Mot-clé - intoxication

Fil des billets Fil des commentaires

mercredi 2 mai 2018

Trop vite

Il est presque 14 heures. Un dimanche de garde comme les autres, entre averses – quand je suis dans les prés - et trop timides rayons de soleil – quand je suis dedans. Le téléphone sonne, encore. Je sors à peine de table. Je suis d'astreinte et j'en ai marre. J'en avais déjà marre en me levant, et pourtant, je n'avais pas été dérangé de la nuit.
Je reconnais la voix de M. Livenne. Il est hésitant.
« C'est ma chienne. Elle est à terme, et elle a été prise par un gros mâle, je suis inquiet. »

Lire la suite...

mercredi 22 juin 2016

Jour un. Motif : problème pour respirer

Jour un
Motif : problème pour respirer

C'est un chien. Un chien pas tout jeune, le genre rata-border colley qui abonde dans ces campagnes. Une petite quinzaine de kilos, un caractère de chiotte, aussi teigneux et tenace qu'un fox terrier mal luné. Du style à bouffer la taupinière avec la taupe, si ça gratte sous l'herbe du jardin. Extra pour creuser des tranchées.
Du genre à bouffer un crapaud, tiens.
Il n'a pas « juste » un problème pour respirer. Il est à moitié dans le coaltar, il tient à peine assis, ses troisièmes paupières lui couvrent presque les yeux. Il s'affaisse. Je le soutiens pour qu'il ne tombe pas de la table. Les poils de son poitrail sont couverts de salive. Beaucoup de salive.

- Il a vomi, plusieurs fois ce matin, et depuis, il respire bizarrement, il est tout mou, on ne le reconnaît pas.

Il est en train de plonger, oui.
Il est en train de plonger et j'ai l'impression de revivre la mort d'un chien samedi dernier. Un putain de crapaud.

- Il a bavé beaucoup, longtemps ?
- Oui, mais c'est passé, après et pendant qu'il vomissait.

Je vérifie la gueule. Aucun signe d'inflammation. Vomissements, hypersalivation, troubles digestifs et neurologiques. J'écoute le cœur. Stable. Pas de fièvre. Je connais le chien, je connais ses maîtres, je sais ce qu'ils vont me répondre.

- Il y a des crapauds dans le jardin ? Il a pu sortir, manger un truc toxique ?
- Oui. Non.

Oui. Non. Je vais vérifier l'abdomen, au cas où, mais je n'y crois pas. C'est une de ces foutues intoxication au crapaud, cet ahuri en a forcément mâchonné un. De toute façon, ce sont toujours ces teignes qui attaquent tout ce qui passe dans le terrain, et les chiots qui veulent jouer, qui subissent ce genre d'intoxication. Toxicité digestive, nerveuse, cardiaque. Et la mort. Pas d'antidote, juste des palliatifs à certains symptômes. Ces bestioles ont sur le dessus du corps des vésicules - c'est à dire des poches - remplies de poison. Ils sont incapables de vous le balancer à la figure, de vous l'injecter, leur peau n'est pas toxique. Il faut crever ces vésicules pour que le poison soit répandu, le danger majeur étant pour les muqueuses. On peut toucher un crapaud, ou même l'embrasser, mais il ne faut pas le mâchouiller.

Alors je prends le chien dans les bras jusqu'à la baignoire, et je lui rince la gueule avec la douche. Rincer, rincer, rincer, c'est trop tard, mais rincer. Il boit en passant, et vomit aussitôt.

Je lui pose une perfusion, et j'explique. J'ai une quasi-certitude pour le diagnostic. Il n'y a pas vraiment de traitement. Le pronostic est très réservé : pour les chiens de moins de 10kg, aucune chance de s'en sortir. Pour ceux de plus de 20, presque aucun risque. Et pour ses 15kg ? Pour ses troubles digestifs et neuros sans atteinte cardiaque (pour le moment) ?

Pile ou face. Mon boulot va être d'essayer d'orienter le résultat.
Essayer de comprendre, dans l'après-midi, si ses brusques accélérations de rythme cardiaque sont dues à la douleur ou au poison, s'il est pertinent d'injecter plutôt du diltiazem ou de la morphine, si je dois me méfier et sortir l'atropinique ? Poser mon stéthoscope, compter. Le rassurer quand il hallucine. Le caresser. L'accompagner.

Et espérer.

Nuit une

Il est minuit. Je me suis extirpé de mon lit pour aller réécouter le cœur du rata-border colley.

Sauf qu'il n'y a plus rien à écouter.

J'en ai marre.

lundi 11 août 2014

Le mode d'emploi

- Alors, M. Pique, qu'est-ce qu'il a bouffé cette fois-ci ?

M. Pique : un agriculteur à la retraite, avec moustache et béret.
Il : Ioda, un genre de berger allemand de 9 mois.
Cette fois-ci : la première fois, de la mort-aux-rats, la deuxième fois, de la mort-aux-rats, la troisième fois... de la mort-aux-rats. Mais pas la même à chaque fois.

- Ah ben j'sais pas mais j'ai vu du bleu sur ses babines et sur son palais, alors il en a bouffé !
- Et vous avez quoi avec du bleu chez vous ?
- Chez moi rien, mais chez l'voisin du tue-limace, et puis bon, son truc c'est la mort-aux-rats, vous savez.

Tu parles que je sais, ouais. Et à chaque fois il en trouve une différente.

- Bon, ben protocole habituel.

Je pose le cathéter et décongèle l'apomorphine diluée. Le jour où nous n'en aurons plus sera un jour funeste pour les vomissements provoqués. Hop, une gougoutte dans la veine, et le chien vomit. Deux fois.
Avant, ça servait à faire dégueuler, et ça ne coûtait rien. Maintenant, ça sert à traiter les troubles de l'érection et le parkinson, et ça coûte un bras.

- Allez hop filez, vous m'appelez quand tout est sorti ?

Le tue-limace, je n'y crois pas trop. Il n'a pas le moindre signe nerveux, or ça agit super vite, et c'est vraiment violent. Tue-souris, peu crédible, pour les mêmes raisons. Reste, dans les trucs très courants, la mort-aux-rats. Dans le doute, on fera un temps de coagulation pour vérifier.

- Hey docteur, c'est bon, il a vomi !

Je rejoins M. Pique dans la pelouse, devant la clinique. Un beau vovo que je vais décortiquer sur la table de consultation.

Du bleu. Plein de bleu.
Des morceaux de bouchon en liège. De champagne, vue la capsule.
Un demi ballon de baudruche.
Un toxocara canis. Penser à vermifuger.
Un bout de sachet en plastique, sans doute celui du poison.
Des nouilles. Pas assez cuites.
Des croquettes, pas mâchées mais bien gonflées. Friskies ? Non, Fido.
Et un bout de papier, tout replié, humide et collé. Bleu, et visqueux :

COMPOSITION : 0,001 % de Brodifacoum.
Agent d’amertume : Benzoate de Dénatonium.

PROPRIETES :
– Appât frais prêt à l’emploi : une pâte onctueuse composée de farines et de graisses végétales, dont l’appétence est renforcée par l’ajout d’arômes naturels et de sucre. Le processus de fabrication assure une imprégnation totale et homogène de l’appât pour une assimilation immédiate de la matière active par les rongeurs.
– Puissant anticoagulant : le brodifacoum. Le rongeur meurt dans les 2 à 5 jours suivants l’absorption, la mort semble naturelle et n’éveille pas la méfiance du reste de la colonie, qui continue à consommer le produit.
– La présentation : en sachet toilé biodégradable microporeux, hydrofuge, évite la dispersion des appâts et simplifie l’application avec une plus grande sécurité.
– Non détecté par les rongeurs, un agent d’amertume intégré dans la composition de l’appât réduit les risques d’absorption accidentelle par l’homme.

RECOMMANDATIONS :
– Ne pas toucher les appâts avec les mains pour ne pas éveiller la méfiance des rongeurs.
– Ne pas conserver ou déposer ces appâts à portée des enfants et des animaux domestiques.
– Conserver uniquement dans l’emballage d’origine.
– En cas d’ingestion ou de malaise consulter immédiatement un médecin et lui montrer l’emballage ou l’étiquette.

ANTIDOTE : Vitamine K1 administrée sous contrôle médical.

Pratique.

mercredi 27 février 2013

Le scandale alimentaire blablabla

On ne parle plus que de ça. Les lasagnes au bœuf à la viande de cheval, et puis les raviolis. On en oublie les résidus de phénylbutazone trouvés dans de la viande de cheval en provenance du Royaume-Uni (mais, soyons honnête, qui aurait pu venir de chez nous...), les résidus de produits antibiotiques, d'hormones, de phytosanitaires, les faux œufs bio, les OGM détectés là où ils ne devraient pas être, en traces certes infime, mais néanmoins...

Je vous invite à lire ce très intéressant article de Fabrice Nicolino. Complet, nuancé, il soulève des questions pertinentes, bref, j'aime beaucoup. Mais je n'aime pas son titre, et j'ai envie d'y aller, moi aussi, de mon commentaire.

En quel honneur ? Je suis vétérinaire. Je prescris donc des médicaments à des animaux, et notamment à des animaux qui entreront dans l'alimentation humaine. Des bovins, pour la viande ou pour le lait, des ovins, des porcins, des volailles. "L'incroyable pharmacopée" évoquée par M. Nicolino comprend des antibiotiques (nombre d'entre eux sont également utilisés en médecine humaine), des anti-inflammatoires, des hormones (pas les stéroïdes ou œstrogènes d’antan qui servaient à faire prendre du muscle aux crevures, mais des analogues d'hormones liées à la reproduction, FSH, LH, GnRH, et destinées à mieux contrôler la reproduction). Une pharmacopée pas franchement incroyable, et pour tout dire assez simple, utilisée pour soigner les animaux essentiellement, et bien secondairement, comme je l'évoquais à l'instant, à améliorer par exemple le contrôle de la reproduction.

Des résidus présents à doses infimes dans l'alimentation

M. Nicolino cite deux études indiquant avoir trouvé nombre de ces molécules dans du lait de vache, de brebis et de femme (les hormones citées dans l'étude ne sont pas utilisées en élevage en France, elles ne sont même plus disponibles), ou dans des petits pots pour bébé. Il précise bien que les doses relevées sont infimes - c'est important, je vais y revenir - mais que des chercheurs soupçonnent une toxicité liée à la synergie entre plusieurs molécules qui pourraient être consommées en même temps ou successivement. L'idée est inquiétante, et pertinente. Elle est vraiment loin d'être nouvelle, mais elle est très difficile à explorer (l'auteur le souligne à juste titre).

Entre une molécule A et une molécule B, il peut y avoir toxicité additive (A toxicité 20% et B toxicité 30% donne A+B toxicité 50%), antagoniste (A 20% + B 30% = A+B 5%), mais aussi potentialisée (A non toxique donc 0% + B 20% = A+B 50%), voire synergique (A 5% + B 10% = A+B 100%). Les vrais toxicologues me pardonneront, je l'espère, mes raccourcis.

Quelle est l'origine de ces résidus ?

La prescription et l'utilisation des médicaments sont soumises à des règles très strictes. Si je prescris un antibiotique à une vache, mettons, une association de benzylpénicilline et de dihydrostreptomycine pour sa péritonite, je dois indiquer sur l'ordonnance, et reporter sur un registre d'élevage, ce que l'on nomme des temps d'attente (TA). Dans cette exemple, 30 jours pour la viande, 6 traites (soit trois jours) pour le lait. cela signifie que l'éleveur n'a pas le droit de faire abattre, ou de livrer le lait de ce bovin dans les 30/3 jours qui suivent la dernière administration de ce médicament (le lait est donc éliminé, et non mis dans le tank).

Ces temps d'attente sont déterminés par des études reposant sur la notion de Limite Maximale de Résidu (LMR), elle même liée à la Dose sans Effet Toxique Observable (DSETO, NOAEL en anglais) évoquée dans l'article de M. Nicolino. Je vais essayer de ne pas être imbitable : on a obtenu une DSETO sur des souris. On sait que les souris ne sont pas des hommes, ce n'est pas un scoop, et on est prudent. On détermine donc une Dose Journalière Admissible pour l'homme (DJA) en divisant la DSETO par 100 ou 1000, ou plus, selon la solidité des données. En croisant ces DJA avec les consommations moyennes d'aliments d'un humains, on détermine une LMR, toujours avec des marges de sécurité. Des LMR, on détermine les temps d'attente, en faisant des analyses sur des groupes d'animaux traités avec le médicament étudié (on injecte, on abat à J1,2,3 etc, on mesure). Voilà pour le principe.

Soit dit en passant, ces études coûtent une fortune, et c'est normal. C'est pour cela que les médicaments coûtent cher, et qu'un certain nombre d'espèces n'ont plus de médicaments disponibles. Impossible de rentabiliser des médicaments pour les caprins ou les lapins, par exemple. Nous n'avons donc plus légalement la possibilité de soigner un certain nombre de maladies, parfois basiques, par manque de données. Je le déplore, mais je n'ai pas de solution.

C'est pas bientôt fini ces informations techniques ?

Ouais, ok, j'arrête avec les infos prise de tête. Ou presque. Là où je suis assez réservé sur l'article de M. Nicolino, c'est quand il évoque la surprise que constitue la découverte de ces molécules, de ces résidus, dans l'alimentation humaine. Le potentiel scandale.

Avec les techniques actuelles de dosage (chromatographie en phase liquide ou gazeuse, spectrométrie etc), si on cherche, on trouve.

Quoi que vous cherchiez, vous le trouverez. A des doses infimes dans l'immense majorité des cas, mais vous trouverez. On peut s'inquiéter des effets potentialisés ou synergique de toutes ces molécules qui en elles-mêmes, seules, à ces doses, ne sont absolument pas toxiques, mais je pense que l'on n'a pas le droit d'être surpris par leur présence.

M. Nicolino évoque par exemple la présence de phénylbutazone, un anti-inflammatoire utilisés chez les chevaux de sport et de loisir mais depuis longtemps interdit chez les animaux destinés à la consommation humain (je n'ai pas la date exacte, je ne l'ai jamais connue en service dans ces indications), et retirée depuis 2011 de la pharmacopée humaine en France. On en a trouvé dans des carcasses de chevaux importées du Royaume-Uni (les anglais ne mangent pas de chevaux mais ils les abattent et exportent la viande).

Oublions un peu la mesquinerie anti-anglaise, car cela aurait pu arriver en France. Je prescris régulièrement de la phénylbutazone pour des chevaux de sport et de loisir. Sous forme injectable, ou en sachets de poudre à faire avaler. Pas cher, très efficace, pas trop de risques pour le cheval, voire pas du tout ou presque sur des traitements courts. C'est un médicament intéressant. Lorsque je prescris cette molécule, je dois le noter sur le carnet du cheval, ce qui implique qu'il sera exclus de l'abattage. Définitivement. Honnêtement, je ne le fais que rarement. Parce que je n'ai pas le carnet sous la main, parce que je n'y pense pas. Je soigne le cheval fourbu du poney-club du village avec, et non, j'oublie qu'un jour il partira peut-être à l'abattoir. Ce n'est pas bien. Je ne suis pas non plus derrière le dos du propriétaire du cheval qui utilise des sachets de phénylbutazone lorsque qu'il estime que son cheval en a besoin. C'est pas bien. Dans l'immense majorité des cas, cela n'a pas d'importance, l'article le souligne en indiquant que les contrôles n'en détectent jamais : les résidus ne sont pas éternels, il faudrait que le cheval parte à l'abattoir peu après un traitement pour que cela soit un souci, ce qui est peu vraisemblable pour un cheval de sport ou de loisir. Mais ça arrivera, je n'en doute pas. Est-ce que la dose sera toxique pour le consommateur ? Peu probable, la phénylbutazone a une toxicité dose-dépendante, il en faut beaucoup pour être malade, et je rappelle qu'elle était encore utilisée comme médicament en 2011 chez l'homme.

J'ai évoqué tout à l'heure les temps d'attente pour les molécules autorisées chez les animaux destinés à la consommation humaine. Est-ce qu'ils sont toujours respectés ? Est-ce qu'il n'y a jamais d'erreur ?

Je ne crois pas.

Est-ce que c'est grave ?

Pour autant que l'on sache, non.

Est-ce qu'il faut pour autant dire que cela n'a pas d'importance, est-ce qu'il faut détourner le regard ? Non plus.

Le contrôle de l'alimentation dans le monde occidental est incroyable. Incroyable. Traçabilité, enregistrement, on demande aux éleveurs, aux vétérinaires, aux abattoirs, aux distributeurs, d'incroyables efforts pour contrôler les risques de résidus (et ça engendre une inimaginable paperasse). Tout n'est pas parfait. Il y a des erreurs. Il y a aussi des tricheurs, comme partout. Bien sûr : il y a de l'argent à se faire.

Mais il faut bien distinguer les résidus à doses interdites (supérieures aux LMR), qui résultent de ces manquements, et les résidus à doses infimes évoqués dans les articles cités plus haut, très inférieures aux LMR, et qui sont "normaux".

Vous n'avez sans doute pas envie de manger des aliments contenant ces résidus, même à doses infimes. C'est normal. Même si vous fumez, même si vous roulez en voiture, même si vous brûlez de l'encens chez vous, utilisez des désodorisants dans vos toilettes, même si vous fréquentez par essence un monde qui pollue par tous les moyens imaginables.

Vous vous dites que, quand même, vous voudriez bien être sûr de mangez des aliments sains. Mais, sincèrement, vous pensez vraiment qu'une alimentation si peu onéreuse peut être parfaite ? Je ne dis pas que vous avez forcément le choix : on achète des aliments pas chers parce qu'on le veut, parce qu'on n'a pas le choix, ou parce qu'on ne se pose pas la question. Je ne critique pas. Mais soyons réalistes : il faut nourrir des milliards d'humains, nous avons besoin de l'industrie agro-alimentaire pour cela. Et si nous industrialisons, nous créons des problèmes que nous allons devoir résoudre avec des produits qui laissent des résidus potentiellement toxiques (au-delà des autres problématiques liées à l'agro-alimentaire). Bien sûr, nous déplorons tous cet état de fait, mais, franchement, est-ce que nous faisons quelque chose pour que cela change ?

Ceci étant, je ne viens pas vous dire qu'il faut pour autant chanter les louages de cette industrie, dire que tout va bien et que l'on peut lui faire confiance sans se poser de questions. Bien sûr que non. Il faut des contrôles, il faut des procédures. Il faut du réalisme. Il y aura des scandales, des coups de pied dans la fourmilière. Tant mieux.

Je crois fermement que l'alimentation n'a jamais été aussi saine qu'aujourd'hui. Je suis sans cesse surpris de constater le faible nombre de problèmes alimentaires (toxi-infections alimentaires par exemple) du genre steaks hachés contaminés par des bactéries ou camemberts à Listeria, quand on voit les volumes de viandes, de produits laitiers, d’œufs, et de légumes consommés. Je trouve extraordinaire qu'il n'y ait pas plus d'emmerdes, sérieusement. Je trouve ça aussi magique qu'un truc en métal qui vole ou une boîte en plastique qui me permet de discuter avec des amis à des kilomètres de distance, et de surfer sur le web.

Évidemment, on peut manger bio. Ce n'est pas une solution parfaite : tout ce qui est bio n'est pas bio, et même ce qui est bio n'est pas franchement sans résidu. Et puis, c'est cher.

On peut acheter de la viande à un éleveur, des légumes à une AMAP locale. C'est une excellente idée. Ça peut être cher aussi. Est-ce que ça implique moins de résidus ? Boaaahhhh. Franchement, non. Et quand je vois les œufs que m'offre ma voisine, couverts de fientes et de plumes, certes excellents gustativement, mais, sanitairement, franchement ? Avec ses poules qui piétinent et mangent la merde de ses chiens et chats, avec les pigeons qui volent partout, it's the ciiiiircle of liiiiife... Bref. J'adore, mais d'un point de vue sécurité sanitaire, ça ne vaut pas les œufs de poule en batterie.

Ce qui ne va pas m'empêcher de continuer à échanger ces œufs de la voisine contre de menus services.

Je n'ai pas peur de ma nourriture.

Je ne peux pas contrôler grand chose, j'en ai conscience, et j'ai une vie à vivre.

mardi 20 septembre 2011

Toxicité des pyréthrinoïdes chez le chat

Comme régulièrement, je lis sur le net un post ou un billet rapportant une intoxication à la perméthrine chez un chat. Les commentaires sous cet article alternent le pire comme le meilleur, entre indignation sincère mais sans recul, et informations pertinentes et foireuses (et qui a pris garde à la réponse d'un membre de la société commercialisant ce produit, au fait ?). Je vais donc me fendre d'un billet, histoire de casser une ou deux idées reçues, et confirmer ou infirmer certaines affirmations.

Les pyréthrinoïdes sont nos amis

Les pyréthrinoïdes sont une famille d'insecticides dérivés des pyrèthres, des insecticides végétaux utilisés depuis des millénaires et issus du chrysanthème (on dirait une intro de dissert', non ?). Les plus anciens sont, par exemples, l'alléthrine et la phénothrine : c'est facile, les scientifiques leur ont collé un suffixe en -thrine, si vous regardez les étiquettes des produits que vous avez à la maison. On peut citer, par ordre d'apparition et pour aider Google à trouver ce billet : la perméthrine, la cyperméthrine, la deltaméthrine et le fenvalérate (oui des fois les scientifiques, ou en tout cas ceux qui donnent leur nom aux molécules, se lassent d'une bonne idée).

Peu ou pas utilisées au début du vingtième siècle, ces molécules sont revenues en grâce parce qu'elles sont rapidement dégradées dans l'environnement, et donc peu polluantes (ce qui ne veut pas dire pas polluantes, mais à côté du DDT ou du lindane, c'est de la rigolade). Si vous deviez faire un bain de pyréthrinoïdes à votre chien pour le débarrasser de ses aoûtats, laissez l'eau dans la bassine en plein soleil, la molécule sera rapidement dégradée. Ne balancez pas le produit non dégradé dans vos massifs de fleurs (ouille les abeilles et les autres) ou dans la mare d'en bas (boum les notonectes, et aussi les poissons, d'ailleurs, j'y reviendrai). Et non, en mettre sur votre chien n'est pas dangereux pour l'environnement, d'autant que les abeilles ne butinent pas ses cages à miel.

Ces molécules sont des neurotoxiques, chez les insectes comme chez les mammifères. Pourtant, on les utilise largement pour traiter, d'une part l'environnement domestique (lutte contre les puces essentiellement) et les animaux eux-mêmes. Mais pas tous, et pas n'importe comment !

Chez le mammifère, le produit est appliqué sur la peau, via shampooings, sprays et spot-on.
Il diffuse très lentement vers le sang : la dose reçue par l'organisme à un instant donné est donc très faible.
La destruction, puis l'élimination des pyréthrinoïdes (notamment par le foie, mais aussi dans la peau et le sang) est par contre très rapide : il n'y a donc pas de stockage significatif (dans le cadre d'une dose normale !) dans le corps, et notamment là où c'est dangereux : le système nerveux.
Si l'animal lèche le produit qui lui a été mis sur la peau, pas de panique : l'absorption digestive est faible, et le produit qui passe dans les veines mésentériques est détruit dans le foie. La toxicité digestive, par irritation, est liée aux excipients (les produits qui servent à aider les pyréthrinoïdes à rentrer dans la peau), et elle est de toute façon très modérée avec les produits destinés aux animaux de compagnie.
La tolérance est donc très élevée chez les mammifères. Pas de risque, donc, d'intoxiquer votre chien, votre cheval ou votre vache, ou vous-même, en lui en appliquant sur la peau, ou même si, en se léchant, votre animal avale tout ou partie de sa dose.

Pas de risque non plus de surdosage, à moins de faire vraiment n'importe quoi (le flacon entier de produit pour vache sur le caniche, ça finira mal, oui).

D'ailleurs, d'une manière générale, lisez attentivement la notice des antiparasitaires que vous achetez, et respectez les indications qui s'y trouvent. On vous dira de respecter le dose, de ne pas l'utiliser sur des femelles en gestation, sur de très jeunes chiots (< 6 semaines)...

Les pyréthrinoïdes et les chats : l'arme fatale du CCC

En ce qui concerne les chats : ces animaux ont un sévère défaut en une enzyme de détoxification banale (chez les autres mammifères), la glucuronyltransférase. Son boulot est de coller sur des produits toxiques un espèce de tag qui dégrade la molécule et la destine aux ordures. Je le redis en français : un toxique arrive dans le foie, les cellules du foie le prennent en charge, le reconnaissent pour "étranger et indésirable", essaient de le couper en petits bouts et lui collent sur la tronche une étiquette sucrée qui abîme le produit toxique et le fiche à la poubelle. Sauf que chez le chat ce processus d'étiquetage ne fonctionne pas du tout. C'est valable pour les pyréthrinoïdes, mais aussi pour nombres d'autres molécules "étrangères" au chat, comme le paracétamol (je ferai un billet sur le sujet, promis) ou nombres d'huiles essentielles.
Edit : on me signale en commentaire que ce n'est pas ce mécanisme là qui est la cause de la toxicité des pyréthrinoïdes chez le chat, contrairement à ce qu'on a longtemps pensé (ce qui ne change rien à la toxicité, mais c'est néanmoins très intéressant).
Et pour ceux qui se posent la question : oui, je simplifie l'extrême complexité du métabolisme hépatique, si vous voulez aller plus loin je vous conseille un bouquin de toxicologie et de physiologie hépatique.

La perméthrine et ses copains sont donc hautement toxiques pour les chats !

Les symptômes les plus souvent décrits chez les chats sont des tremblements musculaires, une myoclonie, de l'hyperesthésie, des convulsions, de l'hyperthermie, de l'hypersalivation, de l'ataxie, une mydriase voire une cécité temporaire (par ordre décroissant de fréquence). Ils commencent à apparaître dans les 1-40h suivant l'application d'un spray ou spot-on (médiane 8 heures).

La bonne nouvelle, c'est que ces symptômes sont réversibles.

La mauvaise, c'est que le chat risque de mourir, le temps qu'ils disparaissent.

Le boulot du vétérinaire est donc essentiellement de maintenir le chat en vie et de gérer les complications.

Si vous avez du temps à perdre avant d'amener votre chat empoisonné à votre véto (mauvaise idée, mais supposons que vous attendez un taxi, ou que la route sera très longue), lavez votre chat à l'eau tiède (pas chaude, pas froide !) avec du savon s'il a le produit sur la peau.

Vous pouvez traiter l'environnement (la maison) avec ces molécules, même si vous avez des chats, mais pas en leur présence. Ne les laissez pas rentrer avant d'avoir bien aéré. Choisissez une formulation en diffuseur, qui ne risquera pas de laisser des dépôts comme un produit à diluer dans un seau et à passer sur le sol, par exemple. Vous mettez le diffuseur en action, vous partez, vous revenez trois heures plus tard, vous ouvrez tout en grand, et quand c'est bien aéré, vous laissez les chats rentrer.

Si vous mettez sur votre chien un spot-on à base de pyréthrinoïdes, et qu'il est très proche de votre chat, séparez les, histoire que le chat ne s'allonge pas sur son dos et ne se prenne pas le produit.

Attention : ces produits sont très toxiques pour les poissons (et les batraciens). Évitez d'utiliser les diffuseurs pour l'habitat si vous avez un aquarium !
Les oiseaux y sont par contre très résistants.

En passant, parlons "chimique" vs "naturel"

Alors vous allez sans doute vous dire : "bon, ok, il dit que c'est pas dangereux si c'est bien utilisé, mais dans le doute, je voudrais un truc plus naturel".

Déjà, n'oubliez pas que les produits naturels sont tout aussi chimiques que les produits artificiels, cette distinction ne veut rien dire. On peut parler de degré de purification, de complexité, de potentialisation ou de tout un tas de truc, mais si c'est actif, c'est grâce à la chimie. Et l'homme n'a pas plus inventé la chimie que l'électricité. Les pyrèthres sont chimiques et naturels, comme l'azadirachtine de l'huile de neem, le curare ou la digitaline. Efficaces et dangereux.

Vous lirez sans doute, au détour du net, un article ou un post sur un forum conseillant l'utilisation d'huiles essentielles, comme celle de Tea-Tree. Encore une fois, prenez garde aux huiles essentielles ! Ce n'est pas parce que quelque chose est naturel que ce quelque chose est bon, ou meilleur qu'un produit de synthèse, que ce soit en termes d'efficacité, ou d’innocuité. Tout le monde sait qu'il y a plein de plantes toxiques, que la dose fait le poison, etc... Ben c'est pareil pour les huiles essentielles. Dans le doute, abstenez-vous, et n'oubliez jamais que les chats sont particulièrement sensibles à tout un tas de produits inoffensifs pour d'autres mammifères (et maintenant vous savez même pourquoi).

Alors, oui, je sais qu'on va encore me dire que l'aromathérapie, c'est super, etc. Bon, soyons clairs : je n'y connais rien. Je sais que les huiles essentielles sont pleines de molécules chimiques très actives, et qui peuvent être très efficaces, donc non, a priori, je n'ai rien contre les huiles essentielles. Par contre, qui a sérieusement (je veux dire, vraiment sérieusement, pas juste lu trois bouquins !) étudié le sujet ? Qui peut me donner le titre d'un livre plein de références sérieuses, de publications scientifiques, en double aveugle et tout le reste ? Sans ce type d'études fiables, on en reste à une méthode d'essais-erreurs sur des cas individuels, d'approximations et d'application de recettes dont personne ne connaît la source. Et avec ce genre de méthodes, je continuerai à voir des chats intoxiqués aux huiles essentielles, et des peaux de chiens cramées par des shampooings en contenant. Non, pas à chaque fois, pas dans tout les cas, les pures sont dangereuses, les diluées moins, ok, dans quelle mesure ? Quelle est la marge de sécurité pour la propriétaire d'un chat qui veut bien faire et utiliser des produits naturels pour ses animaux ? Et vous rendez-vous compte de votre responsabilité quand vous propagez ce genre de recettes ?

Notes diverses

Parce que les conflits d'intérêt, c'est pas pour les chiens :
Je suis vétérinaire : oui, je prescris et vends des produits à base de pyréthrinoïdes, mon billet devrait suffire à vous expliquer pourquoi. C'est pour cela que je les connais bien. Non, je ne fais pas fortune grâce à eux, et ne suis lié à aucune société en commercialisant, autrement que par ma relation de détaillant à un fournisseur. Je ne vends pas ces produits comme je vendrais des baguettes de pain : il y a des indications, des contre-indications, des usages recommandés et efficaces, d'autres qui ne le sont pas. Des alternatives, aussi. C'est mon boulot, de conseiller mes clients. N'hésitez jamais à demander conseil à votre vétérinaire !

Parce qu'avec des publications scientifiques, c'est mieux :
Clinical effects and outcome of feline permethrin spot-on poisonings reported to the Veterinary Poisons Information Service (VPIS), London
Feline permethrin toxicity: retrospective study of 42 cases
Poisoning due to Pyrethroids
Pyrethroid insecticides: poisoning syndromes, synergies, and therapy
Use and abuse of pyrethrins and synthetic pyrethroids in veterinary medicine
Tea-Tree :
Toxicity of melaleuca oil and related essential oils applied topically on dogs and cats
Australian tea tree (Melaleuca alternifolia) oil poisoning in three purebred cats (texte intégral)

Mes remerciements aux twittos qui m'ont donné un coup de main pour la rédaction de ce billet, spécialement à @Emita__

dimanche 31 mai 2009

Il a tout essayé

Le vétérinaire : Mais il est couvert de puces votre chien !
Le vieux bonhomme, résigné : Ne m'en parlez pas, j'ai tout essayé...
Le vétérinaire, pas convaincu : Tout ?
Le vieux bonhomme, catégorique : Tout.
Le vétérinaire, avec une puce qui lui court sur la main : Shampooings, pipettes, sprays ?
Le vieux bonhomme, avec un grand geste de la main : J'ai commencé par un bain de vinaigre blanc.
Le vétérinaire, sentant venir le n'importe quoi : Mouais, mais ça, c'est juste bon à faire fuir ce qui est sur le chien...
Le vieux bonhomme, qui n'a pas fini : Ensuite, j'ai essayé l'essence de lavande.
Le vétérinaire, fataliste : Ce qui a du bien lui déboucher les narines...
Le vieux bonhomme, biologique : Puis une amie m'a donné une solution avec des huiles et des trucs qui sentaient le thym et le citron, je l'ai baigné là-dedans.
Le vétérinaire, résigné : Au moins, ça devait sentir bon.

Le chien, sur la table, remue la queue. Des puces grouillent sur son arrière train et entre ses testicules, certaines semblent mesurer la distance jusqu'au bras du vétérinaire et du vieux bonhomme, juste à côté.

Le vieux bonhomme : Alors, je ne me suis pas démonté, je lui ai mis un collier anti-puce.
Le vétérinaire, goguenard : Et vous avez pu constater qu'aucun collier anti-puce ne fonctionne.
Le vieux bonhomme, remonté : Alors j'ai essayé la fleur de soufre !
Le vétérinaire, qui se demande quand ça va s'arrêter : Il paraît que c'est bon pour la peau.
Le vieux bonhomme, content de lui : Oui, avec du talc et de l'huile d'olive.
Le vétérinaire, patient : Il devait avoir de l'allure !
Le vieux bonhomme, pas démonté : Après j'ai employé les grands moyens !
Le vétérinaire, un brin moqueur : Des insecticides spécialement prévus pour les puces sur les chiens ?
Le vieux bonhomme, catégorique : Ah non, j'ai mis du spray l'an dernier, ça n'a pas marché.
Le vétérinaire, pédagogue : 4 coups de pompe par kilo de chien ? Ca en fait 80, vous lui avez vraiment mis 80 coups de pompe ? En général, les gens arrêtent avant, du coup, ça ne marche pas, effectivement...

Le vieux bonhomme reste silencieux. Le vétérinaire s'apprête à poursuivre, en constatant qu'on voit encore le scrotum du chien sous les puces qui grouillent.

Le vétérinaire, toujours pédagogue : Vous devriez plutôt utiliser les pipettes, au moins, vous mettrez la bonne dose, et sur du moyen terme, vous seriez débarrassé.
Le vieux bonhomme, balayant les pipettes d'un revers de la main : J'ai passé le chien au gasoil.
Le vétérinaire, résigné : Il paraît que certains prennent des bains de pétrole.
Le vieux bonhomme, affirmatif : En tout cas, ça lui a fait tomber toutes les puces.
Le vétérinaire, qui connaît la suite : Mais dix jours après, vous en aviez autant, puisque les œufs et les larves qui étaient dans l'environnement ont éclos, et sauté sur votre chien.

Le chien remue toujours la queue sur la table, il semble confirmer.

Le vétérinaire, qui poursuit sur sa lancée : L'avantage des pipettes, c'est que ça agit un mois. Certaines rendent même les œufs des puces stériles, on peut aussi traiter l'environnement avec des solutions à pulvériser, ou des fumigènes pour l'intérieur de la maison.
Le vieux bonhomme, qui saisit la perche : Tout à fait, j'ai donc passé tout le chenil au grésil.
Le vétérinaire, qui ne veut pas braquer : C'est mieux que rien.
Le vieux bonhomme, encouragé : Du coup, j'y ai passé le chien aussi.
Le vétérinaire, diagnostique : Ce qui nous amène au problème de peau qui est le motif de consultation de ce jour.

Je vous rassure, le chien a vraiment une peau d'une excellente qualité. Il s'en est très bien tiré.

dimanche 16 mars 2008

Essentielles

Vendredi, 11h59, le téléphone sonne à la clinique.

Une voix paniquée : "Docteur, c'est horrible, mon chat convulse dans tous les sens !
- Ben heu... amenez le vite."
Je mangerai une autre fois...

Dix minutes plus tard, le chat est sur la table de consultation. Il est vaguement conscient, convulse par intermittence, bave à en remplir des seaux, sa température est à 40°. Sans doute à cause des convulsions.

"Ca l'a pris brutalement, juste avant midi !
- Il a pu manger quelque chose d'inhabituel ? C'est un chat qui sort ?
- Oui, il vit autour de la ferme, il peut aller partout, mais quelque chose d'inhabituel... je ne sais pas, peut-être une plante ?
La dame retient ses larmes, elles a une voix presque stridente. Il faut dire que le chat n'est vraiment pas bien. Je lui injecte du valium pour calmer les convulsions en attendant de trouver leur origine.
- Mouais... Je n'y crois pas trop. C'est la première fois qu'il fait ça ?
- Oui ! Il est épileptique ?
- Pourquoi pas, mais ça m'étonnerait, il a 5 ans, et ce n'est vraiment pas fréquent chez les chats.
J'examine sa tête. Il n'a pas l'air d'avoir pris de coup.
- Il n'a pas pu prendre un coup sur le crâne, madame ?
- Pas juste avant les convulsions, il était à l'intérieur, en train de dormir.
Je regarde ses oreilles, ce chat a une petite gale auriculaire. Pas de quoi fouetter un ch... heu convulser.
- Vous avez des produits pour tuer les fourmis, les limaces, les souris, ou d'autres produits toxiques à la maison ?
- Ah non docteur, moi, je suis bio !
- Ah.
- Enfin sauf pour les moustiques, parce que la citronnelle et compagnie, c'est nul.
- Certes, mais vous n'avez pas mis un coup de bombe sur votre chat quand même ? Je hausse un sourcil, inquiet.
- Ah nooooon.
- Bon... bizarre.
Je commence à me demander si une otite pourrait faire ça.
- Il avait la tête penchée, votre chat ?
- Oui, parce qu'il a une gale !
- Effectivement, bien observé.
- Mais je l'ai traitée, ce matin d'ailleurs.
- Ah ! Avec quoi ? Du lindane ?"
Cette vieille molécule, qui vient d'être totalement interdite, était encore utilisée il y a peu pour traiter les gales auriculaires des chats et des chiens. Pour ces derniers, pas de problème, c'était un produit très efficace et sans effet secondaire. Pour les chats, par contre, j'étais assez frileux, car même si le médicament possédait l'indication dans cette espèce, on dénombrait quelques accidents neurologiques... un peu trop à mon goût.
"Du lindane ? Quelle horreur ! Non, avec des huiles essentielles ! De la sariette."
Je suis nul en médecines alternatives. Mon truc, c'est la médecine, pas l'alternative. J'ai été un étudiant très remonté contre l'homéopathie ou l'aromathérapie, mais j'ai décidé d'être moins sectaire le jour où j'ai vu une grand-mère retirer le feu à son petit-fils, brûlé au second degré. Je suis devenu plus pragmatique : vrai truc qui m'échappe ou effet placebo, peu importe, si ça marche et qu'on ne m'empêche pas de faire mon boulot. Par contre, avec les huiles essentielles, je suis très méfiant. Il y a beaucoup de molécules très toxiques là-dedans, et possédant une forte affinité pour le gras, et donc... le système nerveux.
"Vous lui avez mis de l'huile essentielle de sariette dans l'oreille ? Pure ?
- Oui, mais juste une petite goutte !"
Je prends mon otoscope, et part explorer le conduit auditif... il est cruellement brûlé par le produit, je crois que je tiens mon coupable.
"Je ne recommencerais pas d'ailleurs, apparemment ça l'a brûlé !
- Effectivement."
Sa voix s'affaiblit. "J'ai intoxiqué mon chat ?
- Manifestement. Vous avez versé un produit potentiellement neurotoxique à un centimètre de son cerveau...
- Et il y a un antidote ?
- Pas à ma connaissance... je vais le perfuser, le maintenir sous sédation, et tenter de sauver son foie, la plupart de ces saletés sont hépatotoxiques."

Deux jours plus tard, le chat rentrait chez lui, sans séquelle apparente. Plusieurs mois après cet épisode, il se porte très bien.

J'en ai retenu plusieurs choses, après m'être renseigné (la propriétaire du chat m'a elle-même fourni un certain nombre de documents qu'elle a déniché sur la toile - je ne vous donne pas les liens, car je trouve ces articles très incomplets, ou faux sur un certain nombre de points).
Les huiles essentielles sont manifestement très toxiques chez les chats. Pour des questions de dose, et parce que les chats ont du mal avec les molécules toxiques (une histoire de déficience hépatique, nous en reparlerons quand nous discuterons du paracétamol).
Elles peuvent détruire le foie, et leur affinité pour le gras favorise une accumulation dans le cerveau (et des troubles neurologiques car certaines molécules sont très réactives). Sans parler de tous leurs effets, variables selon les huiles, et parfois dangereux (oui, ce sont réellement des molécules actives). Théoriquement, la sariette serait plus hépatotoxique que neurotoxique, mais ça ne correspond pas à ce cas... ?

N'oubliez pas que ces huiles sont obtenues à partir de procédés de purification somme toute grossiers, et que leur composition est très mal connue, contrairement à des médicaments synthétiques dont la pureté est certaine, et dont les effets, bénéfiques comme néfastes, ont été étudiés avec une très grande attention.

Vous faites bien ce que vous voulez avec votre santé, mais évitez de mêler les animaux, ou, pire encore, les enfants, à ces traitements empiriques et mal maîtrisés.

lundi 18 février 2008

Coagulation

Dans tous les métiers, il y a des cauchemars professionnels. C'est en lisant celui d'un avocat que j'ai repensé à l'un des miens (en passant, Jeanne Brugère-Picoux est vétérinaire et prof à l'ENVA, et son propos a été discuté dès le lendemain par un autre témoin, mais bon, je disgresse).

La matinée semblait partie pour être tranquille. Nous allions donc être surchargés.

Lire la suite...

mardi 15 janvier 2008

Cannabis

Par Vache albinos, invité de luxe
_________________

18h30, un vendredi : Mme Très-Riche, la soixantaine, gérante d'une propriété comprenant des activités de chasse, pêche, exploitations agricoles fruitière et horticole, une propriété abritant également un hôtel restaurant parmi les plus renommés du canton (une opulence qui aura son intérêt dans la section « Diagnostic »)... Mme Très-Riche, donc, débarque en urgence, catastrophée, tenant aux bras Linette, sa petite croisée (type bichon croisée papillon, 1,5 kg environ), sa fifille recueillie et sauvée de la famille Nardier chez qui elle est née dans des conditions douteuses il y a quelques mois.
Linette présente des symptômes plus qu'évidents : elle tremble comme jamais je n'ai vu trembler un animal. La petite chienne a un peu vomi mais, surtout, on citera comme clinique : convulsions brutales, sur l'ensemble du corps, les yeux - en mydriase, noirs de jais – sont pris de violents nystagmus, le tout à une vitesse frénétique. Imaginez quelque chose entre la possession démoniaque et le cartoon (vous savez, Grominet qui prend le jus)... Pathologie d’apparition suraiguë, température corporelle : 42°C (un muscle qui travaille est un muscle qui chauffe). L'animal est hyperesthésique à un degré rare (augmentation des réactions aux stimuli ; dans le cas présent, vous marchiez à moins de 2 mètres sur un sol carrelé sans prendre la précaution de retirer vos semelles et d'arriver en chaussettes, le bruit de vos pas faisait bondir - comme propulsée par un ressort - la pauvre Linette).
Gestion dans l’urgence, Valium insuffisant, anesthésie générale... L'animal continue de trembler sous anesthésie, même profonde...

Lire la suite...