Vétérinaire, ou vétérinaires ?

Suite à quelques questions ou incompréhensions de la part de clients ou de lecteurs, je me suis dit qu'une petite série d'explications sur les différents rôles, statuts et diplômes de vétérinaires ne serait pas inutile... Je précise que je ne me cantonne ici qu'aux vétérinaires exerçant la médecine et la chirurgie des animaux. Pour le reste, on en reparlera, si vous le souhaitez, une autre fois.

Le site du Conseil National de l'Ordre Vétérinaire est plutôt pas trop mal fait à cet égard, vous y trouverez la plupart des références citées ici.

Les diplômes et titres

Le diplôme de vétérinaire et le doctorat

Les docteurs vétérinaires français ont suivi une formation dans l'une des quatre Écoles Nationales Vétérinaires (Lyon, Maison-Alfort, Toulouse, Nantes, par ordre d'ancienneté).

Ils ont un Diplôme d'Études Fondamentales Vétérinaires (DEFV) et un doctorat, suite à la soutenance d'une thèse de doctorat vétérinaire, délivré par une université. Tous les vétérinaires formés dans les ENV sont donc des docteurs vétérinaires.

Les vétérinaires de l'Union Européenne peuvent également exercer en France sans formalité lourde, même s'ils n'ont pas de doctorat (article L241-2 et suivants du code rural et arrêté NOR : AGRG0818829A)

Les vétérinaires des autres pays doivent voir leur situation au cas par cas avec l'Ordre pour pouvoir exercer en France.

Les autres diplômes et certificats

Les vétérinaires peuvent suivre des formations au-delà de leur doctorat. Ces formations peuvent permettre d'obtenir des diplômes ou des certificats. L'article R812-55 du Code rural en établit la liste.

Ce sont par exemple les Certificats d'Études Supérieures (CES), les Certificats d'Études Approfondies (CEAV), Diplômes d'Études Spécialisées (DESV) et Diplômes d'Écoles (DE). Vous pouvez consulter leur liste complète ici. Ils peuvent être mentionnés sur les plaques et ordonnances puisqu'ils sont une reconnaissance officielle d'études supérieures. Je précise ce point car on ne peut pas mettre n'importe quoi sur sa plaque ou ses ordonnances, seulement les diplômes de cette liste et certains autres indépendants des écoles vétérinaires mais reconnus par l'Ordre. Par exemple, la formation sur l'évaluation de la dangerosité des chiens n'ouvre droit à aucun diplôme, je ne peux donc la mentionner sur mes documents officiels.

Vous trouvez cette liste compliquée et vous ne comprenez pas la différence entre un CEAV, un CES et un DESV ? Ne vous inquiétez pas, nous non plus. Ce système d'empilement de paperasses hérité des décennies passées ne fait que se compliquer, est illisible pour le grand public et n'est pas reconnu au niveau européen. De plus, il ne sanctionne pas une compétence, mais uniquement le suivi d'une formation et le passage d'un examen. On espère un jour une mise à plat de tout ce bazar, mais en attendant... on fait avec.

L'apparition de nouveaux domaines de connaissance ou le développement de certaines approches de la médecine vétérinaire viennent encore plus compliquer les choses : comportement, ostéopathie, acupuncture, homéopathie, liste non limitative de domaines qui ne trouvent que très progressivement leur place au sein de l'Ordre. Les choses peuvent parfois s'embrouiller encore plus avec des fédérations ou des associations assurant des formations et délivrant des diplômes parfois concurrents et en tout cas bien peu compréhensibles. Cette confusion n'est pas anormale : on l'a retrouvée, quelle que soit son étendue, à toutes les époques du développement des professions médicales et para-médicales. Querelles d'écoles ou de clochers, les choses se tasseront avec le temps...

Les spécialistes

Pour couronner le tout, tous ces diplômes et certificats ne permettent absolument pas de se prétendre spécialiste. Le titre de spécialiste est très rare, réservé uniquement à une élite titulaire d'un DESV ou reconnue par la profession, plus précisément par le Conseil National de la Spécialisation Vétérinaire (CNSV), selon les conditions de l'article R242-34 du Code rural et l'arrêté AGRE0914544A.

On peut consulter la liste des vétérinaires spécialiste sur le site du Conseil Supérieur de l'Ordre.

Pour simplifier les choses : si vous voyez "CEAV de médecine interne" ou "CES d'ophtalmologie vétérinaire", vous pouvez malgré tout être raisonnablement sûr de la compétence de ces vétérinaires dans ces domaines particuliers. Obtenir un CES ou un CEAV n'est pas à la portée de tout le monde. Le DESV qui donne le titre de spécialiste, c'est encore pire.

Après, il y a les Boards (américain) et autres diplômes de Collèges européens... Là, pareil, c'est du lourd, équivalent ou supérieur au titre de "spécialiste".

Les différents statuts des vétérinaires

Cabinet, clinique, hôpital ?

Le distinguo n'est pas innocent. Même si la confusion est grande, même au sein de la profession, ces lieux d'exercice ne peuvent être appelé cabinets, clinique ou centres hospitaliers vétérinaires que s'ils remplissent des conditions bien précises de matériel, locaux, présence vétérinaire ou diplômes vétérinaires (détails dans l'arrêté NOR : AGRG0302505A)

Par exemple, pour les deux plus courants :

  • Un cabinet vétérinaire est un ensemble de locaux comprenant au moins : un lieu de réception, une pièce réservée aux examens et aux interventions médico-chirurgicales adaptée aux activités revendiquées.
  • Pour prétendre à l'appellation de clinique vétérinaire, le domicile professionnel doit :
    • disposer d'un ensemble immobilier composé de locaux distincts affectés à la réception, à l'examen clinique, à la radiologie, aux interventions chirurgicales et à l'hospitalisation des animaux des espèces habituellement prises en charge par l'établissement.
    • Il doit être prévu au minimum deux zones d'hospitalisation séparées, l'une réservée aux animaux contagieux, l'autre aux animaux non contagieux ;
      • disposer à demeure des équipements suivants :
      • matériel permettant les examens biologiques et radiologiques ;
      • matériel nécessaire aux interventions chirurgicales et aux soins courants ;
      • moyens de stérilisation adaptés pour les instruments et le linge destinés aux interventions chirurgicales ;
      • appareils d'anesthésie et de réanimation ;
      • des aménagements de réveil adaptés aux espèces traitées ;
      • employer au moins un auxiliaire vétérinaire, d'échelon 2, tel que qualifié dans la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires.

Salarié, libéral ?

Un vétérinaire peut être un libéral, ou un salarié.

En tant que libéral, il peut :

  • exercer en nom propre (le véto solitaire sans société)
  • être associé au sein d'une société d'exercice vétérinaire (il en existe plusieurs types mais cela n'a pas d'importance pour le client), auquel cas il est propriétaire de parts de cette société
  • être collaborateur, c'est à dire exercer au sein d'une société d'exercice vétérinaire sans y être associé

En tant que salarié, le vétérinaire a un CDD ou un CDI, à plein temps ou à temps partiel. Il existe une convention collective. Les vétérinaires parlent souvent d'"assistant", d'ALD ou d'ACD, mais ces termes n'ont aucune valeur légale. Il est alors subordonné aux vétérinaires pour ce qui concerne l'organisation du travail au sein de la structure, mais pas en ce qui concerne l'exercice de l'art vétérinaire. La nuance est très importante, puisqu'elle préserve l'indépendance du salarié vétérinaire dans sa pratique quotidienne. Évidemment, les esprits chagrins diront que cette nuance est théorique. Dans mon expérience, elle a toujours été réelle.

Aujourd'hui, de plus en plus de vétérinaire sont salariés, alors que ce mode d'exercice était encore il y a peu plutôt exceptionnel, et surtout transitoire, avant une association. Évolution des mœurs, augmentation de taille des structures, féminisation de la profession, protection du salarié par la convention collective, augmentation des contraintes sur les libéraux : ce sont certains des facteurs qui expliquent l'attrait croissant du statut de salarié.

Remplaçant ?

Le vétérinaire remplaçant peut être salarié du vétérinaire qu'il remplace, ou collaborateur. Pour vous, cela a peu d'importance. De toute façon, il remplit forcément les conditions d'exercice de la profession.

Les différents types de pratiques vétérinaires

A l'origine, les vétérinaires ne soignaient que les chevaux et les animaux dits "de rente" : bovins, ovins, porcins. Une piqûre ou une chirurgie plus ou moins expérimentale pour le chien de la ferme, pourquoi pas, mais bon, pour un chien, hein, on ne va pas non plus trop en faire. Petit à petit, il y a une trentaine à une quarantaine d'années, l'exercice canin est devenu de plus en plus courant, et certains ont même envisagé de soigner les chats, voire, incongruité formidable, les souris ou les hamsters du gamin. L'exercice dit "canin", plutôt urbain au départ, s'est développé en zone rurale, et, peu à peu, l'a supplanté en de nombreuses régions.

Aujourd'hui, les "ruraux" purs, qui exercent surtout en médecine et chirurgie bovine, mais aussi ovine ou caprine, sont devenus rares. Ils ne représente plus que 1200 vétérinaires environ sur les plus de 15000 que compte la France. Leur exercice de médecine individuelle tend de plus en plus vers de la médecine de troupeau.

La plupart d'entre eux sont devenus des "mixtes", comme moi, qui touchent un peu à tout, et qui ont tendance à devenir de plus en plus "canins" avec la disparition progressive de l'élevage dans de nombreuses régions françaises. Nous sommes un peu plus de 3000 à nous revendiquer "mixtes".

Les "équins" ont toujours été un peu à part, car si les ruraux comme les mixtes soignent aussi les chevaux, les chevaux de valeur ou les cas les plus compliqués sont le domaine de praticiens particuliers. Ils sont environ 600 en France.

La médecine d'élevage de porcs, de lapins et de volailles est elle aussi à part : il m'arrive de soigner un cochon à droite à gauche, mais les gros élevages sont suivis par des vétérinaires très spécialisés, souvent intégrés dans des groupements ou appartenant à de gros réseaux de spécialistes (spécialiste étant un terme impropre selon la loi, d'ailleurs, mais bon, vous voyez ce que je veux dire). Ils sont environ 200 en France.

Les plus nombreux sont aujourd'hui les "canins", dont l'appellation traditionnelle masque la part croissante de la médecine et chirurgie féline dans leur pratique quotidienne. Ils sont environ 9000 en France. En général, ce sont eux aussi qui s'occupent des rongeurs et autres "NAC", même si certains praticiens commencent à se spécialiser dans ces espèces.

Ces chiffres sont issus d'un ensemble de statistiques disponible ici.

Disons que la tendance générale est à la spécialisation par espèce voire par type de production ou d'exercice, les connaissances devenant de plus en plus pointues et les exigences des clients de plus en plus grandes. Le bloc formé par la profession (qui a dit : "corporation" ?) se fissure sous le poids des réalités pratiques, du changement des aspirations des vétos (l'âge d'or des libéraux ruraux est révolu, la profession perd en rentabilité et en attrait, le salariat se développe) et des transformations, qui, d'une manière générale, touchent la société française et donc les vétérinaires.
Le vétérinaire "qui soigne tous les animaux" devient peu à peu une image d'Épinal, et nombreux sont ceux, qui, parmi nous, sont prêts à abandonner leur métier pour autre chose, le jour où il aura tellement changé... que nous ne nous y retrouverons plus.

Dans mon cas précis, mes clients propriétaires de chiens ou de chats ont parfois du mal à comprendre que je fonce sur un vêlage ou que je revienne couvert de merde au cabinet. Mes clients éleveurs bovins acceptent mal que je les fasse attendre pour un chien. Ils acceptent encore plus mal l'idée de ne plus être ceux qui me font vivre... Quant aux propriétaires de chevaux, ils n'admettent pas que je ne sois pas un spécialiste en médecine équine, ou que je n'abandonne pas le reste pour m'y consacrer. Évidemment, je caricature et généralise, mais je ne suis pas loin de la réalité. Bien entendu, certains apprécient que je garde les pieds dans le fumier, les mains dans la tripe et la tête dans la médecine interne la plus pointue, qu'une brebis venue pour une césarienne passe entre deux chiens au cabinet ou que je puisse soigner leur cheval de compagnie qui fait une colique.

Mais je ne vois pas comment ceci pourra durer...

En tout cas, si vous avez des questions, n'hésitez pas, je pourrais y répondre en commentaires ou éditer et développer le billet selon vos interrogations.

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