Pourquoi vacciner mon chat ? (3/5)

Rappelez-vous, il y a quelques temps déjà, nous parlions des raisons de vacciner son animal, et plus particulièrement son chien.

Je pense qu'il est temps de s'occuper du chaton, là, sur l'épaule du monsieur, qui patiente depuis pas mal de mois dans la salle d'attente de ce blog.

Contre quelles maladies protège-t-on les chats ?

- Comme d'habitude, je vous répondrais que tout dépend du contexte. Les vaccins doivent toujours s'adapter à la situation épidémiologique, c'est à dire à l'environnement de vie de votre animal, et à votre animal lui-même. Cependant, certains vaccins sont, comme le CHPPiL des chiens, conseillés à tous les chats français.

- Encore des saletés dues à des virus et à des bactéries ?

- Et oui ! Cette fois encore, il  s'agit de maladies dont les principales caractéristiques sont la contagiosité, la dangerosité, et l'absence de traitement simple. Le coryza de votre chaton, monsieur, est un bon exemple de maladie qui peut être vaccinée...

Les 4 vaccins principaux

Le typhus, ou panleucopénie féline (étiquette : c'est le P) est du à un virus assez proche de celui de la parvovirose canine. Il provoque une entérite hémorragique, mais surtout une destruction des tous les globules blancs de l'organisme (d'où le nom panleucopénie), or ce sont ces cellules qui sont censées lutter contre le virus ! La maladie est très contagieuse, mortelle presque à tous les coups et son traitement spécifique coûte extrêmement cher. Le vaccin, lui, est excellent, et a rendu la maladie particulièrement rare.

Le calicivirus du chat (étiquette : C) et l'herpesvirus de la rhinotrachéite féline (étiquette : R) sont deux agents de coryza. Le coryza est un terme générique qui désigne ces affections de la sphère respiratoire supérieure et des yeux, affections plus ou moins graves en fonction de leur(s) agent(s) causal(aux). Relativement bénins s'ils sont pris tôt, les coryzas font des ravages chez les chatons, les chats affaiblis et dans les grands effectifs. Ils deviennent redoutables lorsqu'ils sont mal gérés et virent à la chronicité, se compliquant de sinusites, bronchites voire pneumonies. Qui n'a jamais vu un de ces répugnants matous au nez bouché, les yeux mi-clos, éternuant toutes les cinq minutes ?

La tristement célèbre leucose féline dispose depuis un certain nombre d'années d'un vaccin efficace mais onéreux, que je réalise systématiquement sur tous les chats de ma clientèle. Ce virus nommé FeLV (Feline Leukaemia Virus), de la famille des rétrovirus, est souvent confondu avec celui du Syndrôme d'ImmunoDéficience Acquise du chat, le tout aussi tristement célèbre FIV (Feline Immunodeficiency Virus), contre lequel nous ne disposons pas de vaccin. Je reparlerai de ces deux maladies dans un billet ultérieur, mais retenez que l'on ne peut vacciner que contre le virus de la leucose (étiquette : L), qui est responsable d'une forme de cancer des globules blancs.

Les vaccins spécifiques

Je les baptise ainsi car leur utilisation systématique ne se justifie pas et doit s'adapter aux conditions de vie de l'animal.

Les maladies réglementées

Il s'agit en fait uniquement de la rage (étiquette : R), dont le vaccin est obligatoire lors de séjours à l'étranger, ainsi que dans certains lieux de rassemblements de chats comme les expositions ou les pensions. Je ne reviens pas sur le sujet, j'en ai déjà parlé dans un billet dédié et dans celui consacré aux vaccins des chiens.

La chlamydiose

Cette maladie, due à une bactérie répondant au doux nom de Chlamydophila psittaci (étiquette : Ch), est responsable de coryza mais surtout de conjonctivites récidivantes assez particulières, dont seule la vaccination permet de s'affranchir si l'immunité naturelle du chat ne prévient pas les rechutes. Pour ma part, je vaccine systématiquement étant donné la haute prévalence de cette maladie dans ma clientèle.

Comment vaccine-t-on un chat ?

- Mais docteur, ce petit bout de chaton, on peut lui faire tous ces vaccins en même temps ?

- Oui, sans problème s'il a deux mois, sauf la rage qui ne peut légalement être vaccinée avant l'âge de trois mois.

- Mais là, il a un coryza, on peut le vacciner quand même ?

- Là, par contre, ma réponse est négative : on en vaccine pas un animal malade, surtout pas un pitchoun' comme lui. Nous allons d'abord le soigner. La consultation vaccinale sert, entre autres, à voir si l'on peut vacciner l'animal le jour même. Quand il sera guérit, nous le vaccinerons. Son organisme est occupé à lutter contre d'autres microbes, il ne répondra pas bien au vaccin si on le lui injecte aujourd'hui.

- "Injecte" ? Ce sont des piqures ?

- Oui, une injection sous-cutanée, à renouveler à 3-4 semaines d'intervalle la première fois, puis tous les ans.

- Et ça fait mal ?

- Non, même si c'est désagréable. La plupart des jeunes chatons râlent pour le principe, les chats plus âgés ne disent rien, en général.

Mais est-ce que ça marche ?

- Oui, ça marche. Pour refaire un petit tour d'horizon : le vaccin contre le typhus est excellent. Personnellement, je n'ai jamais vu un chat vacciné développer un typhus, sauf une fois. Un traitement très simple et très peu onéreux a permis de soigner l'animal (qui aurait peut-être d'ailleurs guérit tout seul).
Pas de problème non plus avec ceux contre la rhinotrachéite féline et la calicivirose, même si des coryzas, moins graves, peuvent être causés par d'autres agents pathogènes contre lesquels on ne vaccine pas.
En ce qui concerne la vaccination contre la leucose, pareil, mon expérience personnelle est excellente : je n'ai jamais vu un animal dépisté négatif avant vaccination tomber malade et mourir de leucose. De toute façon, cette saleté de maladie là, nous en reparlerons.
Pour la chlamydiose, personnellement, je manque de recul. Le succès est très net dans un protocole thérapeutique de prévention des rechutes lorsque le diagnostic a été posé, et pour l'instant, je n'ai pas eu en consultation de chat vacciné de manière préventive et ayant développé une chlamydiose.

- Vous dites qu'un chat a attrapé le typhus alors qu'il était vacciné ? Comment est-ce possible ?

- C'est tout simple : un vaccin n'empêche pas un animal d'être en contact avec un virus. Par contre, son administration permet d'apprendre au corps à se défendre contre ce microbe, ce qui démultiplie ses chances de s'en débarrasser avant qu'il ne rende l'animal malade. Du coup, l'animal ne risque pas non plus de le transmettre à ses congénères. Par contre, dans certains cas, et pour des raisons diverses (coup de fatigue, âge, gestation ou co-infection), le microbe contre lequel l'animal est correctement vacciné va quand même réussir à s'installer, mais sans provoquer la maladie dans toute son ampleur. En général, on constate des formes bénignes faciles à soigner.
Dans le cas des coryzas, c'est un peu plus complexe : comme je le précisais plus tôt, les coryzas peuvent être dus à de nombreux agents pathogènes différents, et pas seulement à ceux contre lesquels on vaccine. Évidemment, nous vaccinons contre les plus dangereux, délaissant ceux qui, au fond, ne sont globalement responsables que de simples "rhumes".

- Mais mon chat ne vivra qu'en appartement, il n'est pas utile de le vacciner !

- Ah, écoutez donc cet exemple de mon confrère Vache albinos, il est, je pense, édifiant :

5 chats au 10e étage d'un immeuble. Adorables. Ne sortent jamais, même sur le rebord de la fenêtre (au 10e, les fenêtres doivent être verrouillées d'ailleurs je pense). Bien sûr, rien n'y fera, j'avancerai tous les arguments du monde, les chats ne seront pas vaccinés.
+
1 chaton, dans une poubelle en bas de l'immeuble. Il est petit, il est mignon, il est maigre, il est seul. Il y a déjà 5 chats dans l'appartement, on n'est plus à un près, on va lui faire une place.
=
6 chats morts du Typhus en une semaine, des propriétaires au bord de la cirse de nerfs et un vétérinaire qui hésite entre la compassion et "je vous avais prévenu, bande de...".
Le vaccin contre le typhus existe, n'est pas très cher et est d'une efficacité remarquable. 3 chats vivent à nouveau au 10e étage d'un immeuble, et tous sont à jour de leurs vaccins.

Les effets secondaires

- Et ce n'est pas dangereux, tout ça ? Ma sœur est absolument contre les vaccins.

- Non, ces vaccins ne sont pas dangereux. Des millions de chats sont vaccinés tous les ans, et le bénéfice est immense, alors que les risques sont infimes.

- Infimes, ça ne veut pas dire nuls !

- C'est vrai, et il n'y a aucune raison de cacher les éventuels dangers des vaccins :

  • La réaction locale est due à une inflammation plus ou moins importante en réponse aux adjuvants, ces molécules que l'on ajoute dans les vaccins pour faire réagir l'organisme. C'est en général une boule molle, peu douloureuse, dont la taille diminue lentement, et qui doit disparaître totalement en quelques jours. Si un animal réagit systématiquement, un traitement préventif peut être utilisé lors de la vaccination.
  • Certains chats, et c'est très rare, sont particulièrement fatigués après une vaccination, avec parfois un peu de fièvre et des courbatures. En général, c'est plutôt à la seconde voire à la troisième injection qu'apparaissent ces réactions, qui sont vraiment bénignes.
  • L'allergie est beaucoup plus grave, mais exceptionnelle. De toute ma carrière, je n'ai connu qu'une fois cette mauvaise réaction, due à une réaction allergique violente à un constituant du vaccin. Si l'animal est géré très vite, il peut être sauvé, ce qui a été le cas dans mon expérience personnelle. Par contre, la vaccination doit être abandonnée pour cet animal.

- Et cette histoire de vacciner les chats au bout des pattes ?

- Ah, vous faites allusion au fibrosarcome félin. C'est quelque chose de très important, même si l'expérience de chaque vétérinaire est très différente vis à vis de cette saleté. Le fibrosarcome félin est un cancer à malignité locale qui se développe dans le tissu sous cutané du chat suite à une irritation. Et les injections, qu'il s'agisse d'antibiotiques ou de vaccins, sont des irritations. Le traitement de ce cancer consiste en une chirurgie très large autour de la tumeur, avec éventuellement des séances de rayons ou une chimiothérapie. C'est en pensant à ce cancer que je vous disais, il y a un instant, qu'une réaction locale au point d'injection doit disparaître en quelques jours. Le fibrosarcome, lui, est une masse qui grossit plus ou moins rapidement, très dure, en général polylobulée, le plus souvent située sous la peau au point d'injection classique : entre les épaules.
Afin de rendre l'exérèse chirurgicale moins traumatisante, certains ont imaginé vacciner le chat sur des extrémités, car il est plus facile de couper une patte que d'enlever plusieurs centimètres autour de la tumeur sur le dos.
Pour ma part, je ne souscris pas à cette idée. D'abord, vacciner un chat sur le bout d'une patte, vous pouvez être sûr que ce sera très douloureux, voire impossible : il n'y a pas là l'espace conjonctif lâche que l'on trouve sur le dos. Ensuite, cette tumeur reste très rare, et devrait le devenir plus encore avec les progrès de la vaccinologie, qui prends désormais en compte ce danger et tente de le réduire en ajustant la formulation des vaccins pour les rendre moins inflammatoires.
Pour vous donner des chiffres plus concrets : en cinq ans, et en vaccinant 3-5 chats par jour, sans parler de toutes les injections d'autres produits que je réalise quotidiennement, j'ai observé deux fibrosarcomes, dont un sur l'abdomen qui n'avait rien à voire avec une injection vétérinaire (probablement une petite blessure lors d'une bagarre ou d'une escapade).

Pour conclure sur le sujet des risques des vaccins, j'insiste et j'appuie, au risque de devenir répétitif : les vaccins sont une excellente protection contre des maladies graves, parfois incurables, dont les effets secondaires ne justifient en aucun cas de s'en dispenser.

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