Erreurs de jugement ?
lundi 3 novembre 2008, 21:12 Vétérinaire au quotidien Lien permanent
Par Vache albinos, invité de luxe
Les vétérinaires ne sont pas infaillibles. Personne ne l’est. Tout le monde peut faire des erreurs.
Mardi, 8h00 :
Coco ne veut pas rentrer dans sa cage d’hospitalisation. Les patrons s’impatientent. Moi, arc-bouté au-dessus de cette masse remuante de 40 kilos, je tente avec tact, professionnalisme et sang-froid d’ignorer les regards surpris de ses propriétaires, les Deveaux. Bras croisés, ils me regardent conserver un sourire de rigueur tout en jurant intérieurement pour que leur « fille » accepte de rentrer dans cette cage. Ne vous inquiétez pas, messieurs dames, j’ai l’habitude. Non non, rien d’anormal, elle est juste mécontente de voir son docteur. Elle est à jeûn, ce qui n’arrange rien à son envie de rester éloignée de sa gamelle. Et oui, on est obligé d’être à jeun avant une anesthésie, pour éviter les vomissements intempestifs en cours de chirurgie, et les risques de pneumonies par fausse déglutition associés. Les questions pleuvent, une fois de plus. On me les a déjà posées lors de la prise de rendez-vous, puis la veille, puis à l’arrivée à la clinique. Ce n’est pas grave, je préfère, même, voir des gens impliqués comme eux plutôt que d’autres qui croient tout savoir et font à leur manière.
Avec peine, Coco se retrouve en cage, et les Deveaux en direction de la sortie. Madame pleure déjà. Ce n’est qu’une stérilisation, madame, soyez sans crainte. Évidemment, tout peut arriver, les voies de la physiologie sont parfois impénétrables. Mais des interventions comme celle-là, on en fait tous les jours, les risques sont minimes. Ils y tiennent, à Coco, c’est évident. On se connaît peu, mais j’ai une certaine sympathie pour les Deveaux et leur « fille » Coco.
Mardi, 11h00 :
Coco rentre dans sa cage sans rechigner. Je suis toujours arc-bouté, mais en-dessous cette fois. La chienne dort paisiblement, sa stérilisation s’est parfaitement bien passée. Un exemple, même. Pas de suffusions, pas de graisse gênante, pas d’anomalie des bourses ovariennes, une ligne blanche parfaitement visible… Rien à signaler. Ma chirurgienne est contente – elle l’est à chaque fois qu’elle finit une chirurgie, même si elle en est à la 500e. Les Deveaux seront contents – et soulagés. Je serai content – quand ils le seront.
Mardi, 16h00 :
Les Deveaux sont là. Leur air surpris ne me surprend plus, moi. Coco sort calmement de la cage, les reconnaît, leur saute dessus. Elle a très bien supporté son intervention, cela se voit. M. Deveaux relève vers ma chirurgienne son regard, toujours aussi surpris, mais légèrement durci.
- C’est normal qu’elle soit aussi bien réveillée ?
Quand l’anesthésie est correctement dosée et que la douleur est gérée, oui. Les remarques suivantes s’enchaînent, tantôt questionnements, tantôt constatations, laissant apparaître en filigrane la thèse développée : tout ne se passe pas comme M. Deveaux l’avait imaginé. Ça va trop bien, c’est donc louche… J’en viens à me demander s’il aurait préféré la reprendre dans le coma, s’il aurait été moins blessé, ou moins blessant. C’est à n’y rien comprendre. Il ne supporte pas d’avoir manqué la convalescence de sa « fille » ? Je suis un peu dépité.
En partant, je réitère mon éternel :
- Et surtout, si le moindre souci devait survenir, la moindre anomalie par rapport à tout ce que je viens de vous expliquer, n’hésitez pas à nous appeler, nous sommes là pour cela. Il n’y a pas de question stupide.
M. Deveaux s’en va, mi-figue mi-raisin, une Coco pimpante à ses côtés, prête à en découdre avec cette gamelle qui lui a trop longtemps résisté.
Jeudi, 23h15 :
Le téléphone sonne. M. Deveaux est très inquiet, cela se sent. Coco va mal, très mal. Comme ça, d’un coup ? Il n’est pas disposé à développer. « On » - moi – est en train de tuer sa « fille », il faut agir d’urgence. Les seules informations que je lui soutire sont peu engageantes : elle est froide, elle respire mal. Hémorragie ? Rien n’est impossible, mais quand même, avec toutes les précautions qui sont prises… Déjà, la route défile devant mes yeux.
Jeudi, 23h45 :
Ma chirurgienne et moi sommes sur place lorsque les Deveaux arrivent. Je les attends sur le pas de la porte, Coco est lourde, il y aura peut-être besoin de la porter. Le coffre s’ouvre : elle est morte. Ma chirurgienne salue M. Deveaux d’un poli et discret bonsoir. En réponse, on me sert un regard assassin et un « Pas bon soir, non, il n’est pas bon du tout ».
Vendredi, 0h30 :
Mme Deveaux est inconsolable. M. Deveaux est outrageant de colère. Dans ces moments-là, on a droit aux éternelles contradictions :
- je ne vous en veux pas mais c’est de votre faute ;
- je ne remets pas en cause vos compétences mais vous avez du faire une erreur ;
- Vous êtes un très bon médecin mais je ne vous ferai pas de la pub ;
et le systématique :
- Ce n’est pas une question d’argent, mais il est évident que vous allez me rembourser.
Le tout servi avec un soupçon de hargne et une lampée de poings levés.
De mon côté, j’essaie de comprendre ce qui s’est produit. Mais au milieu de la foire d’empogne qui se déroule, aucune idée ne vient. Selon eux, cela a été très brutal. Rien à signaler jusqu’à ce soir. Selon eux, c’est une septicémie. Et ça, je le déments, c’est impossible, rien ne colle au profil du défaut d’asepsie, à commencer par nos bonnes pratiques, mais pas seulement elles : le profil clinique ne correspond pas – oui, même quand on est sûr de ses bonnes pratiques, il faut savoir se remettre en cause.
Coco n’est pas déshydratée, elle n’est même pas pâle, son ventre n’est pas gonflé… Et puis mince, je n’arrive pas à me concentrer avec M. Deveaux au milieu qui me ressert ses histoires de fric.
Je vais déjà m’asseoir sur mes frais de déplacement, mon urgence et l’incinération, ça je l’avais bien compris. J’essaie d’argumenter selon trois axes :
- dans l’état actuel, je ne me sens pas responsable, rien ne laisse suspecter une défaillance de notre part. Seule une autopsie et des examens de l’hémostase, par exemple, pourraient nous en dire plus.
- c’est tout simplement la première fois que je suis confronté à cette situation brutale et tragique, je ne sais pas comment gérer l’aspect financier qu’il recouvre. J’ai besoin d’un temps de réflexion, mais suis ouvert au dialogue.
- je compatis grandement à leur peine, mais j’ai un certain nombre de frais incompressibles, qu’il n’est pas de ma responsabilité d’assumer au vu du fait que je n’ai probablement pas de mise en cause possible sur la qualité du travail fourni.
Vendredi, 0h50 :
Ma chirurgienne, à bout, s’effondre en larmes. Je viens de rendre le chèque à M. Deveaux, qui le saisit d’un air triomphal. Qu’il aille au diable avec !
C’est alors que magnanime, il plonge la main dans son sac-banane et me dit :
- Je vais vous filer 50 euros, ça ira pour le dérangement de ce soir et les frais mortuaires de notre fille.
J’ai interrompu son geste et l’ai convié à rentrer chez lui, poliment. Avec difficulté, mais poliment. Sur le pas de la porte, Mme Deveaux m’esquisse un sourire – reconnaissant, compréhensif, condoléant ? – et me bredouille :
- J’aurais peut-être dû vous appeler ce matin, je trouvais qu’elle avait les pattes froides déjà…
Rentrez chez vous, par pitié…
Vendredi, 4h00 :
J’ai du mal à dormir. J’aurais du l’autopsier, malgré l’heure. Les Deveaux n’ont pas souhaité cet examen posthume, mais ne me l’ont pas interdit. Cette fois, il m’a convaincu : la chirurgie est enc ause, une suture s’est rompue, a glissée… Il faut que je sache. Coco est en chambre froide, pas au congélateur. On peut encore intervenir. Dors, bon sang, demain matin, tu opères une autre Coco, et si c’est une erreur humaine, la fatigue n’arrangera rien. Mais si c’est une erreur humaine, il faut le savoir avant d’opérer la suivante. Arrête de divaguer, c’est la 1000e qu’on opère, y’avait jamais eu d’erreur humaine avant…
Vendredi, 8h00 :
La nuit porte conseil, j’ouvre fébrilement l’un de mes ouvrages de références. Je n’ai pas les idées claires, je veux être sûr que mon raisonnement, façonné au cours d’une nuit difficile, est le bon. J’ai parfaitement en tête le déroulement présumé des événements, les membres froids, la mort rapide après 36h sans soucis post-opératoires, les muqueuses légèrement pâles, pas trop, le liquide séreux ponctionné dans la cavité… thoracique ! Un liquide sanguinolent, mais pas sanguin. Rouge, brun, très liquide, trop liquide. Incoagulable. Le billet de Fourrure m’est revenu en tête, dans la nuit, tandis que mes idées s’éclaircissaient que je pouvais oublier M. Deveaux pour me concentrer sur la médecine, la vraie. Ce billet racontait l’histoire d’une chienne en hémorragie pendant sa stérilisation. La frustration de ne pas connaître la fin. Pour Bali, la chienne intoxiquée aux liliacées dont j’avais raconté l’histoire dans les commentaires du même billet, j’avais trouvé le mystère à l’énigme, même si cela m’avait fait perdre un client, et un patient. Pour Coco, au moins pour elle à défaut de ses patrons, je devais trouver !
Vendredi, 8h30 :
L’autre Coco attend son opération. Pas question de l’opérer sans avoir éclairci le cas de la veille. Ma chirurgienne a vérifié ses sutures, rien à signaler, pas d’anomalie de ce côté-là. Le verdict tombe enfin : CIVD, coagulation intravasculaire disséminée. Sûr à 90 %. J’en suis, en tous cas, personnellement convaincu, et pas parce que ça a le mérite de mettre ma chirurgienne hors de cause, mais bien parce que tout colle. « Fréquemment rencontré lors de complications obstétricales », note mon ouvrage de référence. Un poids qui pesait insidieusement sur mes épaules et mon humeur m’est soudain ôté.
Vendredi, 9h00 :
- Bonjour cher Confrère Albinos
- Bonjour.
- Vous allez bien ? me demande ce confrère avec qui je partage beaucoup de mon expérience quotidienne.
- Bof, pour être honnête, très mauvaise nuit.
S’en suit une longue narration du cas Coco Deveaux.
- Mon cher confrère Albinos, vous avez fait une erreur de jugement.
Un poids qui se dissipait à peine revient à la charge. Si c’est pour me blâmer, M. Deveaux le fait très bien, je n’avais pas besoin d’un coup de plus.
- Vous ne pensez pas que c’était une CIVD ?
- Ah cela, bien sûr que si, j’ai perdu deux patients de la même manière. Votre erreur, c’est d’avoir cru que le remboursement vous ferait pardonner.
-Euh… Ce n’est pas tout à fait cela. J’ai surtout voulu participer à leur douleur, tirer un trait et, pour tout dire, me débarrasser d’un débat stérile à une heure indue…
- Mais pas du tout ! En remboursant, le vétérinaire donne de l’eau au moulin du client. Si vous ne remboursez pas, vous êtes un connard qui n’assume pas ses erreurs. Si vous remboursez, implicitement, vous reconnaissez qu’il est légitime d’attendre de votre part un dédommagement, et donc que vous avez commis une erreur.
- oui, mais à ce moment-là, on ne pouvait pas garantir les responsabilités de chacun…
- Et alors ? Quand un avion s’écrase, il y a des tas de morts. Tout le monde est triste. Mais la compagnie aérienne ne fait pas un chèque aux familles de victimes à l’aveuglette. Les expertises servent à cela.
- Mais quand le client ne veut pas…
- Et bien qu’il aille se faire voir. Lui, il a de la peine, un chèque n’y change rien. Vous, vous avez fait votre travail, et vous assumez les frais et la responsabilité d’un crime que vous n’avez pas commis. Qu’ils fassent un procès aux molécules de la coagulation ! De toute façon, vous ne vous êtes pas acheté une bonne conscience en remboursant les frais.
- c’est vrai.
- cela ne vous aura pas rendu moins coupable aux yeux de vos clients.
C’est vrai aussi. Je revois encore M. Deveaux, fulminant, crier au ciel que de toute façon, il ne risque pas de revenir chez nous, même s’il n’a rien à nous reprocher, bien sûr.
Une erreur de jugement… Fatigue, stress, inexpérience, défaut de formation en management ? Je ne sais pas, mais j’ai cédé. Il ne fallait pas, mais je l’ai fait. Peut-être pour moi, peut-être pour Coco. Pas pour M. Deveaux, cela, c’est certain. La seule image qui me restera de cette mésaventure, c’est un homme dur, volontairement blessant, m’expliquant que « je n’avais aucune idée du mal que j’avais pu leur faire, et de la peine qu’ils pouvaient ressentir ». Oh si, monsieur, je ne le sais que trop. Coco n’est pas partie par ma faute, mais je regrette qu’elle soit partie. Ce n’était pas ma chienne, mais c’était ma patiente ; c’est un lien fort, également, pour qui a une conscience professionnelle. Je ne dors pas mieux que vous, monsieur, après ce genre d’épisodes, et les larmes de ma chirurgienne n’étaient pas feintes. Pas plus que ses tremblements lors des chirurgies suivantes, ses hésitations, ses doutes, ses remises en question.
Vous pourrez recevoir et sauver 500 patients, si le 501e meurt, vous serez, pour l’entourage de ce 501e, un mauvais vétérinaire. Qu’il meure par votre faute ou pas, que vous ayiez ou pas fait tout ce qui était humainement possible, pris ou pas les précautions nécessaires, expliqué bien ou mal la situation, choisi ou pas les bons mots. Le seul crime que vous aurez parfois commis, c’est d’avoir été le dernier à voir la bête en vie.
Vous serez un mauvais vétérinaire.
Erreur de jugement ?
Commentaires
Merci pour ce très bon billet, Vache Albinos.
Pourriez-vous expliquer un peu ce qu'est une "coagulation intravasculaire disséminée" ?
Ben ça c'est une dure épreuve. je viens souvent ici, sans intervenir, mais là j'ai envie de causer.
J'ai toujours eu peur de réagir comme le monsieur, sous le coup du chagrin. Du coup, j'emmène toujours mes chats se faire stériliser en envisageant de ne pas les récupérer. Je pars du principe que j'en sais moins que la personne à qui je les confie, c'est d'ailleurs pour cela que je fais appel à ses services. S'il y a un problème, je ne saurais pas le régler moi-même.
Mon cheval de 25 ans est mort l'hiver dernier, mon pote de toujours. C'était entre Noël et le 1er de l'an. Le véto est venu deux fois. Je ne sais pas de quoi est mort mon cheval. C'est dérangeant de ne pas savoir ce qu'il s'est passé, j'ai passé du temps sur le net à chercher des infos, des pistes. Tout ça pour me rappeler au final que le véto en sait toujours plus que moi, et qu'on n'a tout simplement pas pu prolonger la vie de ce cheval.
La véto qui suit mes chats je lui fait confiance, on se connait depuis 10 ans, elle a placé plusieurs loustics chez nous.
Celui qui s'est occupé de mon cheval je ne l'avais jamais vu. Je l'ai trouvé étrange, à la fois très sympa avec les chevaux et étrange dans l'ensemble avec moi. Si je ne le rappelle pas, je veux être certaine que ce ne soit pas à cause de la mort de mon cheval. C'est tellement facile de trouver un responsable à son chagrin, mais cela n'est pas juste.
J'imagine la souffrance qu'elle soit de ton côté ou de celle du maitre. Mais même s'il s'agissait d'une erreur, il n'a pas le droit d'agir comme ça. Un vétérinaire n'est pas un dieu.
S'il voulait vraiment savoir, il n'avait qu'à accepter l'autopsie. Toute opération comporte un risque sacré nom de nom.
Quinze jours avant la fin de ma boule de poil, mon vétérinaire l'a vue. Il a fait une prise de sang, l'a auscultée, n'a rien trouvé à part un ventre un peu gonflé. Aurait-il vu quelque chose que ça n'aurait rien changé. Je ne songe même pas à lui en vouloir...
Bon courage.
Je réagis avec une certaine violence au comportement de monsieur Devaux, que je trouve (mais ça n'engage que moi) méprisable.
La plupart des gens disjoignent ce qui "s'achète" et ce qui ne s'achète pas, dont l'amour d'un animal fait partie.
Personnellement, j'ai vécu, il y a quelques mois, la mésaventure suivante : Consultant un lapereau pour une banale conjonctivite bactérienne, au terme d'une consultation "sympa" (lapereau en pleine forme malgré son souci oculaire, dame et son fils sympathique), j'ai la "mauvaise idée" de vouloir injecter une dose d'antibiotiques au lapin, qui décède sous la seringue, probablement d'un ACR (arrêt cardio respiratoire) de stress.
Au terme de tentatives illusoires de réanimation, je retourne annoncer cela à la dame qui me demande des explications.
Je lui réponds que je n'en ai pas, que le produit utilisé l'est couramment chez le lapin, est bien toléré par cette espèce.... Qu'il se peut qu'il ait "fait" une réaction anaphylactique dans ce cas rarissime à ma connaissance, ou un ACR suite au stress. Que pour le savoir, on pourrait éventuellement pratiquer une autopsie, ce dont je peux me charger, à moins qu'elle ne souhaite emmener la dépouille chez un confrère.
— "Et" me dit-elle "c'est tout ?"
Sonnette d'alarme dans ma tête
— "Croyez bien, madame, que je suis navrée de ce qui vient de se passer [Je le lui avais dit dés le début, cela...] , mais je vois mal ce que je peux vous proposer d'autre..."
— "Je vais vous dire, moi, ce que vous pouvez me proposer ! Déjà, il est hors de question que je vous règle le moindre centimes d'euros. Ensuite, je suis venue avec un lapin en parfaite santé à part son problème d'œil, et je repars sans lapin. Aussi allez-vous me donner trente euros afin que mon fils puisse acquérir un autre lapin."
Je ne l'ai pas fait. Je lui ai expliqué que, à ma connaissance, je n'avais commis aucune erreur et qu'un dédommagement n'était possible que par le biais de l'assurance RCP de mon employeur et uniquement si une autopsie établissait que son décès était dû à une erreur de ma part. Je ne lui ai cependant pas demandé de règlement pour la consultation préalable au décès de la petite bête.
Pour moi, et bien que, à ce moment là j'aie éprouvé le besoin d'appeler rapidement une amie véto pour qu'elle me conforte dans ma position, il est bien clair qu'indemniser soi-même un client ou rembourser un règlement revient à admettre que l'on se sent coupable, que l'on estime avoir commis une erreur.
Pour autant, la démarche de la dame, dans la façon dont elle était présentée m'apparaissait respectable.
Alors que la façon dont tu décris Mr Devaux me ulcère au plus haut point. Je trouve ses réactions telles que tu les décris, tordues, malsaines : Vouloir systématiquement qu'il y ait faute et qu'elle appartienne entièrement au vétérinaire, le hacher menu de reproches, de commentaires désobligeants et gratuits que tu cites, de bassesse (m’expliquant que « je n’avais aucune idée du mal que j’avais pu leur faire, et de la peine qu’ils pouvaient ressentir »), le harceler jusqu'à ce qu'il rembourse l'opération (200, 300, 400 pauvres euros peut-être selon les régions, les clientèles, la taille de la chienne... en tous cas une simple somme d'argent sans aucune commune mesure avec la relation affective que l'on peut avoir avec son chien...).
Pour terminer, oui, je pense que tu as commis une erreur en le remboursant, mais je pense aussi que tu as été soumis à une pression énorme.
Cette histoire est regrettable pour tous ; je n'oublierais pas Mr Devaux dans ces regrets si son comportement tel que tu le décris ne m'en empêchait un peu... Il est toujours regrettable qu'un animal décède après une chirurgie de convenance. Mais à en faire beaucoup, nous oublions que le risque anesthésique n'est jamais nul.
En revanche, je crois que personne ne devrait s'arroger le droit de nous reprocher de ne "pas savoir".
Amicalement
Des M. Deveaux, il y en a plus qu'on ne le croit. Il en sommeille sans doute au coeur de nombre de nos clients. J'en ai découvert avec stupéfaction dans ma famille lorsqu'un proche est décédé. La colère étant, cette fois-là, dirigée contre les médecins...
Il est facile de juger cet homme, et, clairement, il aurait pu avoir des réactions plus intelligentes, ou plus dignes, ou moins ceci, ou moins cela.
Mais mettez-vous à sa place. Pensez à votre animal préféré, ou, à défaut, à un membre de votre famille. Retracez le calendrier des évènements.
Peut-être qu'à froid, M. Deveaux aurait été beaucoup plus facile à aborder. Peut-être regrette-il sa réaction. En l'espèce, avec le remboursement qui vient conforter son appréciation, j'en doute... mais sait-on jamais. Peut-être aussi est-il simplement un gros con, et point barre.
Mais ne jugez pas trop vite...
Il me semblait qu'entre vétos l'usage était de se tutoyer, et sur internet aussi... Personnellement lorsque je vouvoie en semblables circonstances, c'est pour marquer une distance ou une désapprobation, mais tout le monde n'a évidemment pas les mêmes codes... :=)
Tout d'abord je ne souhaitais pas émettre de jugement sur monsieur Devaux [NDLR : Définition du mot "juger" d'après cette page (http://www.le-dictionnaire.com/defi...), c'est entre autres "porter une appréciation — être d'avis, estimer ..."], parce que j'estime personnellement que personne ne peut se ramener à une simple "anecdote" de plus vécue dans des circonstances particulièrement difficiles et que donc, tout "jugement" émis ne peut être que partiel, voire erroné. Il me semblait donc bien avoir dit que je parlais de son comportement et ses réactions dans cet incident. Je ne me permettrais pas de juger de ce qu'il est, bien qu'il soit parfois difficile de ne pas effectuer d'approximations.
Par ailleurs, oui, bien sûr, je pense et j'ai pensé en te lisant, à mes animaux. J'ai notamment vécu le décès d'un chien que j'aimais tendrement, et au sujet duquel il serait "facile" de penser que le vétérinaire est responsable. Mais rien n'est aussi simple. En revanche, il y a des gens qui font la part des choses, d'autres non, certains rapidement après un incident, d'autres moins, d'autres jamais...
Et, non, je ne juge pas "trop vite".... Je m'exprime en fonction de ce que je suis et de ce que je lis... Il y a peut-être des éléments dans mon précédent post que je formulerais un peu différemment si j'avais pris plus de temps, mais je ne reviens pas sur ma position, ni sur mon soutien à Vache albinos et à sa chirurgienne.
Amicalement
Fourrure :
Je ne crois pas avoir jamais tutoyé personne sur ce blog, hormis les gens que je connais personnellement. Ou alors, ça m'a échappé, car j'essaie de me tenir au vouvoiement.
En ce qui me concerne, ce vouvoiement est une marque de respect. J'ai d'ailleurs, depuis toujours, eu beaucoup de mal à tutoyer mes confrères sous prétexte de confraternité. Cela me semble... bizarre. Peu importe :de toute façon, mon commentaire ne concernait pas forcément le vôtre, et visait plus large, car il est trop facile, comme vous le soulignez, de voir M. Deveaux en noir, comme il est trop facile pour lui de voir dans le praticien le responsable de la mort de son chien. N'oubliez pas que mon blog est plus destiné au grand public qu'aux vétérinaires, même s'ils sont les bienvenus et si leurs commentaires apportent des éclairages très intéressants, pour moi comme pour nos lecteurs. Et que des choses qui peuvent nous sembler évidentes ne le sont pas du tout pour ces mêmes lecteurs !
Enfin, si j'ai choisi de publier in extenso le billet de Vache albinos, cela donne sans doute une idée de ma propre position...
Je suis de toute façon content de lire des réactions comme celles qui sont apparues plus haut, pour des raisons tout à fait personnelles comme pour l'humanité qu'elles peuvent démontrer à nos lecteurs. Humanité que le blog Entre pénombre et lumière met d'ailleurs en valeur à chacun de vos billets.
Merci.
Bien reçu, et réciproquement. :=)
J'aime bien venir ici. J'en repars avec plein de réflexions sur une situation, ou sur des réactions, et du coup sur mes propres réactions dans une situation donnée.
Ca m'aide à comprendre...
Merci pour ce blog ;-)
Bonjour ou plutôt bonsoir, je rejoins Fraisouille63 et sa demande "qu'est ce qu'une coagulation intravasculaire disséminée ?" et du coup je ne suis pas sûr de comprendre le billet et son titre qu'est-ce qui est l'erreur de jugement ? d'avoir rembourser de Deveaux ? ou ne pas avoir soigner ou diagnostiqué à temps la CIVD ?
Fourrure :
La CIVD est abordée (un peu) ici. Elle aurait pu être diagnostiquée si le propriétaire de la chienne l'avait ramenée plus tôt. Elle ne pouvait pas être prévenue, c'est une complication plus que rarissime...
C'est tellement courant et tellement humain à la fois, remplacer la douleur par la colère et faire porter la faute à celui qui a agit, quel qu'ait été son acte...
La colère contre le médecin qui n'a pas pu sauver ce que la nature avait décidé de tuer, contre le salaud qui a blessé accidentellement l'un des nôtres parfois même contre le parent qui reste alors que l'autre part.
On a besoin d'un coupable, toujours, pour se mettre soi même hors de cause.
Merci pour vos réactions. J'essaie de vous parler de la CIVD d'ici à la semaine prochaine. Pas trop de temps pour faire un truc propre et bien pensé, pas "connaissances en vrac", cette semaine, mais promis je tente de vous faire un petit topo assez vite. Pour le titre, "Erreurs de jugement", dans ma tête il y en a plusieurs, notamment l'erreur de jugement liée à la gestion financière de l'affaire, celle liée aux réactions des clients, celle liée aux a priori, positifs ou on, que l'on peut avoir sur nos clients, etc.
Bonsoir Fourrure
Je comprends parfaitement le ressenti que tu as pu avoir... Il nous est arrivé non pas de fustiger notre vétérinaire (il est pourtant arrivé des choses en la matière en 9 années d'élevage) mais d'être confronté en tant qu'éleveurs à peu près aux mêmes remarques pour le moins désobligeantes et d'autant plus "injustes" que l'on avait tout fait auparavant pour remplir notre rôle...
Perso je tends le dos à chaque fois car le jour où nous tomberons sur un procédurier, une chose est claire : nous arrêterons l'élevage, tout simplement !
Le problème est que les "néophytes" de clients ne cherchent même pas à comprendre et ne voient que leur "intérêt" personnel même s'ils s'en défendent... comme toujours finalement...
J'apporte un témoignage en tant que propriétaire. Je pense que tout dépend aussi de la confiance et de la relation que l'on peut avoir avec son vétérinaire. Par ex est-ce que ce Monsieur Devaux était un fidèle client du Dr Vache Albinos (tout bizarre comme pseudo) ?
Le témoignage de Dragon d'eau m'a aussi fait réflechir car j'imagine que je n'aurais pas eu la même réaction si étant la propriétaire du lapin j'avais eu à faire à un vétérinaire de garde (ou inconnu) ou à mon vétérinaire attitré.
J'ai perdu une lapine de 7 ans il y a 2 mois. Une lapine en bonne santé, qui était cependant suivie très rugulièrement car avant subi un cystotomie en décembre 2007 et il était important pour mon véto et pour moi que des contrôles de la vessie soit effectués de manière régulière. Elle avait eu une viste de contrôle un mois avant et tout était ok. Un dimanche soir vers 23h, alors que tout allait bien quelques minutes avant, je m'aperçois que ma lapine n'est pas comme d'habitude, elle bouge moins, cherche à trouver une bonne position mais continue à s'alimenter. Je constate qu'elle penche légèrement la tête de côté (mais presque rien). Je passe une mauvaise nuit sachant qu'elle a certainement un problème qu'il faut traiter rapidement. J'appelle à l'ouverture de la clinique, ma lapine n'est toujours pas en forme mais mange volontier la verdure que je lui tiens. RV à 11h, j'arrive, mon véto prend sa température, 41°C. Il pense à une otite interne, lui injecte 2 antibiotiques + un corticoide (elle a mal sur le coup) et je dois revenir tous les jours pour des injections jusqu'à guérison. Pessimiste je rentre chez moi et à peine le temps de poser ma lapine qu'elle décède dans mes bras. L'horreur totale. Je rapporte le corps à la clinique en pleurant et mon vétérinaire pense qu'elle a du succomber à une septicémie mais pourquoi, pas vraiment de réponse car il n'y a eu aucun signe précurseur de quoi que ce soit, elle est partie en 12h de temps.
Pas un seul moment j'ai pensé que ma lapine était morte à cause d'une erreur médicale car j'ai confiance en mon vétérinaire et qu'il suit mes lapins depuis 8 ans.
Idem il y a 3 ans j'ai perdu un précédent lapin suite à une grosse chirurgie (la deuxième en 6 mois) dont il avait peut de chance de se sortir (et de toute façon condamné sur le court terme mais il gardait "la forme"). La chirurgie s'est bien passée, le lendemain il était considéré comme miraculé, il est resté 3 jours à la clinique car sous perfusion, je venais le voir et lui apporter sa verdure tous les jours sur place. Le lendemain de son retour chez moi il meurt d'un oedème pulmonaire dans mes bras. J'ai payé la facture de 398€ et n'ai absolument rien reproché à mon vétérinaire.
J'ai une confiance totale en mon véto, j'estime qu'il a toujours fait le maximum pour mes lapins et quant bien même il ferait une erreur je ne pense pas que je réagirais comme le Monsieur du témoignage du Dr Vache Albinos, parce que la confiance et le respect est là.
Maintenant face à un vétérinaire inconnu j'avoue que j'aurais pu être beaucoup moins d'indulgence car j'ai eu auparavant à faire à des vétérinaires catastrophiques.
Fourrure :
Oui, le fait de connaître son vétérinaire, comme son médecin, permet d'établir une relation de confiance qui aide, à mon avis, à prendre un peu de recul dans la réaction face à la mort.
Cela dit, le terme d'indulgence que vous choisissez à la fin de votre mot me chiffonne. Il me paraît correspondre à une situation dans laquelle la responsabilité du vétérinaire pourrait être retenue, mais il est inadapté si celui-ci ne pouvait rien à ce qui est arrivé à l'animal, non ?
Pour fourrure
Oui tout à fait, mais ayant eu à faire à des vétérinaires odieux et incompétents dans les pires moments de l'existence de certains de mes animaux le problème est que j'ai perdu cette confiance et cette indulgence qu'il serait peut-être normal d'avoir avec tout professionnel de la santé.
Du moins s'il arrivait un malheur à mes animaux lors d'une consultation avec un vétérinaire qui n'est pas le mien j'avoue que j'aurais toujours des doutes (je le dis en toute sincérité).
C'est pour cette raison que je redoute les nuits et les WE de peur de devoir appeler un vétérinaire qui m'est inconnu et de devoir revivre des moments atroces qui ne peuvent que rester gravés dans ma mémoire.
Ceci-dit je suis d'accord avec vous : il pourait arriver malheur à un de mes lapins avec un vétérinaire qui ne serait pas le mien mais qui pour autant ne serait pas responsable de la mort de mon animal. Ensuite j'avoue que j'aurais certainement un comportement différent, justement de part certaines mauvaises expériences.
Je voulais aussi ajouter que les 200, 300 ou 400 "PAUVRES" €uros cités par Dragon D'Eau sont énormes pour certaines personnes même si j'estime aussi qu'il est du devoir de tout propriétaire d'assumer les soins de son animal à partir du moment ou il décide de l'adopter et que l'on n'a pas à marchander les tarifs d'un vétérinaire ni même lui faire du chantage.
Dans les 2 cas cités, que ce soit celui du Dr Vache albinos ou de Dragon d'eau c'est le fait de réclamer de l'argent qui me choque le plus. 30€ ne remplaceront jamais un lapin pour moi même si pour certaines personnes sa vie ne vaut pas plus et qu'il est facile d'aller en acheter un autre. L'argent ne peut absolument pas combler le vide laissé la mort d'un animal.
Et encore une fois Fourrure je pense que le mot "indulgence" dans mon message était inapproprié mais je voulais plus parler de confiance, du fait de n'avoir aucun doute en cas de consultation avec un vétérinaire qui ne serait pas le mien. Mais en aucun cas je ne réclamerais de l'argent.
Si j'ai un souci réel avec un vétérinaire de garde par ex il existe l'ordre des vétérinaires qui sanctionne en cas de fautes graves(cela m'est déjà arrivé et l'ordre des vétérinaires a sanctionné).
PS : désolée mais en relisant mes messages j'y trouve pas mal de fautes.
Billet et commentaires très intéressants. Proche du corps médical, j'entends beau coup de choses et de nombreux clients face à la mort d'un proche, l'annonce d'une maladie grave... sous le coup de l'émotion, de la colère, de la panique...ont besoin de trouver un coupable et ce sera le médecin qui n'aurait pas vu assez tôt, pas fait ceci ou cela, qui aura dit quelque chose que le client n'était pas prêt à entendre ou alors le client n'aura entendu que ce qu'il voulait entendre et effectivement le médecin sera jugé "mauvais" et le client ira en voir un autre ou bien le moment de panique, de colère passé il relativisera et continuera à voir son médecin. Il y a tout un travail d'acceptation de la maladie ou de deuil à faire et c'est une période souvent très houleuse pour le client et le médecin (bien sûr tout ceci s'applique aux vétérinaires je m'en rends compte en ayant des animaux et en lisant vos billets). Vous n'êtes pas des surhommes ou des surfemmes mais des humains et vos clients aussi et chacun fait ce qu'il peut avec ce qu'il est à ce moment précis.
Je peux aussi me remettre en cause car je sais que j'ai la dent dure quand un de mes proches est touché et que j'ai du mal à l'accepter ... mais après le premier choc j'apprends à vivre avec au mieux ou du moins j'essaie...
J'aime votre humanité et votre humilité aux uns et aux autres, vous vous montrez tel que vous êtes avec vos défauts et vos qualités : bravo.
Yallah comme dirai soeur Emmanuelle!!!
J'ai mis longtemps à me décider à lire cet article car je savais qu'il aborderait des émotions profondes et même sans doute douloureuses. Ce fut le cas, et j'ai eu beaucoup de peine, pour la chienne, pour les vétérinaires et pour ses maîtres.
C'est de détresse dont il est question, de la perte d'un être cher et c'est toujours bouleversant d'y être confronté, c'est pourquoi j'apporte tout mon soutient à vache albinos, courage! ^ ^