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mercredi 2 mai 2018

Trop vite

Il est presque 14 heures. Un dimanche de garde comme les autres, entre averses – quand je suis dans les prés - et trop timides rayons de soleil – quand je suis dedans. Le téléphone sonne, encore. Je sors à peine de table. Je suis d'astreinte et j'en ai marre. J'en avais déjà marre en me levant, et pourtant, je n'avais pas été dérangé de la nuit.
Je reconnais la voix de M. Livenne. Il est hésitant.
« C'est ma chienne. Elle est à terme, et elle a été prise par un gros mâle, je suis inquiet. »

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mardi 20 septembre 2011

Toxicité des pyréthrinoïdes chez le chat

Comme régulièrement, je lis sur le net un post ou un billet rapportant une intoxication à la perméthrine chez un chat. Les commentaires sous cet article alternent le pire comme le meilleur, entre indignation sincère mais sans recul, et informations pertinentes et foireuses (et qui a pris garde à la réponse d'un membre de la société commercialisant ce produit, au fait ?). Je vais donc me fendre d'un billet, histoire de casser une ou deux idées reçues, et confirmer ou infirmer certaines affirmations.

Les pyréthrinoïdes sont nos amis

Les pyréthrinoïdes sont une famille d'insecticides dérivés des pyrèthres, des insecticides végétaux utilisés depuis des millénaires et issus du chrysanthème (on dirait une intro de dissert', non ?). Les plus anciens sont, par exemples, l'alléthrine et la phénothrine : c'est facile, les scientifiques leur ont collé un suffixe en -thrine, si vous regardez les étiquettes des produits que vous avez à la maison. On peut citer, par ordre d'apparition et pour aider Google à trouver ce billet : la perméthrine, la cyperméthrine, la deltaméthrine et le fenvalérate (oui des fois les scientifiques, ou en tout cas ceux qui donnent leur nom aux molécules, se lassent d'une bonne idée).

Peu ou pas utilisées au début du vingtième siècle, ces molécules sont revenues en grâce parce qu'elles sont rapidement dégradées dans l'environnement, et donc peu polluantes (ce qui ne veut pas dire pas polluantes, mais à côté du DDT ou du lindane, c'est de la rigolade). Si vous deviez faire un bain de pyréthrinoïdes à votre chien pour le débarrasser de ses aoûtats, laissez l'eau dans la bassine en plein soleil, la molécule sera rapidement dégradée. Ne balancez pas le produit non dégradé dans vos massifs de fleurs (ouille les abeilles et les autres) ou dans la mare d'en bas (boum les notonectes, et aussi les poissons, d'ailleurs, j'y reviendrai). Et non, en mettre sur votre chien n'est pas dangereux pour l'environnement, d'autant que les abeilles ne butinent pas ses cages à miel.

Ces molécules sont des neurotoxiques, chez les insectes comme chez les mammifères. Pourtant, on les utilise largement pour traiter, d'une part l'environnement domestique (lutte contre les puces essentiellement) et les animaux eux-mêmes. Mais pas tous, et pas n'importe comment !

Chez le mammifère, le produit est appliqué sur la peau, via shampooings, sprays et spot-on.
Il diffuse très lentement vers le sang : la dose reçue par l'organisme à un instant donné est donc très faible.
La destruction, puis l'élimination des pyréthrinoïdes (notamment par le foie, mais aussi dans la peau et le sang) est par contre très rapide : il n'y a donc pas de stockage significatif (dans le cadre d'une dose normale !) dans le corps, et notamment là où c'est dangereux : le système nerveux.
Si l'animal lèche le produit qui lui a été mis sur la peau, pas de panique : l'absorption digestive est faible, et le produit qui passe dans les veines mésentériques est détruit dans le foie. La toxicité digestive, par irritation, est liée aux excipients (les produits qui servent à aider les pyréthrinoïdes à rentrer dans la peau), et elle est de toute façon très modérée avec les produits destinés aux animaux de compagnie.
La tolérance est donc très élevée chez les mammifères. Pas de risque, donc, d'intoxiquer votre chien, votre cheval ou votre vache, ou vous-même, en lui en appliquant sur la peau, ou même si, en se léchant, votre animal avale tout ou partie de sa dose.

Pas de risque non plus de surdosage, à moins de faire vraiment n'importe quoi (le flacon entier de produit pour vache sur le caniche, ça finira mal, oui).

D'ailleurs, d'une manière générale, lisez attentivement la notice des antiparasitaires que vous achetez, et respectez les indications qui s'y trouvent. On vous dira de respecter le dose, de ne pas l'utiliser sur des femelles en gestation, sur de très jeunes chiots (< 6 semaines)...

Les pyréthrinoïdes et les chats : l'arme fatale du CCC

En ce qui concerne les chats : ces animaux ont un sévère défaut en une enzyme de détoxification banale (chez les autres mammifères), la glucuronyltransférase. Son boulot est de coller sur des produits toxiques un espèce de tag qui dégrade la molécule et la destine aux ordures. Je le redis en français : un toxique arrive dans le foie, les cellules du foie le prennent en charge, le reconnaissent pour "étranger et indésirable", essaient de le couper en petits bouts et lui collent sur la tronche une étiquette sucrée qui abîme le produit toxique et le fiche à la poubelle. Sauf que chez le chat ce processus d'étiquetage ne fonctionne pas du tout. C'est valable pour les pyréthrinoïdes, mais aussi pour nombres d'autres molécules "étrangères" au chat, comme le paracétamol (je ferai un billet sur le sujet, promis) ou nombres d'huiles essentielles.
Edit : on me signale en commentaire que ce n'est pas ce mécanisme là qui est la cause de la toxicité des pyréthrinoïdes chez le chat, contrairement à ce qu'on a longtemps pensé (ce qui ne change rien à la toxicité, mais c'est néanmoins très intéressant).
Et pour ceux qui se posent la question : oui, je simplifie l'extrême complexité du métabolisme hépatique, si vous voulez aller plus loin je vous conseille un bouquin de toxicologie et de physiologie hépatique.

La perméthrine et ses copains sont donc hautement toxiques pour les chats !

Les symptômes les plus souvent décrits chez les chats sont des tremblements musculaires, une myoclonie, de l'hyperesthésie, des convulsions, de l'hyperthermie, de l'hypersalivation, de l'ataxie, une mydriase voire une cécité temporaire (par ordre décroissant de fréquence). Ils commencent à apparaître dans les 1-40h suivant l'application d'un spray ou spot-on (médiane 8 heures).

La bonne nouvelle, c'est que ces symptômes sont réversibles.

La mauvaise, c'est que le chat risque de mourir, le temps qu'ils disparaissent.

Le boulot du vétérinaire est donc essentiellement de maintenir le chat en vie et de gérer les complications.

Si vous avez du temps à perdre avant d'amener votre chat empoisonné à votre véto (mauvaise idée, mais supposons que vous attendez un taxi, ou que la route sera très longue), lavez votre chat à l'eau tiède (pas chaude, pas froide !) avec du savon s'il a le produit sur la peau.

Vous pouvez traiter l'environnement (la maison) avec ces molécules, même si vous avez des chats, mais pas en leur présence. Ne les laissez pas rentrer avant d'avoir bien aéré. Choisissez une formulation en diffuseur, qui ne risquera pas de laisser des dépôts comme un produit à diluer dans un seau et à passer sur le sol, par exemple. Vous mettez le diffuseur en action, vous partez, vous revenez trois heures plus tard, vous ouvrez tout en grand, et quand c'est bien aéré, vous laissez les chats rentrer.

Si vous mettez sur votre chien un spot-on à base de pyréthrinoïdes, et qu'il est très proche de votre chat, séparez les, histoire que le chat ne s'allonge pas sur son dos et ne se prenne pas le produit.

Attention : ces produits sont très toxiques pour les poissons (et les batraciens). Évitez d'utiliser les diffuseurs pour l'habitat si vous avez un aquarium !
Les oiseaux y sont par contre très résistants.

En passant, parlons "chimique" vs "naturel"

Alors vous allez sans doute vous dire : "bon, ok, il dit que c'est pas dangereux si c'est bien utilisé, mais dans le doute, je voudrais un truc plus naturel".

Déjà, n'oubliez pas que les produits naturels sont tout aussi chimiques que les produits artificiels, cette distinction ne veut rien dire. On peut parler de degré de purification, de complexité, de potentialisation ou de tout un tas de truc, mais si c'est actif, c'est grâce à la chimie. Et l'homme n'a pas plus inventé la chimie que l'électricité. Les pyrèthres sont chimiques et naturels, comme l'azadirachtine de l'huile de neem, le curare ou la digitaline. Efficaces et dangereux.

Vous lirez sans doute, au détour du net, un article ou un post sur un forum conseillant l'utilisation d'huiles essentielles, comme celle de Tea-Tree. Encore une fois, prenez garde aux huiles essentielles ! Ce n'est pas parce que quelque chose est naturel que ce quelque chose est bon, ou meilleur qu'un produit de synthèse, que ce soit en termes d'efficacité, ou d’innocuité. Tout le monde sait qu'il y a plein de plantes toxiques, que la dose fait le poison, etc... Ben c'est pareil pour les huiles essentielles. Dans le doute, abstenez-vous, et n'oubliez jamais que les chats sont particulièrement sensibles à tout un tas de produits inoffensifs pour d'autres mammifères (et maintenant vous savez même pourquoi).

Alors, oui, je sais qu'on va encore me dire que l'aromathérapie, c'est super, etc. Bon, soyons clairs : je n'y connais rien. Je sais que les huiles essentielles sont pleines de molécules chimiques très actives, et qui peuvent être très efficaces, donc non, a priori, je n'ai rien contre les huiles essentielles. Par contre, qui a sérieusement (je veux dire, vraiment sérieusement, pas juste lu trois bouquins !) étudié le sujet ? Qui peut me donner le titre d'un livre plein de références sérieuses, de publications scientifiques, en double aveugle et tout le reste ? Sans ce type d'études fiables, on en reste à une méthode d'essais-erreurs sur des cas individuels, d'approximations et d'application de recettes dont personne ne connaît la source. Et avec ce genre de méthodes, je continuerai à voir des chats intoxiqués aux huiles essentielles, et des peaux de chiens cramées par des shampooings en contenant. Non, pas à chaque fois, pas dans tout les cas, les pures sont dangereuses, les diluées moins, ok, dans quelle mesure ? Quelle est la marge de sécurité pour la propriétaire d'un chat qui veut bien faire et utiliser des produits naturels pour ses animaux ? Et vous rendez-vous compte de votre responsabilité quand vous propagez ce genre de recettes ?

Notes diverses

Parce que les conflits d'intérêt, c'est pas pour les chiens :
Je suis vétérinaire : oui, je prescris et vends des produits à base de pyréthrinoïdes, mon billet devrait suffire à vous expliquer pourquoi. C'est pour cela que je les connais bien. Non, je ne fais pas fortune grâce à eux, et ne suis lié à aucune société en commercialisant, autrement que par ma relation de détaillant à un fournisseur. Je ne vends pas ces produits comme je vendrais des baguettes de pain : il y a des indications, des contre-indications, des usages recommandés et efficaces, d'autres qui ne le sont pas. Des alternatives, aussi. C'est mon boulot, de conseiller mes clients. N'hésitez jamais à demander conseil à votre vétérinaire !

Parce qu'avec des publications scientifiques, c'est mieux :
Clinical effects and outcome of feline permethrin spot-on poisonings reported to the Veterinary Poisons Information Service (VPIS), London
Feline permethrin toxicity: retrospective study of 42 cases
Poisoning due to Pyrethroids
Pyrethroid insecticides: poisoning syndromes, synergies, and therapy
Use and abuse of pyrethrins and synthetic pyrethroids in veterinary medicine
Tea-Tree :
Toxicity of melaleuca oil and related essential oils applied topically on dogs and cats
Australian tea tree (Melaleuca alternifolia) oil poisoning in three purebred cats (texte intégral)

Mes remerciements aux twittos qui m'ont donné un coup de main pour la rédaction de ce billet, spécialement à @Emita__

dimanche 31 mai 2009

Il a tout essayé

Le vétérinaire : Mais il est couvert de puces votre chien !
Le vieux bonhomme, résigné : Ne m'en parlez pas, j'ai tout essayé...
Le vétérinaire, pas convaincu : Tout ?
Le vieux bonhomme, catégorique : Tout.
Le vétérinaire, avec une puce qui lui court sur la main : Shampooings, pipettes, sprays ?
Le vieux bonhomme, avec un grand geste de la main : J'ai commencé par un bain de vinaigre blanc.
Le vétérinaire, sentant venir le n'importe quoi : Mouais, mais ça, c'est juste bon à faire fuir ce qui est sur le chien...
Le vieux bonhomme, qui n'a pas fini : Ensuite, j'ai essayé l'essence de lavande.
Le vétérinaire, fataliste : Ce qui a du bien lui déboucher les narines...
Le vieux bonhomme, biologique : Puis une amie m'a donné une solution avec des huiles et des trucs qui sentaient le thym et le citron, je l'ai baigné là-dedans.
Le vétérinaire, résigné : Au moins, ça devait sentir bon.

Le chien, sur la table, remue la queue. Des puces grouillent sur son arrière train et entre ses testicules, certaines semblent mesurer la distance jusqu'au bras du vétérinaire et du vieux bonhomme, juste à côté.

Le vieux bonhomme : Alors, je ne me suis pas démonté, je lui ai mis un collier anti-puce.
Le vétérinaire, goguenard : Et vous avez pu constater qu'aucun collier anti-puce ne fonctionne.
Le vieux bonhomme, remonté : Alors j'ai essayé la fleur de soufre !
Le vétérinaire, qui se demande quand ça va s'arrêter : Il paraît que c'est bon pour la peau.
Le vieux bonhomme, content de lui : Oui, avec du talc et de l'huile d'olive.
Le vétérinaire, patient : Il devait avoir de l'allure !
Le vieux bonhomme, pas démonté : Après j'ai employé les grands moyens !
Le vétérinaire, un brin moqueur : Des insecticides spécialement prévus pour les puces sur les chiens ?
Le vieux bonhomme, catégorique : Ah non, j'ai mis du spray l'an dernier, ça n'a pas marché.
Le vétérinaire, pédagogue : 4 coups de pompe par kilo de chien ? Ca en fait 80, vous lui avez vraiment mis 80 coups de pompe ? En général, les gens arrêtent avant, du coup, ça ne marche pas, effectivement...

Le vieux bonhomme reste silencieux. Le vétérinaire s'apprête à poursuivre, en constatant qu'on voit encore le scrotum du chien sous les puces qui grouillent.

Le vétérinaire, toujours pédagogue : Vous devriez plutôt utiliser les pipettes, au moins, vous mettrez la bonne dose, et sur du moyen terme, vous seriez débarrassé.
Le vieux bonhomme, balayant les pipettes d'un revers de la main : J'ai passé le chien au gasoil.
Le vétérinaire, résigné : Il paraît que certains prennent des bains de pétrole.
Le vieux bonhomme, affirmatif : En tout cas, ça lui a fait tomber toutes les puces.
Le vétérinaire, qui connaît la suite : Mais dix jours après, vous en aviez autant, puisque les œufs et les larves qui étaient dans l'environnement ont éclos, et sauté sur votre chien.

Le chien remue toujours la queue sur la table, il semble confirmer.

Le vétérinaire, qui poursuit sur sa lancée : L'avantage des pipettes, c'est que ça agit un mois. Certaines rendent même les œufs des puces stériles, on peut aussi traiter l'environnement avec des solutions à pulvériser, ou des fumigènes pour l'intérieur de la maison.
Le vieux bonhomme, qui saisit la perche : Tout à fait, j'ai donc passé tout le chenil au grésil.
Le vétérinaire, qui ne veut pas braquer : C'est mieux que rien.
Le vieux bonhomme, encouragé : Du coup, j'y ai passé le chien aussi.
Le vétérinaire, diagnostique : Ce qui nous amène au problème de peau qui est le motif de consultation de ce jour.

Je vous rassure, le chien a vraiment une peau d'une excellente qualité. Il s'en est très bien tiré.

mardi 9 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Une journée en enfer

4h10 - Réveil en sursaut, pas de sonnerie de téléphone pourtant - je suis en sueur, j'ai rêvé que les vaccins qui devaient être livrés ce matin n'arrivaient pas car j'avais oublié de passer le fax. 10 minutes pour me rendormir en m'insultant.

5h10 - Mon foutu téléphone portable fait vibrer les baffles de mon radio-réveil. Pour rien. Résultat : une augmentation délirante de ma fréquence cardiaque, une bonne bouffée de stress et une dizaine de mots doux à l'encontre de mon téléphone que je balance bien loin de ma table de nuit. Je ne suis même pas d'astreinte !

8h00 - Lever rapide, petit-dej' très rapide, café, sortir les chiens. Même pas en mode automatique : je me réveille instantanément maintenant !

8h30 - Je démarre la voiture, direction la clinique. 10 minutes de route avec les infos. Rien de neuf sous le soleil, évidemment.

8h40 - Je passe vite fait entre les cages des animaux hospitalisés après avoir salué notre ASV, qui vient de reprendre le téléphone de garde. Ici non plus, rien de neuf sous le soleil. Si j'ai le temps, je ferai les soins aux animaux, sinon Francesca s'en occupera. Rien d'urgent de toute façon. Notre parvovireux a arrêté de tout repeindre de diarrhée et l'anémie auto-immune a uriné clair. Impeccable.

8h50 - Je distribue la tournée de vaccination FCO à Olivier qui vient d'arriver. Ben oui, j'ai le privilège d'être le Grand Organisateur de nos tournées de prophylaxie. Boulot de dingue, je vous en toucherai un mot dans ce billet, et plus encore dans un autre épisode du journal de bord FCO.

9h00 - La clinique ouvre ses portes. 8 personnes (!) s'engouffrent avec leurs bestioles, leurs enfants, leurs sacs à main et leur stress. Je me cache lâchement dans la deuxième salle de consultation avec un téléphone, le planning des tournées et les feuilles de prophylaxie.

9h02 - Après deux minutes à bouger des piles de papier pour éviter de réfléchir, je jette un oeil par la porte. Merde, M. Dueil, c'est moi qui lui ai donné un rendez-vous pour une série de tests hormonaux. Pauvre chien, ça fait des mois qu'il se traîne une foutue infection cutanée récidivante, sans cause sous-jacente encore détectée. Le chien a 8 ans, c'est un chien de chasse, mais son propriétaire est prêt à aller sur les tests hormonaux et leur éventuel traitement. J'en profiterai pour refaire une série de raclages à la recherche de demodex ou autres saletés parasitaires.

9h03 - Finalement, je me décide. Un bonjour à la contonnade, j'interpelle M. Dueil et lui demande d'aller chercher son chien. Quelques minutes plus tard, ce dernier est dans la courette, son propriétaire reparti au travail, il reviendra le chercher à midi. Dans le même mouvement, j'hospitalise une minette venue pour une ovariectomie, salue un client venu régulariser des factures de médicaments pour la FCO, et avise un homme d'une quarantaine d'années avec sa fox dans les bras. M. Petit. Lui, il avait rendez-vous à 10h00, il s'est encore gouré...

9h15 - Olivier est parti en tournée, il n'a que 200 vaches à faire ce matin. Tranquille. Cette fois-ci, il a pris trop de vaccins, il s'est fait coincé hier à 25 km d'ici avec 35 doses manquantes...

9h16 - J'invite M. Petit à me rejoindre en salle de consultation avec sa fox, pour un vaccin. Ca fait au moins trois fois que ce rendez-vous est reporté : M. petit est vraiment un homme très gentil, mais il est un peu... léger. Sa présence est presque incongrue dans notre quotidien de stress et de tensions. Il sourit et me salue de sa voix étrange, à la fois brisée comme celle d'un vieux fumeur, et aiguë comme celle d'une fillette. Il n'articule pas bien du tout et entends très mal, mais il lit remarquablement sur les lèvres. Il rit aux éclats en voyant sa chienne faire le beau devant moi, puis me décrit ses dernières chasses au renard. Je n'y comprends pas grand chose : son élocution est terriblement difficile à suivre, surtout quand il aborde un sujet que je ne maîtrise pas du tout, mais il mime, il gesticule, il rit à nouveau pendant que j'examine rapidement. J'en oublierai presque la FCO et le stress quotidien.

9h24 - Olivier passe la tête par la porte de la salle de consultation :"heu j'avais rien compris à ce que m'avait dit Mme Wood au téléphone ce matin, je croyais qu'elle amenait un chat qui bavait mais c'est un bélier ! Il est dans le coffre de leur 4x4, tu y jetteras un coup d'oeil ?"
Il n'était pas parti, lui ?

9h30 - Le bélier a une magnifique langue bleue. Évidemment, c'est un tout petit cheptel non déclaré, et Francesca a remarquablement anticipé la suite : elle a déjà téléphone à l'EDE pour faire enregistrer le cheptel afin que la suspicion de FCO puisse être validée. Deux injection, une longue conversation en anglais pour expliquer la blue tongue et la déclaration de l'élevage, le traitement aux insecticides et la vaccination à prévoir dans la semaine qui vient (mais quand ???), et je repars sur les chiens et les chats.

9h50 - Je m'excuse auprès de M. Bel qui avait rendez-vous à 9h30, pour recevoir Belle (si si, Belle Bel) qui nous revient avec sa DAPP annuelle mâtinée d'aoûtats en goguette. En plus elle est en chaleur et mon pantalon vient de recevoir une belle quantité d'écoulements vaginaux. C'est tiède, c'est humide, c'est presque transparent (fin des chaleurs, donc) et ça va terriblement plaire aux chiens mâles que je verrai en consultation aujourd'hui.

10h15 - Je vois Francesca qui réceptionne un sac de poulets morts pour autopsie. Super.
Je viens de me rendre compte que nous n'avons pas en stock les produits nécessaires aux tests hormonaux que je comptais réaliser sur le chien de M. Dueil. Je téléphone donc illico à la pharmacie pour les commander - livraison à 15h30 cet après-midi. Il faut penser à rappeler le propriétaire pour lui dire de venir chercher le chien ce soir, finalement.
Pas de rendez-vous avant 10h30, je devrais pouvoir placer quelques fermes supplémentaires sur la tournée de vaccins de vendredi, et il faut que je valide un élevage pour demain, je n'ai pas encore eu leur réponse.

10h20 - Finalement, c'est une éleveuse qui m'alpague avec sa feuilles d'analyses bactériologiques à la main. Un prélèvement qu'elle a elle-même réalisé sur le lait d'une vache à mammite, et une belle saleté de Streptococcus uberis résistants à plein de choses. Pratique.

10h45 - J'ai prescris le traitement ad hoc à l'éleveuse et invite M. Dulin dans la salle de consultation. Évidemment, je n'ai pas pu joindre les éleveurs comme je l'avais prévu quelques minutes plus tôt, je m'excuse auprès de M. Dulin pour le petit quart d'heure de retard et je l'écoute m'expliquer les manies de sa chienne anxieuse. Je n'ai absolument pas le temps de gérer une consultation de comportement maintenant, d'autant qu'un éleveur de mouton a appelé, il a un cas de FCO... Je rassure donc M. Dulin sur les tumeurs mammaires de sa chienne, il faudra penser à opérer mais sans urgence, je l'invite à reprendre un rendez-vous pour une consultation de comportement si mes quelques indications trop vite assénées ne suffise pas faire rentrer les choses dans l'ordre. Accessoirement, je le conseille sur le choix d'un traitement pour les aoûtats qui pullulent sur sa chienne.

10h58 - Je prends ma voiture et me lance vers un village distant d'une dizaine de kilomètres afin de vérifier l'existence d'un nouveau foyer de FCO. La brebis a les lèvres gonflées, violacées, mais elle est relativement en forme. Comme le bélier de ce matin, elle a une chance de s'en sortir. prise de sang, conseils, dissipation de rumeurs, je note ce que j'ai fais sur mon indispensable bloc-note et reprends la route.

11h28 - Je m'arrête chez des clients qui sont sur le chemin, pour prendre des nouvelles d'une vieille chienne opérée une semaine auparavant avec d'énormes réserves sur la période post-opératoire, en raison d'une ancienne crise d'insuffisance rénale aiguë. Ils ne sont pas là, mais j'entre quand même pour jeter un coup d'oeil au chenil des chiens de chasse. Elle ne semble pas en forme du tout, la louloute...

11h35 - J'arrive à la clinique, le livreur est en train de déposer la commande. Tandis qu'il finit son déchargement, je passe enfin les coups de fil pour les rendez-vous de vaccination de demain.

11h42 - Je remplis rapidement la paperasse pour les deux suspicions de FCO de ce matin, puis je m'attelle au classement des prises de sang de prophylaxie d'un cheptel ovin.

11h48 - Je me lève pour aller chercher un meilleur stylo, et, sur le passage, je ne peux pas m'empêcher de jeter un oeil aux milliers de doses vaccinales pour la FCO.

11h48 - Le temps s'arrête.

11h48 - Il manque les doses de sérotype 8.

11h48 - Il me reste à peine de quoi faire la tournée de demain au frigo !

11h48 - En plus les seringues automatiques commandées ne sont pas livrées non plus, et il ne nous en reste plus que deux !

11h49 - J'appelle la centrale d'achat, qui me confirme une rupture de stock de vaccins et m'annonce une livraison dans la semaine.
Dans la semaine ?
Mais quand ?
Impossible !

Et les seringues automatiques ?
Il ne reste plus qu'un modèle médiocre et inadapté en stock.

11h51 - Je téléphone à un confrère voisin pour lui demander s'il pourrait me dépanner de 1500 doses. C'est une de ses ASV qui me répond, elle dépose le combiné le temps d'aller vérifier les stocks. J'entends une autre ASV expliquer à une dame manifestement bouchée que les vétérinaires, elle ne les voit pas de la journée, et que donc le certificat pour Kiki, il attendra ! Je souris malgré moi.

11h53 - 1500 doses, peut-être. Il faudrait que je rappelle dans l'après-midi.

11h58 - Je file en vitesse de la clinique, j'ai une course urgente à faire. Évidemment, en partant, je croise M. Dueil que personne n'a appelé pour le prévenir du contretemps sur les tests hormonaux de son chien. Heureusement, il n'habite pas loin. Il repassera ce soir vers 18h.

12h25 - Je suis chez moi avant 13h00 ! Une première depuis 24 jours de travail non-stop ! Pour fêter ça, je mange en vitesse et j'écris un billet sur mon blog.

14h00 - De retour à la clinique, je croise mes deux confrères qui vaquent chacun à leurs consultations canines. Olivier repartira en tournée de vaccination. Dans trente minutes j'y vais aussi, en attendant je découvre avec plaisir qu'il faut que je prépare les cartes roses de 27 veaux pour l'éleveur de 14h30 : il a trouvé un acheteur et il faut donc mettre leurs papiers en règle pour la vente. Tampons, signatures...

14h14 - Olivier est en train d'examiner un chat qui avait rendez-vous avec moi, normalement, un suivi d'une vilaine plaie cutanée. Je vais quand même saluer la dame et regarder l'évolution, histoire de. Puis je retourne à mes tampons.

14h21 - Je rappelle à Olivier qui passe par là dans sa blouse immaculée qu'un éleveur l'attends pour la tournée de l'après-midi.

"Merde !"

14h27 - Francesca me demande de l'aide pour une facturation de médicaments pour la FCO - il faut faire des factures spéciales afin que les éleveurs puissent prétendre à la caisse de solidarité des GDS pour les soins aux bovins malades. Je ne vois vraiment pas comment je serais à 14h30 chez cet éleveur pour les vaccins et les prises de sang de vente...

14h41 - Je tamponne à nouveau.

14h52 - Je n'ai pas fini de tamponner mais je me rends compte que j'ai oublié de rappeler le véto voisin pour les 1500 doses. Et s'il pouvait avoir deux seringues automatiques, aussi... ? la discussion s'anime au sujet de quelques problèmes de procédure avec certains élevages que nous nous échangeons pour les vaccination : normalement, cette vaccination est réalisée par le vétérinaire sanitaire de l'élevage, responsable du suivi sanitaire. Afin de gagner du temps, pour cette crise, nous nous "échangeons", sur demande ou avec l'accord des éleveurs, certains cheptels qui sont beaucoup plus proches du cabinet du voisin. J'apprécie vraiment la bonne entente qui règne entre les vétos de la région. En attendant, il peut me dépanner de 1000 doses, et pas de seringue automatique.

15h08 - J'appelle la DSV pour lui soumettre mon problème de doses. On me propose 1500 doses débloquées pour demain et livrées sur place afin de pallier l'urgence. Pour la suite... croisons les doigts pour que notre centrale soit très vite livrée en doses fournies par d'autres centrales (c'est marrant, à leur échelle, les centrales d'achats font comme nous : "t'as pas 1000 doses ?").

15h24 - J'ai fini de tamponner ces foutues cartes, je file chez l'éleveur pour les vaccination et les prises de sang.

15h52 - Premier lot de 24 broutards terminé. Numéros relevés, vaccinés, prélevés, triés, ils sont prêts à partir. En attendant le lot suivant, j'ai une idée. je passe un coup de fil à un autre cabinet voisin que je sais se fournir dans une autre centrale d'achats que la nôtre. "Dis moi, tu pourrais me commander deux seringues Injecto-matic pour demain ? Oui, ils en ont en stock ? Magnifique !"

15h58 - Je passe un autre coup de fil, à la clinique cette fois. J'ai oublié de dire à Juliette de passer chercher les médicaments à la pharmacie pour les tests hormonaux, il faut se dépêcher si l'on veut rendre ce chien ce soir. Normalement, j'aurais du être en train de finir ces prises de sang et de m'occuper de ça, mais bon... J'ai du mal à l'entendre au bout du fil avec ces cons de veaux qui gueulent à 10 mètres de moi.

Couché sur l'asphalte, un setter hors d'âge me regarde d'un air morne.

16h02 - Prises de sang, vaccins, tampons, signatures, j'en profite pour remplir les cartes vertes.

16h15 - Trop vite, je me suis planté et j'ai rempli des cartes de veaux qui ne partent pas. J'ai gagné le droit d'appeler l'EDE pour demander des duplicatas, tiens.

16h24 - Je reviens à la clinique. Les test hormonaux sont lancés, je finis de ranger les prises de sang de prophylaxie ovine que j'avais entamées ce matin.

16h44 - Je reprends le chien à problèmes cutanés sur la table de consultation afin de refaire des recherches parasitaires. Raclages, calques, microscope...

16h58 - Pas moyen, tout est négatif, il n'y a pas un demodex sur ce chien...

17h04 - Je repasse quelques coups de fils pour les tournées de vaccination bovine de la fin de semaine. Il ne me reste presque plus d'élevages à placer.

17h11 - M. Tourlan veut me parler, et me tiens la jambe au moins 25 minutes sur l'organisation de la vaccination de son cheptel de 16 bêtes...

17h30 - L'anémie auto-immune se dégrade à nouveau. Je relance une prise de sang pour vérifier les paramètres sanguins. Pas trop mal, mais bon...

17h45 - Je modifie le traitement en ajoutant des immuno-suppresseurs. Demain, s'il empire, on tentera le tout pour le tout avec une transfusion.

17h52 - Je reprends mon bloc-note afin de facturer les six derniers jours de visites. Un enfer ponctué de coups de fil, du retour de M. Tourlan avec ses 15 vaches, d'un appel de la DSV qui me précise quand et comment me seront livrées les doses (merci, merci !).

18h07 - Je fais sa dernière prise de sang au chien de M. Dueil que je lui rends après lui avoir expliqué que nous n'avons rien trouvé de neuf. J'espère que les tests seront concluants mais je n'y crois plus trop.

18h15 - J'ai fini de centrifuger le sang du chien précédemment mentionné, et transfère le plasma dans des tubes stériles plus approprié au transport. J'en profite pour remplir sa feuille de commémoratifs, y agrafer son chèque et compléter le bon d'expédition en colissimo. En passant, ej signe un chèque pour un laboratoire qui nous a réalisé quelques analyses en début de semaine. Faudra penser à vérifier si c'est enregistré et refacturé, ça...

18h22 - Tout ça me fait penser que j'ai aussi les prises de sang des vaches de M. Bleure à préparer pour des sérologies douve. Feuille de commémos, bon d'expédition, facturation des frais d'envoi au client...

18h37 - Olivier est en train d'autopsier les poulets. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas l'air très frais... Ca parfume la pièce dans laquelle je suis en train de mettre à jour toutes les vaccinations ovines afin de préparer la tournée de rappels qui commence... la semaine prochaine déjà !

19h21 - J'en ai fini avec les feuilles de vaccination, je prépare celles de demain, puisque je partirai directement en tournée. J'en profite pour charger ma glacière avec 250 doses de chaque vaccin. Finalement, je passerais d'abord chez un autre véto voisin pour lui piquer une seringue automatique - j'en ai retrouvé une vieille qui fera bien l'affaire malgré ses joints défaillants.

19h24 - Comme je m'ennuyais, je passe dix minutes à changer les joints de la vieille seringue et à lubrifier tous ses composants.

19h35 - OK, je passe au chenil pour le dernier tour de la journée. le parvovireux est de mieux en mieux, je stoppe presque sa perfusion et le force à manger un peu après une batterie de piqûres. On verra s'il garde tout d'ici demain matin. L'ASV est partie depuis un quart d'heure et le téléphone ne sonne plus.
L'anémique a l'air un peu plus gaillard, et Olivier est en train de faire le tour de toutes les armoires de la clinique pour la commande de médicaments bi-hebdomadaire.

19h51 - Cette fois-ci, je m'attelle à la caisse. Compter, vérifier les chiffrages, contrôler que chaque traitement pour la FCO a été facturé en bonne et due forme pour la prise en charge - c'est le cas cette fois - reprendre les chèques, faire la remise, vérifier le fond de caisse et sauvegarder les données...

20h02 - Le téléphone sonne ! Un monsieur que nous ne connaissons pas et qui a manifestement de la FCO dans son petit cheptel ovin. Nous passerons demain, je prends dix minutes pour lui expliquer les choses et noter l'endroit précis où il habite.

20h12 - Le chiot à parvo hurle un coup. Je vais vérifier rapidement : cet ahuri de bleu de Gascogne s'est coincé la perfusion dans les lattes de son caillebotis... Rien de méchant.

20h17 - Cette fois, j'ai terminé la caisse, et Olivier semble en avoir fini avec la commande. L'heure de rentrer à la maison, un peu plus tôt que d'habitude dans cette journée finalement moins chargée que celles de la semaine dernière...

Comme vous vous en doutez, je ne vous ai pas parlé de tout ce que j'ai pu faire dans cette journée, puisque j'en ai déjà oublié la moitié. Plus que 5 semaines à tenir...

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : La flambée

Pour suivre ces billets publiés au gré des moustiques :

Lorsque le sérotype 1 fut confirmé, cela faisait déjà une bonne huitaine de jours que nous gérions l'épizootie sur le terrain. De deux ou trois foyers les premiers jours, nous sommes rapidement passés à une dizaine, puis une quarantaine. En 10 jours, j'estimais à 80% le nombre de foyers déclarés. Curieusement, la plupart des cas concernaient des élevages bovins, et restaient assez bénins. Il y avait bien quelques troupeaux ovins atteints, mais très peu.
Le fait que nous les ayons appelés dès la première suspicion pour leur faire traiter leurs troupeaux aux insecticides y était sans doute pour quelque chose ?

Alors que la panique gagnait la région, nous roulions d'élevage en élevage. Les résultats tombaient dix jours plus tard, mais ils ne servaient finalement qu'à permettre à l'élevage de devenir "officiellement infecté" ce qui lui permettait de prétendre aux aides. Nous savions déjà que le virus était chez eux, nous avions appris très rapidement à repérer les animaux atteints, même quand il n'y avait presque rien - souvent, en passant, nous avons prélevé des bêtes dont les propriétaires ne pensaient pas qu'elles puissent être contaminées.
D'ailleurs, au début, nous avons fait des prises de sang sur presque chaque bête vue en visite, que son problème soit manifestement la FCO ou pas - histoire de voir et de comprendre. Nous avons eu de sacrées surprises : la plupart étaient positives alors que les symptômes n'étaient pas du tout évocateurs.

Le tableau clinique s'est affiné :

FCO - brebisChez les ovins, une forte inflammation des lèvres, de la bouche, de la langue, entraînent le plus souvent une tête gonflée. Les muqueuses virent au rouge vineux puis éventuellement au bleu violet (d'où le nom de la maladie). Le nez coule énormément (c'est ce que veut dire « catarrhale »), de grosses croûtes se forment sur les narines. Les animaux sont très raides, abattus, ils ont une forte fièvre. En général, ils arrêtent de manger. Pas d'avortements pour le moment, mais nous ne nous faisons pas d'illusions.
Le traitement est illusoire sur les animaux qui déclenchent une forme très brutale de la maladie. Ceux qui résistent ont une chance de s'en sortir avec des antibiotiques et des anti-inflammatoires, deux à cinq jours de traitement. Apparemment, les béliers en sortiront stériles. A vérifier.

FCO - bovin - sérotype 1Pour les bovins : Il est clair que la plupart des animaux cliniquement ateints ne sont pas réellement malades : des courbatures, très nettes (l'éleveur appelle en disant que sa vache boîte de tous les pieds, ou qu'elle a du mal à se lever), et une petite fièvre, pas systématique. Je suppose qu'en réalité, il y a énormément d'animaux infectés qui ne présentent aucun symptôme.
Chez les plus sensibles, les symptômes les plus fréquemment observés sont de petits ulcérations qui deviennent croûteuses sur le mufle et dans les narines, parfois un peu d'écoulement nasal. Le mufle vire alors au gris-violet. Il peut y avoir un œdème inflammatoire de la tête, des ulcérations buccales (dans ce cas en général la vache bave et mange moins, ou difficilement, voire rejette son bol ruminal). Les plus atteintes se lèvent peu et mangent moins, leur production laitière diminue. Aucun avortement n'a été observé ici (les avortements sont provoqués par une forte fièvre, or il n'y en a pas avec le sérotype 1).
En général, tout ça passe en deux jours, au plus cinq. Certains animaux (notamment les plus âgés) ont mis une dizaine de jours à s'en remettre.
Nous comptons quelques morts, essentiellement dans des cas de co-morbidité avec des pathologies lourdes (mammites aiguës) ou un parasitisme délirant. Aucun animal par ailleurs en bonne santé et en bon état d'entretien n'a été sérieusement malade.

La maladie est donc clairement plus grave pour les animaux âgés, déjà malades, ou très forts producteurs : les plus fragiles. En général, j'explique à l'éleveur que c'est comme la grippe pour les humains : ce sont les plus vieux et les plus fragiles qui sont les plus malades.

Après 10 jours de flambée, alors que nous nous apprêtions à vacciner les ovins, puis les bovins, l'épizootie nous laissait un sentiment mitigé, fruit notamment de cette panique délirante sans rapport avec la gravité de la maladie. Journaux locaux, téléphone arabe, la machine à rumeurs fonctionnait à plein et, pendant quelques jours, cela a confiné à l'hystérie. Puis, comme le nombre de nouveaux foyers, cette panique s'est effondrée. Il ne restait plus beaucoup d'élevages indemnes, et, si les cas se multipliaient, nous ne les comptabilisions plus dans une exploitation déjà déclarée infectée. Au vu du nombre de médicaments vendus, cependant, il était clair que nous étions encore dans le pic de l'épizootie.
En tout cas, apparemment, le message était passé. Maintenant, nous allions pouvoir arrêter de "perdre" du temps à calmer les gens pour nous consacrer à la vaccination.

vendredi 5 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Panique

Si vous débarquez par ici, commencez par l'épisode précédent : Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : du plan aux premiers cas.

Panique

La flambée... après nos deux premiers foyers, les coups de fil ont commencé à pleuvoir. Ils étaient de deux types :

  • Les appels pour suspicions : des éleveurs qui trouvaient leur vache bizarre et qui, paniqués, voulaient nous voir au plus vite pour savoir si ça en était.
  • Et les demandes de renseignements...

Nous, nous avons appelé les éleveurs laitiers et ovins afin qu'ils mettent au plus vite des insecticides sur leurs troupeaux afin de limiter la casse. Pour les autres...

C'est du 8 hein ?
Je le savais toutes mes vaches vont avorter
On vaccine demain ?
Pourquoi on va vacciner alors que la grippe est déjà là, fallait le faire avant !
Bande de connards !
La DSV m'a dit que vous aviez les doses ?
J'ai une portée de chiots qui est morte de FCO, je peux être indemnisé ? Heu, oui, une diarrhée hémorragique. Vaccinés ? Pas contre la FCO ! Non, contre le reste non plus.
Encore un coup du gouvernement qui veut supprimer les éleveurs.
Ma vache a un pis rouge c'est la FCO ?
J'ai deux vaches à vacciner je veux être le premier ! Comment ça pas prioritaire ? J'ai 80 ans, on n'a jamais osé me dire ça !
Pff on nous invente encore une nouvelle maladie hein ?
J'ai pas de FCO, mais si j'avais deux vaches qui boitent et qui bavent, ça pourrait en être ? Vous passez ? Ah bon.
Non j'ai pas de FCO, vous n'abattrez pas mon troupeau !
L'huile essentielle de lavande elle marche contre le moustique ?
J'ai une vache qui a le chickungunya !
J'avais demandé qu'on me vaccine mon troupeau le mois dernier !

Grâce soit rendue à nos ASV, qui ont géré ces coups de fils incessants avec beaucoup de calme, malgré quelques crises de fou rires plus ou moins nerveux en raccrochant. En général, quand nous entendions distinctement la personne à deux mètres, nous leur prenions le téléphone. Bizarre, ils ne gueulaient plus avec nous... "Ah, bonjour docteur..."

Oui, je peux être vacciné en premier si je paye plus ?

Imaginez qu'à ce moment là, nous ne savions pas si c'était du 8 ou du 1. Nous ne savions pas quand nous aurions les vaccins. Je rassurais les gens ne leur disant que nous les aurions dans les dix jours. Nous avons briffé les ASV pour leur faire tenir un discours homogène, noté des tonnes d'élevages qui voulaient être les premiers à vacciner, tout en continuant à gérer l'activité quotidienne de la clinique !

Mon cheval tousse, il a la fièvre !? Non ? Ah bon. Pas grave alors ? Si, peut-être ? Ah ben oui si vous pouviez venir...

Des foyers se déclaraient un peu partout. En une semaine, j'ai fait autant de kilomètres que dans un mois... A chaque fois, la même procédure : noter un maximum de renseignements sur les bêtes atteintes, faire une prise de sang, téléphoner ou envoyer un e-mail à la DSV et attendre. Nous avons commandé des stocks énormes d'insecticides, d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires... tout en sachant que nous serions payés trois mois plus tard puisque les éleveurs ne pouvaient pas vendre leurs broutards ! Il allait aussi falloir gérer la trésorerie.

Le Butox vous le faites à combien vous ? Ah ben vous êtes cher, c'est dix euros de moins chez les vétos d'à côté ! J'ai qu'à aller chez eux ? Ouais mais bon c'est à 30 bornes...

Les journées commençaient à s'allonger. 10 à 11 heures en général. Jusqu'à 15.

Ca ça va vous faire du beurre hein ?

Et puis, le résultat : sérotype 1. Plus de 200 foyers en l'espace de 10 jours. Les vaccins étaient en train d'être débloqués. Réunion des vétérinaires la semaine prochaine.

Faites quelque chose docteur !

Le DSV, le directeur du LVD et le préfet, ainsi que divers représentants des professions, allaient se réunir demain.

Elles vont toutes mourir !

Avec cette information, nous allions pouvoir calmer les gens, et, d'ailleurs, nous le faisions déjà, car nous en étions déjà presque sûr : presque aucun cas sérieux, des bêtes raidouillardes un peu partout, pas de morts, peu de vrais malades. Inlassablement, nous faisions passer le mot. A chaque visite, nous avons, dans la cour d'une ferme, expliqué les choses aux éleveurs, à leurs femmes, à leurs mères, à l'inséminateur, au peseur, à tous ceux qui allaient relayer le message pour calmer la panique. Parler, expliquer, convaincre, communiquer, encore et encore...

Si je les vermifuge, elles résisteront mieux ?

Sérotype 1.

Et mes broutard qui allaient partir, ils restent ?

Pas un cadeau, mais pas non plus la catastrophe... sauf pour la trésorerie des éleveurs, et nos quelques troupeaux de mouton.

mercredi 23 avril 2008

Fièvre Catarrhale Ovine

Ca y est. la lumière est éteinte. Il aura fallu trois semaines de préparation pour en arriver là : aller moi-même à une formation sur le sujet, fabriquer le diaporama, trouver un vidéoprojecteur et la salle, et surtout, surtout, faire venir ces quarante personnes. Je passe sur l'écran qui manquait malgré le gars de la mairie vu dans l'après-midi, j'en ai déniché un dans un placard au rez-de-chaussée. Ou sur la journée de fou qui a précédé cette réunion, pour changer.

J'ai une conscience aiguë de tous ces gens assis dans l'ombre, de tous ces visages connus, appréciés ou non. Ils sont tous éleveurs. Presque tous de bovins allaitants. Ils ont entre 25 et 80 ans. Il y a quelques femmes. Pas nombreuses. Je n'ai pas vraiment le trac, je maîtrise mon sujet et j'ai envie de leur faire passer ce message, ce soir.

Sur l'écran, il est écrit : Fièvre Catarrhale Ovine, alias Maladie de la langue bleue.

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