Le permis de tuer
lundi 7 octobre 2013, 08:00 Animalecdotes Lien permanent
A l'accueil, 18h55
- Clinique vétérinaire, bonjour ?
- Je veux parler au vétérinaire.
- Je suis désolée, il est déjà en ligne, monsieur.
- Ah ben on peut bien crever hein !
A l'accueil, pendant la crise de la fièvre catarrhale
Balançant un paquet de passeport de bovins sur le bureau :
- Tenez, tamponnez moi tout ça.
- Je vais m'occuper de ça, monsieur, veuillez patienter.
- Vite hein, j'ai pas que ça à faire !
A l'accueil, toujours :
- Je veux 1cc de marbocool et 0.8cc de toofine. Et tarifé à la fraction de flacon.
Il y a le regard de l'ASV (assistance spécialisée (ou un autre truc en S) vétérinaire).
Le regard désespéré.
Le regard colérique contenu.
Le regard ras-le-bol.
Il faut sourire, il faut être polie, même avec les ours, même avec les cons, les machos, les "je-ne-veux-parler-qu'au-véto", les pressés, les ça-urge-il-est-malade-depuis-sept-jours.
Il faut supporter que la personne soit mielleuse avec le véto alors qu'elle vient d'être odieuse avec l'assistante.
Il faut de l'empathie, de la patience, beaucoup de gens, même pas forcément aimables, le méritent. Ils sont perdus, stressés, apeurés. En colère ou désespérés. Et facilement injustes.
Mais il y a les quelques autres. Les enfoirés qui te tirent une balle dans le dos, ceux qui te prennent pour une merde, ceux qui essayent de te piéger.
Pour certains d'entre eux, j'accorde, privilège d'employeur, un "permis de tuer".
Il faut que l'importun soit un récidiviste. Il faut qu'il soit dans son tort. Il faut qu'il n'ait aucune excuse.
Si ces trois conditions sont réunies, alors ok. L'ASV a le droit de l'envoyer chier.
La plupart du temps, on ne revoit pas l'emmerdeur. Tant mieux.
Parfois, je reçois un coup de fil :
- C'est monsieur Pique, je vous appelle car votre assistante, elle m'a envoyé paître.
- Mmmhhhh
- Alors c'est elle ou moi, hein, parce que c'est pas tolérable.
- Je comprends M. Pique. Au revoir, donc.
- Hein ?
- Et bien, c'est elle ou vous ? Je la garde.
Hey, il est revenu, et il est devenu super poli.
Bon, jusqu'au jour où il a recraqué, et cette fois-là, ça a été terminé. Mais bon.
Commentaires
J'adore.
Effectivement les gens qui sont odieux avec ce qu'ils considèrent être "le petit personnel" et qui font des courbettes au docteur, c'est probablement ce qui m'énerve le +.
Le "au revoir, donc (...) je la garde" : si savoureux !
Merci.
Bravo! Un permis de tuer pour les ASV, bien encadré, c'est vraiment génial!
Parce que si les ours ne sont pas la majorité, dans tous les boulots, y'a des fois... Bref!
Bravo encore!
On dirait la relation AVS/infirmière. Sauf que nous, le permis de tuer, on l'a pas. Parfois ça manque :-)
Bonjour,
Bien que ne faisant pas parti des rustres qui maltraitent le "petit personnel", je ferais remarquer que peut être une des raisons pour lesquelles les ASV sont parfois mal considérées c'est qu'on ne sait pas toujours ce qu'elles sont.
Je m'explique : auprès des différents vétérinaires que j'ai pu consulter (un vieux véto de village et une clinique vétérinaire beaucoup plus grosse), jamais je n'ai su que la personne à l'accueil était autre chose qu'une secrétaire. Jamais je n'aurais eu l'idée de parler des malheurs de mon chat avec quelqu'un d'autre que le vétérinaire ne sachant absolument pas que la personne de l'accueil pourrait avoir une quelconque compétence avec autre chose que le téléphone.
Il a fallu que je commence à fréquenter ce blog pour savoir que les Assistants Spécialisés Vétérinaires existaient - et je dois bien l'avouer quand même, je ne sais pas encore vraiment ce qui relève de leur compétences mais au moins j'aurais l'idée de leur demander si le vétérinaire n'est pas disponible immédiatement.
Fourrure :
Que l'on ignore leurs compétences, je peux très bien le comprendre. Qu'on les prenne pour des connes, moins. Ce serait pareil si elles étaient secrétaires.
C'est étrange, j'ai toujours pris les ASV comme mes premieres interlocutrices chez le véto (oui y a que des femmes à ce poste dans la clinique où je vais et ça depuis 10 ans).
Et à part quand elles débutent, elles ont toujours été très compétentes et ça m'est arrivé pour un traitement spécifique que ce soit l'ASV qui fasse les injections. Il n'est parfois pas nécessaire que ce soit le véto pour certains actes. Après, évidemment, selon ce qui est à faire, c'est plutôt une ASV confirmée qui va le faire et pas une débutante.
Quand j'ai une question, je la pose toujours à l'ASV en premier, après c'est elle qui juge si elle peut y répondre ou préfere que je vois le véto et je n'ai jamais mis en doute ce qu'elle pouvait me dire.
En plus, pour celles que je connais depuis des années, elles ont toujours un mot gentil, une papouille pour mes minettes qu'elles voient depuis longtemps aussi.
Donc, les ASV, pour moi, elles sont aussi importantes que le véto et d'ailleurs indispensables lorsqu'une prise de sang doit être faite car une fois sur 2, je tourne de l'œil en tenant mes chats...
Mais mis à part une conversation plus détendue avec l'ASV (ben oui on discute de nos chats aussi) qu'avec le véto, il ne me viendrait pas à l'idée de ne pas les écouter parce qu'elles ne sont que les "infirmières" ni de mal les considérer, elles font partie de la clinique au même titre que le véto!
En l'occurrence, il ne s'agit pas de la compétence de l'interlocuteur, mais simplement de politesse, de savoir-être ou savoir-vivre avec les autres...
Excellent la réponse au choix posé, j'adore ... il y a des recadrages qui font du bien :D
@Fanley : J'ai moi aussi découvert l’existence des ASV en venant sur ce blog, mais de la même façon que pour secrétaire, cela ne doit pas empêcher de les considérer avec égards. Elles sont là pour vous aiguiller et, ne serait-ce que pour connaitre la raison de votre venue, il est normal de leur expliquer ce votre animal a comme problème.
Plus généralement, même si j'ai toujours été du 'bon côté' du comptoir, j'ai toujours essayer de me comporté de manière correct avec les gens qui m'accueil, et pas seulement chez mon véto. J'ai toujours eu horreur de ces gens qui se permette de prendre leurs interlocuteur pour des sous-m***** à leur ordres. (J'ai même déjà remis à sa place quelqu’un qui se permettait ce genre de chose devant moi...).
Et j'admire tout particulièrement le calme et la maîtrise des personnes qui arrivent a supporter ça à longueur de journée. J'en serais bien incapable...
Histoire de dissiper tout malentendus : je pensais aux cas "je-ne-veux-parler-qu'au-véto", il est évident qu'il faut respecter tout le monde, secrétaire, ASV, femmes de ménage ou quoi que ce soit. Jamais je ne me permettrai d'être méprisant avec qui que ce soit.
Ca, c'est la grande connerie des hommes, de l'humain, je veux dire. Considérer que si une personne est à une place subalterne on peut la traiter comme de la merde.
Qu'on soit ASV, secrétaire, caissière, femme de ménage, quoi d'autre... Tout le temps ou temporairement. Il y a toujours un connard à qui on a envie de dire "Et toi gros blaireau, tu parles combien de langues?" ou bien "Tu sais, on a des hauts très hauts dans la vie et des bas très bas, parfois".
Après, quand bien même une assistante véto n'aurait pour seule compétence que répondre au téléphone et passer la serpillière, le respect envers elle(et non la condescendance) est un dû.
Il y a encore du boulot.
... juste pour être précise puisque l'on parle fort gentiment de nous : ASV = AUXILIAIRE Spécialisé Vétérinaire, même si l'on dit souvent "Assistante" au quotidien... Diplôme obtenu en 2 ans de formation en alternance, avec une spécialisation en NAC ou Rurale ou Équine, selon le champ d'activité de la Clinique...
On peut aussi ne faire que la 1ère année et avoir le diplôme d' AVQ = Auxiliaire Vétérinaire Qualifié...
Ces 2 titres sont les seuls reconnus par l'État, même si des tas de "formations" existent et que l'on peut travailler sans être diplômé, même si cela se rarifie...
Enfin, l'essentiel de la profession est féminine en effet, mais quelques courageux nous rejoignent petit à petit !! Et leurs gros bras sont alors bien appréciés ;)
Voilà pour ces qlqs précisions...
et Merci à vous, Fourrure, pour ce blog passionnant que je suis depuis longtemps, et surtout pour votre exceptionnelle humanité : vous êtes une perle rare qui devrait servir de modèle à bien des gens !!
Fourrure :
J'avoue préférer dire "je vous laisse voir avec mon assistante" que "avec mon auxiliaire". Et pour l'embauche... ça dépend. Nous avons embauché récemment une "ASV" absolument pas diplômée, mais quadrilingue et motivée, assez âgée pour gérer plein de choses sans se démonter. C'est aussi une question d'opportunités.
Bonjour à vous,
En début d'année je reçois systématiquement une carte de voeux de la clinique vétérinaire et pour moi c'était la vétérinaire qui l'envoyait.
Peu de temps après avoir reçu la carte du début de cette année je suis passé à la clinique vétérinaire et losque l'ASV s'est présentée à l'accueil devant moi et après l'avoir saluée je lui ai dit "Je vous remercie pour la carte de bonne année".
Son visage s'est alors illuminé et elle m'a répondu avec entrain "vous l'avez reçue ???!!! rares sont ceux qui nous le disent".
j'ai alors compris que c'était elle qui les envoyait et que mon remerciement lui avait fait plaisir.
A l'époque des robots, des publipostages et des mailing automatiques, prendre l'humain en considération est-il devenu presque une gageure ?
Il est vrai que lorsque nous sommes assistants, les autres ont tendance à nous parler de manière rude. J’ai une fois fait un stage dans une bibliothèque et très peu d’employés avaient l’amabilité de me dire bonjour.
Je vois effectivement souvent des gens traiter l'ASV avec mépris. Mais il y a aussi des gens qui traitent le vétérinaire avec mépris. Mon véto et mon ASV sont très gentils, mais quand les clients poussent le bouchon, ils vont le pousser dehors. Et s'ils voient un mauvais traitement (un client avait frappé sont chien devant les fenetres du cabinet), ça ne passe pas. J'ai beaucoup de respect pour eux et pour leur maitrise d'eux-même, et aussi pour leur capacité à coller une baffe quand c'est mérité.
En ce qui concerne les "compétences" ou pas du petit personnel, étant moi-même assistante/secrétaire depuis des années, je peux garantir qu'on acquiert une grande expérience non diplômée dans le secteur où l'on travaille.
A force de voir et d'entendre, on apprend, surtout si on pose des questions. C'est un peu comme on apprend à gérer une maison en regardant vivre ses parents.
On peut donc au moins faire un pré-diagnostic dans bien des domaines, voire préconiser une solution (là, je parle d'autre chose que de médecine, bien sûr).
J'ai travaillé dans les transmissions, dans les batteries, dans l'énergie, dans l'informatique : vous ne pouvez pas vous imaginer ce qu'une "simple secrétaire" peut avoir comme connaissances pratiques au bout de quelques années dans une entreprise.
En quand bien même ce ne serait pas le cas, être en but au mépris d'emblée aiguise les dents...
Autant sur le net un Odieux Connard peut être amusant autant dans la vie réelle (IRL pour les noobs) mon seul voeu est de leur faire un lavement au Zyklon B. Merci Fourrure.