Le permis de tuer

A l'accueil, 18h55

- Clinique vétérinaire, bonjour ?
- Je veux parler au vétérinaire.
- Je suis désolée, il est déjà en ligne, monsieur.
- Ah ben on peut bien crever hein !

A l'accueil, pendant la crise de la fièvre catarrhale

Balançant un paquet de passeport de bovins sur le bureau :
- Tenez, tamponnez moi tout ça.
- Je vais m'occuper de ça, monsieur, veuillez patienter.
- Vite hein, j'ai pas que ça à faire !

A l'accueil, toujours :

- Je veux 1cc de marbocool et 0.8cc de toofine. Et tarifé à la fraction de flacon.

Il y a le regard de l'ASV (assistance spécialisée (ou un autre truc en S) vétérinaire).

Le regard désespéré.

Le regard colérique contenu.

Le regard ras-le-bol.

Il faut sourire, il faut être polie, même avec les ours, même avec les cons, les machos, les "je-ne-veux-parler-qu'au-véto", les pressés, les ça-urge-il-est-malade-depuis-sept-jours.

Il faut supporter que la personne soit mielleuse avec le véto alors qu'elle vient d'être odieuse avec l'assistante.

Il faut de l'empathie, de la patience, beaucoup de gens, même pas forcément aimables, le méritent. Ils sont perdus, stressés, apeurés. En colère ou désespérés. Et facilement injustes.

Mais il y a les quelques autres. Les enfoirés qui te tirent une balle dans le dos, ceux qui te prennent pour une merde, ceux qui essayent de te piéger.

Pour certains d'entre eux, j'accorde, privilège d'employeur, un "permis de tuer".

Il faut que l'importun soit un récidiviste. Il faut qu'il soit dans son tort. Il faut qu'il n'ait aucune excuse.

Si ces trois conditions sont réunies, alors ok. L'ASV a le droit de l'envoyer chier.

La plupart du temps, on ne revoit pas l'emmerdeur. Tant mieux.

Parfois, je reçois un coup de fil :

- C'est monsieur Pique, je vous appelle car votre assistante, elle m'a envoyé paître.
- Mmmhhhh
- Alors c'est elle ou moi, hein, parce que c'est pas tolérable.
- Je comprends M. Pique. Au revoir, donc.
- Hein ?
- Et bien, c'est elle ou vous ? Je la garde.

Hey, il est revenu, et il est devenu super poli.

Bon, jusqu'au jour où il a recraqué, et cette fois-là, ça a été terminé. Mais bon.

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