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lundi 4 juin 2012

Stériliser sa chienne ou sa chatte

La peluche vient de recevoir sa seconde injection de primo-vaccination. Nous discutons alimentation, et un peu éducation. Je pose la question de la stérilisation.
- Ah oui docteur, on va la faire opérer hein, quand elle aura fait sa première portée.
- Ah, vous voulez une portée ?
- Oh oui docteur, comme ça elle sera heureuse.
- Mmh vous savez, ce n'est pas d'avoir une portée qui la rendra, ou pas, heureuse. Vous avez réfléchi à ce que vous ferez des chiots ?
- On lui en laissera un, parce que sur le bon coin, c'est difficile de les vendre.
- Donc vous allez tuer les autres ?
- On vous les apportera quand ils seront tout petits.
- Et vos faites ça pour qu'elle soit heureuse ?

Je veux dire : anthropomorphisme pour anthropomorphisme, soyons au moins cohérents.

Notez que ça marche avec plein de variantes :
On lui laissera faire une fois des chaleurs.
Une portée, mais on ne garde aucun petit.
Ce serait mieux si on la faisait saillir puis avorter ?

Cela fait des années que j'entends ce genre de choses. J'anticipe de plus en plus, amène la conversation sur le sujet le plus tôt possible, dès la première consultation de primo-vaccination, en indiquant sans insister qu'on en reparlera le mois prochain - histoire de forcer les gens à y réfléchir un minimum.

J'ai appris à ne plus énoncer ma science en me réfugiant dans mes scolaires certitudes. J'ai appris à ne pas donner l'impression d'être un maniaque de la stérilisation. Je fais attention aussi à ne pas avoir l'air vouloir opérer "juste pour faire de l'argent". D'ailleurs, quand je devine le soupçon dans le regard de mon interlocuteur, un calcul rapide de ce que me rapportent les problèmes de reproduction le dissipe assez efficacement. On y reviendra.

Mais de quoi parle-t-on ?

Aujourd'hui, on parle des filles. J'ai déjà abordé le devenir des testicules dans un précédent billet, je ne reviens pas dessus. Je ne vais pas reprendre certains éléments, qui restent pertinents dans le cadre de la stérilisation des femelles. Je vais me concentrer sur les chiennes et les chattes.

Chez la chienne, la puberté (le moment où l'animal devient apte à se reproduire) survient entre 5 et 18 mois. En général, plus c'est une chienne de grand gabarit, plus la puberté est tardive. 5-6 pour une chienne de 5-10 kg, 18 mois pour une Saint-Bernard. Évidemment, c'est complètement approximatif, et il y a des tonnes de contre-exemple. Mais ça vous donne une idée. C'est d'ailleurs assez spectaculaire pour les plus précoces, les propriétaires ne s'étant pas encore habitués à leur petit bébé boule de poil qu'elle est déjà enceinte.

Les chattes sont plus compliquées : leur puberté survient en général vers 4-6 mois, mais le déclenchement des cycles sexuels est saisonnier. En gros : de janvier à septembre. Plus que l'âge, je regarde la période de l'année (quel âge aura-t-elle en janvier si elle est née en été/automne, quel âge aura-t-elle en automne si elle est née au printemps ?).

Un cycle sexuel canin dure 6-7 mois, en moyenne. Disons deux périodes de chaleurs (on dit œstrus quand on veut être précis) par an. Gestation ou pas, cette durée ne varie pas, ou peu. Selon les races, les portées comptent de deux à quinze petits. Voire plus.

Le cycle sexuel de la chatte est un véritable foutoir. Sans saillie, une chatte est généralement en chaleur pendant une semaine toutes les deux semaines. La gestation dure environ deux mois, pour deux à six chatons en général. Trois portées par an, avec les filles de la première portée qui mettent bas en même temps que la troisième portée de leur mère, pas de problème.

Elle veut des bébés ?

Pour les gros malins du fond qui font des blagues sur les salopes en chaleur : les chaleurs, ce n'est pas un choix de la part de la femelle. A aucun moment. Lorsque le cycle en arrive là, les décharges hormonales poussent la femelle à chercher le mâle. Elle part "en chasse", comme on dit. Pas parce qu'elle en a envie, ou qu'elle veut se faire plaisir, ou parce qu'elle sera heureuse avec des bébés. Non : parce que ses cycles l'y obligent. Et les mâles ne sailliront pas pour le plaisir, ou par choix. S'ils vont se foutre sur la gueule pour la femelle en chaleur, c'est parce qu'ils sont en rut, à cause des phéromones produites par la femelle. On ne parle donc pas de plaisir, de désir d'enfant, ou de toutes ces choses qui font la complexité de notre humanité. Je sais que des commentateurs vont encore me faire le coup de "mais les humains aussi marchent aux phéromones". Non. Les phéromones ne dictent pas notre conduite, ne nous forcent pas à accomplir des actes instinctifs. Qu'elles aient une action dans le désir et la séduction, admettons. Mais je n'ai jamais vu de femme en train de se rouler sur le dos dans la rue en espérant que tous les badauds du quartier la sailliront en montrant leurs pectoraux virils.

Tiens, dans la Paille dans l’œil de Dieu, de Larry Niven, il y a un abord très intéressant d'une civilisation intelligente soumise à un impératif de reproduction.

La chirurgie

Chienne ou chatte, le principe est le même : une incision cutanée, soit sur la ligne blanche (c'est la ligne verticale qui prolonge le sternum, passe sur le nombril et arrive au pubis) près du nombril, soit sur les flancs (dans le creux en arrière des côtes et sous les lombes). Incision musculaire en dessous, on ouvre le "sac abdominal" plus précisément nommé péritoine, et là, on se trouve dans le ventre : on voit les intestins, l'estomac, la vessie, le foie, les reins, et les ovaires et l'utérus.

Les ovaires, ce sont les couilles des filles : ayant meilleur goût que les garçons, elle se passent du scrotum et cachent leurs affaires près des reins, près de la colonne vertébrale. Tout au fond.

L'utérus, c'est un tuyau qui ressemble à un Y. Au bout de chaque bras du Y (on appelle ça les cornes), il y a un ovaire. En bas du Y, il y a le col de l'utérus, qui sépare l'utérus des parties qui intéressent plus le mâle moyen, en tout cas humain : le vagin, puis le vestibule et la vulve. C'est dans l'utérus que se passe la gestation.

Quand on stérilise une chienne ou une chatte, on réalise une ovariectomie (ovari- pour les ovaires, -ectomie pour enlever). Une ligature ou deux sur le pied qui apporte le sang à l'ovaire, une ligature sur le bout du bras du Y, et hop. Je passe sur les détails.

On peut également pratiquer une hystérectomie : on enlève l'utérus. C'est un poil plus lourd. Et dans ce cas on enlève aussi les ovaires, c'est donc en réalité une ovario-hystérectomie. Mêmes ligatures sur les pédicules ovariens, mais on enlève l'utérus tout en laissant le vagin.

Vous pouvez employer le mot castration, qui est le terme courant pour la chirurgie consistant à enlever les gonades (une gonade, c'est le terme générique pour les ovaires et les testicules). En pratique, l'usage consacre plutôt le mot castration à l'orchiectomie, c'est à dire la castration des mâles.

Ce sont des opérations courantes. Pas anodines, mais pratiquées tous les jours ou presque par tous les vétérinaires. Les complications chirurgicales sont rares, et consistent essentiellement en des hémorragies au niveau du pédicule ovarien, pénibles mais pas très graves : il suffit de rechoper ce foutu pédicule (c'est simple, dis comme ça, mais en fait c'est super casse-gonade) et de refaire une ligature. Stress maximum pour tous les chirurgiens débutants, surtout sur les grasses.

En pratique, chez la plupart des vétérinaires : vous amenez votre chienne ou votre chatte le matin, vous la récupérez le soir. Elle sera debout, un poil dans le gaz, et prête à faire comme si de rien n'était, en dehors de ce pansement et/ou de ces sutures qui grattent et qu'elle aimerait bien arracher. Elle aura sans doute une collerette. Elle aura peut-être des antibiotiques et des anti-inflammatoires à prendre quelques jours.

Choix chirurgical

Ovario, ou ovario-hystérectomie ?

A ma connaissance, la plupart des vétérinaires français pratiquent en priorité, sur les jeunes animaux non pubères ou à peine pubères, une ovariectomie simple. Les manuels américains semblent privilégier l'ovario-hystérectomie, mais les publications que j'ai trouvées semblent plutôt en faveur de nos habitudes (notamment van Goethem & al., 2006).

En pratique, surtout sur les jeunes chattes qui risquent d'être pleines, c'est surprise à l'ouverture : s'il y a une gestation visible, on enlève l'utérus, sinon on le laisse. Note aux ASV : bien penser à prévenir avant les propriétaires des animaux que le prix ne sera, du coup, pas le même, ça évite des crises à l'accueil, surtout avec ces charmants clients qui téléphonent d'abord à toutes les cliniques de la région pour choisir la moins chère pour opérer minette.

Par les flancs, ou par la ligne blanche ?

Sur les jeunes chiennes, je propose les deux. Si j'ai un doute sur une gestation, c'est ligne blanche (on ne peut pas faire d'hystérectomie par les flancs). je n'ai pas de préférence forte, je laisse choisir les gens, surtout sur des critères esthétiques. Je trouve que la récupération post-op' est un poil meilleure en passant par les flancs, mais ce n'est pas essentiel.

A quel âge pratiquer la stérilisation ?

Le discours classique, c'est : avant les premières chaleurs, au plus tard entre les premières et secondes chaleurs. Pas pendant les chaleurs. Et pourquoi pas sur des animaux très jeunes. Cette chirurgie peut bien entendu être pratiquée sur des animaux plus âgés, ayant déjà eu, ou non, des portées. Rien n'empêche de stériliser une chienne ou une chatte de dix ans. Ou quinze.

La stérilisation très précoce (vers trois mois) ne semble pas augmenter le risque d'apparition d'effets indésirables (je reviendrai sur ces derniers plus bas). Elle possède d'indéniable avantages pratiques, Dr Housecat est vétérinaire et éleveur de chats, il vous explique ici pourquoi il la pratique.

Les avantages de la stérilisation

Les chaleurs

Si votre chatte est ovariectomisée, elle ne miaulera pas comme une perdue pendant une semaine toutes les deux trois semaines pendant 6 mois. Elle ne vous fera pas deux ou trois portées de chatons dont vous ne saurez que faire. Elle n'attirera pas tous les matous du quartier qui viendraient hurler tels des métalleux décidés à expérimenter la sérénade au balcon. Qui du coup ne se sentiront pas obligés de se foutre sur la gueule sous vos fenêtres, voire dans votre maison, si ils arrivent à rentrer. Ils éviteront aussi, du coup, de devenir castagner votre gentil chat castré qui ne demandait rien à personne et se demandait bien pourquoi sa copine s'était ainsi transformer en furie.

Si votre chienne est stérilisée, elle n'aura pas, deux fois par an, ses chaleurs, et tous les chiens du coin ne viendront pas creuser des trous dans votre jardin et pisser sur le pas de votre porte. Vous pourrez vous promener avec elle dans la rue sans avoir l'impression de refaire les 101 dalmatiens. Il n'y aura pas de gouttes de sang sur vos tapis. Mais vous ne pourrez pas lui mettre ces culottes super sexy. Ou alors juste pour le plaisir.

Une chienne ou une chatte stérilisée n'a plus de chaleurs. C'est le but.

Et pas de bébé, du coup.

Les tumeurs mammaires

C'est, en termes de santé, l'argument majeur poussant à la stérilisation précoce des chiennes et des chattes. Pour le dire simplement : le développement des tumeurs mammaires est lié au développement et à l'activité du tissu mammaire. Pas de puberté, pas de cycle sexuel, beaucoup moins de tumeurs mammaires.

Les chiffres sont spectaculaires : le risque de développer les tumeurs mammaires est diminué de 99.5% lorsqu'une chienne est stérilisée avant ses premières chaleurs. Le résultat est presque aussi bon si la chirurgie a lieu entre les premières et les seconde chaleurs. Ensuite, stériliser présente toujours un intérêt, mais moindre. En sachant que les tumeurs mammaires sont le cancer n°1 de la chienne, et le cancer n°3 de la chatte, que les tumeurs sont malignes dans 50% des cas chez les chiennes et plus de 90% des cas chez les chattes, ce seul avantage en termes de prévention justifie la stérilisation.

En passant, concernant les tumeurs ovariennes : elles sont rares, mais évidemment, le risque devient nul après chirurgie.

Les infections utérines

Le pyomètre, littéralement, c'est l'utérus qui se transforme en sac de pus. C'est une infection assez fréquente chez les chiennes âgées, qui passe longtemps inaperçue (pas de perte, ou pertes avalées par la chienne qui se lèche la vulve avant de vous faire un bisou sur le nez). Le traitement peut être médical, mais le risque de rechute et si élevé que l'ovario-hystérectomie est très fortement conseillée.

Mon record sur une chienne berger allemand est un utérus de 4.2kg. De pus. Et je suis sûr que certains ont fait pire.

Les risques de séquelles sont importants, en accélérant notamment l'apparition d'une insuffisance rénale chronique.

Pas de cycle : pas de pyomètre.

Les maladies sexuellement transmissibles

J'en ai déjà parlé dans le billet sur la castration, c'est un avantage essentiel pour les chattes (moins pour les chiennes).

Les inconvénients de la stérilisation

Les chaleurs

Une chienne ou une chatte stérilisée n'a plus de chaleurs. Donc si vous voulez avec une ou plusieurs portée, quelles que soient vos motivations, il est évident qu'il ne faut pas la faire opérer... j'enfonce une porte ouverte, mais je vous assure que ce n'est pas pour le plaisir, on m'a déjà posé la question. Il ne faut jamais sous-estimer les incompréhensions sur les questions de sexualité et de reproduction. Je suis persuadé que les médecins ont plein d'exemples en tête, rien qu'en me lisant. Mauvaise éducation, tabous, je ne sais pas, mais maintenant, je prépare le terrain.

Il est parfois plus facile pour certaines personnes de noyer des chatons que de parler sexualité animale avec le vétérinaire.

L'obésité

C'est le risque n°1. Oui, les chiennes et chattes stérilisées, comme les mâles, ont un risque d'obésité très supérieur à celui des animaux "entiers". Comme chez les mâles, une surveillance sérieuse de l'alimentation permet d'éviter ce danger.

L'incontinence urinaire de la chienne castrée

Ça aussi, c'est un risque réel : la force du muscle qui ferme la vessie (le sphincter urétral), dépend en partie de l'imprégnation en œstrogènes, qui sont des hormones fabriquées dans les ovaires. La stérilisation, chez certaines chiennes, provoque un affaiblissement de ce muscle. La chienne, surtout si elle dort et a la vessie pleine, peut "déborder" : ce sont souvent des mictions involontaires de fin de nuit, plus ou moins marquées. Ce ne sont pas des chiennes qui se pissent dessus toute la journée en déambulant dans la maison.

Ce n'est pas grave, mais c'est pénible, et relativement fréquent. Il existe des traitements efficaces pour ce problème.

Les cancers

Quelques études ont soulevé un risque supérieur (x1.5 à x4) d'ostéosarcome, de carcinome transitionnel de la vessie et d'hémangiosarcome chez les chiennes stérilisées. Ces cancers sont relativement rares (beaucoup plus que les tumeurs mammaires), et cette augmentation de risque ne justifie pas d'éviter la chirurgie.

J'insiste sur ce point, car on lit généralement des articles fracassants dans la presse sur des notions proches, et assez mal comprises, du genre :

Si l'incidence des hémangiosarcomes canins est globalement de 0.2% (sur 1000 chiens pris au hasard, 2 ont un hémangiosarcome), une étude a relevé une incidence de 2.2 x 0.2 % soit 0.44% sur les chiennes stérilisées : sur 1000 chiennes stérilisées, 4.4 ont un hémangiosarcome. Je simplifie le raisonnement et évacue la problématique de la "fiabilité" des études, pour que ce soit simple à comprendre.

Si l'incidence des tumeurs mammaires canines est globalement de 3.4% (sur 1000 chiennes prises au hasard, 34 ont des tumeurs mammaires), cette incidence passe à 0.5 % x 3.4 % soit 0.017 % : sur 1000 chiennes stérilisées elles ne sont plus que 0.17 à avoir des tumeurs mammaires...

Voilà pourquoi je dis que l'avantage est incomparable aux inconvénients sur ces risques.

Au sujet des idées à la con, en vrac

Le bonheur et la nature

J'ai déjà évoqué ce point plus haut. C'est l'argument principal soulevé par les propriétaires, qui craignent que leur chienne ou leur chatte ne soit pas heureuse si elle n'a pas de cycles, ou pas de petits. J'ai cherché pendant des années comment le faire admettre à ceux qui ne peuvent concevoir le bonheur sans enfant. Ou qui trouvent que ce n'est pas naturel. Finalement, c'est un documentaire sur les loups qui m'a donné un argument qui marche presque à tous les coups : dans une meute, seul le couple alpha se reproduit. Les autres ne sont pas malheureux pour autant, et c'est naturel. Notez que pour approximative qu'elle soit, la comparaison marche aussi pour expliquer aux maîtres qu'ils doivent être les maîtres, et qu'un chien dominé n'est pas un chien malheureux.

Et votre chienne ne vous en voudra pas, pas plus que votre chatte.

La perte de caractère

Non, une chienne stérilisée, pas plus qu'un chien castré, ne perd son identité, son caractère, son envie de jouer avec vous, de se barrer chasser les lapins ou rassembler les moutons.

Les ovaires, pas plus que les testicules, ne sont le siège de la personnalité et de l'intelligence.

Les chirurgies exotiques

Non, n'enlever qu'un ovaire, ça ne sert à rien. Je n'ai toujours pas compris pourquoi certains vétérinaires pratiquaient cette opération (des anciens, en général). Si quelqu'un a un indice ? J'ai suppose à un moment qu'ils n'enlevaient que le plus facile à atteindre, et ligaturaient l'autre trompe, histoire de simplifier la chirurgie, mais... en fait je n'en sais rien. Cela dit ça fait dix ans que je n'en ai pas vu.

N'enlever que l'utérus, c'est garder à peu près tous les inconvénients des cycles sexuels, pour n'avoir qu'un avantage, l'absence de gestation. Cliper ou ligaturer les trompes, idem.

samedi 17 mars 2012

Au secours, ma chienne met bas !

Préliminaire : ce billet s'adresse aux particuliers dont la chienne va mettre-bas. Pas aux éleveurs blasés qui ont déjà vu naître des dizaines de chiots.

Vous le saviez. Ou vous vous en doutiez. C'était voulu, ou pas du tout. D'ailleurs, vous vous demandez bien qui pourrait être le père. Ou les pères ?

Mais là, pas de doute. Elle a pris du bide, ses flancs se sont arrondis, elle respire comme une cocotte minute moderne avec un joint foutu, ses mamelles se sont gonflées, sa vulve s'est décrochée et pendouille au même niveau que les tétine, même sa température a chût. La mise-bas est imminente. Vous ne savez pas si elle aura lieu dans une heure, dans un jour ou dans deux, si vous serez là ou pas, si vous allez vous réveiller avec plein de bébé trop mignons dans sa panière, ou si vous allez assister à un remake d'alien, avec des face hugger qui ne veulent pas sortir de son vagin.

L'angoisse

Si vous avez été voir le véto, vous savez sans doute combien il y en a (radiographie de gestation réalisée à plus de 45 jours). Il n'y en a peut-être qu'un (alerte, il risque d'être très gros, ça c'est une mise-bas à risque potentiel), mais il peut aussi y en avoir une douzaine, voire plus. Et puis, savoir combien il y en a, c'est pratique, au moins vous saurez quand c'est terminé. Parce que des fois, ça peut durer 24h...

Déjà, dédramatisons : dans l'immense majorité des cas, tout se passe bien, et votre présence ne sert à rien.

Est-ce qu'ils seront trop gros ? Non, c'est rarissime. Si la tête passe, le reste passe, et la taille des chiots dépend de la taille de l'utérus, donc de la chienne. Même si le mâle fait deux fois le poids de la femelle, ce n'est pas bien grave. Si la gestation a été très longue (65 jours ?), les chiots risquent d'être assez costauds, mais bon, ça ne va pas forcément les empêcher de pointer le bout de leur truffe.

Est-ce que leur mère saura s'en occuper ? Oui. Maladroitement, mais oui. Seules les chiennes hyper anxieuses, trop attachées à vous ou complètement instables ont du mal à gérer leurs chiots nouveaux-nés. Dans l'immense majorité des cas, elles se lècheront la vulve à la sortie du bébé, lui boufferont les enveloppes fœtales (le placenta et tout le bordel) puis raccourciront le cordon. Laissez les faire. Ne les stressez pas. N'intervenez pas, enfin, j'y reviendrai.

Est-ce que la mère poussera bien comme il faut ? Dans l'immense majorité des cas, oui. Et si rien ne se passe alors que tout semble prêt, consultez votre vétérinaire, mais sans urgence. Enfin, n'attendez pas deux jours non plus hein. Ce que je veux dire, c'est qu'en cas de part languissant (oui, c'est comme ça qu'on dit), les chiots ne sont pas expulsés et restent au chaud. Quelle qu'en soit la raison, ils sont relativement à l'abri, nourris, oxygénés. Il faudra peut-être une intervention vétérinaire, voire une césarienne, mais ce n'est pas une urgence absolue. D'autant qu'il est souvent dur de savoir si la chienne a vraiment commencé le travail ou pas.

Est-ce qu'ils sauront téter ? Oui. Il faudra peut-être aider le rata culot de portée à se faire une place s'ils sont nombreux, mais sans plus.

Étape par étape

Elle pousse !

Votre chienne a commencé à pousser. Des HHMMMFFFF plus ou moins désespérés, avec un ventre plus ou moins tendu. Ça n'a pas l'air agréable ? Ça ne l'est pas. Les mamans parmi vous le savent mieux que moi. Si c'est la première fois, votre chienne ne sait sans doute pas comment se poser. Sur le côté, plus ou moins sur le sternum, tête en général dirigée vers le lieu des opérations. Ou alors en position "j'ai une grosse crotte à faire mais bordel elle veut pas sortir HHHMMMMFFFFF". Cette dernière position a d'ailleurs l’amusante particularité d'offrir une naissance sportive au chiot qui va aller s'exploser par terre (enfin, façon de parler, laissez la gérer, bordel).

Tiens, prévoyez que ça risque de tacher, d'ailleurs.

Et puis foutez lui la paix. Si elle vous cherche, soyez-là. Mais c'est tout.

Elle a un truc au cul !

Alors, en fait, il y a une poche plus ou moins noire vaguement translucide qui apparait entre ses lèvres vulvaires. Ne touchez à rien. Votre chienne est probablement en train de pousser comme une dingue, avec des périodes de pause. Laissez-la faire à son rythme. La poche, c'est le sac à bébé, je ne rentre pas dans le détail, vous n'êtes pas la pour ça, mais chez la chienne, il y a un pigment vert assez crado, il y aura un peu de sang, bref c'est pas joli mais c'est normal. Votre chienne va certainement manger tout ça. Laissez faire. j'ai déjà vu une ou deux gastro suite à l'ingestion de quantités importantes de placenta, mais bon. Rien de méchant.

Ne vous inquiétez que si cette poche reste longtemps comme ça, sans progression. Longtemps, c'est quoi ? Une minute, deux minutes. Trois, même ? A ce moment là, ça parait très long. Attendez un peu avant de courir en rond en levant les bras au ciel et en appelant au secours.

Si plus rien ne se passe et que les choses en restent là. J'espère que vous avez les ongles courts. Lavez-vous les mains quand même... les gants, c'est comme vous voulez. Moi je n'aime pas trop l'effet "pellicule de latex", je trouve qu'on sent moins bien les détails. Mettez les doigts dans le vagin de la chienne, autour de la poche ou du chiot si la poche est déchirée. La chienne devrait pousser en sentant la dilatation vaginale augmenter. Essayez d'écarter les doigts pour élargir le vagin.

Si la chienne ne pousse pas avec ça, et que ça dure, il va falloir tirer le chiot. Et vous n'aurez pas le temps d'arriver chez votre véto. Donc il va falloir vous démerder. Passez l'index et le majeur de chaque côté de la tête du chiot, et si vous y arrivez, passer même les doigts de chaque côté du thorax, derrière les épaules. et pliez les comme des crochets. Vous allez vous servir de vos deuxièmes phalanges comme de pinces, et tirer doucement, tout doucement, en faisant des petits mouvements de rotations du poignet pour faire tourner le chiot sur lui même. Il faut tirer fort, et lentement.

Ne tirez pas sur les pattes, c'est fragile. La tête et le cou, c'est costaud. Vraiment.

Ça à l'air compliqué ? En fait, ça ne l'est pas, mais cela le sera pour vous, parce que vous ne saurez pas comment foutre vos doigts, parce que vous aurez peur de faire mal à la chienne (mais un vagin, c'est indestructible), parce que vous n'oserez pas tirer. C'est normal, ce n'est pas votre boulot.

Heureusement, ce genre de situation n'arrive presque jamais.

N'oubliez pas non plus cette règle d'or : le chiot n'a pas d'importance. C'est la mère qui en a. Un chiot mort, c'est désolant, mais ce n'est pas grave. Tant pis. Bien sûr, le but est de le sauver. Mais la mère a la priorité. Si vous vous retrouvez un jour dans cette situation, vous aurez sans doute besoin de votre vétérinaire, mais il est très probable qu'il soit trop tard pour le petit coincé. N'oubliez pas ses frères et sœurs derrière.

Le chiot vient par le cul !

On dit "par le siège". C'est moins bien, mais ce n'est pas grave, un chiot c'est un boudin, la tête ne restera pas coincée, et si vous devez intervenir, vous mettrez vos doigts en crochet de chaque côté de l'abdomen, derrière le bassin.

Vous ne tirerez pas sur les pattes ou sur la queue, sinon elles vous resteront dans les doigts.

Le chiot est sorti !

Le chiot est sorti et il est encore plus ou moins dans sa poche, qui a du se déchirer totalement ou partiellement. C'est vert et dégueulasse, c'est normal. Ça ne sent pas mauvais, au contraire. Enfin moi j'aime beaucoup cette odeur douceâtre de viande tiède et de sang. La mère doit lécher ça comme une dingue, et s'avaler le bordel.

Ne vous occupez pas du cordon. la mère va gérer, le couper plus ou moins court.

Le seul truc que vous pourriez avoir à faire, c'est libérer la tête du chiot si votre chienne ne s'en occupe pas très vite (dans les 10-20 secondes), histoire qu'il puisse respirer. Méfiez-vous notamment quand deux chiots sortent presque simultanément, elle s'occupe encore du premier alors que le second reste dans son sac. Mais ne faites rien de plus, il n'y a pas urgence.

Mais s'il ne respire pas ?

Logiquement, un chiot qui sort gigote et piaule. Le bruit est caractéristique et a pour propriété de mettre tout le monde d'excellente humeur. J'adore les entendre pendant une césarienne, ou dans une cage au chenil quand je travaille en consult'.

S'il ne fait rien de tout ça, vous pouvez essayer de le sauver.

Vous risquer d'échouer, mais au moins, vous aurez essayé. De toute façon, vous n'aurez pas le temps d'être chez votre véto.

Prenez le dans les mains, la queue vers vous, la tête plus ou moins pendante mais néanmoins vaguement maintenue par vos doigts, et donnez quelques coups secs vers le bas, comme si vous vouliez vider la bouteille de shampooing. Oui, c'est violent. L'idée est de vider les voies respiratoires du liquide ou des mucosités qui s'y trouvent. On n'est pas sûr que ça serve à grand chose, mais bon, les habitudes... Deux, trois fois, pas plus.
Ensuite, frictionnez le chiot avec une serviette, en insistant sur les côtes. Soyez dynamique, vous êtes là pour réveiller un mort ! Frottez comme si vous deviez enlever un truc bien recuit sur la plaque de cuisson, en appuyant moins fort quand même (le but n'est pas de les lui casser, les côtes).

Ça vaut le coup d'essayer pendant deux minutes. Disons trois. Au bout de cinq, si le chiot n'a donné aucun signe de vie, laissez tomber.

Je vais mourir de stress

Oui, c'est assez probable. Pourtant, il n'y a pas de quoi. La plupart du temps, tout se passe bien. Les seuls qui doivent vraiment se méfier sont les propriétaires de bouledogues et autres brachycéphales hypertypés, mais ils sont censés être au courant.

Il n'est pas rare d'avoir un ou deux chiots morts sur une portée, à la naissance ou juste après. Pour plein de raisons. Vous ne pouvez pas éviter ce risque. Ou alors, faites stériliser votre chienne.

Certains maîtres ont eu le malheur de vivre des mise-bas catastrophiques. Qui se sont bien terminées, mais chez le véto, avec ou sans césarienne, avec des chiots morts ou pas, voire tous morts.

Si vous faites reproduire votre chienne, vous acceptez ces risques.

Et si vous ne voulez pas de chiots mais qu'il y a eu un accident, il reste toujours la possibilité de la faire avorter (alors évidemment, si on en est aux derniers jours, ça va être plus compliqué).

Et il ne vous reste plus qu'à placer les chiots...

Dans un prochain billet, on discutera de la pertinence de faire reproduire sa chienne. Puis on discutera stérilisation des chiennes, et des chattes tant qu'on y est...

samedi 23 janvier 2010

Vétérinaire, ou vétérinaires ?

Suite à quelques questions ou incompréhensions de la part de clients ou de lecteurs, je me suis dit qu'une petite série d'explications sur les différents rôles, statuts et diplômes de vétérinaires ne serait pas inutile... Je précise que je ne me cantonne ici qu'aux vétérinaires exerçant la médecine et la chirurgie des animaux. Pour le reste, on en reparlera, si vous le souhaitez, une autre fois.

Le site du Conseil National de l'Ordre Vétérinaire est plutôt pas trop mal fait à cet égard, vous y trouverez la plupart des références citées ici.

Les diplômes et titres

Le diplôme de vétérinaire et le doctorat

Les docteurs vétérinaires français ont suivi une formation dans l'une des quatre Écoles Nationales Vétérinaires (Lyon, Maison-Alfort, Toulouse, Nantes, par ordre d'ancienneté).

Ils ont un Diplôme d'Études Fondamentales Vétérinaires (DEFV) et un doctorat, suite à la soutenance d'une thèse de doctorat vétérinaire, délivré par une université. Tous les vétérinaires formés dans les ENV sont donc des docteurs vétérinaires.

Les vétérinaires de l'Union Européenne peuvent également exercer en France sans formalité lourde, même s'ils n'ont pas de doctorat (article L241-2 et suivants du code rural et arrêté NOR : AGRG0818829A)

Les vétérinaires des autres pays doivent voir leur situation au cas par cas avec l'Ordre pour pouvoir exercer en France.

Les autres diplômes et certificats

Les vétérinaires peuvent suivre des formations au-delà de leur doctorat. Ces formations peuvent permettre d'obtenir des diplômes ou des certificats. L'article R812-55 du Code rural en établit la liste.

Ce sont par exemple les Certificats d'Études Supérieures (CES), les Certificats d'Études Approfondies (CEAV), Diplômes d'Études Spécialisées (DESV) et Diplômes d'Écoles (DE). Vous pouvez consulter leur liste complète ici. Ils peuvent être mentionnés sur les plaques et ordonnances puisqu'ils sont une reconnaissance officielle d'études supérieures. Je précise ce point car on ne peut pas mettre n'importe quoi sur sa plaque ou ses ordonnances, seulement les diplômes de cette liste et certains autres indépendants des écoles vétérinaires mais reconnus par l'Ordre. Par exemple, la formation sur l'évaluation de la dangerosité des chiens n'ouvre droit à aucun diplôme, je ne peux donc la mentionner sur mes documents officiels.

Vous trouvez cette liste compliquée et vous ne comprenez pas la différence entre un CEAV, un CES et un DESV ? Ne vous inquiétez pas, nous non plus. Ce système d'empilement de paperasses hérité des décennies passées ne fait que se compliquer, est illisible pour le grand public et n'est pas reconnu au niveau européen. De plus, il ne sanctionne pas une compétence, mais uniquement le suivi d'une formation et le passage d'un examen. On espère un jour une mise à plat de tout ce bazar, mais en attendant... on fait avec.

L'apparition de nouveaux domaines de connaissance ou le développement de certaines approches de la médecine vétérinaire viennent encore plus compliquer les choses : comportement, ostéopathie, acupuncture, homéopathie, liste non limitative de domaines qui ne trouvent que très progressivement leur place au sein de l'Ordre. Les choses peuvent parfois s'embrouiller encore plus avec des fédérations ou des associations assurant des formations et délivrant des diplômes parfois concurrents et en tout cas bien peu compréhensibles. Cette confusion n'est pas anormale : on l'a retrouvée, quelle que soit son étendue, à toutes les époques du développement des professions médicales et para-médicales. Querelles d'écoles ou de clochers, les choses se tasseront avec le temps...

Les spécialistes

Pour couronner le tout, tous ces diplômes et certificats ne permettent absolument pas de se prétendre spécialiste. Le titre de spécialiste est très rare, réservé uniquement à une élite titulaire d'un DESV ou reconnue par la profession, plus précisément par le Conseil National de la Spécialisation Vétérinaire (CNSV), selon les conditions de l'article R242-34 du Code rural et l'arrêté AGRE0914544A.

On peut consulter la liste des vétérinaires spécialiste sur le site du Conseil Supérieur de l'Ordre.

Pour simplifier les choses : si vous voyez "CEAV de médecine interne" ou "CES d'ophtalmologie vétérinaire", vous pouvez malgré tout être raisonnablement sûr de la compétence de ces vétérinaires dans ces domaines particuliers. Obtenir un CES ou un CEAV n'est pas à la portée de tout le monde. Le DESV qui donne le titre de spécialiste, c'est encore pire.

Après, il y a les Boards (américain) et autres diplômes de Collèges européens... Là, pareil, c'est du lourd, équivalent ou supérieur au titre de "spécialiste".

Les différents statuts des vétérinaires

Cabinet, clinique, hôpital ?

Le distinguo n'est pas innocent. Même si la confusion est grande, même au sein de la profession, ces lieux d'exercice ne peuvent être appelé cabinets, clinique ou centres hospitaliers vétérinaires que s'ils remplissent des conditions bien précises de matériel, locaux, présence vétérinaire ou diplômes vétérinaires (détails dans l'arrêté NOR : AGRG0302505A)

Par exemple, pour les deux plus courants :

  • Un cabinet vétérinaire est un ensemble de locaux comprenant au moins : un lieu de réception, une pièce réservée aux examens et aux interventions médico-chirurgicales adaptée aux activités revendiquées.
  • Pour prétendre à l'appellation de clinique vétérinaire, le domicile professionnel doit :
    • disposer d'un ensemble immobilier composé de locaux distincts affectés à la réception, à l'examen clinique, à la radiologie, aux interventions chirurgicales et à l'hospitalisation des animaux des espèces habituellement prises en charge par l'établissement.
    • Il doit être prévu au minimum deux zones d'hospitalisation séparées, l'une réservée aux animaux contagieux, l'autre aux animaux non contagieux ;
      • disposer à demeure des équipements suivants :
      • matériel permettant les examens biologiques et radiologiques ;
      • matériel nécessaire aux interventions chirurgicales et aux soins courants ;
      • moyens de stérilisation adaptés pour les instruments et le linge destinés aux interventions chirurgicales ;
      • appareils d'anesthésie et de réanimation ;
      • des aménagements de réveil adaptés aux espèces traitées ;
      • employer au moins un auxiliaire vétérinaire, d'échelon 2, tel que qualifié dans la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires.

Salarié, libéral ?

Un vétérinaire peut être un libéral, ou un salarié.

En tant que libéral, il peut :

  • exercer en nom propre (le véto solitaire sans société)
  • être associé au sein d'une société d'exercice vétérinaire (il en existe plusieurs types mais cela n'a pas d'importance pour le client), auquel cas il est propriétaire de parts de cette société
  • être collaborateur, c'est à dire exercer au sein d'une société d'exercice vétérinaire sans y être associé

En tant que salarié, le vétérinaire a un CDD ou un CDI, à plein temps ou à temps partiel. Il existe une convention collective. Les vétérinaires parlent souvent d'"assistant", d'ALD ou d'ACD, mais ces termes n'ont aucune valeur légale. Il est alors subordonné aux vétérinaires pour ce qui concerne l'organisation du travail au sein de la structure, mais pas en ce qui concerne l'exercice de l'art vétérinaire. La nuance est très importante, puisqu'elle préserve l'indépendance du salarié vétérinaire dans sa pratique quotidienne. Évidemment, les esprits chagrins diront que cette nuance est théorique. Dans mon expérience, elle a toujours été réelle.

Aujourd'hui, de plus en plus de vétérinaire sont salariés, alors que ce mode d'exercice était encore il y a peu plutôt exceptionnel, et surtout transitoire, avant une association. Évolution des mœurs, augmentation de taille des structures, féminisation de la profession, protection du salarié par la convention collective, augmentation des contraintes sur les libéraux : ce sont certains des facteurs qui expliquent l'attrait croissant du statut de salarié.

Remplaçant ?

Le vétérinaire remplaçant peut être salarié du vétérinaire qu'il remplace, ou collaborateur. Pour vous, cela a peu d'importance. De toute façon, il remplit forcément les conditions d'exercice de la profession.

Les différents types de pratiques vétérinaires

A l'origine, les vétérinaires ne soignaient que les chevaux et les animaux dits "de rente" : bovins, ovins, porcins. Une piqûre ou une chirurgie plus ou moins expérimentale pour le chien de la ferme, pourquoi pas, mais bon, pour un chien, hein, on ne va pas non plus trop en faire. Petit à petit, il y a une trentaine à une quarantaine d'années, l'exercice canin est devenu de plus en plus courant, et certains ont même envisagé de soigner les chats, voire, incongruité formidable, les souris ou les hamsters du gamin. L'exercice dit "canin", plutôt urbain au départ, s'est développé en zone rurale, et, peu à peu, l'a supplanté en de nombreuses régions.

Aujourd'hui, les "ruraux" purs, qui exercent surtout en médecine et chirurgie bovine, mais aussi ovine ou caprine, sont devenus rares. Ils ne représente plus que 1200 vétérinaires environ sur les plus de 15000 que compte la France. Leur exercice de médecine individuelle tend de plus en plus vers de la médecine de troupeau.

La plupart d'entre eux sont devenus des "mixtes", comme moi, qui touchent un peu à tout, et qui ont tendance à devenir de plus en plus "canins" avec la disparition progressive de l'élevage dans de nombreuses régions françaises. Nous sommes un peu plus de 3000 à nous revendiquer "mixtes".

Les "équins" ont toujours été un peu à part, car si les ruraux comme les mixtes soignent aussi les chevaux, les chevaux de valeur ou les cas les plus compliqués sont le domaine de praticiens particuliers. Ils sont environ 600 en France.

La médecine d'élevage de porcs, de lapins et de volailles est elle aussi à part : il m'arrive de soigner un cochon à droite à gauche, mais les gros élevages sont suivis par des vétérinaires très spécialisés, souvent intégrés dans des groupements ou appartenant à de gros réseaux de spécialistes (spécialiste étant un terme impropre selon la loi, d'ailleurs, mais bon, vous voyez ce que je veux dire). Ils sont environ 200 en France.

Les plus nombreux sont aujourd'hui les "canins", dont l'appellation traditionnelle masque la part croissante de la médecine et chirurgie féline dans leur pratique quotidienne. Ils sont environ 9000 en France. En général, ce sont eux aussi qui s'occupent des rongeurs et autres "NAC", même si certains praticiens commencent à se spécialiser dans ces espèces.

Ces chiffres sont issus d'un ensemble de statistiques disponible ici.

Disons que la tendance générale est à la spécialisation par espèce voire par type de production ou d'exercice, les connaissances devenant de plus en plus pointues et les exigences des clients de plus en plus grandes. Le bloc formé par la profession (qui a dit : "corporation" ?) se fissure sous le poids des réalités pratiques, du changement des aspirations des vétos (l'âge d'or des libéraux ruraux est révolu, la profession perd en rentabilité et en attrait, le salariat se développe) et des transformations, qui, d'une manière générale, touchent la société française et donc les vétérinaires.
Le vétérinaire "qui soigne tous les animaux" devient peu à peu une image d'Épinal, et nombreux sont ceux, qui, parmi nous, sont prêts à abandonner leur métier pour autre chose, le jour où il aura tellement changé... que nous ne nous y retrouverons plus.

Dans mon cas précis, mes clients propriétaires de chiens ou de chats ont parfois du mal à comprendre que je fonce sur un vêlage ou que je revienne couvert de merde au cabinet. Mes clients éleveurs bovins acceptent mal que je les fasse attendre pour un chien. Ils acceptent encore plus mal l'idée de ne plus être ceux qui me font vivre... Quant aux propriétaires de chevaux, ils n'admettent pas que je ne sois pas un spécialiste en médecine équine, ou que je n'abandonne pas le reste pour m'y consacrer. Évidemment, je caricature et généralise, mais je ne suis pas loin de la réalité. Bien entendu, certains apprécient que je garde les pieds dans le fumier, les mains dans la tripe et la tête dans la médecine interne la plus pointue, qu'une brebis venue pour une césarienne passe entre deux chiens au cabinet ou que je puisse soigner leur cheval de compagnie qui fait une colique.

Mais je ne vois pas comment ceci pourra durer...

En tout cas, si vous avez des questions, n'hésitez pas, je pourrais y répondre en commentaires ou éditer et développer le billet selon vos interrogations.

jeudi 6 novembre 2008

Champagne ?

La mésaventure de Vache albinos est forcément arrivée un jour ou l'autre à chacun d'entre nous, et il me semble que la profession vétérinaire y est particulièrement exposée.

Une démonstration, et quelques réflexions ?

Les personnages

Je vous présente Fisher. 52 kilos de rottweiler trop dynamique mais très gentille, à intercepter avec talent lorsqu'elle vous saute dessus pour vous faire la fête. Elle, elle ne craint pas les vétérinaires.

Je vous présente monsieur et madame Langin, jeunes mariés d'environ trente ans, plutôt sympathiques et très décidés à faire le mieux pour leur chienne, quitte à sacrifier certaines à côtés. Je pense notamment aux efforts financiers qu'ils ont certainement consenti pendant sa croissance afin de lui acheter le meilleur aliment possible. Monsieur est pompier, madame est secrétaire.

Je vous présente enfin le Dr Fourrure, le Dr Olivier et leur stagiaire, Elodie. Elodie a obtenu son diplôme d'études fondamentales vétérinaires (DEFV) mais n'a pas encore achevé ses études, ce qui l'autorise à exercer sous l'autorité et la responsabilité d'un vétérinaire, mais pas en tant que vétérinaire libérale.

Les prémisses du drame

Ca y est, Fisher est une grande fille : à 11 mois, elle a eu ses premières chaleurs. Elle était déjà un peu fatigante, elle est carrément devenue épuisante. Allez savoir pourquoi, elle craquait pour le caniche des voisins, qui n'en pouvait plus de lui hurler l'ardeur de son désir à travers le grillage du jardin. Manifestement, elle adhérait : elle a défoncé deux fois la clôture pour atteindre son Roméo, et massacré deux portes pour le rejoindre lorsqu'elle était enfermée. Leurs galipettes disproportionnées devaient sans doute être amusante à voir, et furent d'ailleurs infructueuses : la nature est parfois cruelle, et l'amour ne fait pas tout.

Peu importe, je m'égare, car les amours de Fisher ne sont pas le sujet. Ce qui m'amena à voir M. et Mme Langin en consultation, c'est l'espèce de masse rouge tuméfiée bizarroïde qui lui pendit à la vulve vers le milieu de son cycle œstral, ou, pour parler plus simplement, de ses chaleurs.

La masse rouge tuméfiée bizarroïde, non douloureuse, à peine saignotante, c'était de la muqueuse vaginale hypertrophiée sous l'action des hormones produites pendant les chaleurs, ce que l'on nomme une hyperplasie vaginale, et celle-ci était la plus importante que j'ai jamais vue.

Il existe deux façons de gérer le problème : une chirurgie lourdingue, complexe et douloureuse pour retirer les tissus excédentaires, ou un peu de patience et une simple stérilisation afin de supprimer la source du problème, c'est à dire les hormones sexuelles. En accord avec les propriétaires de Fisher, nous avons choisi la seconde.

Premier acte : La chirurgie

Un matin comme les autres. Deux chirurgies au programme, rien de bien compliqué : une stérilisation, et une castration de chat. Tout se passe comme d'habitude, jusqu'à ce que la porte de la clinique s'ouvre et que pénètre en trombe une rottweiler de 52 kg en pleine forme, un rien affamée par son jeûne et bien décidée à nous agresser à grands coups de langue. Un chien dangereux comme on les aime, quoi.

FIsher entre dans sa cage en se faisant un brin prier - elle préfèrerait continuer à nous massacrer les jambes à grands coups de câlins rottweileresques. En plus, comme elle a gardé sa queue, son fouet est particulièrement douloureux...

Son hyperplasie vaginale est presque complètement résorbée, il ne reste plus qu'à la stériliser. Examen clinique pré-opératoire réalisé par Elodie, contrôlé par mes soins, protocole anesthésique choisi par Elodie, validé par mes soins. Ce matin, elle opère seule, ce sera sa troisième stérilisation de chienne en solitaire. Moi, je m'éclipse assez vite : j'ai pas mal de consultations qui m'attendent.

Je ne reverrai pas Fisher de la journée, sauf, en passant, lorsqu'elle rentrera chez elle le soir même, un peu groggy mais sur ses quatre pattes. M. et Mme Langin sont très contents, Fisher aussi, mais, ça, ce n'est pas vraiment surprenant. La seule chose qui la contrarie, ce sont les grillages, les barreaux et les portes.

Deuxième acte : La complication

Le deuxième acte prend place trois ou quatre semaines plus tard. Elodie est repartie achever ses études, et nous n'avons pas vu Fisher depuis longtemps.

Ce matin là, mon deuxième rendez-vous, c'est justement Fisher. Motif : pas en forme, écoulements vulvaires.

Comment ça, écoulements vulvaires ? Elle est stérilisée, normalement ! Premier coup de stress : Est-ce qu'Elodie n'aurait pas laissé un bout d'ovaire dedans ? Normalement, on vérifie à chaque fois, là, c'est Olivier qui a du le faire, mais il n'est pas là ce matin. Je vais devoir gérer...

Mme Langin est venue seule. Fisher est moins exubérante que d'habitude, ce qui a l'air d'arranger sa frêle maîtresse. Je passe sur la consultation : écoulement plus ou moins hémorragique, douleur abdominale, fièvre. Il y a une masse anormale dans son abdomen, de la taille d'une orange. Je me sens très seul, tout d'un coup. Je vérifie le compte-rendu opératoire : ovariectomie par les flancs, c'est à dire que l'utérus n'a pas été retiré (ce qui en soit, n'est pas forcément mal), mais surtout qu'il n'a sans doute pas été intégralement inspecté lors de la chirurgie, car la voie d'abord pariétale, qui a été choisie, offre une vue de choix sur les ovaires mais ne permet que difficilement le contrôle de l'utérus. En général, on réserve cette technique aux très jeunes chiennes, car on préfère inspecter l'utérus des chiennes âgées, ou qui ont déjà porté, ou qui ont eu des soucis gynécologiques, pour pouvoir le retirer au cas où.

Évidemment, Mme Langin me demande si cela peut avoir un lien avec la chirurgie. Je préfère y aller franchement : non, la chirurgie n'est probablement pas responsable du problème, mais ledit problème semble concerner l'utérus. Mme Langin n'insiste pas : elle me fait confiance, et , de toute façon, elle n'est pas d'une nature soupçonneuse. Enfin je crois.
Je ne lui cache pas que je suis inquiet, que cette masse est tout à fait anormale et qu'il va sans doute falloir réintervenir. Au plus vite, car je ne sais pas ce que c'est que ce truc et que si ça perce - ou si ça a percé - dans l'abdomen, ça va devenir très grave.

Je mets la chienne sous antibiotiques, sous anti-inflammatoires, et je place le rendez-vous opératoire au lendemain matin, car je n'estime pas qu'il y a urgence absolue. Je propose d'hospitaliser la chienne pour la surveiller, mais Mme Langin préfère la garder chez elle, de toute façon elle ne travaille pas aujourd'hui, elle m'appellera si la chienne ne va pas bien. Je multiplie les recommandations, mais je laisse repartir Fisher chez elle. Elle ne me brise même pas les rotules en remuant la queue, c'est vraiment inhabituel.

Le lendemain matin, opération à quatre mains avec Olivier. Il y a sur l'utérus une masse anormale, qui semble trouver son origine dans la paroi de l'organe, sans doute une tumeur bénigne de type fibrome, mais surinfectée et ulcérée. Il y a un point de péritonite, mais vraiment mineur. Nous contrôlons évidemment la chirurgie d'Elodie, il n'y a rien à redire.

Troisème acte : les réactions

Le soir même, Mme Langin vient récupérer Fisher. Après concertation avec mon confrère, je discute longuement avec elle au sujet de ce que nous avons trouvé et de ce qu'il faut en penser. Je dois dire que je ne suis pas à l'aise, mais je ne pense pas que cela se voit franchement.

Je lui explique que nous supposons que cette masse est une espèce de tumeur bénigne de l'utérus, et qu'il est peu probable qu'elle soit cancéreuse. Nous allons la faire analyser pour en être certain. Il y avait bien une infection, mais bénigne, je ne suis pas inquiet à ce sujet. Je lui indique clairement que cette masse était peut-être déjà là lorsque la première chirurgie a été réalisée, et qu'il est possible qu'elle n'ai alors pas été détectée, je lui avoue que je n'en sais rien, puisque c'est notre stagiaire qui l'avait opérée, et qu'elle n'est pas joignable.

Je ne lui dis pas que je me doute bien qu'elle ne l'a pas contrôlé, cet utérus, je ne sais même pas si je l'aurais fait moi-même, quoique je n'aurais sans doute pas choisi d'opérer par les flancs.

Mme Langin acquiesce, elle semble rassurée par mes explications mais il m'est très difficile de deviner ce qu'elle pense réellement,. Elle n'est vraiment pas très expansive comparée à son mari, qui peut être carrément caractériel. Sa réaction à lui m'inquiète, d'autant que je ne l'ai pas vu une fois depuis hier alors qu'il accompagne généralement sa chienne à chaque visite.

Je lui indique également que nous aborderons la facture une fois que nous serons sûr qu'il n'y aura pas de frais supplémentaires à engager. En mon for intérieur, j'envisage de dégraisser sérieusement la note. D'une part, ce sont d'excellent clients, d'autre part, je culpabilise à bloc.

Le lendemain matin, je revoie Fisher, qui se remet normalement. J'annonce à Mme Langin que nous avons décidé d'offrir la chirurgie, je lui en explique les raisons : à mon sens, l'hystérectomie aurait peut-être due être réalisée lors de la première intervention, si la masse était déjà là. Je lui explique bien qu'il n'y a pour moi aucun moyen de le savoir, et que comme nous suivons régulièrement Fisher, la clinique a décidé de faire ce geste commercial.

Le soir même, ma secrétaire m'indique que M. Langin est passé dans l'après-midi. Un brin inquiet, je lui demande s'il a donné des nouvelles de le chienne : oui, elle va bien, mais elle est fatiguée. Elle m'annonce aussi qu'il a réclamé toutes les factures depuis l'adoption de sa chienne.

Là, je le sens mal.

Vraiment.

Je suis responsable de l'intervention de ma stagiaire. D'ailleurs, je ne le regrette pas : elle a bien opéré, mais nous l'avons mal aiguillée par rapport à l'historique de la chienne. Et encore : si mon choix aurait été l'intervention par la ligne blanche, qui permet l'inspection de l'utérus, c'est parce que je suis paranoïaque, car à ma connaissance, l'hyperplasie vaginale n'est pas un motif d'hystérectomie, et il s'agissait des premières chaleurs de la chienne.
Mais je ne m'attends pas à ce que des maîtres inquiets suivent ce raisonnement, d'autant qu'à leur place, j'aurais certainement retenu le mot "stagiaire", et que tout cela semble lié.
En plus, je me doute bien que mon geste commercial peut être mal interprété, comme un signe de reconnaissance de culpabilité. D'ailleurs, au fond, même si je suis sûr de mon raisonnement médical, je culpabilise.

Les jours qui ont suivi ont été un enfer. J'ai revu une fois Mme Langin pour un contrôle, une semaine après l'opération. Fisher allait très bien, elle m'a de nouveau massacré les cuisses.
J'imagine la situation chez eux, avec la chienne à nouveau confinée, avec une collerette.
A leur place, je ne serais pas serein. Je continue d'expliquer, je souligne la parfaite récupération de Fisher.

Mme Langin est toujours aussi indéchiffrable.

Je me prépare au pire : coup de fil de l'Ordre, assignation.

Rien ne vient.

Une semaine plus tard, il y a un magnum de champagne sur le bureau. Notre secrétaire m'explique que c'est M. Langin qui est venu le déposer, lors du retrait des points de Fisher ce matin.

Je ne peux retenir un long et douloureux soupir.

Qu'en penser ?

Plusieurs années après cette histoire, j'analyse ainsi les réactions de chacun.

Pour ma part, je l'ai déjà indiqué, je culpabilisais. Je n'arrive pas à mentir aux gens, en tout cas pas dans cette situation, et j'ai choisi l'honnêteté brute, au risque de m'y casser les dents. Parler de la stagiaire était maladroit. Le but n'était pas de me défausser de ma responsabilité sur elle, au contraire : elle avait fait un bon travail, mais nous ne l'avions pas correctement aiguillé, ou peut-être que si. Nous ne saurons jamais si la masse était là lors de la première intervention.

M. Langin est probablement un homme qui aime payer et savoir qu'il offre le meilleur à sa chienne. Je le soupçonne d'avoir choisi nos croquettes pour nourrir Fisher, non pas parce qu'elles étaient les meilleures, mais parce qu'elles étaient les plus chères. Je crois aussi qu'il avait choisi notre clinique parce que nous avons l'apparence la plus professionnelle trente kilomètres à la ronde, et peut-être aussi parce que nous sommes relativement chers.

Pour lui, offrir la seconde intervention était, au-delà des ergotages médicaux, non seulement une reconnaissance de culpabilité, mais aussi une espèce d'insulte à sa capacité d'assumer les frais médicaux de sa chienne (et je suis certain qu'ils n'ont pas beaucoup d'argent).

L'intervention d'une stagiaire comme le cadeau étaient clairement en ma défaveur dans cette histoire. Je me plais à croire que mon honnêteté et ma cohérence dans mes explications, ainsi que mon insistance sur la nature commerciale de mon cadeau, ont joué en ma faveur.

Mais je ne sais pas ce qui se serait passé si Fisher avait souffert de séquelles ou pire, était décédée dans cette histoire.

lundi 3 novembre 2008

Erreurs de jugement ?

Par Vache albinos, invité de luxe


Les vétérinaires ne sont pas infaillibles. Personne ne l’est. Tout le monde peut faire des erreurs.

Mardi, 8h00 :
Coco ne veut pas rentrer dans sa cage d’hospitalisation. Les patrons s’impatientent. Moi, arc-bouté au-dessus de cette masse remuante de 40 kilos, je tente avec tact, professionnalisme et sang-froid d’ignorer les regards surpris de ses propriétaires, les Deveaux. Bras croisés, ils me regardent conserver un sourire de rigueur tout en jurant intérieurement pour que leur « fille » accepte de rentrer dans cette cage. Ne vous inquiétez pas, messieurs dames, j’ai l’habitude. Non non, rien d’anormal, elle est juste mécontente de voir son docteur. Elle est à jeûn, ce qui n’arrange rien à son envie de rester éloignée de sa gamelle. Et oui, on est obligé d’être à jeun avant une anesthésie, pour éviter les vomissements intempestifs en cours de chirurgie, et les risques de pneumonies par fausse déglutition associés. Les questions pleuvent, une fois de plus. On me les a déjà posées lors de la prise de rendez-vous, puis la veille, puis à l’arrivée à la clinique. Ce n’est pas grave, je préfère, même, voir des gens impliqués comme eux plutôt que d’autres qui croient tout savoir et font à leur manière.
Avec peine, Coco se retrouve en cage, et les Deveaux en direction de la sortie. Madame pleure déjà. Ce n’est qu’une stérilisation, madame, soyez sans crainte. Évidemment, tout peut arriver, les voies de la physiologie sont parfois impénétrables. Mais des interventions comme celle-là, on en fait tous les jours, les risques sont minimes. Ils y tiennent, à Coco, c’est évident. On se connaît peu, mais j’ai une certaine sympathie pour les Deveaux et leur « fille » Coco.

Mardi, 11h00 :
Coco rentre dans sa cage sans rechigner. Je suis toujours arc-bouté, mais en-dessous cette fois. La chienne dort paisiblement, sa stérilisation s’est parfaitement bien passée. Un exemple, même. Pas de suffusions, pas de graisse gênante, pas d’anomalie des bourses ovariennes, une ligne blanche parfaitement visible… Rien à signaler. Ma chirurgienne est contente – elle l’est à chaque fois qu’elle finit une chirurgie, même si elle en est à la 500e. Les Deveaux seront contents – et soulagés. Je serai content – quand ils le seront.

Mardi, 16h00 :
Les Deveaux sont là. Leur air surpris ne me surprend plus, moi. Coco sort calmement de la cage, les reconnaît, leur saute dessus. Elle a très bien supporté son intervention, cela se voit. M. Deveaux relève vers ma chirurgienne son regard, toujours aussi surpris, mais légèrement durci.
- C’est normal qu’elle soit aussi bien réveillée ?
Quand l’anesthésie est correctement dosée et que la douleur est gérée, oui. Les remarques suivantes s’enchaînent, tantôt questionnements, tantôt constatations, laissant apparaître en filigrane la thèse développée : tout ne se passe pas comme M. Deveaux l’avait imaginé. Ça va trop bien, c’est donc louche… J’en viens à me demander s’il aurait préféré la reprendre dans le coma, s’il aurait été moins blessé, ou moins blessant. C’est à n’y rien comprendre. Il ne supporte pas d’avoir manqué la convalescence de sa « fille » ? Je suis un peu dépité.
En partant, je réitère mon éternel :
- Et surtout, si le moindre souci devait survenir, la moindre anomalie par rapport à tout ce que je viens de vous expliquer, n’hésitez pas à nous appeler, nous sommes là pour cela. Il n’y a pas de question stupide. M. Deveaux s’en va, mi-figue mi-raisin, une Coco pimpante à ses côtés, prête à en découdre avec cette gamelle qui lui a trop longtemps résisté.

Jeudi, 23h15 :
Le téléphone sonne. M. Deveaux est très inquiet, cela se sent. Coco va mal, très mal. Comme ça, d’un coup ? Il n’est pas disposé à développer. « On » - moi – est en train de tuer sa « fille », il faut agir d’urgence. Les seules informations que je lui soutire sont peu engageantes : elle est froide, elle respire mal. Hémorragie ? Rien n’est impossible, mais quand même, avec toutes les précautions qui sont prises… Déjà, la route défile devant mes yeux.

Jeudi, 23h45 :
Ma chirurgienne et moi sommes sur place lorsque les Deveaux arrivent. Je les attends sur le pas de la porte, Coco est lourde, il y aura peut-être besoin de la porter. Le coffre s’ouvre : elle est morte. Ma chirurgienne salue M. Deveaux d’un poli et discret bonsoir. En réponse, on me sert un regard assassin et un « Pas bon soir, non, il n’est pas bon du tout ».

Vendredi, 0h30 :
Mme Deveaux est inconsolable. M. Deveaux est outrageant de colère. Dans ces moments-là, on a droit aux éternelles contradictions :
- je ne vous en veux pas mais c’est de votre faute ;
- je ne remets pas en cause vos compétences mais vous avez du faire une erreur ;
- Vous êtes un très bon médecin mais je ne vous ferai pas de la pub ;
et le systématique :
- Ce n’est pas une question d’argent, mais il est évident que vous allez me rembourser.
Le tout servi avec un soupçon de hargne et une lampée de poings levés.
De mon côté, j’essaie de comprendre ce qui s’est produit. Mais au milieu de la foire d’empogne qui se déroule, aucune idée ne vient. Selon eux, cela a été très brutal. Rien à signaler jusqu’à ce soir. Selon eux, c’est une septicémie. Et ça, je le déments, c’est impossible, rien ne colle au profil du défaut d’asepsie, à commencer par nos bonnes pratiques, mais pas seulement elles : le profil clinique ne correspond pas – oui, même quand on est sûr de ses bonnes pratiques, il faut savoir se remettre en cause.
Coco n’est pas déshydratée, elle n’est même pas pâle, son ventre n’est pas gonflé… Et puis mince, je n’arrive pas à me concentrer avec M. Deveaux au milieu qui me ressert ses histoires de fric.
Je vais déjà m’asseoir sur mes frais de déplacement, mon urgence et l’incinération, ça je l’avais bien compris. J’essaie d’argumenter selon trois axes :
- dans l’état actuel, je ne me sens pas responsable, rien ne laisse suspecter une défaillance de notre part. Seule une autopsie et des examens de l’hémostase, par exemple, pourraient nous en dire plus.
- c’est tout simplement la première fois que je suis confronté à cette situation brutale et tragique, je ne sais pas comment gérer l’aspect financier qu’il recouvre. J’ai besoin d’un temps de réflexion, mais suis ouvert au dialogue.
- je compatis grandement à leur peine, mais j’ai un certain nombre de frais incompressibles, qu’il n’est pas de ma responsabilité d’assumer au vu du fait que je n’ai probablement pas de mise en cause possible sur la qualité du travail fourni.

Vendredi, 0h50 :
Ma chirurgienne, à bout, s’effondre en larmes. Je viens de rendre le chèque à M. Deveaux, qui le saisit d’un air triomphal. Qu’il aille au diable avec !
C’est alors que magnanime, il plonge la main dans son sac-banane et me dit :
- Je vais vous filer 50 euros, ça ira pour le dérangement de ce soir et les frais mortuaires de notre fille.
J’ai interrompu son geste et l’ai convié à rentrer chez lui, poliment. Avec difficulté, mais poliment. Sur le pas de la porte, Mme Deveaux m’esquisse un sourire – reconnaissant, compréhensif, condoléant ? – et me bredouille :
- J’aurais peut-être dû vous appeler ce matin, je trouvais qu’elle avait les pattes froides déjà…
Rentrez chez vous, par pitié…

Vendredi, 4h00 :
J’ai du mal à dormir. J’aurais du l’autopsier, malgré l’heure. Les Deveaux n’ont pas souhaité cet examen posthume, mais ne me l’ont pas interdit. Cette fois, il m’a convaincu : la chirurgie est enc ause, une suture s’est rompue, a glissée… Il faut que je sache. Coco est en chambre froide, pas au congélateur. On peut encore intervenir. Dors, bon sang, demain matin, tu opères une autre Coco, et si c’est une erreur humaine, la fatigue n’arrangera rien. Mais si c’est une erreur humaine, il faut le savoir avant d’opérer la suivante. Arrête de divaguer, c’est la 1000e qu’on opère, y’avait jamais eu d’erreur humaine avant…

Vendredi, 8h00 :
La nuit porte conseil, j’ouvre fébrilement l’un de mes ouvrages de références. Je n’ai pas les idées claires, je veux être sûr que mon raisonnement, façonné au cours d’une nuit difficile, est le bon. J’ai parfaitement en tête le déroulement présumé des événements, les membres froids, la mort rapide après 36h sans soucis post-opératoires, les muqueuses légèrement pâles, pas trop, le liquide séreux ponctionné dans la cavité… thoracique ! Un liquide sanguinolent, mais pas sanguin. Rouge, brun, très liquide, trop liquide. Incoagulable. Le billet de Fourrure m’est revenu en tête, dans la nuit, tandis que mes idées s’éclaircissaient que je pouvais oublier M. Deveaux pour me concentrer sur la médecine, la vraie. Ce billet racontait l’histoire d’une chienne en hémorragie pendant sa stérilisation. La frustration de ne pas connaître la fin. Pour Bali, la chienne intoxiquée aux liliacées dont j’avais raconté l’histoire dans les commentaires du même billet, j’avais trouvé le mystère à l’énigme, même si cela m’avait fait perdre un client, et un patient. Pour Coco, au moins pour elle à défaut de ses patrons, je devais trouver !

Vendredi, 8h30 :
L’autre Coco attend son opération. Pas question de l’opérer sans avoir éclairci le cas de la veille. Ma chirurgienne a vérifié ses sutures, rien à signaler, pas d’anomalie de ce côté-là. Le verdict tombe enfin : CIVD, coagulation intravasculaire disséminée. Sûr à 90 %. J’en suis, en tous cas, personnellement convaincu, et pas parce que ça a le mérite de mettre ma chirurgienne hors de cause, mais bien parce que tout colle. « Fréquemment rencontré lors de complications obstétricales », note mon ouvrage de référence. Un poids qui pesait insidieusement sur mes épaules et mon humeur m’est soudain ôté.

Vendredi, 9h00 :
- Bonjour cher Confrère Albinos
- Bonjour.
- Vous allez bien ? me demande ce confrère avec qui je partage beaucoup de mon expérience quotidienne.
- Bof, pour être honnête, très mauvaise nuit.
S’en suit une longue narration du cas Coco Deveaux.
- Mon cher confrère Albinos, vous avez fait une erreur de jugement.
Un poids qui se dissipait à peine revient à la charge. Si c’est pour me blâmer, M. Deveaux le fait très bien, je n’avais pas besoin d’un coup de plus.
- Vous ne pensez pas que c’était une CIVD ?
- Ah cela, bien sûr que si, j’ai perdu deux patients de la même manière. Votre erreur, c’est d’avoir cru que le remboursement vous ferait pardonner.
-Euh… Ce n’est pas tout à fait cela. J’ai surtout voulu participer à leur douleur, tirer un trait et, pour tout dire, me débarrasser d’un débat stérile à une heure indue…
- Mais pas du tout ! En remboursant, le vétérinaire donne de l’eau au moulin du client. Si vous ne remboursez pas, vous êtes un connard qui n’assume pas ses erreurs. Si vous remboursez, implicitement, vous reconnaissez qu’il est légitime d’attendre de votre part un dédommagement, et donc que vous avez commis une erreur.
- oui, mais à ce moment-là, on ne pouvait pas garantir les responsabilités de chacun…
- Et alors ? Quand un avion s’écrase, il y a des tas de morts. Tout le monde est triste. Mais la compagnie aérienne ne fait pas un chèque aux familles de victimes à l’aveuglette. Les expertises servent à cela.
- Mais quand le client ne veut pas…
- Et bien qu’il aille se faire voir. Lui, il a de la peine, un chèque n’y change rien. Vous, vous avez fait votre travail, et vous assumez les frais et la responsabilité d’un crime que vous n’avez pas commis. Qu’ils fassent un procès aux molécules de la coagulation ! De toute façon, vous ne vous êtes pas acheté une bonne conscience en remboursant les frais.
- c’est vrai.
- cela ne vous aura pas rendu moins coupable aux yeux de vos clients.
C’est vrai aussi. Je revois encore M. Deveaux, fulminant, crier au ciel que de toute façon, il ne risque pas de revenir chez nous, même s’il n’a rien à nous reprocher, bien sûr.

Une erreur de jugement… Fatigue, stress, inexpérience, défaut de formation en management ? Je ne sais pas, mais j’ai cédé. Il ne fallait pas, mais je l’ai fait. Peut-être pour moi, peut-être pour Coco. Pas pour M. Deveaux, cela, c’est certain. La seule image qui me restera de cette mésaventure, c’est un homme dur, volontairement blessant, m’expliquant que « je n’avais aucune idée du mal que j’avais pu leur faire, et de la peine qu’ils pouvaient ressentir ». Oh si, monsieur, je ne le sais que trop. Coco n’est pas partie par ma faute, mais je regrette qu’elle soit partie. Ce n’était pas ma chienne, mais c’était ma patiente ; c’est un lien fort, également, pour qui a une conscience professionnelle. Je ne dors pas mieux que vous, monsieur, après ce genre d’épisodes, et les larmes de ma chirurgienne n’étaient pas feintes. Pas plus que ses tremblements lors des chirurgies suivantes, ses hésitations, ses doutes, ses remises en question.

Vous pourrez recevoir et sauver 500 patients, si le 501e meurt, vous serez, pour l’entourage de ce 501e, un mauvais vétérinaire. Qu’il meure par votre faute ou pas, que vous ayiez ou pas fait tout ce qui était humainement possible, pris ou pas les précautions nécessaires, expliqué bien ou mal la situation, choisi ou pas les bons mots. Le seul crime que vous aurez parfois commis, c’est d’avoir été le dernier à voir la bête en vie.
Vous serez un mauvais vétérinaire.

Erreur de jugement ?

samedi 24 mai 2008

Consultation vaccinale

"Vous savez docteur, j'ai l'impression que mon chien est mieux suivi que moi. Je veux dire, il vient tous les ans pour son rappel, alors que je ne vois jamais mon médecin, puisque je vais bien."

L'homme qui me parle a la soixantaine. Comme tous les ans, il m'a amené Punky (il précise toujours que c'est son fils qui lui a trouvé ce nom), officiellement croisé de caniche et de berger allemand. Peut-être, s'il le dit. En tout cas il ne ressemble à rien, et ça lui va très bien. Bref, Punky a maintenant dix ans, et, au fil de la conversation, alors que j'examinais l'animal, l'homme m'a précisé qu'il arrivait que Punky se "relâche," et oublie un peu les notions de propreté : en gros, il fait pipi à l'intérieur.

"Le jour, la nuit ?"

J'ai posé mon stéthoscope pour me concentrer sur cette phrase anodine, perdue au milieu de la conversation.

"Heuu, seulement la nuit, docteur, le jour, il demande.
- Et la nuit, il ne demande pas ?
- Remarquez, peut-être, mais comme il dort en bas et que je suis un peu sourd, je ne l'entends peut-être pas."

Du coup, je hausse la voix. Sans crier, quand même.

"Et il boit plus qu'avant ?
- Ooh, non. Je ne crois pas.
- Vous diriez qu'il boit combien par jour ?
- Je lui remplis sa gamelle tous les jours. Je ne sais pas, un litre sans doute, bien un litre.
- Et il mange de la soupe, c'est ça ?
- Oui, oui...
- Bon, alors c'est trop pour son poids. Je vais lui prélever des urines et les analyser de suite."

Ce qui m'a permis de dépister une insuffisance rénale débutante, mise sous traitement à temps. Comme son cœur, auquel mon confrère a découvert l'an dernier un souffle bénin, sans conséquence, mais que nous suivons depuis avec attention.

L'homme reprend : "Moi, j'ai peut-être un souffle au cœur, et je ne le sais pas ?
- Et oui, si vous n'allez pas voir le docteur, vous ne pouvez pas le savoir, au début. Comme moi d'ailleurs...
- Mais je ne vais pas aller voir le docteur alors que je suis en bonne santé ?
- Votre chien aussi est en "bonne santé". Mais son organisme commence à s'user et des traitements précoces lui assureront une espérance de vie supérieure, sans souffrance.
- Mais c'est parce qu'on le vaccine tous les ans que vous avez trouvé ça.
- C'est parce que je le vois tous les ans. Sinon, je l'aurais trouvé bien plus tard, quand il aurait été malade de ses reins, ou de son cœur..."

La consultation vaccinale, c'est le cœur du suivi médical de mes patients. L'occasion de discuter, de parler des petits soucis du quotidien, qu'ils concernent ou pas l'animal. De maintenir le lien, d'offrir des conseils, sur la reproduction, l'alimentation, les sorties, les réglementations, etc.

C'est aussi un excellent moyen pour dépister les affections précoces qui peuvent venir assombrir l'avenir du chien, ou du chat. Insuffisance rénale, cardiaque, arthrose, problèmes oculaires, ces maladies là ne rendent pas "malade" avant une longue évolution, qui passe la plupart du temps inaperçue.

Parce que quand vous vous essoufflez plus facilement, vous le sentez. Parce que votre douleur sourde mais récurrente à l'épaule, vous la connaissez, vous savez l'évaluer sur le long terme. Mais votre chien, lui, ne se plaindra pas d'une douleur de ce type. Pas plus qu'il ne vous dira qu'il urine plus qu'avant, ou qu'il a tout le temps soif.

Dans mon cabinet, une consultation vaccinale dure, pour un animal en pleine forme, au sujet duquel il n'y a rien de spécial à raconter, une dizaine de minute. Si je dépiste un problème, ou si il y a un sujet sur lequel je souhaite sensibiliser les maître, cela peut durer une demi-heure. Voire plus.
Avec les chiots, je parle d'alimentation, de vermifuges et d'éducation. Généralement, ces consultations là durent trente à quarante minutes.
Avec les jeunes, je parle de sexe, de puberté et de stérilisation.
Pour les jeunes adultes, en général, pas grand chose à dire, mais on peut parler des vaccins, de certaines maladies courantes, comme la piroplasmose, ou de réglementation pour voyager, ou de toute autre chose.
Dès que les chiens vieillissent, on parle arthrose, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, alimentation, etc.

Certaines personnes pensent que, la plupart du temps, je me contente de poser mon stéthoscope, histoire de justifier mes honoraires, puis d'injecter la dose de vaccin et de coller mon coup de tampon sur le carnet (ce dernier point étant souvent le plus important pour elles).
Pourtant, j'examine l'animal dès son arrivée, à travers la fenêtre de la salle de consultation, sur le parking. Je regarde son attitude dans la salle d'attente, son comportement, sa façon de marcher, les réactions de son maître. Les vôtres !
Pareil quand il entre, et que je le met sur la table d'examen. J'ai serré la main du maître, demandé des nouvelles de la famille et écouté les considérations météorologiques, mais mon attention est ailleurs. J'encourage le maître à parler de son chien ou de son chat, de tout, et de rien. Pas difficile, en général. Les informations sont noyées dans les interprétations, peu de faits, beaucoup d'anthropomorphisme, mais sous-estimer cette discussion est une erreur. Au milieu de ce flot que je n'écoute que d'une oreille distraite, je pêche parfois l'information qui va donner une autre orientation à la consultation, voyez l'exemple de Punky.

Lorsque l'animal est sur la table, je palpe toutes ses articulation, j'examine sa peau tout en cherchant ses nœuds lymphatiques, je vérifie l'état de ses oreilles et de ses yeux. Je soulève ses pattes et examine ses coussinets, et les plis entre eux. J'ouvre sa gueule, regarde ses dents, ses gencives, sa langue, son palais. Je le caresse, je lui parle, je le rassure, et avec ces caresses, je cherche les anomalies, je palpe les mamelles, ou les testicules, je vérifie le fourreau, ou la vulve, l'air de rien. Je palpe son abdomen, aussi. Tout cela se fait naturellement, très vite, sans, généralement, que le propriétaire remarque grand chose. Souvent, je souligne mes explorations, je signale au maître ce que je regarde et ce que je vois.
Puis je prends sa température, et vérifie par la même l'état de son anus, la couleur de ses selles.
Enfin, je prends mon stéthoscope, j'écoute le cœur, et les poumons. Selon l'âge du chien, ou si j'ai le moindre doute, je prends mon ophtalmoscope ou mon otoscope, pour vérifier respectivement les yeux et les oreilles.

Avec les chats, les manipulations sont les mêmes mais se font au gré des caresses et des ronronnements : au rythme du chat...

Ensuite, et seulement ensuite, et si l'animal est en bonne santé, je réalise l'injection, puis je fais les papiers...
Et je laisse, pendant ce temps, l'animal en liberté, excellent moyen de l'observer encore, ou d'analyser ses rapports avec son maître... C'est le bon moment aussi pour une ultime recommandation !