Carnet de plongée : Le Chaouen
jeudi 17 septembre 2009, 11:42 Carnets de plongée Lien permanent
Lieu : Le Planier, Marseille, France
Date : 13 et 15 septembre 2009
Chute lente, plongée dans le bleu laissant le vieux chalutier et son capitaine à la surface. Le phare du Planier trône sur son rocher, il n'y a pas un souffle de vent, pas un nuage. Sur le bateau, nous anticipions déjà la plongée en contemplant l'épave couchée sur babord entre 6 et 33 mètres de fond.
Au fil de la descente, nous perdons de vue l'ensemble du cargo pour nous glisser le long du pont, serpenter entre les mats et survoler le château pour nous diriger au plus vite vers l'hélice, prévoyant de remonter le navire en diminuant ensuite la profondeur. La cale arrière nous a happés. Rentrer dans une épave, c'est dangereux. La plupart d'entre elles sont très fragiles, envasées, on peut s'y perdre ou s'y coincer. Fils d'Ariane, casques, doubles blocs/détendeurs peuvent être nécessaires pour s'y glisser en sécurité... mais rien de tout cela avec l'immense Chaouen, et cette cale qui s'offre à nos yeux gourmands, attentifs, impatients. Les phares furètent, notre palanquée explore et se glisse. L'immense arbre à came nous invite à le suivre jusqu'à la salle des machines, mais nous repartons vers l'hélice qui s'enfonce lentement dans le sable par 33 mètres de fond.
Je suis sous le charme. La lumière est magnifique, le Chaouen incarne toute la magie des épaves, invite au rêve et au jeu lorsque nous nous glissons le long de la coque déserte pour nous infiltrer dans une immense fissure et rejoindre la cale arrière, que, cette fois, nous quittons rapidement pour suivre une enfilade de pièces où trônent, en guise d'appliques murales, des toilettes envahies par la faune et la flore marines. Le charme d'une ampoule incongrue, au bout de son fil, des caisses d'agrumes éventrées, d'un cintre ou d'un timide congre dissimulé dans un tuyau, l'épave est le terrain de jeu d'une bande de gosses qui explorent, imaginent et se perdent dans ce sortilège dont nous sommes, aujourd'hui, les témoins privilégiés. Le Chaouen où vivaient et travaillaient des hommes, qui a traversé les mers et qui, aujourd'hui, est lentement envahi et corrodé par l'eau et le sel, gourmands et patients.
Je n'ai, hélas, pas de photos ni de film, mais j'en ai trouvé de nombreux sur la toile. L'exploration de la salle des machines, la lumière tombant sur le double mat, dressé parallèlement au sable. Le navire couché sur le sable. Des vues d'ensemble du navire, du mat, des coursives.
Le groupe est unanime, dès le retour en surface : il faut revenir ! Aucune palanquée ne peut prétendre avoir fait le tour du navire, et nous espérons tous pouvoir explorer, qui le château, qui la salle des machines, qui les cales ou les coursives. Les discussions s'animent, nous avons maintenant bien compris la topographie des lieux, et revenons plus décidés que jamais à nous laisser griser par la grâce massive et délicate du cargo. Les conditions seront bien moins bonnes pour notre seconde plongée, mais peu importe : cette fois, ce sont les recoins et les secrets de l'épave que nous recherchons, et peu importe si nous n'y sommes pas les premiers : le Chaouen, comme la plupart des sites de plongée, ne retient rien du passage des plongeurs, et chaque exploration est une découverte intime et personnelle.
Malgré la moindre qualité de la lumière, je retombe immédiatement sous le charme du Chaouen. Je connais désormais mieux son histoire, celle de son naufrage et de l'évolution de l'épave au fil des décennies, et ces détails viennent embellir encore l'épave en nourrissant la magie. Le 21 février 1970, le Chaouen et ses 640 tonnes d'agrumes s'échouaient sur le Planier suite à une erreur de navigation. Malgré les secours, le cargo s'enfonça lentement dans les flots le dimanche vers 14h.
J'imagine l'équipage dans l'immense château, cherche la barre pour ne trouver que son support, je me glisse le long des coursives et dans les cabines, me penche sur chaque hublot, farfouille dans les caves, la plongée est lente, délicieuse, mes coéquipiers sont des plongeurs confirmés aussi enchantés que moi. Nous suivons le parcours des phares de chacun en nous laissant griser autant par la majesté du navire noyé que par les spirographes dissimulés dans les cheminées ou la folle course des bulles au plafond d'une cale. Des traces de vie humaines à l'inexorable invasion de la vie marine, je chavire sous la magie marine des épaves.
Promis, dès que j'aurais des photos ou des films de mes compagnons de plongée, je vous mettrais, s'ils sont d'accord, tout cela en ligne. Moi, je suis bien trop occupé à me régaler pour penser à photographier...
Commentaires
Merci !
Merci et encore Merci !!
Ancien plongeur moi même j'ai revécu avec vous cette plongée !!
Merci pour cette balade sous-marine !
Je suis trop claustrophobe pour oser m'aventurer sous le niveau de la mer, mais ça doit être palpitant de visiter une épave comme celle-ci. :)
Que voici un joli récit....
Je t'envie ! La seule épave que je connaisse est le P38 qui se trouve dans la baie de Saint Cyr sur mer, et j'y ai trop souvent plongé à mon goût...
Serait-il indiscret de te demander (peut-être plus en MP) avec quelle structure tu as plongé là-bas ?
Bonjour Dr Fourrure!
Jolies photos. J'ai passe pres de 3h a lire tous vos posts - le temps passe vite quand on vous lit. Un plaisir. Bravo et merci pour toutes ces belles histoires et infos.
Juste Wahouuuuuuuuuuuuuuuu
Pas mal pour l'ambiance! on s'y croit...
Du coup, ça m'a rappelé une superbe plongée sur le mythique Thislegorm, à l'entrée Est du golfe de Suez (oui, oui: celui du "monde du silence" du célèbre bonneté de rouge!) avec en prime à la remontée, un enveloppement dans un banc de carangues nageant en spirale autour de nous... Grand!
Après, j'ai aussi plongé sur le "Salem Express" Pas glop! Les écoutilles sont toutes scellées: normal, l'épave est toujours le cercueil de pas mal des quelques 470 personnes décédées ce jour là, et le sable autour est jonché de débris navrants: chaussures, aspirateur, valises éventrées, autant de restes dérisoires de vies englouties ce 16 décembre 1991...
Bref, plongée déprimante malgré les talents de conteur d'un Gérard Besse au meilleur de sa forme, mais il nous avait prévenus.