lundi 7 octobre 2013

Le permis de tuer

A l'accueil, 18h55

- Clinique vétérinaire, bonjour ?
- Je veux parler au vétérinaire.
- Je suis désolée, il est déjà en ligne, monsieur.
- Ah ben on peut bien crever hein !

A l'accueil, pendant la crise de la fièvre catarrhale

Balançant un paquet de passeport de bovins sur le bureau :
- Tenez, tamponnez moi tout ça.
- Je vais m'occuper de ça, monsieur, veuillez patienter.
- Vite hein, j'ai pas que ça à faire !

A l'accueil, toujours :

- Je veux 1cc de marbocool et 0.8cc de toofine. Et tarifé à la fraction de flacon.

Il y a le regard de l'ASV (assistance spécialisée (ou un autre truc en S) vétérinaire).

Le regard désespéré.

Le regard colérique contenu.

Le regard ras-le-bol.

Il faut sourire, il faut être polie, même avec les ours, même avec les cons, les machos, les "je-ne-veux-parler-qu'au-véto", les pressés, les ça-urge-il-est-malade-depuis-sept-jours.

Il faut supporter que la personne soit mielleuse avec le véto alors qu'elle vient d'être odieuse avec l'assistante.

Il faut de l'empathie, de la patience, beaucoup de gens, même pas forcément aimables, le méritent. Ils sont perdus, stressés, apeurés. En colère ou désespérés. Et facilement injustes.

Mais il y a les quelques autres. Les enfoirés qui te tirent une balle dans le dos, ceux qui te prennent pour une merde, ceux qui essayent de te piéger.

Pour certains d'entre eux, j'accorde, privilège d'employeur, un "permis de tuer".

Il faut que l'importun soit un récidiviste. Il faut qu'il soit dans son tort. Il faut qu'il n'ait aucune excuse.

Si ces trois conditions sont réunies, alors ok. L'ASV a le droit de l'envoyer chier.

La plupart du temps, on ne revoit pas l'emmerdeur. Tant mieux.

Parfois, je reçois un coup de fil :

- C'est monsieur Pique, je vous appelle car votre assistante, elle m'a envoyé paître.
- Mmmhhhh
- Alors c'est elle ou moi, hein, parce que c'est pas tolérable.
- Je comprends M. Pique. Au revoir, donc.
- Hein ?
- Et bien, c'est elle ou vous ? Je la garde.

Hey, il est revenu, et il est devenu super poli.

Bon, jusqu'au jour où il a recraqué, et cette fois-là, ça a été terminé. Mais bon.

jeudi 29 décembre 2011

Prendre son temps

Officiellement, les journées de travail durent 8h. De 9h à midi, de 14h à 19h. Classique, et bien suffisant. Surtout quand on dépasse presque toujours jusque 12h30 et 19h30, voire 20h. Hors astreintes.
Un rendez-vous toutes les demi-heures, sauf pour les trucs tout bêtes, comme les retraits de points. Vaccins, consultations médicales ou chirurgicales, contrôles "complexes", 30 minutes, en prévoyant les débordements sur les sujets qui sentent le CDM. Une demi-heure, ça permet de prendre son temps, de discuter prévention, et puis on finit souvent en 20-25 minutes, ce qui permet de passer les coups de fil aux confrères, de vérifier la commande suivante, de rédiger un certificat, de contrôler un animal hospitalisé, de rappeler un propriétaire d'animal pour vérifier que tout va bien, de lire un peu la presse professionnelle, de changer les bains de la développeuse radio, de discuter avec une ASV au sujet d'un client, d'un patient, de la compta ou des stocks, d'un pc qui déconne ou d'un débit de perf', d'un cas qu'elles n'ont pas compris ou d'un planning de visites, bref de toutes ces petites choses qui prennent parfois un peu de temps.
Beaucoup de temps.
Ça permet aussi d'absorber les inévitables clients sans rendez-vous, et les urgences qui viennent tout bousculer.

Mais j'ai réalisé il y a peu que nous ne prenions plus de pause.
Je veux dire : plus du tout. Pour un café, lire des mails persos, le fil twitter ou fumer une cigarette dehors. Juste pour raconter des conneries.
Au fils des mois, puis des années, notre équipe est devenue une mécanique exigeante et bien huilée, très efficace, en perpétuelle remise en question et réorganisation, sous les suggestions ou les intuitions des ASV comme des vétos. Parfois même des stagiaires.
Mais nous ne nous posons plus.
Ce qui est parfait pour arrêter de fumer.

Pas de management ou de méthodes existentielles. Nous avons réussi à monter une équipe harmonieuse, efficace, motivée. Pas sans couacs ni heurts, il y a des coups de gueule, des moments de découragement, les interactions entre le personnel et le professionnel. Pas vraiment des amis, bien plus que des employeurs et des employés, des confrères et des collaborateurs. Un groupe qui fonctionne.

J'ai comme l'impression d'une course folle.

Pour les vétos, un perpétuel mouvement, en équilibre entre les salles de consultations, les visites et le bloc, le chenil, le bureau et le téléphone. Penser à tout, tout le temps. Noter, se faire rappeler, ne rien oublier. Un oubli, c'est un client mécontent, un médicament qui manque, un animal en danger. Ou au moins négligé. Une pression permanente, sur tout le monde, partout. Combien de coups de fils passés de la maison un jour de congé ? Depuis l'hôpital quand on y a accompagné un proche ?
Bien sûr, il faut savoir prendre des jours de repos chaque semaine, prendre des vacances, tout couper. Facile à dire, moins à faire, c'est juste un coup de fil, hein, ou quelques dossiers qui peuvent être faits par mail, depuis la maison.

Ça, on le sait. On le fait plus ou moins bien, on se surveille les uns les autres. Jusqu'à dire aux ASV de ne plus décrocher si elles voient le numéro d'un confrère en congé s'afficher sur le téléphone de la clinique. C'est presque un jeu.

Pareil pour les ASV, avec les afflux permanents de clients venus chercher un renouvellement, un médicament pour les lapins, les poules, la vache, tamponner des cartes roses pour les vaccins FCO, commander les DAP, noter les produits pour les commandes, prendre les rendez-vous, mettre la seconde ligne en attente, la reprendre, aller aider le véto qui appelle au secours-que-c'est-urgent-bordel-laisse-le-téléphone, surveiller la fauche dans le rayons de laisses, colliers et jouets, conseiller pour des croquettes, passer un coup de balai, organiser le passage d'un véto itinérant, ou synchroniser une visite avec le maréchal-ferrant, aller vérifier les perfs au chenil, y faire une glycémie, repasser un coup de balai, mettre une fiche à jour, nettoyer les cages, encaisser un règlement, ouvrir le courrier, calmer un maître anxieux, donner des nouvelles du chat opéré, expliquer que le véto est déjà en visite et que, oui, il va arriver pour le veau à perfuser. En français, en anglais, en allemand, en néerlandais.

Mais quand est-ce qu'on le prend, le café ?

Quand est-ce qu'on débranche le téléphone, qu'on laisse la file devant le comptoir, qu'on crée un trou entre les consults, qu'on oublie un peu les hospitalisés ?

Est-ce qu'il faut une décroissance de l'efficacité, ou un coup de collier pour ménager une pause, qui ne vient jamais parce que le téléphone sonne sans répit ? Que les urgences ne cessent de débouler ?

Zapper, en permanence, des soins à la compta, de la commande à la prise de rendez-vous, des pansements au ménage, de la suture à l'endocrino, d'une euthanasie à un parage de pied, d'une césarienne à la coupe des dents d'un lapin nain. Je suis super fier de nous. Mais je suis super inquiet aussi.

vendredi 8 avril 2011

Machisme ordinaire

Elle a réceptionné le chien, gravement mordu lors d'une bagarre. Elle a accueilli les gens, nettoyé la plaie devant eux, a endormi le chien puis, en leur disant qu'elle les rappellerait le soir-même, elle a emmené le chien vers le bloc.

Je me suis contenté de passer et de ne presque rien dire, vu que je n'avais rien à faire, à part saluer ces deux dames, et les rassurer en leur disant que tout se passerait bien, et que ma consœur allait le rafistoler, leur petit bonhomme. Ce sont des inquiètes, je les connais...

Ma consœur les a appelées pour leur dire que la chirurgie s'était bien passée, que le chien se réveillait, et qu'elles pourraient venir le récupérer quelques heures plus tard.

Elles sont revenues chercher leur loulou, ravies, inquiètes, puis rassurées de le voir aussi en forme avec son gros pansement. J'étais en visite. Ma consœur leur a expliqué comment surveiller la plaie.

Lorsqu'elles sont parties, tellement contentes, elles n'ont pas oublié de remercier la vétérinaire et l'ASV.

"Merci mesdemoiselles, vraiment, merci de tout cœur. Vous n'oublierez pas de remercier le docteur, hein ? Il s'est tellement bien occupé de notre petit loulou !"

lundi 6 septembre 2010

Répit

C'était devenu une urgence, une nécessité. M'enfuir vite et loin, en tout cas tout briser dans une indispensable, bien que trop brève, éclipse. Le boulot recèle parfois ces atroces périodes d'apnée : attendues ou non, elles incarnent à la perfection le cliché du tunnel, de la galère dont on ne peut en aucun cas s'échapper, et dans laquelle, en plus, il faut pédaler.

Cette fois-ci, la plongée a duré trois semaines. 20 jours d'astreinte sans discontinuer, 20 jours de présence permanente au cabinet, soit, quand les horaires sont respectés, 48 heures de boulot "en heures d'ouverture" par semaine, vite muées en 60 heures environ, plus les urgences. Je sais que bien des confrères se démerdent, en temps "sur le pont", avec bien pire : quand on bosse seul, c'est en permanence si on assure les astreintes, et le rythme est pire que le mien si c'est dans une zone de forte densité d'élevage. Je le sais, j'ai donné. Dans mon cas, par rapport à eux, la difficulté est la gestion de l'entreprise : faire, ce coup-ci en tout cas, le boulot de trois vétos en solo, assumer la clinique et sentir, pesant de tout leur poids, toutes ses responsabilités.

  • La continuité des soins. L'accueil du client. Gérer les bobos comme les graves accidents, suivre des cas lourds sur une semaine ou plus, les analyses, contacter les confrères pour des cas que j'ai référés, assurer le lien pour ceux qui m'ont été référés. Répondre aux mille questions, sauter du coq à l'âne puis au chien et au veau, jongler entre chirurgie, médecine, dermato... Changer à chaque fois de mode de pensée, sans se laisser le temps de rien oublier.
  • La gestion administrative, les stocks, les factures, les fournisseurs et les labos. Pour tout ça, comme pour une partie des soins ou de l'accueil, heureusement, je ne suis pas seul. Mais je dois aussi assumer la frousse que me confère mon statut d'employeur, quand, sur cette courte période, se fait sentir l'impression que si je déraille, ce sera avec tout le monde à bord.

Finalement, dans l'instant, cette course se fait naturellement, sans heurt ni cahot. Anticiper, s'organiser, noter, tout noter, déléguer. Les journées passent vite, très vite. Levé à huit heures, au boulot à neuf, de retour vers treize heures, reparti pour quatorze, rentré à vingt, couché à vingt-et-une, ou vingt-deux. Les consultations et les chirurgies s'articulent et s'organisent, se hiérarchisent. Je suis bien secondé. Parfois, cependant, je me sens ralentir. Je ne pense plus assez vite, plus assez bien. Je sais que je peux mieux faire, et dans ces cas là j'appelle. Une consœur, un confrère. Ou je prends un livre, ou j'en discute avec une ASV. Pour confronter, démonter, repenser. Et surtout ne pas déconner.

Mais la tension monte, et je finis par ne plus me ressembler. L'agressivité s'échappe par bouffées, parfois sans méchanceté, parfois hors de tout contrôle. Je me hais lorsque je me sens déconner, plus encore lorsque mes proches en font les frais. Évidemment, cela ne m'aide pas à relativiser, et encore moins à me relaxer. Contrôler, contrôler.

Les nuits raccourcissent, même lorsque je ne suis pas appelé. Je me couche à 22 heures, me réveille vers trois, ou quatre. Les yeux grands ouverts dans le noir, à psychoter sur des cas ou des symptômes, sans cohérence, sans même de matérialité. Périodes de sommeil fragiles et embrumées, d'errances mal contrôlées, puis je me rendors avant de m'éveiller à nouveau, bien trop tôt. Je me force à rester au lit, espère m'endormir avant d'entendre le réveil sonner. En vain.

Et là-dessus, je dois continuer à assurer, parce qu'en fait, je n'ai tout simplement pas le droit de craquer.

Dans ces conditions, rien ne veut plus fonctionner. Si ce n'est pas ma voiture qui plante, c'est la développeuse qu'il faut bricoler, un pc à nettoyer, le comptable qui se trouve des lubies d'arriérés de TVA, la compagnie d'incinération que ne peut pas venir à temps alors que le congélateur va déborder, ou un fournisseur qui a une promo à caser, que je ne peux pas laisser passer mais pour laquelle je ne veux pas engager mon associé.

Des montagnes de petits riens accumulés.

Et la chaleur, la chaleur... à ne plus pouvoir respirer.

Alors, lorsqu'il revient, mon confrère, mon frère, mon sauveur, je m'enfuis et m'éparpille, charge la voiture, largue mes animaux aux voisins, ferme le coffre et embarque ma moitié. Direction l'appart' d'un copain, rien de planifié, surtout rien d'organisé. Loin des bestiaux, loin du boulot, loin du net et du blog. Restos, bouquins, plongées.

La parenthèse n'aura duré que trois jours, mais la réussite de cette coupure lui donne des allures de longs congés d'été. Même si le sommeil n'est pas revenu, même si les cas sont les mêmes qu'avant de partir, même si les problèmes laissés en suspens ne se sont, curieusement, absolument pas réglés.

Je ne suis plus seul, et le tunnel s'est achevé. Je ne suis pas parti assez longtemps pour qu'il se soit à son tour épuisé, je vais pouvoir me remettre à respirer.

dimanche 8 août 2010

Mademoiselle sollicite de votre haute bienveillance un emploi d'ASV

M. le député,

J'ai bien reçu, comme tous mes confrères de la région, votre courrier concernant cette jeune fille dont "le bilan de compétences fait ressortir des qualités professionnelles certaines pour les soins des animaux et le travail auprès des vétérinaires".

Permettez-moi d'attirer votre attention, en premier lieu, sur l'incongruité et le manque d'à-propos de votre démarche. Je ne doute pas de la sincérité de votre souhait de rendre service à une proche, mais j'émets de sérieuses réserves sur la finesse du procédé, ceci étant dit sans aucune méchanceté, mais avec un brin d'amertume. Pour quelle raison m'envoyez-vous, en tant que député (j'ai bien noté l'enveloppe et le papier à en-tête de l'assemblée nationale), un courrier concernant une candidature à un poste d'auxiliaire spécialisée vétérinaire ? Loin de moi l'envie de hurler avec la meute qui emploie à tort et à travers les termes de "poujadiste" ou de "clientélisme", mais avouez que vous tendez le bâton pour vous faire battre. Mettons que vos intentions sont les meilleures, et passons sur cette maladresse.

Ma première réaction a été la stupéfaction, mêlée de consternation, en lisant vos phrases au style obligé. Le premier éclat de rire passé, je me suis penché sur le curriculum vitae de votre protégée. Cette fois, c'est un brin de colère et d'ahurissement qui ont dominé ma réaction. Au-delà de l'anecdote qui ferait le sel de ce billet en forme de lettre ouverte que je ne vous adresserai jamais, je vais tenter de profiter de l'occasion pour donner, en tant que vétérinaire et employeur d'une jeune femme ayant eu un parcours comparable, quelques conseils à ceux et celles qui voudraient devenir auxiliaires vétérinaires. Évidemment, je ne prétends pas être représentatif de tous mes confrères...

Premièrement, faites comme tout le monde. Envoyez un courrier de votre main, manuscrit ou pas, peu importe. Le fait que vous écriviez vos lettres comme des lignes de punition ne vous attirera aucune sympathie ou attention particulière. Personnellement, je pense que c'est une perte de temps, et que l'ordinateur et l'imprimante sont parfaitement adaptés à l'exercice. Ne faites jamais écrire ce courrier par un parent, un ami, et encore moins un député : n'hésitez pas, faites vous aider, mais écrivez en votre nom propre. Ne téléphonez pas : nous passons nos journées à courir partout et à répondre au téléphone, sans parler des démarcheurs de tous genres : vous vous feriez rembarrer.

Expliquez-moi, en quelques mots sincères, pourquoi vous voulez être ASV, et pourquoi vous êtes une candidate intéressante (pardonnez-moi, je vais utiliser un féminin comme genre "neutre" vue le faible pourcentage de mâles dans la profession). N'en faites pas trop, c'est un équilibre délicat entre humilité et démonstration de motivation. Être sûre de soi, c'est une superbe qualité. Être prétentieuse, un défaut rédhibitoire. Les vétos sont souvent des grandes gueules, et la clientèle n'est pas forcément facile. Vous aurez à naviguer entre les deux...

Deuxièmement, joignez votre CV à ce courrier. Celui de la protégée de notre député est le parfait exemple du CV raté. Vous êtes probablement jeune, vous n'avez probablement presque aucune expérience professionnelle. Si ce n'est pas le cas, ne tenez pas forcément compte des remarques qui vont suivre.

Ne bourrez pas la page. D'une part, c'est désagréable à lire, d'autre part, c'est prétentieux. Si vous écrivez en Comic sans MS, je vous pends. Arial et Times New Roman, c'est neutre, c'est bien.

Insistez sur vos compétences réelles, sur votre formation. Je veux savoir ce que vous avez appris, ce que signifie votre diplôme, si vous en avez un. Si vous avez une expérience professionnelle antérieure, mettez bien en exergue ce qui fait votre valeur. Savoir que vous avez distribué des publicités dans les boîtes aux lettres n'est pas totalement inintéressant (ça prouve que vous vous êtes motivée pour travailler), mais cela n'a pas à être mis sur le même niveau que deux ans de secrétariat dans une TPE. Le premier réflexe, quand on lit ce genre de ligne, c'est de rire : cela dévalorise ce qui est vraiment intéressant juste à côté. Dans le cas précis du CV qui fait l'objet de ce billet, il m'a fallu y porter une attention particulière pour comprendre que les compétences annoncées étaient validées par deux ans de secrétariat et non le "simple" fruit d'une formation. Dommage !

Ne consacrez pas un quart de la page à un stage d'une semaine dans un cabinet vétérinaire ! C'est ridicule, ennuyeux, et d'une prétention sans borne. Le détail par le menu de ce que peut faire une stagiaire dans nos entreprises, je m'en fous ! Savoir que vous avez fait un stage chez un vétérinaire est une indication précieuse (et un réel avantage sur votre CV), mais n'en faites pas des tonnes. Je sais ce que fait et voit une stagiaire chez un vétérinaire. Je sais aussi qu'en une semaine on n'acquiert pas toutes les compétences dont vous semblez vous targuer.

Méfiez-vous des références aux associations de protection des animaux. Je ne veux pas, en tant qu'ASV, d'une nunuche ou d'une oie blanche. Je ne veux pas non plus d'une maniaque de la protection animale bourrée de préjugés. Je suis intéressé par une personne qui a pu toucher la dureté de cette réalité des refuges, sans non plus souhaiter embaucher une cynique blasée. Rappelez-vous aussi que les relations entre les refuges et les vétérinaires ne sont pas toujours excellentes (mais c'est un autre sujet). Bref : c'est une information intéressante mais à double tranchant.

Nous avons pour politique de répondre à toutes les candidatures qui nous sont adressée, par la négative (car nous n'embauchons pas), mais je sais que ce n'est pas le cas de tous mes confrères. Si vous ne recevez pas de réponse, n'hésitez pas, deux semaines plus tard, à nous relancer : si votre première lettre est partie à la poubelle, la seconde suivra, vous n'avez rien à perdre. Si la première s'est perdue, la seconde atteindra peut-être sa cible. Et si vous intéressez un cabinet, les vétérinaires vous contacteront bien avant deux semaines (enfin, je suppose).

Enfin, si vous avez la chance de décrocher un entretien, permettez-moi de vous offrir quelques conseils qui me passent par la tête.

Venez seule. Surtout pas avec vos parents. Lorsque nous avons embauché notre ASV, nous avons reçu de nombreuses candidates que nous n'avons pas entendu parler : leur père, ou leur mère, s'escrimant à nous expliquer pourquoi leur rejeton était la meilleure. Cela ne nous intéresse pas. Vous aurez à gérer des clients inquiets, stressés, parfois agressifs voire irrationnels. C'est vous que nous voulons entendre. Vous serez peut-être stressée à mort, et cela se verra sans doute, nous imaginons très bien dans quel état vous pouvez être : ne vous en inquiétez pas.

Parlez-nous de vous, expliquez-nous pourquoi vous correspondez au poste, pourquoi vous conviendrez. Encore une fois, c'est un subtil équilibre entre humilité et assurance qui fera votre succès. C'est aussi votre capacité à analyser les vétérinaires qui vous font face. Ils vous auront sans doute expliqué ce qu'ils cherchent, sachez lire entre les lignes. Certains vétos embauchent une ASV "pour la vie", pour former une personne qui correspondra idéalement à leurs besoins. D'autres cherchent du personnel à moindre coût, mais ils ne vous le diront certainement pas comme ça...

Voilà, si vous avez des questions, n'hésitez pas. Et rangez votre susceptibilité, ce billet n'a aucunement l'intention de moquer une candidate malheureuse (je n'en dirais pas autant de notre parlementaire maladroit...).

mardi 9 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Une journée en enfer

4h10 - Réveil en sursaut, pas de sonnerie de téléphone pourtant - je suis en sueur, j'ai rêvé que les vaccins qui devaient être livrés ce matin n'arrivaient pas car j'avais oublié de passer le fax. 10 minutes pour me rendormir en m'insultant.

5h10 - Mon foutu téléphone portable fait vibrer les baffles de mon radio-réveil. Pour rien. Résultat : une augmentation délirante de ma fréquence cardiaque, une bonne bouffée de stress et une dizaine de mots doux à l'encontre de mon téléphone que je balance bien loin de ma table de nuit. Je ne suis même pas d'astreinte !

8h00 - Lever rapide, petit-dej' très rapide, café, sortir les chiens. Même pas en mode automatique : je me réveille instantanément maintenant !

8h30 - Je démarre la voiture, direction la clinique. 10 minutes de route avec les infos. Rien de neuf sous le soleil, évidemment.

8h40 - Je passe vite fait entre les cages des animaux hospitalisés après avoir salué notre ASV, qui vient de reprendre le téléphone de garde. Ici non plus, rien de neuf sous le soleil. Si j'ai le temps, je ferai les soins aux animaux, sinon Francesca s'en occupera. Rien d'urgent de toute façon. Notre parvovireux a arrêté de tout repeindre de diarrhée et l'anémie auto-immune a uriné clair. Impeccable.

8h50 - Je distribue la tournée de vaccination FCO à Olivier qui vient d'arriver. Ben oui, j'ai le privilège d'être le Grand Organisateur de nos tournées de prophylaxie. Boulot de dingue, je vous en toucherai un mot dans ce billet, et plus encore dans un autre épisode du journal de bord FCO.

9h00 - La clinique ouvre ses portes. 8 personnes (!) s'engouffrent avec leurs bestioles, leurs enfants, leurs sacs à main et leur stress. Je me cache lâchement dans la deuxième salle de consultation avec un téléphone, le planning des tournées et les feuilles de prophylaxie.

9h02 - Après deux minutes à bouger des piles de papier pour éviter de réfléchir, je jette un oeil par la porte. Merde, M. Dueil, c'est moi qui lui ai donné un rendez-vous pour une série de tests hormonaux. Pauvre chien, ça fait des mois qu'il se traîne une foutue infection cutanée récidivante, sans cause sous-jacente encore détectée. Le chien a 8 ans, c'est un chien de chasse, mais son propriétaire est prêt à aller sur les tests hormonaux et leur éventuel traitement. J'en profiterai pour refaire une série de raclages à la recherche de demodex ou autres saletés parasitaires.

9h03 - Finalement, je me décide. Un bonjour à la contonnade, j'interpelle M. Dueil et lui demande d'aller chercher son chien. Quelques minutes plus tard, ce dernier est dans la courette, son propriétaire reparti au travail, il reviendra le chercher à midi. Dans le même mouvement, j'hospitalise une minette venue pour une ovariectomie, salue un client venu régulariser des factures de médicaments pour la FCO, et avise un homme d'une quarantaine d'années avec sa fox dans les bras. M. Petit. Lui, il avait rendez-vous à 10h00, il s'est encore gouré...

9h15 - Olivier est parti en tournée, il n'a que 200 vaches à faire ce matin. Tranquille. Cette fois-ci, il a pris trop de vaccins, il s'est fait coincé hier à 25 km d'ici avec 35 doses manquantes...

9h16 - J'invite M. Petit à me rejoindre en salle de consultation avec sa fox, pour un vaccin. Ca fait au moins trois fois que ce rendez-vous est reporté : M. petit est vraiment un homme très gentil, mais il est un peu... léger. Sa présence est presque incongrue dans notre quotidien de stress et de tensions. Il sourit et me salue de sa voix étrange, à la fois brisée comme celle d'un vieux fumeur, et aiguë comme celle d'une fillette. Il n'articule pas bien du tout et entends très mal, mais il lit remarquablement sur les lèvres. Il rit aux éclats en voyant sa chienne faire le beau devant moi, puis me décrit ses dernières chasses au renard. Je n'y comprends pas grand chose : son élocution est terriblement difficile à suivre, surtout quand il aborde un sujet que je ne maîtrise pas du tout, mais il mime, il gesticule, il rit à nouveau pendant que j'examine rapidement. J'en oublierai presque la FCO et le stress quotidien.

9h24 - Olivier passe la tête par la porte de la salle de consultation :"heu j'avais rien compris à ce que m'avait dit Mme Wood au téléphone ce matin, je croyais qu'elle amenait un chat qui bavait mais c'est un bélier ! Il est dans le coffre de leur 4x4, tu y jetteras un coup d'oeil ?"
Il n'était pas parti, lui ?

9h30 - Le bélier a une magnifique langue bleue. Évidemment, c'est un tout petit cheptel non déclaré, et Francesca a remarquablement anticipé la suite : elle a déjà téléphone à l'EDE pour faire enregistrer le cheptel afin que la suspicion de FCO puisse être validée. Deux injection, une longue conversation en anglais pour expliquer la blue tongue et la déclaration de l'élevage, le traitement aux insecticides et la vaccination à prévoir dans la semaine qui vient (mais quand ???), et je repars sur les chiens et les chats.

9h50 - Je m'excuse auprès de M. Bel qui avait rendez-vous à 9h30, pour recevoir Belle (si si, Belle Bel) qui nous revient avec sa DAPP annuelle mâtinée d'aoûtats en goguette. En plus elle est en chaleur et mon pantalon vient de recevoir une belle quantité d'écoulements vaginaux. C'est tiède, c'est humide, c'est presque transparent (fin des chaleurs, donc) et ça va terriblement plaire aux chiens mâles que je verrai en consultation aujourd'hui.

10h15 - Je vois Francesca qui réceptionne un sac de poulets morts pour autopsie. Super.
Je viens de me rendre compte que nous n'avons pas en stock les produits nécessaires aux tests hormonaux que je comptais réaliser sur le chien de M. Dueil. Je téléphone donc illico à la pharmacie pour les commander - livraison à 15h30 cet après-midi. Il faut penser à rappeler le propriétaire pour lui dire de venir chercher le chien ce soir, finalement.
Pas de rendez-vous avant 10h30, je devrais pouvoir placer quelques fermes supplémentaires sur la tournée de vaccins de vendredi, et il faut que je valide un élevage pour demain, je n'ai pas encore eu leur réponse.

10h20 - Finalement, c'est une éleveuse qui m'alpague avec sa feuilles d'analyses bactériologiques à la main. Un prélèvement qu'elle a elle-même réalisé sur le lait d'une vache à mammite, et une belle saleté de Streptococcus uberis résistants à plein de choses. Pratique.

10h45 - J'ai prescris le traitement ad hoc à l'éleveuse et invite M. Dulin dans la salle de consultation. Évidemment, je n'ai pas pu joindre les éleveurs comme je l'avais prévu quelques minutes plus tôt, je m'excuse auprès de M. Dulin pour le petit quart d'heure de retard et je l'écoute m'expliquer les manies de sa chienne anxieuse. Je n'ai absolument pas le temps de gérer une consultation de comportement maintenant, d'autant qu'un éleveur de mouton a appelé, il a un cas de FCO... Je rassure donc M. Dulin sur les tumeurs mammaires de sa chienne, il faudra penser à opérer mais sans urgence, je l'invite à reprendre un rendez-vous pour une consultation de comportement si mes quelques indications trop vite assénées ne suffise pas faire rentrer les choses dans l'ordre. Accessoirement, je le conseille sur le choix d'un traitement pour les aoûtats qui pullulent sur sa chienne.

10h58 - Je prends ma voiture et me lance vers un village distant d'une dizaine de kilomètres afin de vérifier l'existence d'un nouveau foyer de FCO. La brebis a les lèvres gonflées, violacées, mais elle est relativement en forme. Comme le bélier de ce matin, elle a une chance de s'en sortir. prise de sang, conseils, dissipation de rumeurs, je note ce que j'ai fais sur mon indispensable bloc-note et reprends la route.

11h28 - Je m'arrête chez des clients qui sont sur le chemin, pour prendre des nouvelles d'une vieille chienne opérée une semaine auparavant avec d'énormes réserves sur la période post-opératoire, en raison d'une ancienne crise d'insuffisance rénale aiguë. Ils ne sont pas là, mais j'entre quand même pour jeter un coup d'oeil au chenil des chiens de chasse. Elle ne semble pas en forme du tout, la louloute...

11h35 - J'arrive à la clinique, le livreur est en train de déposer la commande. Tandis qu'il finit son déchargement, je passe enfin les coups de fil pour les rendez-vous de vaccination de demain.

11h42 - Je remplis rapidement la paperasse pour les deux suspicions de FCO de ce matin, puis je m'attelle au classement des prises de sang de prophylaxie d'un cheptel ovin.

11h48 - Je me lève pour aller chercher un meilleur stylo, et, sur le passage, je ne peux pas m'empêcher de jeter un oeil aux milliers de doses vaccinales pour la FCO.

11h48 - Le temps s'arrête.

11h48 - Il manque les doses de sérotype 8.

11h48 - Il me reste à peine de quoi faire la tournée de demain au frigo !

11h48 - En plus les seringues automatiques commandées ne sont pas livrées non plus, et il ne nous en reste plus que deux !

11h49 - J'appelle la centrale d'achat, qui me confirme une rupture de stock de vaccins et m'annonce une livraison dans la semaine.
Dans la semaine ?
Mais quand ?
Impossible !

Et les seringues automatiques ?
Il ne reste plus qu'un modèle médiocre et inadapté en stock.

11h51 - Je téléphone à un confrère voisin pour lui demander s'il pourrait me dépanner de 1500 doses. C'est une de ses ASV qui me répond, elle dépose le combiné le temps d'aller vérifier les stocks. J'entends une autre ASV expliquer à une dame manifestement bouchée que les vétérinaires, elle ne les voit pas de la journée, et que donc le certificat pour Kiki, il attendra ! Je souris malgré moi.

11h53 - 1500 doses, peut-être. Il faudrait que je rappelle dans l'après-midi.

11h58 - Je file en vitesse de la clinique, j'ai une course urgente à faire. Évidemment, en partant, je croise M. Dueil que personne n'a appelé pour le prévenir du contretemps sur les tests hormonaux de son chien. Heureusement, il n'habite pas loin. Il repassera ce soir vers 18h.

12h25 - Je suis chez moi avant 13h00 ! Une première depuis 24 jours de travail non-stop ! Pour fêter ça, je mange en vitesse et j'écris un billet sur mon blog.

14h00 - De retour à la clinique, je croise mes deux confrères qui vaquent chacun à leurs consultations canines. Olivier repartira en tournée de vaccination. Dans trente minutes j'y vais aussi, en attendant je découvre avec plaisir qu'il faut que je prépare les cartes roses de 27 veaux pour l'éleveur de 14h30 : il a trouvé un acheteur et il faut donc mettre leurs papiers en règle pour la vente. Tampons, signatures...

14h14 - Olivier est en train d'examiner un chat qui avait rendez-vous avec moi, normalement, un suivi d'une vilaine plaie cutanée. Je vais quand même saluer la dame et regarder l'évolution, histoire de. Puis je retourne à mes tampons.

14h21 - Je rappelle à Olivier qui passe par là dans sa blouse immaculée qu'un éleveur l'attends pour la tournée de l'après-midi.

"Merde !"

14h27 - Francesca me demande de l'aide pour une facturation de médicaments pour la FCO - il faut faire des factures spéciales afin que les éleveurs puissent prétendre à la caisse de solidarité des GDS pour les soins aux bovins malades. Je ne vois vraiment pas comment je serais à 14h30 chez cet éleveur pour les vaccins et les prises de sang de vente...

14h41 - Je tamponne à nouveau.

14h52 - Je n'ai pas fini de tamponner mais je me rends compte que j'ai oublié de rappeler le véto voisin pour les 1500 doses. Et s'il pouvait avoir deux seringues automatiques, aussi... ? la discussion s'anime au sujet de quelques problèmes de procédure avec certains élevages que nous nous échangeons pour les vaccination : normalement, cette vaccination est réalisée par le vétérinaire sanitaire de l'élevage, responsable du suivi sanitaire. Afin de gagner du temps, pour cette crise, nous nous "échangeons", sur demande ou avec l'accord des éleveurs, certains cheptels qui sont beaucoup plus proches du cabinet du voisin. J'apprécie vraiment la bonne entente qui règne entre les vétos de la région. En attendant, il peut me dépanner de 1000 doses, et pas de seringue automatique.

15h08 - J'appelle la DSV pour lui soumettre mon problème de doses. On me propose 1500 doses débloquées pour demain et livrées sur place afin de pallier l'urgence. Pour la suite... croisons les doigts pour que notre centrale soit très vite livrée en doses fournies par d'autres centrales (c'est marrant, à leur échelle, les centrales d'achats font comme nous : "t'as pas 1000 doses ?").

15h24 - J'ai fini de tamponner ces foutues cartes, je file chez l'éleveur pour les vaccination et les prises de sang.

15h52 - Premier lot de 24 broutards terminé. Numéros relevés, vaccinés, prélevés, triés, ils sont prêts à partir. En attendant le lot suivant, j'ai une idée. je passe un coup de fil à un autre cabinet voisin que je sais se fournir dans une autre centrale d'achats que la nôtre. "Dis moi, tu pourrais me commander deux seringues Injecto-matic pour demain ? Oui, ils en ont en stock ? Magnifique !"

15h58 - Je passe un autre coup de fil, à la clinique cette fois. J'ai oublié de dire à Juliette de passer chercher les médicaments à la pharmacie pour les tests hormonaux, il faut se dépêcher si l'on veut rendre ce chien ce soir. Normalement, j'aurais du être en train de finir ces prises de sang et de m'occuper de ça, mais bon... J'ai du mal à l'entendre au bout du fil avec ces cons de veaux qui gueulent à 10 mètres de moi.

Couché sur l'asphalte, un setter hors d'âge me regarde d'un air morne.

16h02 - Prises de sang, vaccins, tampons, signatures, j'en profite pour remplir les cartes vertes.

16h15 - Trop vite, je me suis planté et j'ai rempli des cartes de veaux qui ne partent pas. J'ai gagné le droit d'appeler l'EDE pour demander des duplicatas, tiens.

16h24 - Je reviens à la clinique. Les test hormonaux sont lancés, je finis de ranger les prises de sang de prophylaxie ovine que j'avais entamées ce matin.

16h44 - Je reprends le chien à problèmes cutanés sur la table de consultation afin de refaire des recherches parasitaires. Raclages, calques, microscope...

16h58 - Pas moyen, tout est négatif, il n'y a pas un demodex sur ce chien...

17h04 - Je repasse quelques coups de fils pour les tournées de vaccination bovine de la fin de semaine. Il ne me reste presque plus d'élevages à placer.

17h11 - M. Tourlan veut me parler, et me tiens la jambe au moins 25 minutes sur l'organisation de la vaccination de son cheptel de 16 bêtes...

17h30 - L'anémie auto-immune se dégrade à nouveau. Je relance une prise de sang pour vérifier les paramètres sanguins. Pas trop mal, mais bon...

17h45 - Je modifie le traitement en ajoutant des immuno-suppresseurs. Demain, s'il empire, on tentera le tout pour le tout avec une transfusion.

17h52 - Je reprends mon bloc-note afin de facturer les six derniers jours de visites. Un enfer ponctué de coups de fil, du retour de M. Tourlan avec ses 15 vaches, d'un appel de la DSV qui me précise quand et comment me seront livrées les doses (merci, merci !).

18h07 - Je fais sa dernière prise de sang au chien de M. Dueil que je lui rends après lui avoir expliqué que nous n'avons rien trouvé de neuf. J'espère que les tests seront concluants mais je n'y crois plus trop.

18h15 - J'ai fini de centrifuger le sang du chien précédemment mentionné, et transfère le plasma dans des tubes stériles plus approprié au transport. J'en profite pour remplir sa feuille de commémoratifs, y agrafer son chèque et compléter le bon d'expédition en colissimo. En passant, ej signe un chèque pour un laboratoire qui nous a réalisé quelques analyses en début de semaine. Faudra penser à vérifier si c'est enregistré et refacturé, ça...

18h22 - Tout ça me fait penser que j'ai aussi les prises de sang des vaches de M. Bleure à préparer pour des sérologies douve. Feuille de commémos, bon d'expédition, facturation des frais d'envoi au client...

18h37 - Olivier est en train d'autopsier les poulets. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas l'air très frais... Ca parfume la pièce dans laquelle je suis en train de mettre à jour toutes les vaccinations ovines afin de préparer la tournée de rappels qui commence... la semaine prochaine déjà !

19h21 - J'en ai fini avec les feuilles de vaccination, je prépare celles de demain, puisque je partirai directement en tournée. J'en profite pour charger ma glacière avec 250 doses de chaque vaccin. Finalement, je passerais d'abord chez un autre véto voisin pour lui piquer une seringue automatique - j'en ai retrouvé une vieille qui fera bien l'affaire malgré ses joints défaillants.

19h24 - Comme je m'ennuyais, je passe dix minutes à changer les joints de la vieille seringue et à lubrifier tous ses composants.

19h35 - OK, je passe au chenil pour le dernier tour de la journée. le parvovireux est de mieux en mieux, je stoppe presque sa perfusion et le force à manger un peu après une batterie de piqûres. On verra s'il garde tout d'ici demain matin. L'ASV est partie depuis un quart d'heure et le téléphone ne sonne plus.
L'anémique a l'air un peu plus gaillard, et Olivier est en train de faire le tour de toutes les armoires de la clinique pour la commande de médicaments bi-hebdomadaire.

19h51 - Cette fois-ci, je m'attelle à la caisse. Compter, vérifier les chiffrages, contrôler que chaque traitement pour la FCO a été facturé en bonne et due forme pour la prise en charge - c'est le cas cette fois - reprendre les chèques, faire la remise, vérifier le fond de caisse et sauvegarder les données...

20h02 - Le téléphone sonne ! Un monsieur que nous ne connaissons pas et qui a manifestement de la FCO dans son petit cheptel ovin. Nous passerons demain, je prends dix minutes pour lui expliquer les choses et noter l'endroit précis où il habite.

20h12 - Le chiot à parvo hurle un coup. Je vais vérifier rapidement : cet ahuri de bleu de Gascogne s'est coincé la perfusion dans les lattes de son caillebotis... Rien de méchant.

20h17 - Cette fois, j'ai terminé la caisse, et Olivier semble en avoir fini avec la commande. L'heure de rentrer à la maison, un peu plus tôt que d'habitude dans cette journée finalement moins chargée que celles de la semaine dernière...

Comme vous vous en doutez, je ne vous ai pas parlé de tout ce que j'ai pu faire dans cette journée, puisque j'en ai déjà oublié la moitié. Plus que 5 semaines à tenir...

vendredi 13 juin 2008

Elle n'est pas vétérinaire !

"Bonjour docteur !"

La dame qui m'apostrophe en franchissant la porte a l'air presque jovial, mais, à ses regards alentours et ses petits pas précipités vers le comptoir, je devine qu'il y a quelque chose qui cloche.
Elle tient son sac avec ses deux mains, serrés contre son abdomen, comme un bouclier. Ses cheveux noirs parfaitement... permanentés ? fer-à-frisés ? bigoudités ? (je suis nul en coiffure, rapport à ma calvitie sans doute) lui donnent un air trop... impeccable. Elle prend une petite voix soufflante, sur un ton qui se veut discret, avec un débit trop rapide.

"Docteur, hier, une dame m'a donné... ça."

Elle sort de son sac une petite boîte de médicaments, d'un air triomphal.

"Elle m'a donné ça pour mes lapins, mais il y en a un qui est mort cette nuit. Je pense qu'elle n'était pas vétérinaire, alors je voudrais vos bons conseils."

La voix devient un brin accusatrice. Avec option "sous-entendus mielleux".

Le médicament est banal, pour une affection banale. Banal, mais efficace.

"Et qu'est-ce qui leur arrive, à vos lapins ?
- Et bien ils attrapent le gros ventre, ils ne mangent plus et ils meurent.
- Ah, et dans quel état se trouvait celui qui est mort cette nuit quand il a reçu le traitement ?
- Ca n'a pas marché du tout, il est mort !"

La voix se fait accusatrice. La mienne... fatiguée, mais elle ne semble pas s'en rendre compte

"Oui, je comprends bien, mais il était dans quel état hier ?
- Oh, très très mal.
- Bon, je suis désolé, mais quand ils sont mourants, il faut des soins intensifs pour les sauver, et encore. Il n'y avait rien à faire pour lui. L'important c'est de sauver les autres, et ce médicament fera ça très bien."

Son regard se durci.

"La personne qui m'a servi hier n'était pas vétérinaire.
- Et bien, nos auxiliaires sont parfaitement à même de vous délivrer le médicament, et vous avez une ordonnance.
- Oui, elle l'a signé elle-même !
- Voyons ?"

Là, je suis un brin inquiet, même si le traitement était le bon, nos ASV n'ont pas à signer des ordonnances. Je jette un regard... blasé. C'est la signature de ma consœur.

"La personne qui vous a servi, c'est une jeune femme rousse aux cheveux bouclés ?
- Oui !"

Elle a bien perçu le ton inquiet de ma voix lorsque je lui ai demandé l'ordonnance, elle triomphe. Elle doit se dire qu'elle a pris une secrétaire en flagrant délit de je-ne-sais-quoi et que son lapin en est mort.

"C'est ma consœur. Elle est vétérinaire, et c'est le bon traitement. Simplement, le lapin mort cette nuit était trop atteint. D'ailleurs, il en a bu, du médicament ?
- Heu... peut-être pas, je ne suis pas sûre qu'il buvait encore.
- Et ça vous a surpris qu'il meurt, du coup ?
- Elle n'était pas vétérinaire !
- Mais enfin madame !
- Elle a regardé dans un livre avant de me délivrer ce médicament !"

Et oui. Les vrais vétérinaires ne regardent pas dans les livres, c'est évident. Un jour, un client m'avait d'ailleurs confié que son médecin était un incapable, car il regardait dans le Vidal avant de lui prescrire un traitement. Mais allez leur faire comprendre que la compétence s'est aussi savoir vérifier et revérifier au moindre doute, les posologies, les contre-indications, les âges minimums de traitement, etc.

D'ailleurs, quand j'ai dit à la dame que je passais mon temps à regarder dans des livres, elle ne m'a pas cru...