, de devenir castagner votre gentil chat castré qui ne demandait rien à personne et se demandait bien pourquoi sa copine s'était ainsi transformer en furie.

Si votre chienne est stérilisée, elle n'aura pas, deux fois par an, ses chaleurs, et tous les chiens du coin ne viendront pas creuser des trous dans votre jardin et pisser sur le pas de votre porte. Vous pourrez vous promener avec elle dans la rue sans avoir l'impression de refaire les 101 dalmatiens. Il n'y aura pas de gouttes de sang sur vos tapis. Mais vous ne pourrez pas lui mettre ces culottes super sexy. Ou alors juste pour le plaisir.

Une chienne ou une chatte stérilisée n'a plus de chaleurs. C'est le but.

Et pas de bébé, du coup.

Les tumeurs mammaires

C'est, en termes de santé, l'argument majeur poussant à la stérilisation précoce des chiennes et des chattes. Pour le dire simplement : le développement des tumeurs mammaires est lié au développement et à l'activité du tissu mammaire. Pas de puberté, pas de cycle sexuel, beaucoup moins de tumeurs mammaires.

Les chiffres sont spectaculaires : le risque de développer les tumeurs mammaires est diminué de 99.5% lorsqu'une chienne est stérilisée avant ses premières chaleurs. Le résultat est presque aussi bon si la chirurgie a lieu entre les premières et les seconde chaleurs. Ensuite, stériliser présente toujours un intérêt, mais moindre. En sachant que les tumeurs mammaires sont le cancer n°1 de la chienne, et le cancer n°3 de la chatte, que les tumeurs sont malignes dans 50% des cas chez les chiennes et plus de 90% des cas chez les chattes, ce seul avantage en termes de prévention justifie la stérilisation.

En passant, concernant les tumeurs ovariennes : elles sont rares, mais évidemment, le risque devient nul après chirurgie.

Les infections utérines

Le pyomètre, littéralement, c'est l'utérus qui se transforme en sac de pus. C'est une infection assez fréquente chez les chiennes âgées, qui passe longtemps inaperçue (pas de perte, ou pertes avalées par la chienne qui se lèche la vulve avant de vous faire un bisou sur le nez). Le traitement peut être médical, mais le risque de rechute et si élevé que l'ovario-hystérectomie est très fortement conseillée.

Mon record sur une chienne berger allemand est un utérus de 4.2kg. De pus. Et je suis sûr que certains ont fait pire.

Les risques de séquelles sont importants, en accélérant notamment l'apparition d'une insuffisance rénale chronique.

Pas de cycle : pas de pyomètre.

Les maladies sexuellement transmissibles

J'en ai déjà parlé dans le billet sur la castration, c'est un avantage essentiel pour les chattes (moins pour les chiennes).

Les inconvénients de la stérilisation

Les chaleurs

Une chienne ou une chatte stérilisée n'a plus de chaleurs. Donc si vous voulez avec une ou plusieurs portée, quelles que soient vos motivations, il est évident qu'il ne faut pas la faire opérer... j'enfonce une porte ouverte, mais je vous assure que ce n'est pas pour le plaisir, on m'a déjà posé la question. Il ne faut jamais sous-estimer les incompréhensions sur les questions de sexualité et de reproduction. Je suis persuadé que les médecins ont plein d'exemples en tête, rien qu'en me lisant. Mauvaise éducation, tabous, je ne sais pas, mais maintenant, je prépare le terrain.

Il est parfois plus facile pour certaines personnes de noyer des chatons que de parler sexualité animale avec le vétérinaire.

L'obésité

C'est le risque n°1. Oui, les chiennes et chattes stérilisées, comme les mâles, ont un risque d'obésité très supérieur à celui des animaux "entiers". Comme chez les mâles, une surveillance sérieuse de l'alimentation permet d'éviter ce danger.

L'incontinence urinaire de la chienne castrée

Ça aussi, c'est un risque réel : la force du muscle qui ferme la vessie (le sphincter urétral), dépend en partie de l'imprégnation en œstrogènes, qui sont des hormones fabriquées dans les ovaires. La stérilisation, chez certaines chiennes, provoque un affaiblissement de ce muscle. La chienne, surtout si elle dort et a la vessie pleine, peut "déborder" : ce sont souvent des mictions involontaires de fin de nuit, plus ou moins marquées. Ce ne sont pas des chiennes qui se pissent dessus toute la journée en déambulant dans la maison.

Ce n'est pas grave, mais c'est pénible, et relativement fréquent. Il existe des traitements efficaces pour ce problème.

Les cancers

Quelques études ont soulevé un risque supérieur (x1.5 à x4) d'ostéosarcome, de carcinome transitionnel de la vessie et d'hémangiosarcome chez les chiennes stérilisées. Ces cancers sont relativement rares (beaucoup plus que les tumeurs mammaires), et cette augmentation de risque ne justifie pas d'éviter la chirurgie.

J'insiste sur ce point, car on lit généralement des articles fracassants dans la presse sur des notions proches, et assez mal comprises, du genre :

Si l'incidence des hémangiosarcomes canins est globalement de 0.2% (sur 1000 chiens pris au hasard, 2 ont un hémangiosarcome), une étude a relevé une incidence de 2.2 x 0.2 % soit 0.44% sur les chiennes stérilisées : sur 1000 chiennes stérilisées, 4.4 ont un hémangiosarcome. Je simplifie le raisonnement et évacue la problématique de la "fiabilité" des études, pour que ce soit simple à comprendre.

Si l'incidence des tumeurs mammaires canines est globalement de 3.4% (sur 1000 chiennes prises au hasard, 34 ont des tumeurs mammaires), cette incidence passe à 0.5 % x 3.4 % soit 0.017 % : sur 1000 chiennes stérilisées elles ne sont plus que 0.17 à avoir des tumeurs mammaires...

Voilà pourquoi je dis que l'avantage est incomparable aux inconvénients sur ces risques.

Au sujet des idées à la con, en vrac

Le bonheur et la nature

J'ai déjà évoqué ce point plus haut. C'est l'argument principal soulevé par les propriétaires, qui craignent que leur chienne ou leur chatte ne soit pas heureuse si elle n'a pas de cycles, ou pas de petits. J'ai cherché pendant des années comment le faire admettre à ceux qui ne peuvent concevoir le bonheur sans enfant. Ou qui trouvent que ce n'est pas naturel. Finalement, c'est un documentaire sur les loups qui m'a donné un argument qui marche presque à tous les coups : dans une meute, seul le couple alpha se reproduit. Les autres ne sont pas malheureux pour autant, et c'est naturel. Notez que pour approximative qu'elle soit, la comparaison marche aussi pour expliquer aux maîtres qu'ils doivent être les maîtres, et qu'un chien dominé n'est pas un chien malheureux.

Et votre chienne ne vous en voudra pas, pas plus que votre chatte.

La perte de caractère

Non, une chienne stérilisée, pas plus qu'un chien castré, ne perd son identité, son caractère, son envie de jouer avec vous, de se barrer chasser les lapins ou rassembler les moutons.

Les ovaires, pas plus que les testicules, ne sont le siège de la personnalité et de l'intelligence.

Les chirurgies exotiques

Non, n'enlever qu'un ovaire, ça ne sert à rien. Je n'ai toujours pas compris pourquoi certains vétérinaires pratiquaient cette opération (des anciens, en général). Si quelqu'un a un indice ? J'ai suppose à un moment qu'ils n'enlevaient que le plus facile à atteindre, et ligaturaient l'autre trompe, histoire de simplifier la chirurgie, mais... en fait je n'en sais rien. Cela dit ça fait dix ans que je n'en ai pas vu.

N'enlever que l'utérus, c'est garder à peu près tous les inconvénients des cycles sexuels, pour n'avoir qu'un avantage, l'absence de gestation. Cliper ou ligaturer les trompes, idem.

samedi 17 mars 2012

Au secours, ma chienne met bas !

Préliminaire : ce billet s'adresse aux particuliers dont la chienne va mettre-bas. Pas aux éleveurs blasés qui ont déjà vu naître des dizaines de chiots.

Vous le saviez. Ou vous vous en doutiez. C'était voulu, ou pas du tout. D'ailleurs, vous vous demandez bien qui pourrait être le père. Ou les pères ?

Mais là, pas de doute. Elle a pris du bide, ses flancs se sont arrondis, elle respire comme une cocotte minute moderne avec un joint foutu, ses mamelles se sont gonflées, sa vulve s'est décrochée et pendouille au même niveau que les tétine, même sa température a chût. La mise-bas est imminente. Vous ne savez pas si elle aura lieu dans une heure, dans un jour ou dans deux, si vous serez là ou pas, si vous allez vous réveiller avec plein de bébé trop mignons dans sa panière, ou si vous allez assister à un remake d'alien, avec des face hugger qui ne veulent pas sortir de son vagin.

L'angoisse

Si vous avez été voir le véto, vous savez sans doute combien il y en a (radiographie de gestation réalisée à plus de 45 jours). Il n'y en a peut-être qu'un (alerte, il risque d'être très gros, ça c'est une mise-bas à risque potentiel), mais il peut aussi y en avoir une douzaine, voire plus. Et puis, savoir combien il y en a, c'est pratique, au moins vous saurez quand c'est terminé. Parce que des fois, ça peut durer 24h...

Déjà, dédramatisons : dans l'immense majorité des cas, tout se passe bien, et votre présence ne sert à rien.

Est-ce qu'ils seront trop gros ? Non, c'est rarissime. Si la tête passe, le reste passe, et la taille des chiots dépend de la taille de l'utérus, donc de la chienne. Même si le mâle fait deux fois le poids de la femelle, ce n'est pas bien grave. Si la gestation a été très longue (65 jours ?), les chiots risquent d'être assez costauds, mais bon, ça ne va pas forcément les empêcher de pointer le bout de leur truffe.

Est-ce que leur mère saura s'en occuper ? Oui. Maladroitement, mais oui. Seules les chiennes hyper anxieuses, trop attachées à vous ou complètement instables ont du mal à gérer leurs chiots nouveaux-nés. Dans l'immense majorité des cas, elles se lècheront la vulve à la sortie du bébé, lui boufferont les enveloppes fœtales (le placenta et tout le bordel) puis raccourciront le cordon. Laissez les faire. Ne les stressez pas. N'intervenez pas, enfin, j'y reviendrai.

Est-ce que la mère poussera bien comme il faut ? Dans l'immense majorité des cas, oui. Et si rien ne se passe alors que tout semble prêt, consultez votre vétérinaire, mais sans urgence. Enfin, n'attendez pas deux jours non plus hein. Ce que je veux dire, c'est qu'en cas de part languissant (oui, c'est comme ça qu'on dit), les chiots ne sont pas expulsés et restent au chaud. Quelle qu'en soit la raison, ils sont relativement à l'abri, nourris, oxygénés. Il faudra peut-être une intervention vétérinaire, voire une césarienne, mais ce n'est pas une urgence absolue. D'autant qu'il est souvent dur de savoir si la chienne a vraiment commencé le travail ou pas.

Est-ce qu'ils sauront téter ? Oui. Il faudra peut-être aider le rata culot de portée à se faire une place s'ils sont nombreux, mais sans plus.

Étape par étape

Elle pousse !

Votre chienne a commencé à pousser. Des HHMMMFFFF plus ou moins désespérés, avec un ventre plus ou moins tendu. Ça n'a pas l'air agréable ? Ça ne l'est pas. Les mamans parmi vous le savent mieux que moi. Si c'est la première fois, votre chienne ne sait sans doute pas comment se poser. Sur le côté, plus ou moins sur le sternum, tête en général dirigée vers le lieu des opérations. Ou alors en position "j'ai une grosse crotte à faire mais bordel elle veut pas sortir HHHMMMMFFFFF". Cette dernière position a d'ailleurs l’amusante particularité d'offrir une naissance sportive au chiot qui va aller s'exploser par terre (enfin, façon de parler, laissez la gérer, bordel).

Tiens, prévoyez que ça risque de tacher, d'ailleurs.

Et puis foutez lui la paix. Si elle vous cherche, soyez-là. Mais c'est tout.

Elle a un truc au cul !

Alors, en fait, il y a une poche plus ou moins noire vaguement translucide qui apparait entre ses lèvres vulvaires. Ne touchez à rien. Votre chienne est probablement en train de pousser comme une dingue, avec des périodes de pause. Laissez-la faire à son rythme. La poche, c'est le sac à bébé, je ne rentre pas dans le détail, vous n'êtes pas la pour ça, mais chez la chienne, il y a un pigment vert assez crado, il y aura un peu de sang, bref c'est pas joli mais c'est normal. Votre chienne va certainement manger tout ça. Laissez faire. j'ai déjà vu une ou deux gastro suite à l'ingestion de quantités importantes de placenta, mais bon. Rien de méchant.

Ne vous inquiétez que si cette poche reste longtemps comme ça, sans progression. Longtemps, c'est quoi ? Une minute, deux minutes. Trois, même ? A ce moment là, ça parait très long. Attendez un peu avant de courir en rond en levant les bras au ciel et en appelant au secours.

Si plus rien ne se passe et que les choses en restent là. J'espère que vous avez les ongles courts. Lavez-vous les mains quand même... les gants, c'est comme vous voulez. Moi je n'aime pas trop l'effet "pellicule de latex", je trouve qu'on sent moins bien les détails. Mettez les doigts dans le vagin de la chienne, autour de la poche ou du chiot si la poche est déchirée. La chienne devrait pousser en sentant la dilatation vaginale augmenter. Essayez d'écarter les doigts pour élargir le vagin.

Si la chienne ne pousse pas avec ça, et que ça dure, il va falloir tirer le chiot. Et vous n'aurez pas le temps d'arriver chez votre véto. Donc il va falloir vous démerder. Passez l'index et le majeur de chaque côté de la tête du chiot, et si vous y arrivez, passer même les doigts de chaque côté du thorax, derrière les épaules. et pliez les comme des crochets. Vous allez vous servir de vos deuxièmes phalanges comme de pinces, et tirer doucement, tout doucement, en faisant des petits mouvements de rotations du poignet pour faire tourner le chiot sur lui même. Il faut tirer fort, et lentement.

Ne tirez pas sur les pattes, c'est fragile. La tête et le cou, c'est costaud. Vraiment.

Ça à l'air compliqué ? En fait, ça ne l'est pas, mais cela le sera pour vous, parce que vous ne saurez pas comment foutre vos doigts, parce que vous aurez peur de faire mal à la chienne (mais un vagin, c'est indestructible), parce que vous n'oserez pas tirer. C'est normal, ce n'est pas votre boulot.

Heureusement, ce genre de situation n'arrive presque jamais.

N'oubliez pas non plus cette règle d'or : le chiot n'a pas d'importance. C'est la mère qui en a. Un chiot mort, c'est désolant, mais ce n'est pas grave. Tant pis. Bien sûr, le but est de le sauver. Mais la mère a la priorité. Si vous vous retrouvez un jour dans cette situation, vous aurez sans doute besoin de votre vétérinaire, mais il est très probable qu'il soit trop tard pour le petit coincé. N'oubliez pas ses frères et sœurs derrière.

Le chiot vient par le cul !

On dit "par le siège". C'est moins bien, mais ce n'est pas grave, un chiot c'est un boudin, la tête ne restera pas coincée, et si vous devez intervenir, vous mettrez vos doigts en crochet de chaque côté de l'abdomen, derrière le bassin.

Vous ne tirerez pas sur les pattes ou sur la queue, sinon elles vous resteront dans les doigts.

Le chiot est sorti !

Le chiot est sorti et il est encore plus ou moins dans sa poche, qui a du se déchirer totalement ou partiellement. C'est vert et dégueulasse, c'est normal. Ça ne sent pas mauvais, au contraire. Enfin moi j'aime beaucoup cette odeur douceâtre de viande tiède et de sang. La mère doit lécher ça comme une dingue, et s'avaler le bordel.

Ne vous occupez pas du cordon. la mère va gérer, le couper plus ou moins court.

Le seul truc que vous pourriez avoir à faire, c'est libérer la tête du chiot si votre chienne ne s'en occupe pas très vite (dans les 10-20 secondes), histoire qu'il puisse respirer. Méfiez-vous notamment quand deux chiots sortent presque simultanément, elle s'occupe encore du premier alors que le second reste dans son sac. Mais ne faites rien de plus, il n'y a pas urgence.

Mais s'il ne respire pas ?

Logiquement, un chiot qui sort gigote et piaule. Le bruit est caractéristique et a pour propriété de mettre tout le monde d'excellente humeur. J'adore les entendre pendant une césarienne, ou dans une cage au chenil quand je travaille en consult'.

S'il ne fait rien de tout ça, vous pouvez essayer de le sauver.

Vous risquer d'échouer, mais au moins, vous aurez essayé. De toute façon, vous n'aurez pas le temps d'être chez votre véto.

Prenez le dans les mains, la queue vers vous, la tête plus ou moins pendante mais néanmoins vaguement maintenue par vos doigts, et donnez quelques coups secs vers le bas, comme si vous vouliez vider la bouteille de shampooing. Oui, c'est violent. L'idée est de vider les voies respiratoires du liquide ou des mucosités qui s'y trouvent. On n'est pas sûr que ça serve à grand chose, mais bon, les habitudes... Deux, trois fois, pas plus.
Ensuite, frictionnez le chiot avec une serviette, en insistant sur les côtes. Soyez dynamique, vous êtes là pour réveiller un mort ! Frottez comme si vous deviez enlever un truc bien recuit sur la plaque de cuisson, en appuyant moins fort quand même (le but n'est pas de les lui casser, les côtes).

Ça vaut le coup d'essayer pendant deux minutes. Disons trois. Au bout de cinq, si le chiot n'a donné aucun signe de vie, laissez tomber.

Je vais mourir de stress

Oui, c'est assez probable. Pourtant, il n'y a pas de quoi. La plupart du temps, tout se passe bien. Les seuls qui doivent vraiment se méfier sont les propriétaires de bouledogues et autres brachycéphales hypertypés, mais ils sont censés être au courant.

Il n'est pas rare d'avoir un ou deux chiots morts sur une portée, à la naissance ou juste après. Pour plein de raisons. Vous ne pouvez pas éviter ce risque. Ou alors, faites stériliser votre chienne.

Certains maîtres ont eu le malheur de vivre des mise-bas catastrophiques. Qui se sont bien terminées, mais chez le véto, avec ou sans césarienne, avec des chiots morts ou pas, voire tous morts.

Si vous faites reproduire votre chienne, vous acceptez ces risques.

Et si vous ne voulez pas de chiots mais qu'il y a eu un accident, il reste toujours la possibilité de la faire avorter (alors évidemment, si on en est aux derniers jours, ça va être plus compliqué).

Et il ne vous reste plus qu'à placer les chiots...

Dans un prochain billet, on discutera de la pertinence de faire reproduire sa chienne. Puis on discutera stérilisation des chiennes, et des chattes tant qu'on y est...

jeudi 6 novembre 2008

Champagne ?

La mésaventure de Vache albinos est forcément arrivée un jour ou l'autre à chacun d'entre nous, et il me semble que la profession vétérinaire y est particulièrement exposée.

Une démonstration, et quelques réflexions ?

Les personnages

Je vous présente Fisher. 52 kilos de rottweiler trop dynamique mais très gentille, à intercepter avec talent lorsqu'elle vous saute dessus pour vous faire la fête. Elle, elle ne craint pas les vétérinaires.

Je vous présente monsieur et madame Langin, jeunes mariés d'environ trente ans, plutôt sympathiques et très décidés à faire le mieux pour leur chienne, quitte à sacrifier certaines à côtés. Je pense notamment aux efforts financiers qu'ils ont certainement consenti pendant sa croissance afin de lui acheter le meilleur aliment possible. Monsieur est pompier, madame est secrétaire.

Je vous présente enfin le Dr Fourrure, le Dr Olivier et leur stagiaire, Elodie. Elodie a obtenu son diplôme d'études fondamentales vétérinaires (DEFV) mais n'a pas encore achevé ses études, ce qui l'autorise à exercer sous l'autorité et la responsabilité d'un vétérinaire, mais pas en tant que vétérinaire libérale.

Les prémisses du drame

Ca y est, Fisher est une grande fille : à 11 mois, elle a eu ses premières chaleurs. Elle était déjà un peu fatigante, elle est carrément devenue épuisante. Allez savoir pourquoi, elle craquait pour le caniche des voisins, qui n'en pouvait plus de lui hurler l'ardeur de son désir à travers le grillage du jardin. Manifestement, elle adhérait : elle a défoncé deux fois la clôture pour atteindre son Roméo, et massacré deux portes pour le rejoindre lorsqu'elle était enfermée. Leurs galipettes disproportionnées devaient sans doute être amusante à voir, et furent d'ailleurs infructueuses : la nature est parfois cruelle, et l'amour ne fait pas tout.

Peu importe, je m'égare, car les amours de Fisher ne sont pas le sujet. Ce qui m'amena à voir M. et Mme Langin en consultation, c'est l'espèce de masse rouge tuméfiée bizarroïde qui lui pendit à la vulve vers le milieu de son cycle œstral, ou, pour parler plus simplement, de ses chaleurs.

La masse rouge tuméfiée bizarroïde, non douloureuse, à peine saignotante, c'était de la muqueuse vaginale hypertrophiée sous l'action des hormones produites pendant les chaleurs, ce que l'on nomme une hyperplasie vaginale, et celle-ci était la plus importante que j'ai jamais vue.

Il existe deux façons de gérer le problème : une chirurgie lourdingue, complexe et douloureuse pour retirer les tissus excédentaires, ou un peu de patience et une simple stérilisation afin de supprimer la source du problème, c'est à dire les hormones sexuelles. En accord avec les propriétaires de Fisher, nous avons choisi la seconde.

Premier acte : La chirurgie

Un matin comme les autres. Deux chirurgies au programme, rien de bien compliqué : une stérilisation, et une castration de chat. Tout se passe comme d'habitude, jusqu'à ce que la porte de la clinique s'ouvre et que pénètre en trombe une rottweiler de 52 kg en pleine forme, un rien affamée par son jeûne et bien décidée à nous agresser à grands coups de langue. Un chien dangereux comme on les aime, quoi.

FIsher entre dans sa cage en se faisant un brin prier - elle préfèrerait continuer à nous massacrer les jambes à grands coups de câlins rottweileresques. En plus, comme elle a gardé sa queue, son fouet est particulièrement douloureux...

Son hyperplasie vaginale est presque complètement résorbée, il ne reste plus qu'à la stériliser. Examen clinique pré-opératoire réalisé par Elodie, contrôlé par mes soins, protocole anesthésique choisi par Elodie, validé par mes soins. Ce matin, elle opère seule, ce sera sa troisième stérilisation de chienne en solitaire. Moi, je m'éclipse assez vite : j'ai pas mal de consultations qui m'attendent.

Je ne reverrai pas Fisher de la journée, sauf, en passant, lorsqu'elle rentrera chez elle le soir même, un peu groggy mais sur ses quatre pattes. M. et Mme Langin sont très contents, Fisher aussi, mais, ça, ce n'est pas vraiment surprenant. La seule chose qui la contrarie, ce sont les grillages, les barreaux et les portes.

Deuxième acte : La complication

Le deuxième acte prend place trois ou quatre semaines plus tard. Elodie est repartie achever ses études, et nous n'avons pas vu Fisher depuis longtemps.

Ce matin là, mon deuxième rendez-vous, c'est justement Fisher. Motif : pas en forme, écoulements vulvaires.

Comment ça, écoulements vulvaires ? Elle est stérilisée, normalement ! Premier coup de stress : Est-ce qu'Elodie n'aurait pas laissé un bout d'ovaire dedans ? Normalement, on vérifie à chaque fois, là, c'est Olivier qui a du le faire, mais il n'est pas là ce matin. Je vais devoir gérer...

Mme Langin est venue seule. Fisher est moins exubérante que d'habitude, ce qui a l'air d'arranger sa frêle maîtresse. Je passe sur la consultation : écoulement plus ou moins hémorragique, douleur abdominale, fièvre. Il y a une masse anormale dans son abdomen, de la taille d'une orange. Je me sens très seul, tout d'un coup. Je vérifie le compte-rendu opératoire : ovariectomie par les flancs, c'est à dire que l'utérus n'a pas été retiré (ce qui en soit, n'est pas forcément mal), mais surtout qu'il n'a sans doute pas été intégralement inspecté lors de la chirurgie, car la voie d'abord pariétale, qui a été choisie, offre une vue de choix sur les ovaires mais ne permet que difficilement le contrôle de l'utérus. En général, on réserve cette technique aux très jeunes chiennes, car on préfère inspecter l'utérus des chiennes âgées, ou qui ont déjà porté, ou qui ont eu des soucis gynécologiques, pour pouvoir le retirer au cas où.

Évidemment, Mme Langin me demande si cela peut avoir un lien avec la chirurgie. Je préfère y aller franchement : non, la chirurgie n'est probablement pas responsable du problème, mais ledit problème semble concerner l'utérus. Mme Langin n'insiste pas : elle me fait confiance, et , de toute façon, elle n'est pas d'une nature soupçonneuse. Enfin je crois.
Je ne lui cache pas que je suis inquiet, que cette masse est tout à fait anormale et qu'il va sans doute falloir réintervenir. Au plus vite, car je ne sais pas ce que c'est que ce truc et que si ça perce - ou si ça a percé - dans l'abdomen, ça va devenir très grave.

Je mets la chienne sous antibiotiques, sous anti-inflammatoires, et je place le rendez-vous opératoire au lendemain matin, car je n'estime pas qu'il y a urgence absolue. Je propose d'hospitaliser la chienne pour la surveiller, mais Mme Langin préfère la garder chez elle, de toute façon elle ne travaille pas aujourd'hui, elle m'appellera si la chienne ne va pas bien. Je multiplie les recommandations, mais je laisse repartir Fisher chez elle. Elle ne me brise même pas les rotules en remuant la queue, c'est vraiment inhabituel.

Le lendemain matin, opération à quatre mains avec Olivier. Il y a sur l'utérus une masse anormale, qui semble trouver son origine dans la paroi de l'organe, sans doute une tumeur bénigne de type fibrome, mais surinfectée et ulcérée. Il y a un point de péritonite, mais vraiment mineur. Nous contrôlons évidemment la chirurgie d'Elodie, il n'y a rien à redire.

Troisème acte : les réactions

Le soir même, Mme Langin vient récupérer Fisher. Après concertation avec mon confrère, je discute longuement avec elle au sujet de ce que nous avons trouvé et de ce qu'il faut en penser. Je dois dire que je ne suis pas à l'aise, mais je ne pense pas que cela se voit franchement.

Je lui explique que nous supposons que cette masse est une espèce de tumeur bénigne de l'utérus, et qu'il est peu probable qu'elle soit cancéreuse. Nous allons la faire analyser pour en être certain. Il y avait bien une infection, mais bénigne, je ne suis pas inquiet à ce sujet. Je lui indique clairement que cette masse était peut-être déjà là lorsque la première chirurgie a été réalisée, et qu'il est possible qu'elle n'ai alors pas été détectée, je lui avoue que je n'en sais rien, puisque c'est notre stagiaire qui l'avait opérée, et qu'elle n'est pas joignable.

Je ne lui dis pas que je me doute bien qu'elle ne l'a pas contrôlé, cet utérus, je ne sais même pas si je l'aurais fait moi-même, quoique je n'aurais sans doute pas choisi d'opérer par les flancs.

Mme Langin acquiesce, elle semble rassurée par mes explications mais il m'est très difficile de deviner ce qu'elle pense réellement,. Elle n'est vraiment pas très expansive comparée à son mari, qui peut être carrément caractériel. Sa réaction à lui m'inquiète, d'autant que je ne l'ai pas vu une fois depuis hier alors qu'il accompagne généralement sa chienne à chaque visite.

Je lui indique également que nous aborderons la facture une fois que nous serons sûr qu'il n'y aura pas de frais supplémentaires à engager. En mon for intérieur, j'envisage de dégraisser sérieusement la note. D'une part, ce sont d'excellent clients, d'autre part, je culpabilise à bloc.

Le lendemain matin, je revoie Fisher, qui se remet normalement. J'annonce à Mme Langin que nous avons décidé d'offrir la chirurgie, je lui en explique les raisons : à mon sens, l'hystérectomie aurait peut-être due être réalisée lors de la première intervention, si la masse était déjà là. Je lui explique bien qu'il n'y a pour moi aucun moyen de le savoir, et que comme nous suivons régulièrement Fisher, la clinique a décidé de faire ce geste commercial.

Le soir même, ma secrétaire m'indique que M. Langin est passé dans l'après-midi. Un brin inquiet, je lui demande s'il a donné des nouvelles de le chienne : oui, elle va bien, mais elle est fatiguée. Elle m'annonce aussi qu'il a réclamé toutes les factures depuis l'adoption de sa chienne.

Là, je le sens mal.

Vraiment.

Je suis responsable de l'intervention de ma stagiaire. D'ailleurs, je ne le regrette pas : elle a bien opéré, mais nous l'avons mal aiguillée par rapport à l'historique de la chienne. Et encore : si mon choix aurait été l'intervention par la ligne blanche, qui permet l'inspection de l'utérus, c'est parce que je suis paranoïaque, car à ma connaissance, l'hyperplasie vaginale n'est pas un motif d'hystérectomie, et il s'agissait des premières chaleurs de la chienne.
Mais je ne m'attends pas à ce que des maîtres inquiets suivent ce raisonnement, d'autant qu'à leur place, j'aurais certainement retenu le mot "stagiaire", et que tout cela semble lié.
En plus, je me doute bien que mon geste commercial peut être mal interprété, comme un signe de reconnaissance de culpabilité. D'ailleurs, au fond, même si je suis sûr de mon raisonnement médical, je culpabilise.

Les jours qui ont suivi ont été un enfer. J'ai revu une fois Mme Langin pour un contrôle, une semaine après l'opération. Fisher allait très bien, elle m'a de nouveau massacré les cuisses.
J'imagine la situation chez eux, avec la chienne à nouveau confinée, avec une collerette.
A leur place, je ne serais pas serein. Je continue d'expliquer, je souligne la parfaite récupération de Fisher.

Mme Langin est toujours aussi indéchiffrable.

Je me prépare au pire : coup de fil de l'Ordre, assignation.

Rien ne vient.

Une semaine plus tard, il y a un magnum de champagne sur le bureau. Notre secrétaire m'explique que c'est M. Langin qui est venu le déposer, lors du retrait des points de Fisher ce matin.

Je ne peux retenir un long et douloureux soupir.

Qu'en penser ?

Plusieurs années après cette histoire, j'analyse ainsi les réactions de chacun.

Pour ma part, je l'ai déjà indiqué, je culpabilisais. Je n'arrive pas à mentir aux gens, en tout cas pas dans cette situation, et j'ai choisi l'honnêteté brute, au risque de m'y casser les dents. Parler de la stagiaire était maladroit. Le but n'était pas de me défausser de ma responsabilité sur elle, au contraire : elle avait fait un bon travail, mais nous ne l'avions pas correctement aiguillé, ou peut-être que si. Nous ne saurons jamais si la masse était là lors de la première intervention.

M. Langin est probablement un homme qui aime payer et savoir qu'il offre le meilleur à sa chienne. Je le soupçonne d'avoir choisi nos croquettes pour nourrir Fisher, non pas parce qu'elles étaient les meilleures, mais parce qu'elles étaient les plus chères. Je crois aussi qu'il avait choisi notre clinique parce que nous avons l'apparence la plus professionnelle trente kilomètres à la ronde, et peut-être aussi parce que nous sommes relativement chers.

Pour lui, offrir la seconde intervention était, au-delà des ergotages médicaux, non seulement une reconnaissance de culpabilité, mais aussi une espèce d'insulte à sa capacité d'assumer les frais médicaux de sa chienne (et je suis certain qu'ils n'ont pas beaucoup d'argent).

L'intervention d'une stagiaire comme le cadeau étaient clairement en ma défaveur dans cette histoire. Je me plais à croire que mon honnêteté et ma cohérence dans mes explications, ainsi que mon insistance sur la nature commerciale de mon cadeau, ont joué en ma faveur.

Mais je ne sais pas ce qui se serait passé si Fisher avait souffert de séquelles ou pire, était décédée dans cette histoire.

jeudi 26 juin 2008

Loi du 20 juin 2008 sur les chiens dangereux.

Ca y est, la loi renforçant les mesures de prévention et des protection des personnes contre les chiens dangereux a été promulguée. Revue de détail.

Rappel des épisodes précédents :

Si vous avez un peu suivi, toute une catégorie de ce blog est dédiée aux chiens dits dangereux. Pour les plus intéressés, vous pouvez tout lire. Pour les autres, je vais récapituler rapidement.

A l'origine était la loi du 6 janvier 1999 sur les chiens susceptibles d'être dangereux, qui donna une existence légale au pitbull et tenta de trouver une solution de bon sens au problème : tous les stériliser, pour les faire disparaître, et punir les maîtres qui se promèneraient avec les survivants sans faire attention. On découvrit ainsi deux catégories de chiens dits dangereux, on réprima, et... on constata que ça ne marchait pas. On avait toujours de nouveaux pitbulls sur le marché, puisque le Journal de Mickey avait menti.
Le Journal de Mickey ? Oui, vous savez, Pat Hibulaire et autres brigands ont toujours un bandeau noir avec deux trous sur les yeux (on dit un loup, non ?), ça permet de comprendre qu'ils sont méchants. Le législateur aurait bien aimé qu'il en soit de même avec les chiens, et les pitbulls semblaient parfaitement coller au rôle. Idée splendide : en les stérilisant, ils disparaîtraient. Sauf que... un pitbull n'est finalement qu'un avatar raté de super-vilain et qu'un chien n'est pas génétiquement méchant. En plus, en croisant un boxer et un fox terrier, ou un labrador, ou à peu près n'importe quoi, on obtient un magnifique pitbull tel que défini dans la loi, et potentiellement aussi méchant que Pluto. Vous savez, l'ami de Mickey. Ou son chien. Bref.

Ca n'a pas marché. On a bien bidouillé un peu la loi ensuite, mais ça n'a pas été beaucoup mieux.

D'ailleurs, un gamin ou deux se sont fait manger par des chiens qui n'avaient pas leur bandeau noir. Il faut dire qu'entre 1989 et 2007, seules 5 décès sur 28 sont imputables à des chiens de catégories. Pour 23 provoquées par d'autres canidés ayant oublié de porter leur bandeau : des bergers allemands, des husky, un jagd terrier, etc. (et 6 qui n'ont pas été précisés). Et au-delà des morts, accidents dramatiques et spectaculaires, il y a aussi toutes les morsures qui restent généralement inconnues du grand public. Parfois, la presse et le président s'ennuient et s'éveillent soudain, promettant moultes répressions et punitions aux vilains porteurs de bandeaux. Ah zut, il ne portait pas de bandeau, celui-là.

Alors on s'est dit qu'on allait tous les euthanasier, tiens, les vilains pits et les Mirza qui avaient juste un peu une sale tronche. Un conseiller de bonne volonté a expliqué à la ministre que, par exemple, un croisement de labrador et de boxer ça donnait un pit, alors elle s'est dit qu'elle allait interdire ces liaisons accouplements dangereux, et surtout leurs produits (interdire, avec des chiens, ça veut dire tuer). Manifestement, le conseiller ne s'était pas bien fait comprendre. Puis finalement, ça n'a pas semblé très raisonnable, alors les débats ont avancé.

Le texte a fait des aller-retours entre le Sénat et l'Assemblée, subissant de nombreuses ajustements très importants. Les vétérinaires, notamment par l'intermédiaire de l'association Zoopsy, ont réussi à prouver que la profession pouvait s'impliquer dans le volet préventif,

Dans ces navettes, un observatoire des comportements canins, chargé de fournir des statistiques exploitables sur les morsures et autres impacts du chien dans la société française a joué le serpent de mer entre les deux chambres.
Le volet répressif s'est alourdi.
L'idée d'abandonner la catégorisation obsolète en fonction du bandeau noir n'a malheureusement pas été retenue, mais au moins les catégories n'ont pas été étendues.
Certains ont soutenu l'idée de catégoriser la dangerosité des chiens en fonction de leur poids.
L'idée d'évaluer le comportement du chien et de former le maître a été évoquée, puis retenue. Les conditions d'un détention d'un chien de garde par un professionnel du gardiennage ont également été définies.

La loi du 20 juin 2008

Je vous rappelle que vous pouvez trouver l'intégralité de ce texte sur Légifrance. J'ai déjà commenté une version assez aboutie de ce texte dans ce billet, consacré à la deuxième lecture au Sénat. Enfin, cette loi vient compléter celle du 6 janvier 1999, dont je parle ici, n'hésitez pas à vous y référer.
Le dernier rapport de Mme Vautrin, pour la commission mixte paritaire, détaille de façon intelligible les différents articles de la loi en précisant certains arguments des divergences entre l'Assemblée et le Sénat. Je reprends l'essentiel dans un ordre qui me semble plus logique.

Un observatoire du comportement canin

Il est institué, auprès du ministre de l'intérieur, des ministres chargés de l'agriculture et de la santé, un Observatoire national du comportement canin.
Un décret définit les conditions d'application du présent article.

Évidemment, le décret n'est pas paru. L'idée est de fournir des données et une structure capable de propositions dans le cadre de la lutte contre les chiens dits dangereux, mais aussi, plus largement, sur la place du chien dans notre société. Cette structure, souhaitée par le Sénat, était refusée par les députés qui craignaient, comme Authueil, une énième usine à gaz. Ou à pétrole, parce que c'est plus cher. A mon avis, cette structure est nécessaire, j'espère qu'Authueil se trompe et qu'elle sera productive.
Il faut quand même savoir que l'on légifère et argumente sans avoir de donnée fiable sur la dangerosité des chiens, sur le nombre de morsures, sur l'impact des lois précédentes, etc... Certaines mauvaises langues argueront que c'est une habitude de procéder ainsi, mais je ne serai pas fâché d'avoir des données sérieuses là où règne un mélange de bon sens (et je me méfie du bon sens), d'expérience empirique et un fatras de chiffres contradictoires.

L'obligation de déclarer les morsures

Les professionnels, dont je fais partie, devront passer outre le secret professionnel et déclarer au maire les morsures dont ils auront connaissance, même les plus minimes. Cette déclaration déclenchant éventuellement une action du maire dont vous allez découvrir les détails ci-après...

Une formation pour les maîtres de chiens considérés comme dangereux

Une des nouveautés de cette loi est de prendre en compte les chiens ayant déjà mordu, même légèrement. Les maîtres de ceux-ci, comme ceux des chiens des catégories créées par l'article L. 211-12 de la loi du 6 janvier 1999, devront suivre une formation dispensée par des éducateurs canins agréés.

Le rapport précise que :

La formation durerait une journée. Une partie théorique permettrait d’approfondir des connaissances sur le chien, son éducation, et les réseaux d’aide à l’éducation canine, ainsi que les règles fondamentales de sécurité relative à la garde de l’animal dans les espaces publics et privés. Lors d’une partie pratique, le propriétaire ou détenteur devra démontrer sa capacité à savoir faire marcher un chien à ses côtés et à le maîtriser, à savoir se faire obéir à des ordres élémentaires, savoir poser correctement une muselière, et maîtriser le comportement du chien en présence d’autres chiens et de leurs maîtres.

La formation sera à la charge du maître.

Une évaluation comportementale

Les chiens considéré comme dangereux, donc, par défaut, ceux des catégories 1 et 2 comme ceux qui auront déjà mordu (même légèrement !) devront passer par une évaluation comportementale. dans le dernier cas, ce sera donc éventuellement sur demande du maire. L'idée est de prendre en charge les chiens présentant des comportements agressifs même modérés afin d'éviter les véritables drames, car le bon sens et l'expérience (mais aucune donnée statistique ou validée, suivez mon regard vers l'observatoire) nous indiquent que les chiens qui ont mordu gravement avaient déjà fait preuve de comportements anormaux avant, comportements qui auraient du déclencher une alerte.

Notez que les sénateurs voulaient mettre en place un seuil de poids au-dessus duquel l'évaluation aurait été obligatoire en raison de la gravité supérieure des morsures des gros chiens. Ce critère a été abandonné, avec les justifications suivantes :

Les différents acteurs de la filière canine ne sont pas unanimes sur le poids critique. Le seuil de 30 kilogrammes, souvent évoqué, permettrait d’englober près du quart de la population canine. Mais de nombreux chiens considérés comme dangereux, appartenant aux catégories 1 et 2 notamment sont bien moins lourds. Un seuil plus bas concernerait un trop grand nombre de chiens, faisant peser des contraintes excessives sur leurs maîtres. Un tel dispositif serait sans doute inopérant, faute d’un nombre suffisant de professionnels qualifiés pour effectuer les évaluations comportementales. On ne peut pas non plus faire abstraction du risque de mauvais traitements de certains propriétaires de chiens qui ne les nourriraient plus assez, afin de maintenir leur poids en dessous du seuil réglementaire. Or on sait bien que ces mauvais traitements augmentent la dangerosité des chiens. Enfin, un tel seuil risque d’augmenter encore les abandons d’animaux.
En outre, comme l’indiquait le ministre de l’Intérieur, si le poids de référence était fixé à 30 kg, plus de 2 millions de familles seront concernées. Le contrôle de l'efficacité de cette mesure sera donc extrêmement difficile.
Votre rapporteur estime que l’article 4 apporte déjà une solution à ce problème, en soumettant à évaluation comportementale tout chien mordeur : les morsures sérieuses sont en général précédées de petits incidents. Si les chiens sont mis sous surveillance et leurs maîtres responsabilisés dès ce stade, cela doit permettre de prévenir les morsures dangereuses.

L'évaluation sera à la charge du maître.
Je reprendrais ultérieurement ce point spécifique qui concerne la profession vétérinaire dans un billet dédié.

Une augmentation des pouvoirs des maires

Dans le prolongement de la loi du 6 janvier 1999 et de l'extension du pouvoir des maires avec celle du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, le maire peut (et va) réclamer une évaluation comportementale puis une formation du maître pour tout chien ayant mordu, s'il ne choisit pas, comme il peut déjà le faire en cas de "danger grave et immédiat", de le placer dans un lieu de dépôt et, le cas échéant, et après avis (consultatif) d'un vétérinaire, de faire procéder à son euthanasie. Notons que rien ne définit un danger grave et immédiat...

Un permis de détention des chiens de première et deuxième catégories

Les détenteurs habituels de chiens de première et seconde catégories devront posséder un permis de détention réunissant les anciennes obligations (vaccination, assurance, etc) et les nouvelles, décrites ci-dessus. Ce permis sera délivré par le maire, qui pourra le refuser si le chien est considéré comme dangereux lors de l'évaluation comportementale (ou pour d'autres raisons d'ailleurs).

Le permis ne sera pas obligatoire pour les gens qui détiendront temporairement le chien, comme vos parents si vous leur laissez votre rottweiler pour le week-end. Par contre, dans ce cas, vous serez responsable de votre chien. L'idée est de responsabiliser les maîtres.

Je reprendrai les détails de ce permis dans un autre billet.

Un suivi administratif des animaux dont l'identification est obligatoire

Ou, le retour de Big Brother.

La collecte et le traitement des données ainsi que l'échange d'informations entre les structures professionnelles et la base de données nationale d'identification des animaux sont indispensables pour permettre le fonctionnement du dispositif de traçabilité des animaux et pour assurer une meilleure connaissance des filières.

Mouais. Fichons, fichons.

Les chiens de gardiennage

La loi prévoit toute une série de mesures concernant ces professionnels afin de s'assurer de leur qualification. D'importantes mesures répressives sont déployées afin d'obliger les employeurs de ces agents à assurer et contrôler la formation de leur personnel.
Je ne développerai pas ce point plus avant, à moins qu'il y ait des personnes intéressées ?

Renforcement des sanctions

Sur le modèle des accidents de la route, les accidents provoqués par les chiens entraînent pour leur maître des peines graduées qui peuvent être extrêmement lourdes. Maître Eolas, avocat, a déjà dit ce qu'il en pensait par ici, ou encore , et moi par là.

Mise en place des mesures

Elle sera progressive, jusqu'en décembre 2009. je reprendrai le calendrier dans les billets sur le permis de détention ou l'évaluation comportementale, mais vous pouvez le trouver ici.

Mon avis

Mon premier regret, c'est le manque de courage du législateur qui ne va pas au bout de son raisonnement et n'abandonne pas les catégories créées par la loi du 6 janvier 1999, qui ont largement prouvé leur inadéquation avec la réalité.

Mon second regret, c'est l'importance du volet répressif, qui, à mon sens, n'améliorera pas la situation. D'autant que les pouvoirs du maire sont très étendus et peu susceptibles de recours... le vétérinaire aura un rôle central à jouer dans ses décisions, mais sera-t-il écouté ?

Par contre, dans les bons points, on prend en charge les chiens mordeurs dans un dispositif à la fois préventif (évaluation comportementale, formation) et répressif (puisque ces deux points peuvent déboucher sur des sanctions, jusqu'à l'euthanasie pour les plus dangereux).

On prend enfin en compte la nécessité de données fiables avec l'observatoire du comportement canin.

Cependant, je pense sincèrement que cette nouvelle loi est inadéquate. Notamment avec la persistance des catégories. En réalité, avait-on vraiment besoin d'elle ? Il me semble que la loi aurait pu se résumer aux mesures concernant les chiens ayant mordu, avec évaluation et formation, et que tout le reste aurait pu être oublié... tout en abrogeant la loi de 1999.
Je me dis cependant que les choses auraient pu être bien pires, surtout pour une loi lancée sur un fait divers. J'apprécie que les professionnels, vétérinaires comme éducateurs, aient pu la faire évoluer dans le bon sens.
Alors je ferai avec, je réaliserai des évaluations comportementales et des diagnoses de catégories, et je soupirerai en entendant une dame m'expliquer qu'il faudrait tous les euthanasier, ces piteboules, tandis qu'elle caresse, d'une main distraite, le pit qui est venu lui dire bonjour au comptoir (ne riez pas, ça m'est arrivé).

samedi 8 décembre 2007

Commission des lois du Sénat : le rapport Courtois

Le rapport Courtois de la commission des Lois du Sénat a été adopté à l'unanimité, ainsi que ses amendements, le 24 octobre 2007.

Ce rapport est très intéressant car il nous éclaire sur le raisonnement du législateur (et moi, dans ce cas précis, ça me rassure) et nous fournit plein de chiffres que je n'avais jamais trouvé (des statistiques sur les chiens de première et seconde catégories, par exemple !). L'historique de cette loi est également passionnant.

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