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mercredi 10 mai 2023

Fondus d'amour

L’autre soir j’ai vu… Une dame très âgée, aux cheveux gris mauve et bouclés, en robe imprimée coupée comme une blouse. J’ai vu des types massifs habillés comme des bikers, blousons en cuir noir clouté et bandana rouge. L’un d’eux était assis à côté d’une jeune fille aux cheveux soigneusement tressés, perfecto et bandana assortis. J’ai vu un gamin avec ses grands parents, casquette du Stade à l’envers sur le crâne. J’ai vu des couples, des familles sur trois générations, j’ai vu…
J’ai vu une dame assez forte qui pleurait à lourdes larmes. J’ai vu huit jeunes femmes, six violonistes et deux violoncellistes, jupes noires, talons aiguilles et perfectos. J’ai vu des jeunes et j’ai vu des vieux, des grandes gueules et des timides, des gens habillés avec la classe des habitués, et d’autres qui avaient fait un effort mais qui n’avaient pas les codes.
J’ai vu un accordéoniste, j’ai vu un pianiste : Alain Lanty, quand même.
J’ai vu un vieux monsieur aux jambes maigres dissimulées sous son pantalon, ventre rond et polo à rayures rouges, qui se dandinait avec maladresse. J’ai vu ses yeux cernés, sans dec’.
J’ai vu tout cela dans la pire salle que je pouvais imaginer, celle d’un casino neuf et clinquant, qui essaie d’être ostentatoire, mais avec goût. J’aurais pu prendre un repas d’avant-spectacle à la brasserie du Fouquet’s. J’ai failli fuir. Vraiment.
J’avais envie de hurler, en m’asseyant. Au lieu de ça, j’ai regardé les gens. Tous ces inconnus qui se rassemblaient pour une même raison : l’amour. Et pour un même bonhomme : Renaud.
Pour une fois, les gens : merci beaucoup, infiniment.

C’est un drôle de chemin qui m’a amené là. Je suis venu seul, même si j’étais accompagné. C’était un moment si intime que je ne pouvais pas le partager, même avec elle qui me connaît si bien, car c’était une étape de mon histoire, de ma relation avec lui, lui, le jalon, le symbole, le maître, le compagnon. Elle n’a même pas osé me toucher : j’étais trop concentré.

Mes parents n’écoutaient pas Renaud. Mon père disait : « Il n’a pas de voix ». « Il ne sait pas chanter ». Et moi je pensais : hé, laisse béton,c’est pas l’sujet. Bordel papa, t’as fait mai 68 quand même (« une bonne guerre, même si j’me rappelle pas qui c’est qu’avait gagné »).
Il avait quand même acheté quelques uns de ses disques, et je n’ai jamais cessé de les écouter. Ma mère avait écouté, sans rien dire, comme d’habitude, et s’était procurée « La belle de mai » (et sa boîte en métal qui rayait le CD). Elle avait beaucoup de tendresse pour cet album, je crois, elle qui dans sa jeunesse chantonnait Hugues Aufray. Depuis combien de dizaines d’années ne l’ai-je pas entendue chanter ?

Le rideau s’est levé, tout le monde a crié, et il a aboyé : « J’ai 100 ans, et j’suis bien content ». C’est presque vrai, mais ça ne le sera jamais. Je n’ai rien compris à ce qu’il a dit, ou croassé, et je n’ai pas été surpris, je n’ai pas été déçu, je savais déjà que je ne venais pas vraiment l’écouter. Et puis le petit chat est mort, et les cordes, la puissances des violons et leur orchestration : presque une distraction. Putain, ces musicos, y z’ont vraiment trop d’talent.

Moi, je ne le quittais pas des yeux. La pêche à la ligne, il s’appuyait déjà sur le piano, son index tapant la pulsation tandis que ses mots tombaient à côté du tempo, en cloque, il a laissé la salle chanter. J’étais penché en avant, si intensément concentré. J’ai chanté, bien sûr que j’ai chanté, je chantais déjà ces mots que j’ai tant écoutés. Dans ma tête sa voix des albums se superposait à la musique et à sa voix d’aujourd’hui, les orchestrations connues par cœur s’entremêlaient à ces cordes. J’avais imaginé l’intensité des émotions que je ressentirais ce soir là, je ne m’étais pas vraiment trompé, même si je n’avais pas tout anticipé.
D’abord, j’avais eu tort d’avoir peur. Me confronter à Renaud en 2023, c’est faire s’affronter l’image du gringalet, du blondinet, du papa de Lolita, de l’alcoolique sur la scène de la halle aux grains, 23 ans plus tôt, tout ce que j’avais projeté sur lui, et le vieux monsieur d’aujourd’hui. Accepter un chemin de vie, engagé, riche et sincère, bourrés d’instants de tendresse et d’éclairs de génie, mais aussi d’erreurs et d’errements, de renoncements. Nous avons tous écouté où c’est qu’j’ai mis mon flingue, et j’ai embrassé un flic. J’en ai entendu le condamner, Renaud c’est mort, il est récupéré. D’autres se taire en silence, consternés. J’ai toujours eu du mal à me situer : qui suis-je pour le juger ? Qu’aurais-je fait à sa place ?

Il prend un verre sur le piano et boit quelques gorgées. « C’est de l’eau, vous inquiétez pas. J’ai pas touché une goutte d’alcool depuis deux ans et demi. Pas une cigarette depuis trois, quatre semaines. »

Applaudissements.

« On t’aime, Renaud ! »

Le cri a traversé la salle. Putain oui, on t’aime.

Je chante, la voix tremblante, vrillée par l’émotion, je pleure et nous chantons, mieux que lui certainement, j’ai déjà assisté à des dizaines de concert, en toute intimité ou dans des stades immenses, par des dieux vivants ou des petits groupes de quartier, j’ai entendu Bercy entier chanter… mais pleurer et chanter, d’amour sincère et partagé, jamais. « J’croyais qu’un mec en cuir, ça pouvait pas chialer, j’pensais même que souffrir, ça pouvait pas t’arriver. Hé Manu vivre libre, c’est souvent vivre seul, ça fait p’t’être mal au bide, mais c’est bon pour la gueule. Hé déconne pas Manu... » Un cocon de rencontres à la fois intimes et partagées, pouvez-vous l’imaginer ? Je ne l’avais pas anticipé. Il n’y avait rien d’autre que lui pour nous réunir ce soir là, et pas juste nous poser dans la même salle, nous qui n’étions en rien destinés à nous rencontrer : les fans, les curieux, les accompagnants, les nostalgiques, les pousse-mégots et les nez d’bœufs, Renaud nous observe et la salle est très, très souvent éclairée : il est venu nous rencontrer. Pas chanter. Pas faire un show. Nous rencontrer. Nous regarder. Il réagit et il sourit, esquisse un geste très mal assuré, parfois. Envoie chier un mec qui gueule « il est gros ton ventre, pourtant ! » (« même si j’dev’nais pédé comme un phoque, moi j’s’rai jamais, en cloque »). « Et ta gueule, elle est grosse ? »
C’est nul comme répartie. Mais il sourit, on sourit. Une infinie tendresse.

C’est quand qu’on va où, la médaille, morts les enfants, et ses mots, comme le jour où il les a pour la première fois chantés, résonnent avec l’actualité. Renaud a chanté de sacrés conneries, même sur ses plus vieux disques, mais il a aussi posé des mots justes, de ceux qui éveillent une conscience politique. Ce n’est pas rien de découvrir Renaud, quand on a 15 ans, 16 ans (je t’aime).

Germaine et la scène se transforme en guinguette, les violons toujours, et tout le monde se lève et danse, il se dandine en agitant à peine les avant-bras, ça sonne encore plus faux que sa voix, mais on s’en fout. Certains se lèvent et dansent par pure joie, d’autres juste pour lui faire plaisir ? On t’aime, Renaud.

C’est un cocon d’amour, inattendu et improbable, ou juste tellement évident et je n’ai pas été assez lucide pour l’imaginer ? On est venus parce qu’on t’aime et qu’on veut te le dire, qu’on sait que tu as été très grand et que tu as merdé, à répétition et avec application, mais avec beaucoup de sincérité.
Je t’aime.

La teigne et ta voix se casse. C’est un de tes plus beaux textes, je crois. Est-ce que tu penses à lui comme tu penses à Lucien et sa bande ? Pourquoi as-tu choisi ces chansons-là ?
500 connards et le retour des lampions, pourquoi ?
Son bleu, bien sûr, tu dis que c’est ta chanson préférée de ces dernières années. Mais elle a plus de vingt ans cette chanson, Renaud !
Mistral gagnant, c’était un passage obligé. Je me retiens, même de fredonner, celle-là tu l’as bien mieux chantée que je ne le ferai jamais.

Tant qu'il y aura des ombres, de toutes celles que tu as jamais écrites, c’est ma préférée. Quelque chose dans la mélodie et la nostalgie plus que dans les paroles, qui ne me concernent pas. Une vibration de souvenirs, celle de ma voix résonnant dans ma cage thoracique, allongé au sol de la mezzanine, ma fille, mon bébé de six mois posé sur moi, et le murmure de tes chœurs et de ta chanson en boucle. Je ne m’attendais pas à ce que tu la chantes en concert en 2023. Je ne suis même pas sûr de t’écouter vraiment, j’entends ta voix d’alors et je te regarde, le reste n’a aucune importance, même si je sais que ce n’est pas vrai : je t’écoute aussi mais tout se superpose sans s’associer, ai-je déjà été aussi concentré ? Aussi focalisé sur une personne et sur mes souvenirs, sans pour autant m’extraire de cette somme d’individus qui amènent eux aussi ici leur propre foi en toi ?

Morgane de toi passe comme Mistral gagnant, mais la ballade nord-irlandaise elle aussi me ramène à un jalon de ma vie, à une scène, à un bœuf improvisé, des amis, un guitariste, une copine, on chante mal mais hé, nous avons été à bonne école, n’est-ce pas ?

Ce soir j’ai fait écouter tant qu'il y aura des ombres à mes filles, mais la nostalgie passe mal avec les pré-ados. Elle m’ont demandé Père Noël Noir. J’ai hâte qu’elles découvrent Chanson dégueulasse (mais chanson d’amour), que je dessinais en BD avec mes potes pendants les cours de philo.

Je t’aime, Renaud.

vendredi 10 juillet 2015

Music

Je le vois quitter le comptoir de l'accueil de la clinique, alors que je sors de salle de consultation. Il a les yeux rouges, et me fuit tout en me disant bonjour, cachant ses larmes.

- Music ?
- Ça va pas fort, Fourrure, ça va pas fort. Tu peux passer le voir à la maison ?

Je... oui, je le laisse s'enfuir. Ce n'est pas le moment de discuter, et oui, bien sûr, oui, je passerai, après les consultations.
Même si je n'en ai aucune envie.

Il n'habite pas loin, à peine à quelques rues de là. M. Marty me présente son épouse, Sylvie, ses rosiers, son salon. Il n'a pas besoin de me présenter Music. Le vieux setter est l'un des piliers de la clinique, même s'il la déteste et se cache toujours au fond du C15 quand son patron vient chercher ses médicaments pour le cœur.

La première fois où je l'ai vu, il y a une bonne dizaine d'années, M. Marty était assis sur une chaise pliante au fond de la salle de radio, le visage dans ses mains. Ce jour là aussi, il pleurait. Music avait bondi au moment où son maître appuyait sur la détente. Une décharge de plombs, ce n'était pas trop grave, mais il y avait perdu un œil. C'était la première fois où nous avions posé un implant de silicone, lors de l'énucléation. Un tout petit peu trop grand, finalement. Mais Music avait continué sa vie de chien épanoui, son maître avait petit à petit digéré sa culpabilité (enfin, à peu près). Music qui continuait à l'accompagner à la chasse, de préférence sans fusil, Music qui était dans sa voiture, partout, tout le temps, Music qui dormait à côté de son lit.

- Tu vois, Fourrure, surtout ces derniers temps, c'est mon chien bien plus que celui de Sylvie.
- Il ne me lâche plus d'une semelle, on croirait qu'il se rassure avec moi. Il n'y voit plus grand chose, le bonhomme.
- Les enfants sont loin, alors, maintenant, c'est lui, notre enfant. Regardez, il y a son portrait, là, sur le mur.

Sur la tapisserie à fleurs du salon, un tableau, Music, avec un faisan dans la gueule. Avec ses deux yeux.
Le setter est couché sur une couverture, près de la table basse. J'écarte un vase, m'assied près de lui, l'examine. Il s'intéresse aux odeurs de mon pantalon, mais, circonspect, n'ose remuer la queue. Apprécie mes caresses, mais avec prudence. Un peu déshydraté, mais sans plus. Je lui palpe l'abdomen, souple. L'auscultation n'est pas pire que d'habitude, pas d’œdème pulmonaire, malgré la chaleur, ce n'est pas le cœur. Je le lève, M. Marty m'explique qu'il n'y arrive plus, seul, que les choses se dégradent à ce niveau, depuis quelques semaines. Neurologiquement, tout va bien, mais il a mal au dos, très mal au dos.

Ça explique la faiblesse, mais pas la perte d'appétit. J'évoque l'insuffisance rénale, même si je n'y crois pas beaucoup. J'explique cette évolution naturelle et fatale, car c'est la seule hypothèse crédible, dans les choses courantes. J'explique aussi qu'une insuffisance rénale avancée, à cet âge, implique une euthanasie, vue la mocheté de l'agonie associée. Mais je pense que l'arthrose et la douleur sont des coupables bien plus probables. Alors, une injection d'antalgiques, et une prise de sang : je vais aller vérifier ça à la clinique. Music, du coup, s'est levé. Il a titubé un peu, puis est parti se planquer derrière le canapé.

En partant, je suis optimiste. Je leur serre la main, nous sourions, je lui dis que je le rappellerai dans quelques minutes, une fois l'analyse faite. Nous discuterons à ce moment là de la prise en charge de la douleur.

Ça ira.

Ou ça n'ira pas.

Je suis bloqué devant l'analyseur de biochimie. Je relance une urée, pour voir. Cohérente. Sa créatininémie est explosée. Ce ne sont pas mes antalgiques qui vont lui redonner envie de manger... Tout ce qu'il va faire, c'est se dégrader. S'étioler. Mort de merde après une agonie de merde.

Je rappelle.

- Oui allo ? Sa voix est enjouée. Bordel, je lui ai remonté le moral.
- M. Marty ? C'est Fourrure. Je... heu, les résultats sont très mauvais. Pas entre deux, pas limite, juste très mauvais. Je suis désolé... mais ça va mal, très mal se passer.

Un silence.

- Alors, c'est comme ça que ça se finit ?

Un autre silence.

- Vous pouvez venir le chercher ? Je ne veux pas y assister, je ne veux pas le regarder mourir, je ne veux pas le voir agoniser, alors, si c'est ça, alors, le plus tôt, ce sera le mieux.

Mme Marty est en larmes.
- Je suis bête de pleurer, hein, ce n'est qu'un chien !

M. Marty est assis, la tête dans ses mains. Il pleure et cache ses larmes, comme ce jour si lointain où il m'avait amené Music, blessé. Plus de dix ans, déjà, dix ans à le soigner, à plaisanter sur le prix de ses traitements, quand M. Marty venait les chercher, tous les 15 jours parce que bon, c'est pas sûr qu'il vivra bien plus, sur sa manière de se cacher au fond du C15 quand son maître passait devant la clinique, à s'inquiéter lors de ses syncopes, à se rassurer lorsqu'il repartait. Ses œdèmes pulmonaires, ses extra-systoles, son œil, sa surdité sélective, son bonheur de chasser, son envie de courir la gueuse, qui avait fini par passer, sa prostate, ses bobos, ses tout petits riens. C'est comme ça que ça se finit. J'emporte Music dans ma voiture, le pose au pied du siège passager à côté de moi. J'ai des poils blancs plein mon T-shirt, et Music se laisse porter. Quand je le pose sur ma table de consultation, seul dans la clinique désertée - ils sont tous partis manger - quand je le pose sur la table de consultation, il s'assied, et me regarde, de ce regard indescriptible de celui qui ne me voit plus mais qui sait où je me trouve. Alors je le caresse, en silence, je lui pose un cathéter, il frémit à peine. Il s'est assis, appuyé contre moi, il s'est assis, et tout doucement, tendrement, il s'est affaissé, il s'est endormi, et moi, moi aussi, tranquillement, j'ai pu pleurer.

dimanche 12 février 2012

Césarienne, glacée

-8°C
Je fais des échauffements en conduisant. Les personnes qui me croisent doivent me prendre pour un fou avec ce haka sur fond musical de comédies de Broadway, France Musique et panne de mon lecteur CD obligent... Mais rien que ces échauffements me font mal à l'épaule, j'ai peur pour le vêlage à venir.
L'éleveur qui m'a appelé est du genre bourrin. S'il a tiré, il a tiré fort. Si ce n'est pas un siège ou une torsion de matrice, ce sera une césarienne.

Le chemin qui descend à sa stabulation est encore gelé. Je suis les travées, m'arrête devant un box de vêlage. Il a posé des tôles sur les barrières, pour couper le vent délirant qui me transit dès le pied posé hors de la voiture. Une petite blonde. Pas de palan en vue. Il n'a pas tiré. Un bout de placenta pend à la vulve de la vache. Probabilité de veau mort élevée... L'éleveur me confirme mes hypothèses : présentation normale, mais il n'a pas essayé de tirer, le vagin et le col ne sont pas dilatés, le veau est énorme.

J'ôte ma polaire, gardant ma veste sans manche sous la chasuble de vêlage. Le vent est abominable. J'espère que ses tôles remplissent leur office : je ne tiendrais pas 15 minutes dans un froid pareil.

Premier contact avec la génisse : il n'y a pas de place, je peux à peine mettre mes deux bras dans son vagin, la filière pelvienne est ridicule, triangulaire, la symphyse pubienne encore très saillante. Elle a pourtant plus de trois ans. Les antérieurs sont avancés, mais la tête n'est pas engagée. Elle est gonflée, la langue pend. Pourtant, le veau a une discrète réaction lorsque je pince un antérieur. L'éleveur n'a rien vu, je ne dis rien. Je préfère qu'il le croie mort. De toute façon, on va à la césarienne...

Je sors ma boîte de chirurgie, aligne mes flacons en raccourcissant au maximum les aller et retour entre ma voiture en plein vent, et l'abri somme toute très efficace des tôles. Je m'apprête à injecter un tocolytique, pour préparer l'utérus à la chirurgie... mais le flacon est gelé. Enfin gélifié. Ça ne m'était jamais arrivé... je balance tout dans le seau d'eau chaude, apportée avec un jerrican : antibiotique, anesthésique local (lui n'a pas l'air de souffrir du froid), anti-inflammatoire (lui non plus). La bétadine savon est presque solide.

La vache est dégueulasse. Le vent a rabattu la neige dans la stabu, du coup les litières sont humides et les vaches pleines de merde. L'éleveur et son fils estiment que le froid leur ajoute 3h supplémentaires par jour de boulot de dégivrage. Je n'ose imaginer le bordel pour les laitiers, avec les salles de traite à moitié en panne.

J'arrose son flanc d'eau tiède, savonne, rase. Je laisse des gants à l'éleveur, qui devra m'aider à protéger la matrice du poil souillé sur la cuisse, juste à côté. Pas stérile, mais tant pis.

Au moins, la vache est super cool, et n'envisage pas de m'envoyer un pied dans le foie.

Je finis de laver, rince un maximum. Tout est prêt. Je leur ai demandé de tout préparer pour faire de la réa de veau, "au cas où par un miracle il serait vivant".

"Ouais enfin il est mort, doc, c'est une césarienne "pour rien"."

Incision, large vue la taille du bestiau. Évidemment, le veau est dans la corne utérine opposée... Facile à saisir, cependant. J'incise l'utérus, à l'aveugle comme d'habitude. Je vais vite, et pourtant, je suis bien, là, avec le bras dans la vache, à l'abri du vent, emmitouflé de polaire et de plastique. Dans ma poche, le téléphone sonne. Une autre urgence ?

Les cordes sont fixées au veau. La vache fait mine de se laisser tomber, mais l'éleveur a le réflexe de lui décocher un coup de botte dans le nez, elle se reprend. Pas sympa, mais nécessaire : elle doit rester debout au moins jusqu'à l'extraction du veau. Chacun une patte, ils tirent. J'ai prévu assez large pour que le veau "n'accroche pas" en sortant. Trop large, même, de la couture pour rien, tant pis. Je soutiens les épaules et la tête du bébé, accompagne sa chute au sol. Il a une tronche de bouledogue et une langue énorme, avec l’œdème provoqué par son attente dans l'entrée de la filière pelvienne, mais il respire. Vite, nous le suspendons à la fourche télescopique du tracteur, et l'élevons rapidement. Nuage de poussière de paille, que le vent rabat sur la vache. Je me retourne pour regarder ce qui tombe sur la plaie, juste à temps pour voir la vache se laisser choir, courir jusqu'à elle, lui prendre le nez et lui plier l'encolure afin de l'empêcher de basculer du mauvais côté. Les dégâts sont limités, mais pour l'asepsie, on repassera... Je laisse ma place à l'éleveur, le veau se débat, il respire bien. Je lui injecte un simple diurétique, un coup de corticos, histoire d'aider à la diminution de l’œdème. Peut-être pour rien, mais peu importe. Nous le couchons a l'abri d'un muret, dans la paille, au soleil. Il vivra, mais il faudra le sonder, il ne pourra pas téter pendant au moins 48h...

La vache est couchée n'importe comment, plutôt sur le sternum. L'utérus est resté à l'intérieur, mais des bouts de placenta traînent dans la paille. Pas grave, je coupe, j'enlève, puis extraie l'utérus. Sacrée foutue ouverture que j'ai faite ! L'éleveur a enfilé ses gants, je lui indique comment me soutenir la matrice pour faciliter la couture. Ce n'est pas du tout stérile, mais c'est à peu près propre. Au fur et à mesure, j'enlève de minuscules brins de paille déposés sur ou dans l'utérus par le levage du veau... Très vite, nous ajustons nos positions. L'éleveur s'agenouille, le dos vaincu par la position basse et le froid. Je fais de même. La suture se passe bien. Il anticipe et aide de mieux en mieux en orientant les lèvres de la plaie... jusqu'à ce que la vache tente de se relever.

A nous deux, nous protégeons l'utérus, et appelons le fils de l'éleveur, parti dégeler une arrivée d'eau. Minute d'attente crispée, puis nous aidons la vache à se remettre dans une positions plus appropriée. Elle n'est pas capable de tenir debout, de toute façon. Je termine mes sutures utérines, réintègre la matrice recousue, en tenant de sortir un max de saletés, sans en rajouter.
L'éleveur s'est relevé, il observe le veau. Son fils est retourné à sa tâche. Je prépare mes fils.

Lorsque je me retourne, je reste interdis. Une vache du box d'à côté est en train de lécher la plaie de sa copine en passant sa tête entre les barreau, elle a carrément la langue dans le ventre de ma blonde ! Nous avons beau la chasser, elle revient à la charge, attirée par l'odeur de liquide amniotique. Il faudra que le fils de l'éleveur reste contre la barrière, de l'autre côté, pour empêcher qu'elle recommence. Lui ne sera pas à l'abri du vent.

J'ai terminé mes sutures musculo-cutanées, en redésinfectant chaque couche musculaire. Anti-inflammatoires, antibiotiques, et pas juste pour la forme, cette fois.

Je n'avais jamais expérimenté la césarienne avec flacons gelés. J'avais rarement fait un boulot aussi dégueulasse du point de vue de l'asepsie. Jamais une autre vache n'était venue pourrir mon travail... Heureusement que les bovins possèdent une hallucinante résistance à la péritonite.

PS : Mes respects à tous ces vétérinaires ruraux qui bossent en zones régulièrement gelées, ainsi qu'aux éleveurs qui, tous les jours, dégivrent, réparent, bricolent pour contourner les difficultés plus ou moins inédites causées par le froid.

lundi 6 février 2012

Le testament de Mossieur Resse

Mossieur Resse achève aujourd'hui, avec un dernier billet, l'histoire musicale de sa vie. Une histoire pleine de rock, de punk, mais aussi d'impertinents, de "paroliers". Une histoire du rock, plus particulièrement. La sienne.
Avec l'idée de montrer comment de simples morceaux peuvent habiller des souvenirs, des émotions, et façonner une personnalité, ou en tout cas lui donner une "bande-son".
Mais ce testament, aussi touchant puisse-t-il être parfois, c'est aussi une porte ouverte vers une époque et une culture qui ne peuvent qu'être étrangères aux "jeunes" comme moi, nés bien après tout cela. Ou trop jeunes pour s'en souvenir. Flower Power, libération sexuelle, droit de vote des femmes, des acquis, des poncifs pour nous, et pourtant, à écouter l'actualité, quelle fragilité... Times are a changin.
Je trouve fascinant, et même incroyable, cette idée que la génération de mes parents a connu Woodstock, les disques de Beatles ou de Brassens, les bed-in de Lennon, la flamboyance de Morrison... Pour moi, de l'Histoire, pour eux, leur passé.
Du coup, ce testament devient un genre de docu, un autre regard sur mes parents. C'est aussi un peu grâce à mossieur Resse que j'ai poussé le pas jusqu'à Bercy avec mon père, pour Paul McCartney. J'ai vu un Beatles en vie, un Beatles chanter, avec cette cruelle certitude de ne plus jamais revivre un moment aussi magique (oui, j'avais envie de le claironner).

Le testament de Mossieur Resse, avec ses 111 disques et ses anecdotes plus ou moins sans intérêt, ressemble aux mots des petits vieux (et moins vieux) que je vois lors de mes visites ou de mes consultations. Ils parlent de leur histoire, ils l'incarnent, lui donnent un parfum, une saveur. Lui leur offre une musique. Pour eux, tout cela a un sens.

Alors on aime ces musiques, ou pas. J'ai découvert beaucoup de choses, je me suis orientés sur ces 60s 70s que je cherche depuis plusieurs années à explorer. C'est comme ça, d'ailleurs, que je suis tombé sur ce blog. Mossieur Resse m'a fait acheter plus de disques que n'importe qui. Ou quoi.

Je n'adhère pas à tout. Je ne comprends rien à Dylan, par exemple, qui le fascine. Beaucoup des disques ou des groupes qu'il évoque m'ont laissé indifférent. Il le sait, il n'est pas là pour faire un top 111, mais pour parler de sa vie. A l'inverse, je ne comprends pas certaines absences. Pas un mot de Queen ? Parfois, je me sens comme fusionnel. Au sujet de Renaud, notamment.

Ce testament n'est pas une critique construite, une histoire de la musique en bonne et due forme. Vous n'y trouverez pas de guide pour mieux explorer les Stones, Bowie ou le punk. Si quelqu'un a des conseils pour ce genre de choses, d'ailleurs, je suis preneur. Du contexte, des explications, même subjectives. Mossieur Resse en donne, mais peu, au hasard de ses envies. Tant mieux.

On n'y trouve aucun groupe moderne. Je veux dire, des décennies 90 - 2000. Aucun regard, pas un mot sur des groupes qui m'intriguent ou m'enthousiasment. Mes coups de cœur récents s'appellent Vampire Weekend, Beach House, Volo, pourquoi ne les évoque-t-il pas, eux ou d'autres ? Surtout d'autres, parce que ceux-là, je les connais...

En tout cas, je vous souhaite bonne lecture, bonne écoute. Et si l'expérience vous touche, ou si au contraire elle vous indiffère, n'hésitez pas à l'évoquer en commentaire, cet ovni bloguesque m'interpelle tant que je regrette souvent de n'avoir personne avec qui en parler !

dimanche 18 septembre 2011

La vie, par hasard ?

Un lundi matin comme les autres. Bousculé, pressé, avec son lot d'urgences plus ou moins fantasmées, qui ont attendu tout dimanche parce que les gens ne veulent pas appeler le service de garde, ou qu'ils ne savent pas qu'il existe. Avec les hospitalisés du week-end. Les visites, et les consultations, deux chirurgies.

Moi, je suis parti au plus vite. Une urgence relative, mais si je ne m'en occupe pas maintenant, ce sera pire après. Et lorsque je suis revenu, une heure plus tard, c'était n'importe quoi : un véto en chirurgie, encore bloqué pour au moins une demi-heure, un autre sur un vêlage, et des chiots plein la salle d'attente (qui a collé une vaccination/identification de portée un lundi matin ???), deux ASV qui courent dans tous les sens, avec la sonnerie ininterrompue du téléphone en guise d'accompagnement musical. Je vérifie le carnet de rendez-vous : une euthanasie, pour il y a une heure.

Une heure que ce vieux bonhomme attend la mort de son chien. Une heure qu'il patiente dans cette cohue pour qu'on lui tue son compagnon. J'en suis malade de honte... Vite, je contourne la salle d'attente, ignore l'éleveuse, salue un client, invite d'un geste doux le vieux monsieur à m'accompagner sur le parking, où je sais que Démon attend, dans le coffre de la voiture.

Démon, je le suis depuis dix ans. Il y a un an, j'ai diagnostiqué un hémangiosarcome, une vilaine tumeur de la rate, métastasée au foie, qui saignait dans son abdomen. Je lui avais donné quelques jours à vivre. Six mois plus tard, M. Tiburce me l'amenait, heureux de me contredire, et je contrôlais une métastase cutanée. Il "allait bien". Mal au dos, trop gros - il y a un an, j'avais dit à son maître de le gâter, puisqu'il ne lui restait plus que quelques jours. Il "allait bien", et M. Tiburce me prenait pour un héros, un Guérisseur. Parce que j'avais palpé l'abdomen de son chien, diagnostiqué le cancer à l'échographie, et re-palpé. Parce que lorsque je lui avais diagnostiqué sa douleur lombaire, j'avais laissé, longtemps, mes mains sur ses muscles lombaires, à la recherche des contractures et des tensions.

Et que dans tous les cas, il avait été mieux après. Pour l'hémangiosarcome, je n'y étais pour rien. Pour la douleur arthrosique, j'admets l'efficacité de mes anti-inflammatoires. Je l'avais expliquer à M. Tiburce, mais il ne m'avait pas écouté. D'ailleurs, en consultation, il ne voulait voir que moi, parce que, voilà, j'étais un Guérisseur. Il m'avait d'ailleurs conseillé de prendre garde à moi, de ne pas prendre le Mal en moi. Je l'avais rassuré, en plaisantant sur l'arthrose qui ne manquerait pas de me rattraper.

Ce matin-là, j'ai aidé M. Tiburce à porter son chien jusqu'à la table de consultation. Il pouvait à peine parler, comme Démon, qui pouvait à peine respirer, penché sur le côté, l'abdomen pendant, déformé. Il pleurait. Il n'a rien dit, ou juste quelques mots, définitifs. M'a demandé de m'occuper de son corps, et puis il est parti. Le cancer, le saignement, et la fin.

J'ai posé le cathéter, à l'envers, en tenant la grosse tête du beauceron sous mon bras gauche, en le caressant et en lui parlant. Tout seul, parce que les ASV, elles, continuaient à danser. Démon remuait un peu. Je me suis écarté de la table pour aller chercher les anesthésiques, pour revenir aussitôt, sans eux : il risquait de tomber. J'ai appelé une ASV, lui ai demandé de poser le téléphone deux minutes - en silencieux. Le temps de prendre les produits, Démon s'était un peu redressé.

- M. Tiburce voulait que ce soit toi, c'est pour ça qu'il a attendu, il a dit que si il y avait quelque chose à faire, il n'y aurait que toi.
- Quelque chose à faire ? Il m'a dit que c'était la fin, qu'il ne mangeait plus ?

Un silence. L'examiner ? Oui, bien sûr, que je peux prendre le temps de l'examiner.
Même au milieu de ce chaos.

Alors nous levons Démon. Il tient debout, chancelant. Il halète. Mais ses muqueuses sont rosées. Son abdomen pend, comme distendu par le liquide. J'y plante mon aiguille, celle qui devait servir à l'euthanasier. Pas de sang. Je réessaie. Toujours pas. Du gras. Je teste la proprioception. Excellente. Pince vicieusement ses lombes. Il tombe. Une numération-formule : normale. Sa tumeur n'a pas saigné.

Flottement.

Je pose mes anesthésiques, et prends les anti-inflammatoires : une injection intra-veineuse, puisque le cathéter est posé.

- Je lui donne jusqu'à ce soir. Ne préviens pas M. Tiburce. S'il se lève, je gèrerai.

L'ASV, un sourire aux lèvres, m'aide à porter Démon dans la courette, derrière la clinique.

Passent les heures, et Démon ne se lève pas. Débordé par ma journée, je ne prends pas garde à lui, jette juste un coup d’œil de temps en temps quand je traverse le chenil. Il ne bouge pas, reste couché sur son sternum, la tête fièrement dressée, attentif, haletant.

J'ai à peine touché un mot de la situation à mes confrères : "je n'ai pas tué Démon, j'ai l'impression que c'est une crise algique, de l'arthrose". Ils acquiescent, sans commentaire, apprécient d'un sourire l'incongruité de l'histoire. Comme moi, ils carburent à l'espoir.

- N'encaissez pas le chèque de M. Tiburce, on verra demain !

Il est 19h30, et je finis les consultations pendant qu'une ASV fait la compta, et qu'une autre dégrossit le ménage, toutes portes ouvertes. Et puis ce cri :

- Il y a ton beauceron qui s'échappe, là !

Mon confrère revient de visite, il vient juste de couper son moteur, et il se marre en voyant le vieux pépère qui nous regarde, dans le terrain vague derrière la clinique. Je n'avais même pas pensé à l'attacher. Il me faut trente mètres pour le rattraper, à la course, car il ne se laisse pas approcher. Mon collègue se bidonne, et m'interpelle :

- Va falloir appeler le vieux Tiburce, maintenant !

Il va forcément être content. Mais je me sens un peu merdeux, parce que je n'ai pas respecté le contrat de soins, parce que j'ai menti, parce que je me suis permis... parce que le vieux bonhomme est chez lui, qu'il pleure depuis ce matin. Depuis hier sans doute.

J'ai un nœud dans la gorge. Je ne sais pas trop ce que je vais dire, imagine quelques phrases. Tonalité, sonneries. On décroche. Une voix féminine, très âgée.

- Mme Tiburce ?
- Oui ?
- Bonjour, c'est le Dr Fourrure, c'est le vétérinaire. J'appelle... pour quelque chose de bizarre. J'appelle parce que ce matin, votre mari m'a amené Démon, pour l'euthanasier, et il est parti tout de suite, et finalement, heu... Démon est debout, il vient de manger, et il a couru un peu.
- Attendez, j'appelle mon mari !

J'ai parlé très vite, ne lui ai pas donné la possibilité de m'interrompre.

Roger, c'est le vétérinaire, il dit que Démon a couru, et qu'il a mangé !

Je patiente un instant, un peu fébrile, un peu merdeux, et très fier de moi.

- Oui allo ?
- Bonjour, c'est le Dr Fourrure, c'est le vétérinaire. J'appelle... ce matin, quand vous êtes parti, Francesca m'a dit que vous vouliez que j'examine Démon, et je ne l'avais pas fait, alors je l'ai examiné, et là, heu, ben ce n'est pas son cancer qui l'ennuie, c'est l'arthrose, il avait très mal.
- Démon a mal ?
- Ben là plus trop, je lui ai fait des piqûres, et ça va bien, je n'ai pas guéri son cancer hein, mais il va mieux, il a mangé, et il a même essayé de s'enfuir.
- De s'enfuir ? Démon ?

Incrédulité.

- Heuuu oui, on avait oublié de fermer les portes, mais je l'ai rattrapé. J'ai du lui courir après.

Il a du lui courir après !

- Et il a mangé ?
- Oui, une gamelle, et bu, et uriné, et voilà, je suis désolé, je n'ai pas voulu vous appeler avant, parce que je ne voulais pas vous donner de faux espoir, si ça n'avait pas marché.
- Et il peut rentrer ?
- Oui, avec des comprimés, oui. Parce que bon, il a toujours son cancer, mais c'est comme avant, comme il a arrêté de saigner il y a un an, il peut rester un jour, ou une semaine, ou six mois encore.

M. Tiburce est revenu chercher son chien.

Il m'a remercié, en pleurant, en râlant sur le prix des médicaments, comme toujours, en notant que la vie coûte, à peu de chose près, le même prix que la mort.

Il m'a serré la main, longuement.

Sans l'ASV, Démon aurait été euthanasié.

Pour ceux que ça intéresse : une radiographie d'hémangiosarcome, et une ponction abdominale d'hémopéritoine lié à un hémangiosarcome.

jeudi 24 juin 2010

De la radio en zone rurale

Habiter dans un trou perdu à la campagne a de gros avantages : pas de voisins, pas de supermarché, pas de voitures. J'ai poussé le vice jusqu'au "pas de télé".
Heureusement, j'ai un accès ADSL.
En bonus, j'ai la vue sur les Pyrénées.

Tout ceci définit mon refuge, celui que j'ai cherché et choisi.

Outre internet, mon lien avec l'actualité, ma compagne de tous les jours, dans mes tournées, mes aller-retour à la clinique, mes urgences, c'est ma radio. Le style de truc en série avec un lecteur CD à encrassage rapide, qui m'a lâché il y a des années.

Ici, les stations se résument à :
- Sud Radio (rugby et duo des non, non merci)
- France Culture (un peu trop mou pour moi)
- France Inter
Et les grandes ondes, sur lesquelles je me branche régulièrement pour France Info.

La radio généraliste, pour moi, c'est donc Inter. Ça tombe bien, j'apprécie beaucoup sa programmation musicale et le faible nombre de pubs. Le matin, pour aller bosser, j'ai Nicolas Demorand. Je l'apprécie peu, donc en général je zappe sur Info, comme ça j'ai mon journal. Pendant mes visites, c'est la fin du 6h30/10h (Esprit critique par exemple), puis Natacha Giordano et son Service Public, trop "60 millions de consommateurs" et polémiste à mon goût. C'est toujours mieux que la démagogie de Julien Courbet. A 11h00, pour le fou du roi, je suis rarement sur la route. L'après-midi, c'est 2000 ans d'histoire, la tête au carré, des magazines neutres et agréables. Là-bas si j'y suis et son insupportable et indispensable Daniel Mermet. Celui-là, il m'épuise : trop provocateur à mon goût, trop caricatural, mais j'apprécie qu'il ait cet espace unique. Je me force à l'écouter, quand j'en ai la possibilité. Les émissions sont parfois passionnantes. La fin d'après-midi, je ne suis jamais dans la voiture, donc je ne connais pas.

Et puis il y a le soir, la nuit, le dimanche, les urgences. Sur la route, Laurent Lavige, volume à fond. Le pont des artistes, idem. Rendez-vous avec X, les délires du Mangin Palace, indispensables à ma bonne humeur hebdomadaire, comme La prochaine fois, je vous l'chanterai. Sur quelle autre radio trouve-t-on ce genre d'émissions ?

Et puis, il y a Didier Porte. Pour lui, j'essaie à chaque fois de sortir à l'heure de la clinique, pour être à 12h05-12h10 dans ma voiture. Évidemment, je n'y arrive pas souvent, c'est pourquoi je savoure chaque rendez-vous réussi. Impertinent, voire même insolent, j'apprécie l'acidité de sa langue et la justesse de ses bassesses. Bien sûr, il n'est pas toujours drôle, il est parfois vulgaire. Il est parfaitement subjectif, et revendique sa "gauchitude" ? Au moins, on est prévenu, nous sommes assez grands pour en tirer nos conclusions.
Il est, surtout, souvent, juste.
Juste. Juste comme il faut, dans son rôle de trublion d'une émission par ailleurs très sage et très consensuelle, rompant avec le tranquille déroulé des interventions des membres de l'équipe du Fou du Roi. Je suppose que la plupart des invités de Stéphane Bern attendent avec une inquiétude non feinte sa déferlante du jour.

J'apprécie particulièrement sa façon d'essayer de retenir son rire lorsqu'il nous sert une ânerie dont il est visiblement très fier.

Mais manifestement, tout comme Stéphane Guillon (qui passe trop tôt pour que je le connaisse), Didier Porte dérange. Comme d'autres avant lui, même si je n'aime pas les comparaisons trop évidentes.

Concernant Didier Porte, j'ai du mal à comprendre. Comment peut-on virer ce type d'une radio qui prétend incarner "la différence" ou l'irrévérence" à chacun de ses jingles ?

France Inter, c'est presque ma seule compagne sur les routes. La seule radio qui passe presque partout, ici. J'ai de la chance, je l'apprécie.

Pour combien de temps ?

vendredi 26 juin 2009

So long

Le son, et la danse. Des souvenirs d'enfance, un peu de jeunesse qui s'enfuit, Michael Jackson était à mon insu une icône immuable d'un âge perdu dont je ne regrette pas grand chose. Dans ma mémoire, il ne changeait pas, il ne bougeait pas, quels que soient les scandales ou les traits de son visage ravagé.

Une de ces choses que l'on tient pour acquises, au sujet desquelles on ne se pose plus de questions. Elles sont.

Et puis...

Elles ne sont plus.

Comment gère-t-on ça ? Que se passera-t-il quand d'autres piliers ne seront plus là ? Des piliers plus intimes, plus essentiels ? Quand la mort que je touche quotidiennement vient frapper par une autre porte, je me sens plus fragile. Pourtant...

Pourtant je ne suis pas un fan de Michael Jackson. A vrai dire, je ne crois pas posséder un seul de ses CD. Je ne les ai jamais écoutés en boucle. Ils sont d'autant plus, pour moi, indissociables de souvenirs clefs d'un autre temps. D'une fascination pour ses pas. Pour ses mains gantées de blanc. Mes madeleines sont musicales.

Peter Pan n'existe pas. Mais je me souviens bien de lui.

So long Michael.

So bad.