Chirurgien ?
mardi 26 août 2008, 18:54 Un peu de recul Lien permanent
Dans un commentaire, Céline s'interrogeait :
Cela fait plusieurs fois que vous affirmez ne pas être chirurgien. Bêtement, je croyais jusqu'alors qu'un chirurgien était une sorte de médecin qui découpait des bouts de tissus mous ou durs ou entre les deux, puis recousait avec une aiguille tous ces bouts de telle façon que le résultat soit mieux après qu'avant... Vous avez décrit plusieurs interventions dans lesquelles vous avez découpé des ventres de vache et de chien. J'aurais juré que cela s'apparentait à de la chirurgie, mais il semble que je fasse fausse route. Puisqu'il ne s'agit pas d'une question d'instrument comme le bistouri et l'aiguille, ni d'une question d'anesthésie, comment définissez-vous le chirurgien ?
Tous les vétérinaires reçoivent une formation généraliste à la fois théorique et pratique. Durant la dernière année d'école (en tout cas en France), chacun choisit une dominante de cours qui va orienter sa carrière à venir, quoique choisir "équine" n'empêche nullement de pratiquer en "canine". C'est un approfondissement plus qu'autre chose, et certainement pas une spécialisation.
Mon diplôme, c'est une boîte à outil : j'ai été formé à la méthode diagnostique, j'ai acquis une quantité proprement monstrueuse de connaissances et suivi des travaux pratiques comme des cliniques de médecine et de chirurgie de tous les animaux "classique" ainsi que des cours sur l'hygiène alimentaire, la législation, un peu d'économie, etc.
A la sortie de l'école, chacun travaille à droite, à gauche. Certains restent un peu plus longtemps et deviennent internes, voire chargés de consultation. On raconte même qu'il y aurait certains étudiants qui ne quitteraient jamais le giron de l'école. Du coup, ils bizutent les nouveaux en leur assénant des "cours".
Premiers contrats, puis premiers remplas, premières galères, on découvre ce que c'est que de travailler sans filet, on développe le système D et, finalement, on se dit que notre formation n'était pas si mauvaise. On affine les choix déjà réalisés à l'école ou on goûte un peu à tout avant de se poser quelque part.
Pour ma part, éternel insatisfait, j'ai choisi de m'éloigner des bancs de l'école aussi vite que possible, pour aller voir à quoi ressemblait ce métier "en vrai". Un coup avec les vaches, une fois en Normandie, ou en Vendée. Voir comment sont les gens dans le Centre. Rendre visite aux chèvres. Et les porcheries, c'est intéressant ? Finalement, essayer un peu la médecine et la chirurgie des carnivores domestiques, sans bouse sur ma blouse. Tenter même l'aventure de l'équine de pointe. Enfin, ça, c'était en stage alors que j'étais encore à l'école. Remplaçant itinérant, assistant en contrat court, ou moins court, et puis, finir par trouver un nid où me poser.
A l'heure actuelle, et jusqu'à ce que je change d'avis, j'adore ma polyvalence et mon manque de spécialisation. J'assume donc mon statut de généraliste.
Ce qui ne m'empêche pas d'avoir certains domaines de prédilection, comme chaque vétérinaire. Ainsi, j'oriente ma formation continue et mes efforts sur le diagnostic, la médecine interne, le comportement et la cytologie. Le tout en entretenant avec soin mes connaissances en rurale, bovine essentiellement.
Mais je ne me sens pas du tout chirurgien. En fait, je n'aime pas la chirurgie, à part pour les césariennes et les coups de stress. Je n'aime pas les gestes parfaitement maîtrisés, la voie d'abord patiemment étudiée, et je suis proprement incompétent dès qu'il s'agit de gérer une boiterie complexe ou de réparer une patte cassée. Pire : je n'ai même pas envie de m'améliorer dans ce domaine, ça ne m'intéresse pas, ce qui arrange bien les vétérinaires avec qui je travaille régulièrement, qui aiment mettre les mains dans le cambouis les tripes et apprécient modérément les diagnostics à étages de maladies hormonales ou de FOI.
Vous ne les trouvez pas bizarres ? Moi si. Mais ça m'arrange.
Ceci étant, il est hors de question dans une clinique comme la nôtre que l'un des vétérinaires ne soit pas un généraliste polyvalent. Nous devons tous être capable de gérer tous les aspects "généraux" de notre métier : faire un vêlage, une chirurgie viscérale "simple", poser un diagnostic de difficulté "moyenne" dans tous les domaines de la médecine, dermatologie, ophtalmologie, etc... pour tous les animaux courants. Plus toutes les urgences.
Je réalise donc des césariennes, des castrations ou des ovariectomies, je recouds des chiens à sanglier explosés de partout, mais je ne touche pas aux pattes cassées et, si une chirurgie peut être réalisée par quelqu'un d'autre, je laisse faire (tout en mettant un coup de bistouri de temps en temps, histoire de ne pas perdre la main).
Voilà pourquoi je dis que je suis plus médecin que chirurgien : je fais de la chirurgie, mais je ne suis pas chirurgien.
Du coup, ça me donne envie de vous parler des différents "types" de vétérinaires de clientèle. Dans un prochain billet.
Commentaires
donc c'est possible de faire sa carrière sans faire de "chirurgie" :-) !
Fourrure : En tout cas pour l'instant, ça roule. Et tout le monde y trouve son compte dans la clinique !
"A l'heure actuelle, et jusqu'à ce que je change d'avis, j'adore ma polyvalence et mon manque de spécialisation. J'assume donc mon statut de généraliste."
Voilà une manière de penser qui me plaît bien!
C'est de ça dont j'ai envie, devenir une bonne généraliste, avec toutefois quelques petits domaines de prédilection!
idem pour moi, la chirurgie ce n'est vraiement pas mon truc. moi c'est plus les médecines alternatives (ostéopathie, phytothérapie, homéopathie et bientôt j'espère acupuncture). c'est ce qui correspond le mieux à mon caractère et à ma vision de la vie !!! il en faut pour tous les goùts. c'est pour ça que dés que possible je cherche un associé qui pourra s'occuper de l'allopathie et de la chir !
Il me semble tout de même que vous avez plus souvent l'occasion d'user du bistouri que mon médecin généraliste. Je pense que dans son cabinet, l'instrument le plus tranchant, c'est une boite de compresses stériles...
Fourrure : Mais il ne faut pas trop comparer médecine humaine et médecine vétérinaire. Généraliste n'y a pas le même sens. La preuve !
En plus c'est probablement faux, beaucoup de médecins généralistes font au moins les petites sutures.
Bonjour,
J'ai découvert récemment votre blog et je le trouve très bien écrit, je le lis avec plaisir.
Bon, autant le dire tout de suite aussi, je suis une jeune confrère :o). Actuellement en labo, pour suivre ma tendre moitié qui exerce ce même beau métier, ça ne me plait pas du tout et je n'ai qu'une hâte, remettre les mains à la pâte (l'année prochaine si tout se passe bien).
Et personnellement, j'aime la chirurgie, moins la médecine... (ça tombe bien, ma tendre moitié ci dessus citée, c'est l'inverse lol). Mon âme de bricol'girl sans doute ^^.
Ben c'est vrai ça, mon toubib maîtrise à fond la petite suture. Ses instruments préférés sont : le bic, le carnet d'ordonnance, l'enveloppe.
Il désinfecte bien le bic, puis trace une belle ligne de forme complexe à la surface de l'ordonnance et qui dit :
"Cher confrère, veuillez avoir l'obligeance de regarder avec attention le truc que Melle JFuretteSurlInternet a sur la fesse gauche et que je ne sais pas identifier."
Ensuite il rebouche soigneusement le bic, place l'ordonnance dans l'enveloppe, recoud le rabat et me la tend. C'est un tendre mon toubib. Il préfère prendre soin de mon moral plutot que de celui de la peau de mes fesses...
Je quitte alors son cabinet en direction de celui de ma dermato qui ouvre généralement la porte de sa salle d'attente avec un bistouri sur l'oreille gauche, un flacon de betadine à la main, tout en poussant du bout du pied gauche une bonbonne de 10 litres d'azote liquide.
Quand je lui demande d'une voix toute estrancinée par l'angoise : "Alors docteur, c'est un cancer ?" elle rigole et me dit "non, c'est tout simplement un angiome, je vais vous enlever ça".
C'est comme ça qu'il pratique les petite sutures... et ça me convient.
Le système humain est pas mal. Le problème si on faisait ça, serait que le client paierait pour la première consultation, pour la deuxième (non remboursées bien sur), qu'ils devrait faire des tas de kms pour aller trouver un spécialiste, qui mieux formé et mieux équipé, serait vraiment plus cher. Ca pourrait marcher en ville pour une clientèle plutôt aisée, mais pas à la campagne !
Moi, je n'aime pas la monotonie, il me faut un peu de tout. Je n'aimerais pas faire que des chir ou que des vaccins, ça m'ennuierait assez vite... Pouvoir être polyvalent, c'est un coté positif du métier je trouve.
C'est pour cela que je suis très admirative de la polyvalence des vétos par rapport aux médecins...
Surtout que pendant que les médecins peinent sur les deux races d'humains qu'ils soignent c.a.d. les hommes et les femmes, les véto trouvent moyen de traiter des césariennes de vaches, des maladies infectieuses de chats, des cancers de chiens et des queues de cochon... sans compter les acnées des iguanes et la stérilité des tortues d'eau pour ceux qui aiment se diversifier...
cytologie ?!? késkidi ?
Bon, j'ai regardé un peu sur wikipédia, et ça ne me parle pas.
Là : http://www.actions-traitements.org/... , c'est mieux, et si je fais le lien avec l'article Fouille merde, ça prend mieux, tout en restant flou...
Donc c'est l'observation des cellules pour faire du diagnostic ?
Fourrure : C'est ça ! On prélève du sang, des ganglions, des urines, du mucus vaginal, du liquide céphalo-rachidien ou même n'importe quelle boufiole un peu louche et on regarde au microscope.
Tu consultes où ? Je demande ça parce que je vais rentrer en France avec 2 chats, 3 chiennes. Et a propos, deux des chiennes sont des petites que j'ai recueilli ici au Maroc. La plus jeune a trois mois et attend sa deuxième injection. Pour elles deux, je n'ai pas de passeport européen mais elles sont pucées. C'est risqué?
Fourrure : Pour la première question, je ne répondrai pas.
Chiens ou chats, c'est pareil. Pour les passeports, ce n'est pas grave, ils ne sont pas nécessaires pour venir du Maghreb. Par contre, l'identification (puce) et les vaccination rage sont obligatoires. Il faut aussi, avant de rentrer, un test sanguin datant d'au moins trois semaines après la primovaccination antirabique, et de plus de trois mois avant la date de retour, ce test devant prouver que l'animal a un taux d'anticorps contre la rage suffisant dans le sang pour être protégé si jamais il devait rencontrer le virus (la preuve que le vaccin a bien pris chez ce chien ou ce chat).
L'incubation de la rage est très longue, et indécelable. Cette maladie est mortelle, il n'existe pas de traitement.
Hors ces conditions, les ramener en France est d'une part illégal, d'autre part effectivement risqué. Tous les cas français de rage, et il y en a une petite vingtaine chaque année, viennent du Maroc quasi-exclusivement. Plus de détails ici. J'enfonce une porte ouverte, mais ça n'arrive pas qu'aux autres. Ne sous-estimez pas la rage.
Cela veut donc dire que tu ne peux pas t'installer tout seul mais uniquement en clinique ?
Fourrure : Heu, non. Je peux m'installer seul, mais je n'en ai strictement aucune envie ! Le travail à plusieurs est bien plus intéressant, plus stimulant, et permet de faire bien plus de choses !
Pour réagir au commentaire 11,
en étant du côté client il me semble aussi que c'est plus rassurant d'avoir en face de soit quelqu'un qui peut être épaulé à tout instant par un collègue et aussi qu'il y a bien plus de moyens dans un groupement de plusieurs vétérinaires (radiographie sur place par exemple) après il y a aussi le feeling avec le "véto", mais souvent et cela n'engage que moi il est bien meilleur qu'avec les médecins qui souvent ne savent pas se mettre à notre pauvre niveau.
Je n'ai encore pas rencontré un vétérinaire peu enthousiaste rébarbatif envers l'informatique, râleur envers la sécu, les politiques, ...
@Francis
J'ai un véto qui fait tout avec son assistante radio prélèvements et analyses de sang chirurgie ! Son assistante travaille avec lui depuis plus de 20 ans et elle n'attend même plus ses ordonnances pour apporter les boites de médicaments. Une fois je l'ai vu retourner en chercher une autre !
Alors qu'une clinique vers chez moi ou ils sont 3 ou 4 vétos ils te demandent de déposer l'animal le matin et de le reprendre à midi ! voilà pourquoi je fais 50 kms pour aller chez le véto de "campagne" (78) depuis tout ce temps !
Fourrure : Aussi compétent qu'il soit, ce vétérinaire n'aura pas le plateau technique dont peut disposer une clinique de 3-4 vétérinaires. Ni l'appui d'un confrère lors d'une chirurgie complexe. De plus, je suis convaincu (enfin j'espère !) qu'il appelle de temps en temps en confrère pour discuter d'un cas complexe, comme nous le faisons tous un jour ou l'autre... Sinon, c'est à déprimer, à moins d'aimer la solitude. Enfin, c'est un véritable esclavage que d'être seul, surtout si on assure les urgences.
Je ne dis pas qu'un vétérinaire seul est un incompétent, loin de là. Ni que le nombre fait la compétence. Simplement, il faut bien peser les avantages et inconvénients de chaque type d'exercice... J'ai un billet en cours à ce sujet qui brouillonne depuis longtemps, il faudra que je le finisse.
Sinon, ça me fait rire (sans méchanceté !) de lire "la campagne" pour les Yvelines. Je sais bien qu'on y trouve des bois et des champs, j'y ai travaillé, mais... vu d'ici...