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mercredi 6 juillet 2016

Jour quinze. Motif : boit beaucoup.

Jour quinze.

Motif : Boit beaucoup

- Vous comprenez, mon voisin dit qu'il est diabétique. Alors du coup, il s'en est débarrassé : il me l'a donné ! De toute façon, ça change rien : c'est moi qui la nourrit, cette pauvre bête. Quand on était fâchés, avec le voisin, je lui balançais même les croquettes en cachette par-dessus le grillage. Notez, j'ai peut-être abusé. Il est grassouillet, non ?

Grassouillet ? Oui, c'est un euphémisme. Ce n'est pas une barrique, mais 28kg pour un poids idéal que j'estime à 22kg… très grassouillet.

- Il boit dix litres d'eau par jour ! J'ai mesuré avec le seau !

M. Beuve ponctue chacune de ses phrases d'un grand geste de la main, de haut, en bas. Dix litres ! Pim ! J'ai mesuré ! Pam ! C'est la première fois que je vois ces deux oiseaux. Ils habitent dans le même village qu'un véto retraité que je connais bien, qui n'avait manifestement pas envie de prendre parti dans leurs querelles de voisinage. Donc le diabète, il n'a rien voulu savoir. Je crois que c'est pour cela que M. Beuve tient autant à me convaincre.

- Diabétique !

De haut, en bas.

J'ai marmonné quelques mots et tenté de discuter un peu, mais M. Beuve ne m'écoute pas. Je chausse mon stéthoscope et me réfugie dans le silence concentré du praticien. M. Beuve agite encore un peu le bras, puis se tait. L'examen clinique ne révèle rien de particulier. « Le chien » - il n'a pas de nom – est un croisé de bergers divers et variés. Il a une dizaine d'années, il est plutôt en bon état, je ne relève qu'un discrète dermite allergique aux piqûres de puces et un testicule vaguement plus petit et plus mou que l'autre. Pas de quoi crier à la tumeur secrétant des hormones à tire-larigot.

M. Beuve est silencieux. J'en profite.

- Quand il boit, il vide toutes les gamelles, tout le temps, comme s'il ne pouvait pas faire autrement ?
- Non, il y revient 10 fois, 20 fois dans la journée. Mais il en laisse. M. Beuve secoue la tête.
- Et l'appétit, augmenté, diminué ?
- Oh ben normal, je dirais. Il mange, mais pas comme un glouton.

J'attrape le lecteur de glycémie, pique à l'oreille, fait sourdre une goutte de sang et vérifie. 0,95 gramme par litre.

- Il n'est pas diabétique.

Mon annonce assied M. Beuve. Littéralement.

- Mais… avec tout ce qu'il boit ?
- C'est une cause fréquente. La plus fréquente. Mais pas la seule.
- Je… je vais devoir le rendre ? Y m'l'a donné parce qu'il était malade, vous voyez. Parce qu'il avait du diabète.
- Ben il est toujours malade, jusqu'à preuve du contraire. Dix litres par jour, ce n'est pas rien.

Je suis désolé pour M. Beuve. Il m'irritait, il me peine, désormais. Le chien ne le lâche pas d'une semelle, tremblant de trouille mais rassuré par son nouveau (?) maître.

- Mais si c'est pas le diabète, docteur, c'est quoi ?

Pour ce corniaud de dix ans ? Une pré-insuffisance rénale, mais cela me semble trop. Trop d'eau. Un syndrome de Cushing, trop de cortisol produit par la glande surrénale ? Ou un diabète insipide[1], un dérèglement du fonctionnement d'une hormone régulant la production d'urine ? Ou juste un trouble du comportement ?
Le fait de mentionner les reins a fini de déprimer M. Beuve. Il voit très bien où aboutit une insuffisance rénale. Je remets le chien sur la table et prélève des urines. Un long tuyau dans l'urètre, une seringue, j'aspire. Le chien n'a même pas remarqué le sondage. Je lui lève la tête, tonds son cou, Perrine vient m'aider. Une prise de sang, un tube vert, un tube violet. Le chien ne bouge pas plus que pour le sondage urinaire. Je le repose au sol, il retourne se réfugier entre les jambes de M. Beuve. J'espère pouvoir les aider, ces deux là.

Tandis que l'analyseur réfléchit au taux de créatinine de l'échantillon que je viens de prélever, j'analyse les urines. Jaunes, très pâles, limpides. Quelques gouttes sur une bandelette, quelques autres dans le réfractomètre. Densité 1,006. Quasiment de la flotte. Dix litres, oui, peut-être. Je verse de l'acide nitrique au fond d'un tube en verre, et fait couler un millilitre d'urine dessus. Oui, une bonne réaction de Heller. Pas un disque blanc bien franc, mais un voile nuageux sur toute la hauteur de mes urines. Il y a des protéines. Beaucoup ? L'analyseur me le dira, en mesurant le rapport protéines sur créatinine urinaires. Le taux de créatinine sanguin, lui est normal. Quelques minutes plus tard, j'ai mon RPCU. 3,97. C'est trop, mais pas explosé. Une tubulopathie ?

- M. Beuve ?

M. Beuve se lève, tandis que je passe ma tête par la porte de la salle de consultation.

- Il n'est pas insuffisant rénal. Mais il y a d'importantes anomalies dans ses urines. Et pour l'instant, je ne sais pas exactement pourquoi.

M. Beuve hoche la tête. Me demande des précisions. Je lui dessine un glomérule, une hanse de Henlé, un tubule, un bassinet. Je lui explique d'où peuvent venir les protéines, lui précise d'où je pense qu'elles viennent, en insistant plusieurs fois : je n'ai pas de certitude, je n'ai pas de traitement magique, cela peut être grave. Et j'ai une question :

- Quels sont vos moyens financiers ? Parce qu'on peut lancer plein de choses, tout de suite. Là, on a fait l'indispensable dans l'immédiat. On sait qu'il n'est pas diabétique, qu'il n'est pas insuffisant rénal, on sait qu'il a des protéines dans les urines. On peut commencer par faire un traitement pour éliminer certaines causes, et vérifier dans une semaine. Ou alors je lance des analyses plus poussées, mais il faut que j'envoie ça à un laboratoire, que je vous envoie chez l'échographiste, que… bon on pourrait même faire des biopsies, des prélèvements de rein, mais ce ne serait sans doute pas très utile.

M. Beuve baisse les yeux.

- Comprenez-moi bien : le chien est malade. Ce n'est pas un diabète, et, bonne nouvelle, ce n'est pas une « crise d'urée ». Il a besoin de vous. Il a besoin de soins. Mais il n'y a pas d'urgence. On peut très bien commencer par ce traitement, voir son effet, et décider ensuite de ce que nous ferons. Ce n'est pas « mal le soigner ».

M. Beuve relève les yeux.

- Je vous propose qu'on lui donner des antibiotiques, pendant une semaine pour commencer. S'il a une infection urinaire – je pense à une leptospirose subclinique, malgré l'absence de glycosurie – il y aura beaucoup moins de protéines dans une semaine, et on pourra espérer le guérir, même s'il restera sans doute des séquelles. Si cela ne change rien, il sera toujours temps d'aller chercher plus loin.

J'aimerais vraiment faire cette électrophorèse des protéines urinaires. Mais on va attendre un peu. De toute façon, cela fait six mois qu'il boit trop.

- Vous savez docteur, moi, ce chien, je veux le soigner !

Pim !

Note

[1] Pour les p'tits curieux au fond : le diabète sucré et le diabète insipide ont été définis par le symptôme majeur (diabète signifie « passer à travers » en grec, ou un truc approchant, avec l'eau qui sort comme elle entre) et par le goût des urines, sucrées ou non. Contrairement à la légende, les médecins, pas plus dévoués à l'époque qu'aujourd'hui, ne goûtaient pas les urines de leurs patients. Ils regardaient si les mouches s'intéressaient aux urines. La galerie des glaces devait être un endroit merveilleux.

lundi 2 novembre 2009

Babette

Elle s'appelait Babette. Bab', pour les intimes. C'était une énorme, monstrueuse, débordante minette dont le corps, posé à plat sur la table d'examen, semblait s'écouler sous une peau encore trop lâche. On aurait pu la remplir encore, semblait-il, pourtant, elle pesait déjà une bonne dizaine de kilos. Elle en avait pesé 3, ou 4 sans doute. Elle avait une douzaine d'années, et elle avait déboulé dans ma clinique suite à l'appel d'une consœur qui nous l'envoyait pour oxygénothérapie et examens complémentaires.

Bab' suffoquait, Bab' s'étouffait, et ne tenait plus sur ses roulettes pattes. Elle ne mangeait plus, elle se tenait, droite, plate, hovercraftienne, le cou tendu sans doute sous le gras qui le noyait. Luttant pour trouver de l'air, buvant l'oxygène sans pourtant qu'on ne devine ses mouvements respiratoires sous sa masse graisseuse. Sa propriétaire s'était presque évanouie sur sa chaise lorsque je l'avais extraite de sa cage de transport, parfaitement moulée en ovale, pour la déposer, parfaitement moulée en pavé, dans l'aquarium reconverti en cage à oxygène. La propriétaire de Bab' était très âgée (comme Bab'), très émotive (comme Bab'), très diabétique (comme Bab') mais très maigre (pas comme Bab').

Elle souffrait donc de diabète sucré, cette maladie hormonale commune aux humains, aux chats et aux chiens, dont le traitement repose essentiellement sur l'administration d'une hormone déficiente, l'insuline. Une, ou deux piqûres par jour, pour que le sucre passe du sang aux tissus qui en ont besoin. Bab' était diabétique, traitée depuis cinq ans, et ma consœur craignait une embolie pulmonaire, une complication rare et gravissime. J'avais stabilisé Babette sous oxygène, puis rassuré tant bien que mal sa propriétaire avant d'entamer des investigations plus poussées pour confirmer ou infirmer l'hypothèse de la vétérinaire qui me l'avait envoyée. J'étais assis devant l'aquarium, parallélépipède de verre doublé de fourrure de chat, à me demander quels examens j'allais bien pouvoir faire à un animal qui pouvait mourir à la première manipulation stressante, pour une affection rare et grave s'ajoutant à une maladie pour laquelle cette minette présentait tous les facteurs de complications imaginables.

Et puis d'abord, comme allais-je bien pouvoir diagnostiquer une embolie pulmonaire, moi ?

La Babette semblant plus calme, je l'avais déposée sur le coin de la table d'examen afin de mieux l'examiner. D'où la description introduisant ma présentation de la minette. Je ne pouvais pas observer ses mouvements respiratoires. L'examen neurologique était réduit à néant par son état subcomateux, ou du moins sa concentration absolue tendue vers un seul objectif : respirer.

Puisque je n'avais pas d'idée, j'allais au moins lui poser une perfusion. Ça servirait toujours. Ne serait-ce que pour la réanimer si elle faisait un arrêt cardio-respiratoire tout à l'heure, pour la radio qui me semblait le premier tâtonnement vers le diagnostic de thrombo-embolie pulmonaire.

Et puis, tout en l'examinant et en commentant avec le plus grand sérieux et sans la moindre ironie son corps graisseusement gracieusement étalé sur la table, j'ai quand même envisagé de vérifier sa glycémie (la concentration du sucre dans le sang), ce que n'avait pas fait ma consœur qui me l'avait envoyée dans l'urgence. Avec une diabétique, j'aurais au moins une base de réflexion.

Voire un diagnostic.

Une coupure sur le pavillon de l'oreille, une gouttelette de sang, et un résultat : 21 mg/dL.

Ce ne fait vraiment pas beaucoup. Tout à fait de quoi provoquer une disparition de tous les réflexes, voire un sub-coma, des vertiges, une détresse respiratoire, bref, une Babette sur ma table. Une belle imitation de thrombo-embolie, mais en beaucoup moins grave. A soigner avec un médicament de pointe : perfusion de glucose. Du sucre en piqûres, quoi.

Le soir même, Bab' respirait normalement. J'appelais sa propriétaire pour donner de bonnes nouvelles. Le lendemain matin, Babette marchait (ce qui ne changeait pas grand chose à son allure générale, sauf que les pattes ne dépassaient plus sur les côtés). Nouveau coup de fil, nouvelles bonnes nouvelles. Une analyse urinaire confirmait que la chatte n'avait pas été en hyperglycémie depuis longtemps. Bab' avait tenté de se débattre pour éviter la ponction vésicale mais le fait de la rouler sur le dos avait permis de contenir ses attaques. Le soir, elle mangeait et se toilettait, et quelques jours plus tard, elle repartait avec une courbe de glycémie correcte et un protocole d'insulinothérapie modifié. On avait même du finir par devoir faire attention à nos doigts.

Mon hypothèse : les injections étaient réalisées dans le gras et du coup, l'insuline ne diffusait pas à une vitesse normale dans le sang, provoquant en apparence une réponse insuffisante au traitement alors que l'accumulation d'insuline avait failli la tuer. En injectant sous la peau des rares endroits maigres moins gras du corps, la réponse au traitement était redevenue normale. Pourquoi ce jour là, et pas avant ? Aucune idée, mais les doses d'insulines avaient été augmentées par la propriétaire de Babette qui avait constaté ses hyperglycémies récurrentes : elle la testait à la maison avec son appareil personnel, elle-même étant diabétique.

Cette fois-ci, cependant, je ne jetterai pas la pierre à cette dame pour cette erreur, commise de bonne foi suite à un raisonnement logique, et validé par son vétérinaire. Le problème était plus subtil, et il avait fallu une catastrophe pour le pressentir. Je ne suis pas sûr d'avoir correctement interprété cette crise hypoglycémique, d'ailleurs. Mais c'est la seule hypothèse qui semble tenir la route.

Je ne jette pas non plus la pierre à ma consœur qui a suspecté une complication cohérente avec l'historique de l'animal et son examen clinique. C'est une vérification mécanique qui m'a donné la solution, pas un brillant raisonnement. Je pense qu'elle est un peu vexée d'être passée à côté de ça. Je le serais aussi à sa place. Moi, je suis plutôt flatté qu'elle m'ait fait confiance.

Par contre, je suis beaucoup plus gêné par la suite des opérations, la propriétaire de Bab' ayant apprécié nos installations et équipements, ainsi que la présence nocturne d'un vétérinaire en cas de besoin. Apprécié au point d'avoir décidé de se passer des services de ma consœur pour rester chez nous... décision qu'elle m'annonça alors que je finissais d'imprimer le compte-rendu pour ladite consœur à qui je comptais bien confier la suite des opérations.

Une cliente de plus ou de moins, soyons clair, je m'en contrefous. De bonnes relations avec une collègue que j'apprécie et dont j'estime le travail, ça a un prix bien supérieur. Et ce genre d'éraflures dans nos relations, même si ni elle ni moi n'y pouvons rien, c'est contrariant, et frustrant.

Le principe, c'est : "on ne pique pas les clients des voisins". J'y tiens beaucoup. Mais les clients ne nous appartiennent pas, et nous ne pouvons pas les empêcher d'aller et venir, et, d'ailleurs, tant mieux, la libre concurrence, dans le respect de l'autre, c'est idéal pour l'émulation. Mais dans ces circonstances, je n'apprécie pas du tout : on a l'impression de trahir la confiance de l'autre, on ne sait pas ce qu'il peut penser (je n'ai jamais enfoncé cette consœur devant la propriétaire de Bab', son erreur de diagnostic était cohérente, mais elle n'était pas là pour m'entendre, même si je pense qu'elle me fait confiance sur ce point), bref, c'est frustrant. D'autant qu'elle pourrait, à raison, craindre que d'autres propriétaires d'animaux fassent le même cheminement que celle-ci, alors que je pense qu'elle fait très bien son travail. Et que sa plate-forme technique plus limitée, dans la grande majorité des cas, ne l'handicape pas.

Référer un cas, c'est accepter de confier ses propres insuffisances à un confrère ou à une consœur plus compétent, plus équipé, plus quelque chose. Avouer et reconnaître son impuissance, ce qui n'a rien de honteux, mais qui n'est pas toujours facile. Je le fais tous les jours ou presque, quand j'ai besoin d'un ophtalmo, d'un échographiste, d'un chirurgien orthopédiste, d'un comportementaliste ou tout simplement d'un autre angle de vue. Par contre, je ne reçois pas de cas référés, ou presque. Babette était une exception, une urgence.

Il va falloir que je trouve comment prévenir les transferts de clients... Et si vous avez des idées, que vous soyez propriétaire d'un animal (déjà référé, ou pas, par un votre véto habituel), vétérinaire référent ou référationneur (je pense que ce mot n'existe pas), je suis preneur !

samedi 27 juin 2009

Plume de chat

Il est venu quelques jours avant Noël.

Si frêle et si fragile qu'on n'osait le toucher, de peur de le bousculer.

19 ans de siamois, 19 longues années.

Il ne voulaient plus manger, un peu déshydraté, il vomissait les quelques bribes ingérées.

Winnie semblait léger, si léger, une plume de fourrure grise marquée de noir, mal toiletté, un peu collé, un peu déséquilibré.

Il hésitait, sur le bord de la table, oscillant, balançant, n'osant pas sauter. Sa maîtresse l'avait caressé, ramené, plus en sécurité, il n'aurait sans doute pas su se rattraper.

J'avais imaginé une IRC, j'avais commencé à la préparer.

Mais Winnie n'était pas en crise d'urée. Winnie avait un diabète sucré.

Qui aurait pu croire qu'à 19 ans, un diabète sucré se guérissait ?

Pouvait-on espérer le stabiliser ?

Une petite tumeur, un épuisement du pancréas ou une inflammation chronique jamais soupçonnée, qui sait ? Peu importe : trop de sucre dans le sang, pas assez dans ses muscles, trop dans son cerveau, dans ses urines, un organisme complètement déséquilibré parce que l'insuline n'était plus correctement secrétée. L'insuline qui régule les taux de sucre, l'insuline qui équilibre à chaque instant besoins et apports, celle que nous pouvions peut-être lui apporter.

Il faudrait plusieurs jours pour le rééquilibrer. Ajuster les doses, contrôler, vérifier, faire manger, hydrater, perfuser, caresser.

Accompagner.

Dans quelques jours, sa famille devait s'absenter. Pour les fêtes. Et malgré les dix-neuf années de vie partagée, elle ne pouvait pas repousser.

Winnie passerait Noël à la clinique. Hospitalisé. Câliné, caressé, soigné, mais hospitalisé.

Elle savait que, peut-être, elle ne pourrait pas le retrouver. Nous étions le 23, dans 5 jours, le 28, elle reviendrait.

Il serait peut-être mort.

Alors Winnie est resté. Le traitement fonctionnait, un peu, pas assez, mais surtout, il ne voulait pas manger. Les choses s'équilibraient, Noël approchait, et Winnie restait.

Tout seul, dans sa cage. Si ça se trouvait, le 25, je n'aurais pas à aller à la clinique si personne ne m'appelait. C'est bien entendu uniquement pour m'éviter quelques aller-retours indispensables à son traitements et au contrôle que... je l'ai ramené. Je suis entré dans la chambre, il était 21h00 passées. Chouette réveillon. J'avais un panier, un flacon d'insuline dans sa poche isotherme, quelques aiguilles et seringues, un lecteur de glycémie, et Winnie.

Ma femme a découvert cette plume de chat fatigué, venu se frotter contre sa main, avançant sur la couette à pas légers, avant de venir se coucher. Au grand dam de nos deux chats, particulièrement outrés.

Alors nous l'avons caressé.

Câliné.

Soigné,

Hydraté.

Mais pas moyen de le faire manger.

Enfin... pas les aliments pour chats diabétiques, en tout cas. Ni les autres.

Mais bien du pâté de sanglier. Fait maison...

Juste une fois : après, il n'était plus intéressé.

Le lendemain, foie gras. S'il-vous-plaît. Mais une seule fois.

Œufs brouillés.

Poulet grillé.

Saumon fumé.

Bouchée par bouchée, lentement mâchées, difficilement avalées. Une seule fois.

Dans la chambre, cela sentait le pâté, le foie gras, le saumon et les œufs, il n'était plus intéressé.

Son diabète s'équilibrait. Moi, j'allais et venais.

Il est resté à la maison, sur le lit, presque jusqu'au bout, jusqu'au retour de sa propriétaire. Je l'ai rendu, lui ai conseillé tout ce que nous n'avions pas essayé. Winnie partait, de plus en plus léger, il ronronnait, profitait, mais il mourait.

La plume de chat est partie deux jours plus tard. Entouré.

Le diabète ? Equilibré, mais... à 19 ans, c'était trop espérer.

A pas légers, si légers, sur ma couette, il s'était étiré.

Il avait ronronné.