Rentabilité de l'élevage bovin
dimanche 21 novembre 2010, 18:34 Un peu de recul Lien permanent
Un petit tableau issu du billet et des chiffres bien réels du blogueur-éleveur Paysan Heureux.
Les explications de PH sur son blog sont très claires et très complètes. Je ne vais pas m'amuser à tout recopier, je vous invite plutôt à le lire, mais, des fois que vous ne fassiez pas l'effort, je tiens à ce que ses explications accompagnent ses chiffres - il serait tellement facile de leur faire dire n'importe quoi. D'une manière générale, je vous conseille sa lecture si vous voulez approcher la réalité de ce boulot de dingue, qui rendit autrefois ces travailleurs aisés, quand, aujourd'hui, on ne les considère plus (parfois) que comme des empoisonneurs mangeurs de primes.
==> 0.80 € d'achats d'intrants, engrais ou aliments, sachant que je suis très très autonome !
==> 0.65 € d'accès à la terre: le fermage, incompressible !
==> 0.76 € pour tous les services: assurances, vétos, réparations entretien, compta ...
==> 0.62 € comme rémunération du travail avec les charges sociales . Ces dernières ne sont pas calculées sur les prélèvements mais représentent 43 à 44 % du revenu agricole ! Si je prélève 1200 € par mois pour la famille, cela fait une rémunération horaire de mon temps de travail d'environ 6 € de l'heure !
==> 0.60 € pour les amortissements du matériel et surtout des bâtiments ! J'ai des bâtiments anciens et j'achète des tracteurs d'occasion ! Si je devais tout reprendre pour cause de mises aux normes, ce montant serait majoré de 20 à 30 cts au minimum ! Le reste du matériel est globalement ancien et j'emploie du matériel en CUMA ! Là encore, les mise aux normes me posent problème ! Rien que le remplacement des vieux tracteurs par un de 5000 h majorera ce chiffre de 0.13 €. en 2010...
==> 0.20 € d'impôts, de taxes et d'intérêts d'emprunt sachant que là encore je suis au plancher !
Notez qu'il s'agit d'un éleveur dans la force de l'âge, dont les investissements lourds sont derrière lui, avec un beau troupeau de charolaises (des vaches à viande, donc) dans une région propice à l'élevage. Et qui par dessus le marché gère très bien son exploitation, tant d'un point de vue conduite de troupeau, culture que "comptable".
Disons le clairement : non seulement il gagne peu et travaille énormément, mais même dans sa situation "privilégiée", il a passé une année 2009 à perte.
Je vous laisse imaginer le sort des jeunes (donc endettés) éleveurs, a fortiori s'ils ont le malheur de s'être installé dans des régions où la sécheresse ou la pauvreté des sols, ainsi que les dénivellations, rendent la culture et donc l'alimentation des animaux plus difficile (comprendre : plus chère).
Ces chiffres, je les approche tous les jours avec mes clients dont je ne suis pas un comptable mais, parfois, un banquier (les impayés s'accumulent pour certains depuis deux à trois ans), et, en tout cas, un partenaire : je serais un véto riche si mes clients étaient riches. Nous avons fait le choix de ne jamais refuser un appel d'un éleveur, même lourdement endetté chez nous. Nous n'en avons envoyé aucun à l'huissier. Ils n'ont pas le choix, ne peuvent appeler que nous, et nous tenons à cette notion de "service public". Ce volet de "service" était jusqu'à il y a peu, indirectement rémunéré en partie par les prophylaxies, mais elles tendent à disparaître, victimes de leur succès, et ce n'est pas la gestion calamiteuse de la FCO qui peut compenser quoi que ce soit. Au contraire, cette dernière nous a plutôt poussé dans un complexe conflit avec nos clients, en partie relaté dans les billets de la catégorie "FCO" de ce blog. De toute façon, le travail sanitaire du vétérinaire n'est pas là pour financer le reste de son activité !
Mes conseils financiers, comptables et autres, m'indiquent que je ferai bien de cesser mon activité rurale pour améliorer la rentabilité de ma structure, ce qui revient à dire : laisser des éleveurs sans vétérinaire à moins de trente kilomètres (sachant que de toute façon, la plupart des structures vétérinaires de ma région sont grosso-modo dans la même situation).
Finalement, notre objectif devient : se faire plaisir et rendre service sans plomber notre société, c'est à dire sans perdre d'argent sur la rurale. En le disant autrement : ce sont les chiens et les chats qui subventionnent les soins aux vaches et aux moutons dans ma clientèle.
Pour combien de temps ?
Commentaires
Je ne sais pas si la situation de votre clinique est transférable à la clinique où je me rends, mais personnellement, ça ne me gêne pas outre mesure de "participer" (et en ce moment, je peux vous dire que je participe pas mal) à la rentabilité d'une clinique qui fait oeuvre utile auprès d'autres catégories (dans votre cas, le rural - mais ça peut être l'associatif ou le "sauvage"). C'est aussi ce qui me fait aimer mes vétos (je veux dire, le fait de savoir que tout n'est pas une question de PLUS D'argent).
Fourrure :
En fait c'est plus compliqué que ça. J'ai été un peu expéditif dans mon billet car le sujet était la rentabilité de l'élevage, pas celle de ma clinique, mais je pense que ça ferai un post intéressant, je vais m'occuper de ça.
Malheureusement, personne ne veut voir la situation des agriculteurs....
Je vous conseille le documentaire "Le Désespoir est dans le pré", qui a été diffusé sur France 5 début octobre, si vous ne l'avez pas vu.
Il secoue, et c'est tant mieux...
Fourrure :
Ces interviews d'éleveurs qui passaient assez tard ? J'ai vu un des épisodes, j'ai trouvé la partie que j'ai vue très juste.
J'aime aussi les mises aux normes pour les conditions d'hébergement des animaux. Que la société prenne en compte le bien être animal est très bien mais quand on connaît les conditions de résidence dans certaines structures accueillant des personnes âgées cela laisse rêveur. J'adore recevoir les jolis dépliant de la chambre d'agriculture concernant l'état de propreté des animaux sachant que je suis seule infirmière de nuit pour 200 patients et qu'une collègue le matin doit parvenir à laver 15 à 20 personnes âgées en deux heures. Je vous laisse imaginer le résultat et apprécier le contact humain dans de telles conditions.
Fourrure :
Et dès que l'on se plaint de ces normes, on passe immanquablement pour des salopards qui font souffrir les animaux, car c'est bien connu, les vaches étaient torturées, couchées dans la merde et mal nourries avant que ces normes existent...
oui,le doc de france 5 est alarmiste....Nous n'avons plus d'usines,arriverons-nous à ne plus avoir d'agriculteurs en Françe? Ces preuves,irréfutables que vous publiez ici,que l'on peut voir dans ces documents,c'est ça qu'il faut montrer au 20 heures,c'est ça qu'il faut mettre sous le nez de nos dirigeants,bien qu'ils en soient parfaiement conscients.....Ca me révolte ,tiens!
quand je pense que les francais "lambda" sont surs que les "paysans" sont riches, ils ne comprennent pas que les tracteurs appartiennent aux banques...
les mentalités sont durs a changer
bonjour,
vaste problème que voilà; comment le consommateur peut-il comprendre alors qu'il ne connait de la bête qu'un morceau ,parfois indéfinissable acheté sous plastique au super du coin ? je suis assez effarée de voir que même à la campagne, la viande est achetée aux distributeurs et pas au boucher du village (s'il en reste). J'habite une grosse ville dortoir aux portes de Toulouse , nous ( des groupes de citoyens concernés, avertis ?)voyons disparaître les terres agricoles et manifestons contre les mega-projets commerciaux, en plus d'essayer de trouver des "circuits courts". Je reste un tantinet interloquée de voir que la filière "bio" arrive à s'organiser en colis, paniers etc pour aller faire connaître son travail aux urbains, on commence à trouver pas mal de maraîchers conventionnels qui livrent des paniers, expliquez-moi pourquoi ce n'est pas faisable pour la viande? trop compliqué, pas assez d'abattoirs, j'imagine que le problème est par là, non ? je ne suis pas carnivore mais le peu que j'achète est local et parfois "en direct". mais c'est une question de choix et d'engagement (et de temps, c'est moins facile que remplir vite fait un caddie), c'est comme refuser d'acheter ses fringues made in ailleurs....
bon j'ai grandi dans une ferme et je pense que les clients de mon père en bavaient il y a euh 40 ans (sob) mais sûrement moins que les "paysans" d'aujourd'hui qui bossent pour leur banque.
Comment convaincre le chaland que sans nos paysans, dans peut-être moins de 20 ans on ne pourra plus produire notre alimentation ? ce n'est pas notre TV qui va tirer la sonnette d'alarme !!! surtout en passant des docus sur ARTE à "pas d'heure" comme on dit chez moi !!!
Je suis votre blog depuis pas mal de temps (j'adore!!!), et c'est cet article qui me fait ajouter un commentaire pour la première fois. Oui, personne ne veut voir ce qu'il se passe... Plus d'un suicide par jour dans le milieu agricole français en 2009... Mon mari et moi (27 et 25 ans) avons repris une exploitation laitière à un tiers (en Centre Bretagne) le 1er mars 2009 après 1 an de paperasse, de passages en commission, de prises de bâtons dans les roues (après l'état se plaindra que les jeunes ne veulent plus reprendre les exploitations...). C'est un boulot de fou, mais nous le savions et nous sentions prêt et ce, malgrè 3 enfants en bas âge à éduquer. Nous étions tout simplement motivés et surtout passionnés. 1 mois après notre installation, le lait chûte à 206€/1000L Qu'à cela ne tienne, ça ne durera pas... Effectivement, ça a remonté. Un peu. Au jour d'aujourd'hui, je ne dors plus et regrette presque m'être lancée dans cette "folie", et pour autant, l'idée d'arrêter un jour me désespère encore plus, et je ne pense pas être de ceux les plus à plaindre. Je ne souhaite pas faire autre chose, et malgrè ça, je n'y crois plus...
Mon commentaire doit vous paraitre inutile, de plus, c'est le premier que je laisse, on va se dire que je ne pense qu'à me faire plaindre. Loin de moi cette intention. je voulais juste par ces explications, argumenter un énorme et sincère remerciement pour faire part sur votre blog (énormément suivi par tous publics) de la détresse des paysans qui n'attendent qu'une chose: Que leur métier soit enfin rémunéré comme il se doit.
pour répondre à MAUSSY, le problème du circuit court pour la commercialisation c'est l'hygiène de l'abbatage, du stockage, le contrôle de la viande (par saisie). Bref c'est hyper compliqué mais ça tend à se développer. En plus, ce n'est pas forcément compatible avec une activité secondaire fréquente en allaitant: il faut de la présence pour vendre. Malgré tout, certain éleveur abbatent pour leur compte au près de leur boucher et partagent une bête avec des amis. Comme quoi ça existe.
J'attends avec impatience un article sur la rentabilité des structure veto
Un étudiant
Ce documentaire est effectivement très bien. Malheureusement, beaucoup de monde croit qu'il s'agit d'une nouvelle télé-réalité, parce que les gens pleurent.
des extraits vidéo sont trouvables sur youtube, moi j'en ai pleuré aussi.
je ne suis pas une pauvre petite chose, je ne suis pas facile à faire pleurer. mais voir un vieux qui pleure (avec pudeur) parce qu'il a l'impression qu'il tue ses enfants, ça me démolit.
Asthel, il faudrait qu'on toruve un moyen de montrer tout ça...
Ce n'est pas F5 mais F4, et c'était le 1er octobre
http://www.france4.fr/prog.php?id_p...
Puisqu'on parle d'émission de télé, voici celle de la semaine dernière:
http://envoye-special.france2.fr/la...
Bonjour.
Ce qui s'est produit pour les mines de charbon, pour l'industrie textile à faible valeur ajoutée va nécessairement se produire si l'agriculture ne change pas...
La seule solution serait de cultiver des produits plus rares et précieux (Bio, espèces anciennes, légumes oubliés...) : rentrer en concurrence avec la Pologne et l'Argentine c'est juste peine perdue !
A titre d'info... le Japon a fait le choix il y à 20 ans d'abandonner
TOUTE agriculture au profit d'importations Coréennes et Chinoises des produits alimentaires.
Ca semblait étrange mais le bénéfice économique a été incroyable : le PIB par habitant a explosé .... Bien sur, les campagnes sont déserte et la nature reprend tout ses droits...
Un exemple ? qui sait ....
Fourrure :
Oui, et non. La remarque est intéressante, mais l'analyse très courte (et je n'ai pas l'intention de la prolonger !). La France possède toujours une des plus puissantes agriculture au monde (contrairement au Japon ou à l'Angleterre lorsque ces pays ont abandonné leur agriculture). A des coûts certes supérieurs à ceux de nombreux autres pays.
Au-delà de l'analyse économique, ma question serait plutôt : a-t-on envie de n'avoir dans l'assiette que des aliments de la qualité de T-shirt made in China ? On ne parle plus de faire des économies sur du dispensable, là, mais de de ce que nous mangeons. L'Europe a interdit de nombreux pesticides, hormones etc. Est-ce pour les voir revenir par la bande ? je crois que la plupart des gens ne se rendent pas compte de la qualité des denrées que nous produisons, au moins au niveau sanitaire.
Ce sont des questions qu'il faudrait poser aux econoclastes, tiens.
La traçabilité… tout un poëme… bien des contraintes légitimes pour prouver que la qualité est là et pourtant on nous demande autant de rentabilité que des pays où les exigences sont moindre. Car là est bien le problème nous ne sommes plus rentable. Il doit y avoir un moyen pour faire quantité et qualité en même temps mais idiots de paysans français que nous sommes n'avons pas encore trouvé.
Produire en label ou en filière courte serait une solution, mais sans primes même ces exploitations ne sont plus rentable.
Sans prime on travaille à côté mais il faut une sacrée santé pour le faire sachant que cela signifie être cotisant solidaire donc pas de retraite, pas d'accident de travail… Seule l'activité salariée est prise en compte. En France on ne peut pas cotiser à deux organismes de protection sociale.
En fait pourquoi s'acharne-t-on à vouloir être paysan ? Combien abandonnent ? Se suicide ? Meurent au boulot ?
> Sebastien.
D'autres questions se posent. Je suis déjà d'accord avec la remarque de Fourrure sur le fait de contrôler la qualité de ce que nous consommons. Même sans faire de Bio, les normes européennes sont déjà strictes.
Il y a également deux autres points qui me semblent importants.
Le premier : l'indépendance alimentaire. Est-il judicieux d'être trop dépendant des importations pour se nourrir ? En cas de problème/pénuries, n'est-il pas du ressort du pays de s'assurer que sa population est de quoi manger ? C'est avant tout un choix stratégique et politique, mais il est important.
Le deuxième point, il est écologique. De la nourriture qui doit voyager à travers la moitié du globe pour rejoindre le consommateur ; tou ce transport, il a un cout écologique non négligeable.
Merci Fourrure pour ce billet révélateur.
Et merci aussi aux commentateur pour nous avoir donné des liens en relation avec cette situation.
Je me permets de partager celui ci :
Le désespoir est dans le pré (en intégralité)
http://www.ubest1.com/index.php?vid...
Courage à tous les agriculteurs... cette situation et le désespoir qui s'en dégage sont insoutenables. En temps que consommatrice j'agirais différemment aujourd'hui.
Comment a t'on fini par créer des races d'animaux hyperproductives mais incapables de vivre autrement que dans des bunkers à l'atmosphère ultra-contrôlée et sensible au moindre germe? Pourquoi les gens continuent-ils de s'indigner contre ces méthodes productivistes avec des éleveurs qui ne peuvent espérer qu'1€/kg (porc), 2€/kg (boeuf) même en voulant faire de la qualité? Pourquoi les gens continuent quand même de pousser leur caddie en hypermarchés -j'en fais partie, même si j'essaie de faire des efforts- entre des rayonnages annonçant 12-15€/kg pour du steack haché sans se poser de questions? Pourquoi à part seriner "ne mangez pas trop gras, salé, sucré", rien n'est fait à grande échelle pour expliquer aux gens comment bien manger, comment lire une étiquette, comment faire la différence entre un producteur et un revendeur de fruits et légumes sur le marché?
C'est compliqué tout ça...
Merci beaucoup pour ce billet et pour les commentaires qui ont suivi.
Juste un mot pour revenir sur l'image de l'agriculteur riche: j'ai grandi en parti en rase campagne et eu l'occasion de côtoyer plusieurs agriculteurs différents. L'image la plus marquante qu'il m'en reste: c'est ceux qui se plaignent le plus, qui en gagnent (pourtant) le plus.
Oui, il reste au moins 1 agriculteur riche en France mais il passe son temps à se plaindre, à geindre qu'il lui faut des deniers. En attendant il se pavane avec ses nouveaux tracteurs payé cash et son nouveau 4x4 dernier cri. Comment ne pas garder ce (mauvais) exemple en tête!
A côté de ça, d'autres trimes et galères mais eux ils ne bronchent pas ils bossent...
Avec l'autorisation de Fourrure, je me permet de poster un lien vers une vidéo que j'ai trouvé intéressante.
Il ne s'agit pas là du prix de l'animal, mais de tout ce qu'il devient dans la chaine industrielle ; avec le cas particulier du cochon.
http://blog.slate.fr/globule-et-tel...
Les éleveurs sont peut-être à plaindre, mais pas autant que les vaches.
Fourrure :br /> Si vous souhaitez faire ici du prosélytisme végétarien, je ne vous en empêcherai pas. Mais au moins, ayez la dignité d'argumenter.
Par ailleurs, notez que parmi les causes de baisse du revenu des éleveurs se trouve tout un tas de normes de bien-être animal que bien peu d'entre eux remettent en cause. Rendez-vous compte : sur le fond, ils sont d'accord (sur la forme, il y a des choses à discuter).
J'ai peut-être tort, mais je n'ai pas pensé avoir besoin d'argumenter, c'est un fait objectif. Je trouve normal qu'on plaigne les éleveurs car leur métier est difficile et peu rentable, en plus d'être de plus en plus mal vu. Mais cela me choque qu'on plaigne les éleveurs sans avoir la moindre petite pensée pour des animaux qui finiront tous par une mort violente, souvent très jeunes. Bon bien sur c'est considéré comme normal par la société, je ne dis pas le contraire. Mais essayons d'être un peu objectifs et de nous débarrasser des carcans de pensée sociaux. Personne n'a envie d'être égorgé.
Fourrure :
L'animal n'est pas une personne. Je ne dis pas qu'il n'est pas un être sensible, qu'il ne peut pas ressentir la douleur, l'angoisse, la peur. Mais il n'est pas une personne. Hale à l'anthropomorphisme.
D'autre part, si le métier des éleveurs est si difficile, c'est qu'ils ont à charge des êtres vivants sensibles qui n'existent qu'à des fins de rentabilité. C'est sans doute beaucoup plus facile pour ceux qui n'ont plus aucune sensibilité, mais je plains sincèrement (sisi, sincèrement) ceux qui comme Paysan Heureux se soucient du bien-être de leur bête. Comme il le dit à un moment donné, que faire si le soin dont l'animal a besoin est plus cher que l'animal lui-même? Et je le remercie du fond du coeur de se poser cette question. Mais s'il se la pose encore en tant qu'humain, il n'a pas à se la poser en tant qu'éleveur, et les éleveurs ne sont pas obligés de se la poser. D'ailleurs dans les élevages ou j'ai bossé, personne ne se posait ce genre de questions. Jamais.
Je suis d'accord qu'il faut que les éleveurs vivent (même si je pense qu'il faudrait que tout le monde puisse vivre, pas seulement les 2 pattes, pardon pour mon idéalisme). Mais je trouve par contre hypocrite de prétendre que le métier d'éleveur est indispensable. Car l'autre raison pour laquelle le métier est si difficile, c'est que la viande est en large surproduction. Les gens mangent de moins en moins de viande (et tant mieux pour leur cancer). Bien sur, les intermédiaires se font des marges pas possibles, et c'est les éleveurs qui l'ont dans le c**. Mais si l'offre n'excédait pas la demande, la viande pourrait se vendre nettement plus cher, logique économique.
Fourrure :
Vous avez des données fiables sur ces histoires de demande ? Il me semble que le problème est ici un poil plus complexe qu'un simple problème d'offre et de demande.
C'est pourquoi remettre en question ces normes de bien-être me parait en effet une mauvaise chose, non pas parce que celui qui les remet en question est un salaud sans coeur, mais parce qu'en y réfléchissant bien, ce ne sont pas les normes le problème, et le problème n'est pas une productivité trop basse mais un trop grand nombre d'élevages. Pour ce qui est du bien-être animal, les abus sont déjà trop nombreux, et les normes de bien-être ne sont quand même pas terrible, notamment en élevage porcin ou en aviculture (les bovins ont plus de chance). Je sais bien que les nouvelles normes concernant les porcheries vont faire perdre énormément d'argent à des éleveurs, mais franchement, quand on voit un élevage de porcs en batterie, les conditions de vie de ces animaux, c'est juste insupportable, ça ne devrait pas exister. Je sais que je passe pour une moralisatrice chiante et qui préfère les animaux aux humains, mais je ne préfère personne à personne, je trouve juste que, objectivement, même si aucune situation n'est enviable, je préfèrerais être un humain qui vient de faire faillite qu'un animal de boucherie.
Je suis désolée de faire mon emmerdeuse végétarienne, mais je trouve qu'il y a des choses auxquelles on ne pense pas. J'ai dit des choses? J'aurais du dire des individus. Ceux dont la vie se mesure en kilo de carcasse vendue. C'est triste, non? Bon je sais ce qu'on va me dire, on fait ça depuis très très longtemps, c'est naturel et il faudrait manger de la viande pour être en bonne santé. J'ai déjà entendu ça quelque part.
Tout ça pour dire: il faut que les éleveurs vivent, oui, mais le fait que leurs enfants ne prennent pas leur succession, le fait que ce soit difficile pour les nouveaux éleveurs de s'installer, hé bien cela me parait une évolution normale de la société. Les gens mangent de moins en moins de viande parce que c'est inutile et nocif d'en manger tous les jours, et les travaux scientifiques nous font de plus en plus pencher vers les légumes verts et les céréales. Sans parler de l'écologie. C'est bien triste pour les éleveurs comme Paysan Heureux, qui en plus semble bien s'occuper de ses bêtes, mais que faire? Augmenter le prix de la viande? Ce serait une bonne chose, mais les gens en achètent déjà de moins en moins, ça ne règlera pas le problème. réduire les marges? Bonne chose aussi pour les éleveurs, mais a mon sens, ça ne fera que retarder un peu le problème, et encore.
Si je pense que les animaux sont les plus à plaindre, c'est que c'est le plus souvent eux qui font les frais de ce problème (même si ce n'est probablement pas le cas de ceux de PH) avec des mesures pour le bien-être "qui doivent tenir compte des réalité économiques". Comme le fait que l'accès à l'eau obligatoire pour les canards soit symbolisé, dans certains élevages industriels, par un distributeur d'eau qui tombe goutte par goutte. C'est légal. Ca tient compte des réalités économiques.
Je sens que je vais me faire beaucoup d'ennemis :( mais j'avais envie de parler ici avec sincérité, voilà qui est fait. Désolée pour la tartine.
Fourrure :
Nope, pas de souci, et merci pour avoir répondu à ma demande d'arguments. Ceci étant, je continue à ne pas être d'accord avec la logique végétarienne (j'aime trop la viande pour ça !), mais peu importe, ce n'est pas le sujet. J'ai cependant envie d'aborder un autre point, ou plutôt, de poser une simple question : avez-vous envie de vivre dans une France sans éleveurs ? Et là je ne parle plus économie, je parle plutôt culture (au sens culturel !), paysage, histoire...
J'aime ce monde où je peux discuter avec des gens qui vivent de ce qui nous nourrit, qui prennent du plaisir à faire pousser leurs légumes comme à élever leurs poules, ou à conduire leur troupeau. Ce lien avec nos besoins primaires, tout simplement. A apprécier la qualité de leur travail, même si elle n'est pas toujours au rendez-vous (il y en a aussi qui bossent mal !).
Ne pas soutenir notre élevage, au-delà de la logique végétarienne, c'est aussi baisser les armes et laisser faire de la viande à bas coût dans des conditions bien pires que les nôtres. Nous espérons tous que le progrès se propagera vite et que la viande deviendra ailleurs aussi beaucoup plus chère à produire, et dans de bien meilleures conditions, tant du point de vue sanitaire que du bien-être animal... ou paysan.
Et puis : il n'y a pas que PH. Vous dites n'avoir travaillé que dans des exploitations où l'on ne se souciait jamais de bien-être. Pourquoi n'ai-je pas du tout la même expérience ? Est-ce parce que les gens ne nous parlent pas des mêmes choses ? Ou pas de la même façon ? Parce que nous ne sommes pas dans la même région ?
"et le problème n'est pas une productivité trop basse mais un trop grand nombre d'élevages"
Là, je ne suis pas d'accord.
Ce n'est pas le nombre qui est en cause, mais la taille.
Plus les élevages sont grands, moins un suivi individualisé des animaux est possible.
La qualité produite est du coup souvent moindre (je vois ça ici avec l'Abondance (le fromage), et la différence entre les fromages fermiers d'une ferme de 100 vaches ou plus, et ceux d'une ferme de 20 vaches)..., puisque presque industrialisée.
Je pense que si les énormes GAEC des plaines ou des zones intensives se dispersaient pour recréer des fermes indépendantes plus petite, tout le monde y gagnerait (niveau éleveurs) : possibilité de mieux rentabiliser la viande (qualité, etc...) mais aussi de diminuer la pollution, d'améliorer les paysages (plus de bosquets, haies, etc.... et moins de grands champs).
Il faudrait pouvoir totalement supprimer le système existant (notamment l'Europe et la PAC) et repartir sur de nouvelles bases, en travaillant de façon raisonnée pour ce qui est animal et céréalier.
Niveau écologie, les végéta*iens ne sont pas les plus efficaces me semble-t-il, puisque nombre de leurs "produits substituants" comme le quinoa, le soja, etc.... ne sont pas produits localement, ou alors à grand renfort de modifications "environnementales" (drainages, irrigations, serres) ou génétiques.
Egalement, les protéines et autres compléments sont fabriqués industriellement.
Tout comme vous Fourrure, je ne prends pas M. PH comme référence, parce que pour moi (et il le sait, je lui en avais déjà parlé il y a deux ans quand j'avais découvert son blog) c'est la norme.
Les éleveurs (laitiers) chez qui je travaille sont tous respectueux, raisonnés, et aiment leurs bêtes.
Certes, les chartes et normes influent probablement un peu (pas plus de 6kg de concentrés par jour et par vache, aucun aliment fermenté, etc...) sur l'état de santé général, mais je n'ai vu que des éleveurs justes.
Des hommes qui ont les boules, malgré tout, de voir partir une bête...
Pour exemple, la ferme où je suis cette semaine, il y a entre 20 et 30 vaches abondance (faudrait que je les recompte, j'oublie tout le temps), toutes cornues, certes en étable attachée (mais à 56 ans il ne va pas construire une stabu, surtout en montagne à près de 1000m d'altitude), mais bichonnées, aimées, et traitées avec justesse.
Les jeunes sont sorties tous les jours, qu'il neige, gèle ou vente ; elles restent dedans quand il pleut par contre, mais sont en stabu aire paillée.
J'ai des dizaines d'exemples de ce style, une autre de mes fermes, à 900m, en bas des pistes ; une trentaine d'abondance (il était à 50 et a diminué son troupeau) en stabu libre, soignées principalement par homéopathie, il surveille CHAQUE vêlage, connait tous les noms des vaches et des génisses, leur ascendance etc.... leur caractère, n'élève que très rarement la voix, ne les pousse pas (en production), leur fait pâturer les pistes l'été, et elles sont nourries (comme la grande majorité dans mon secteur) au foin et regain en vrac (séchage en grange).
Ici, comme sur toutes les fermes où je suis allée, dans l'Ain comme dans la Haute Savoie ou le Jura, les vaches ne sont nourries qu'avec ce qu'elles mangent d'habitude (herbe et foin) plus des céréales sans farines animales (évidemment.... mais certains font bouffer des végétaux à leurs chats, en leur rajoutant de la taurine synthétique pour éviter qu'ils crèvent.... où est le respect des animaux dans tout ça ?)
Enfin, malgré mes recherches approfondies sur le sujet, je n'ai pas trouvé beaucoup de végétar/liens qui étaient allés voir vraiment ce qui se passe dans les fermes, discuter avec les agriculteurs, de toutes les régions.
certes les conditions d'abattage ne sont pas toujours partout aux normes, en France (ça arrive malgré les contrôles) comme principalement aux Etats Unis (où la plus grande partie des vidéos militantes sont tournées).
Mais si, au lieu de militer pour la suppression de l'élevage, plus de monde se bougeait le cul pour sauvegarder les abattoirs locaux, ça éviterait des débordements et des "usinages" à grande échelle.
Cependant, je pense que la grande majorité des fermes est composée de "petites" structures (100VL, jusqu'à 300 bovins viande), et non pas d'usines à lait ou à bidoche comme ces films, toujours, veulent nous faire croire.
Quand on voit un éleveur se résoudre à coller un coup de masse entre les deux yeux d'un veau parce qu'il est malade et ne peut pas payer l'euthanasie sans risquer de couler la ferme, le geste à retenir n'est pas le coup de masse maison, mais la raison pour laquelle il est donné : éviter de voir souffrir inutilement un animal malade qu'on ne peut pas soigner.
Ce que beaucoup de monde oublie, c'est que les agriculteurs font ce métier par passion : c'est tellement plus simple de partir tous les matins à la même heure, poser son cul sur une chaise, travailler au chaud et à l'abri, et rentrer chez soi le soir !!!
Un agriculteur, c'est pas (quoique... à se demander !) par masochisme, encore moins par facilité, qu'il se lève tous les matins, week-ends, jours fériés y compris, pour les plus tardifs vers les 7h, pour être à la ferme parfois à 4h pour soigner, traire, veiller ses bêtes...
Qu'il passe des journées entières, parfois sous la flotte ou dans le froid, à se casser le dos à trimbaler ses piquets de clôtures (électrique ou non), ses fils, masses et massettes, clous, marteaux... pour faire (ou refaire) des parcs pour que ses bêtes puissent passer la majeure partie de l'année dehors en troupeau dans des prés où il y a à manger.
Qu'il n'a ni Noël, ni jour de l'An, ni premier mai, si une bête est malade ou doit mettre bas.
Combien de fois j'ai quitté la table au milieu du repas du réveillon ou de Noël pour aller tirer un veau un peu trop gros ? Et pourtant je suis pas vieille...
Je doute que beaucoup d'hommes, que ce soit à 21 ans comme à 58, aiment se lever toutes les deux heures pour surveiller une génisse qui doit vêler ; j'en connais un qui a réussi à sauver une de ses vaches d'une mammite colibacilaire... il l'a traite toutes les deux heures, à la main, pendant plus d'une semaine, jour et nuit. Pour qu'elle ne perde pas son quartier...
Et c'est pas par appât du gain ou plaisir de tirer du lait noir et puant...
le gros problème de maintenant, c'est que les gens consomment sans se poser de questions, pour eux leur steack c'est qu'un bout de viande toujours trop cher, pas une bête qui a été élevée, soignée, nourrie, déplacée, menée en champs, etc.... Et ca n'implique pas des journées de travail épuisantes, à ne plus pouvoir articuler un mot à la fin de la journée parfois.
Les opérations "de ferme en ferme" sont bien jolies, mais si les gens ne se bougent pas, à quoi ça sert ?
La télé, c'est pas mal aussi, mais on s'est tellement fait entuber que plus personne n'y fait attention.
Même les spots de prévention (routière, tabac, manger équilibrer etc...) n'ont plus d'impact.
Honnêtement, je ne vois pas de sortie à cette impasse.
Les gens ont l'habitude que tout leur tombe tout cuit dans le bec ; ça ne leur vient même pas à l'idée que ce qu'ils bouffent soit le fruit de travail de dizaines de personnes qui se tuent pour les nourrir sans reconnaissance.
Honnêtement, ça me dégoute.
je continue, parce que ça permet à quelques éleveurs de se soulager un peu ; entre mon patron de cette semaine qui a le dos bousillé parce qu'il a passé deux semaines à bosser malgré la douleur, mon patron de la semaine dernière, qui a eu un bébé mi-novembre (et passe quand même ses journées à la ferme...)...
Ceux à qui je permets de partir en vacances quelques jours, de monter à Paris, sans qu'ils se fassent trop de soucis...
Cette année, j'ai pris mon Noël, mais ça a été un déchirement : passer cette fête avec ma famille que je vois de moins en moins souvent, ou permettre à un agriculteur de passer un Noël tranquille pour une fois, qui sait depuis quand ?
Cette année j'ai choisi, parce que ma grand-mère, qui a Alzheimer, divague de plus en plus. Je veux profiter avant la fin...
Désolée pour le méga pavé (vous pouvez le virer si ça fait trop gros ;) )mais de voir la situation actuelle me désole, et de voir que certains s'ingénient à enfoncer de plus en plus cette "caste" qui est pourtant, à mon avis, une des plus méritantes, ça me rend malade.
@Fourrure: Je n'ai pas de sources précises sous la main, mais je cite mes cours de productions animales. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la production de viande augmente alors que la demande diminue, c'est donc normal que les prix soient au plancher.
Fourrure :
La production augmente sur la planète, ok, mais en France, en Europe ? (ce sont de simples questions, avec sous-entendu derrière : quelles sont les conditions ailleurs ?).
Je ne sais pas si j'ai envie de vivre dans un monde sans éleveurs, mais une chose est sure, j'ai foutrement envie de vivre dans un monde débarrassé de cette monumentale erreur qu'est l'élevage industriel, cette horreur qui n'aurait jamais du exister. (d'ailleurs je suis contre l'abattage, comme n'importe qui est contre le fait de tuer son chien quand on part en vacances, mais il faut admettre que si l'élevage concentrationnaire n'existait pas, les petits éleveurs pourraient vivre, et ce serait déjà moins pire pour les animaux).
Vous dites que l'animal n'est pas une personne, vous jouez sur les mots. Nous avons 1% de différences génétiques avec le chimpanzée, est-ce dans ces 1% que réside le pouvoir d'être une personne? Le droit de ne pas être tué pour le confort de quelques-uns?
Est-ce réellement, objectivement, de l'anthromoporphisme que de dire que les animaux expriment une volonté de vivre et de ne pas être tués? Se laissent-ils tuer sans rien dire?
C'est quand même drôle que vous disiez que les animaux ne sont pas des personnes, car justement ce que j'apprécie dans vos écrits, c'est la façon dont vous les décrivez comme tels. (outre le fait que j'apprécie votre style narratif) Vous en aimez certains, d'autres moins, vous avez vos têtes (je fais la même chose je pense) vous avez des relations très différentes pas seulement avec vos clients mais aussi et surtout avec vos patients. Vous vous mettez en rogne contre une vache sournoise qui met un sale coup de corne à son éleveur, (ce qui a choqué des gens, mais pas moi) vous pensez qu'il y a des animaux fourbes et vous pensez aussi qu'il y en a des sympas. Je n'ai pas besoin de vous expliquer qu'ils ont tous une personnalité, vous êtes au courant, ça se voit (ça se lit). Après on peut ne pas s'entendre sur le choix des termes, mais vous voyez bien ce que je veux dire je pense.
Fourrure :
Non : le coup des différences génétique,s je m'en fous. Un humain est un humain, une vache est une vache. L'animal a bien entendu sa personnalité, ça ne m'empêche pas d'assumer sans aucun complexe ma nature d'omnivore. Admettre que l'animal n'est pas une chose n'en fait pas de facto un être vivant à classer dans la même case que l'être humain. Comme vous le soulignez, oui, pour faire simple, j'aime les animaux. Y compris dans mon assiette. Et tiens, tant qu'à choquer du monde, je monte à cheval depuis l'âge de sept ans, j'en possède, j'en soigne, je pleure pour certains d'entre eux et me passe des nuits blanches pour soulager leurs coliques ou autres, mais je les adore aussi en tartare. Je n'ai pas de sentiments pour un steak, c'est tout ! Ce qui ne signifie pas qu'il faut admettre n'importe quoi comme conditions d'élevage, d'abattage ou autre, nous nous rejoignons là-dessus.
Je n'ai pas envie de voir un monde sans élevage, mais j'aurais aimé le voir sans ces bâtiments destinés à tuer. Peut-être de mon vivant verrais-je au moins diminuer ces camps de concentration que sont les élevages industriels.
Fourrure :
C'est pour ce genre de déclaration que j'ai envie de hurler. Cet amalgame est inacceptable. Je n'ai aucune envie d'argumenter là-dessus. Sur le net, on dit poliment "point godwin". Je n'irai pas plus loin sur ce point. je continue sur le reste histoire qu'on ne me dise pas que je me dérobe, mais je vous prie de bien réfléchir aux énormités que vous en arrivez à proférer.
Je ne suis peut-être pas parfaite. Mais je pense être objective. Je n'ai ni steak à défendre, (bien que j'aime le gout de la viande, je pense que c'est moins important que la vérité) ni argent à gagner. Quant à la tradition, je m'en fiche un peu. La seule chose qu'on pourrait me reprocher, c'est mon empathie. Mais si exprimer de l'empathie pour un animal est de l'anthropomorphisme, alors vous en êtes.
Croyez bien qu'il est beaucoup plus facile de se persuader que le monde est très bien comme il est et de continuer à vivre comme tout le monde sans faire chier les gens, et à manger de la viande sans se compliquer la vie. Mais c'est juste impossible si on regarde objectivement les choses, comme quelqu'un qui n'aurait rien à gagner ni à perdre à ce que la vérité soit de l'un ou de l'autre coté.
Mais nous mangeons de la viande et pour certains nous en vivons, nous sommes parfois attachés à nos styles de vie, donc nous essayons d'arriver à la conclusion qu'ils sont bien et qu'il ne faut pas les changer, et nous y arrivons. Mais la logique végétarienne est une logique qui se dresse au dessus de toutes ces attaches, imperturbable. C'est une logique détachée des intérets financiers, culturels etc. c'est une logique qui dit: je n'aime pas tuer, je peux l'éviter, je le fais. Et croyez moi ce 1+1=2 est extrêmement difficile à mettre en place dans son esprit. Ce que je veux dire c'est que ce n'est pas un raisonnement simpliste, c'est un raisonnement simple, mais qui ne peut se tenir que quand on a dépassé notre besoin très humain de mettre n'importe quoi des deux cotés de l'équation pour arriver à trouver le résultat que l'on désire. Il m'a fallu des années de reflexion pour en arriver là, et je ne pense pas être la dernière des abruties, aussi j'accepte douloureusement qu'on accuse ce raisonnement d'être simpliste. On peut bien sur ne pas être d'accord, mais c'est une autre histoire.
Bref tout ça pour dire: je n'ai rien à gagner là dedans. Si j'avais tort, je ne le ferais pas exprès pour gagner ou défendre quelque chose.
Fourrure :
Ne me taxez pas d'être partial parce que j'y perdrais au niveau financier si je perdais mes clients éleveurs, dans ma situation très précise (qui n'est pas forcément celle de mes confrère, je parle pour moi !), je serais financièrement plus à l'aise (et je dormirais mieux la nuit). Vous êtes biologiquement une omnivore, vous avez choisi de faire autrement, avec une logique argumentée mais parfaitement discutable. Et votre dernière phrase est spécieuse : vous pouvez avoir tort et être persuadée du contraire (vous pensez être objective, je pense l'être aussi, qui a tort, qui a raison ?), mais là n'est pas la discussion. Je sais faire la part des choses entre les arguments biologiques (je suis un omnivore, on peut faire autrement mais je sus un omnivore), ceux liés au plaisir (j'aime la viande) et ceux qui tiennent plus de ma connaissance de l'élevage et du système dont je suis un modeste maillon. Je ne me mens pas pour me convaincre, merci aussi de ne pas me prendre pour un idiot, je ne suis jamais venu vous dire que vous étiez simpliste. Je sais que l'élevage peut être une saloperie, mais je ne jette pas le bébé avec l'eau du bain.
La position végétarienne me déplaît car lorsqu'elle a un fondement éthique (comme la vôtre apparemment) elle en devient forcément une position extrême (de l'élevage ok à la limite si dans des conditions que vous jugez bonne). Je n'aime pas les positions de principe, je n'aime pas les extrêmes, et je reconnais bien volontiers qu'il y a pire que vous, mais bon. Moi, mon taf', ma vocation, c'est d'améliorer les choses, mais en gardant une parfaite conscience de nombreux facteurs, qui vont au-delà de l'animal sans l'oublier : l'éleveur, la sa vie, son œuvre, l'économie, les réalités humaines et pratiques, etc.
C'est rarement le cas de mes adversaires...
@Solexine, je ne répondrai pas sur le reste du message, mais seulement sur le factuel. Vous êtes très mal renseignée sur les avantages écologiques d'un régime végétarien. Mais venir râler sur mon blog ne vous renseignera pas, car ce n'est pas un espace prévu pour. il faut que vous vous renseigniez vous-même, avec objectivité. Je vous conseille google scholar ou pubmed pour faire des recherches. Votre contre-argument concernant l'écologie est non seulement faible, mais en fait il est absurde et risible quand on a conscience que la production de viande est une production a faible rendement et que ce qu'a mangé un animal dans sa vie représente bien plus de calories que ce qu'il fournira. Quand on pense que 70% des cultures de la planète sont destinées à nourrir des bêtes, il y a de quoi se poser des questions. Je ne vais pas faire le travail de recherche à votre place, car j'estime que si vous ne le faites pas, c'est que vous n'avez aucune envie de découvrir la vérité. Mais voici au moins un document qui aborde le sujet avec sérieux:
http://www.prodinra.inra.fr/prodinr...
Juste une chose : si il n'y a plus du tout d'élevage, comment les cultures seront engraissées ?
@Fourrure: Je ne vous accuse pas de défendre des choses qui ne devraient pas l'être pour défendre votre gagne-pain. En revanche, vous le faites pour défendre ce en quoi vous croyez sans avoir à le remettre en question. Ce qui est très humain, mais qui vous conduit à occulter une partie de la réalité (a savoir que l'animal qu'on mange est peut-être tout aussi adorable que celui qu'on cajole, et que c'est profondément injuste, et qu'on ne fait rien contre cette injustice flagrante). Je ne pense pas être extrêmiste, je suis intègre (autant que faire se peut) mais pas intégriste. Vous vous trompez lorsque vous pensez que j'occulte une partie de la réalité, la réalité humaine de l'éleveur etc. Je m'intéresse à des problèmes globaux. Les facteurs dont vous parlez comptent, mais c'est une question de priorité. Tout ce que je fais, c'est mettre la vie au-dessus de l'argent, et peut-être aussi que je met la justice au-dessus des traditions. Sans doute, oui.
Quant à notre "nature d'omnivore", il est important de savoir, tout de même, que non seulement on s'adapte parfaitement bien à un régime végétarien, mais qu'en revanche on s'adapte plutôt très mal à cette habitude récente de manger de la viande à chaque repas. Cancer, diabète, obésité, hypertension et j'en passe.
Fourrure :
Omnivore c'est omnivore. Ni carnivore ni herbivore. Pour le reste, j'occulte la réalité, vous occultez la réalité, vous avez des œillères, j'ai des œillères, c'est un dialogue de sourd et ça n'a plus d'intérêt, car nous en arrivons chacun au "de toute façon j'ai raison". Je suis un homme de consensus : reconnaissons-le, nous avons toux les deux tort (mais moi moins que vous, bien entendu).
Solexine soyez un peu lucide, engraisser les cultures est un problème bidon, nous sommes en train de détruire la planète en élevant des milliards d'animaux pour notre petit confort.
Fourrure :
Pour nous nourrir, aussi. Je sens que cet argument ne va pas porter.
Quand je disais que la production augmente et que la demande baisse, j'oublie de préciser que je parle des pays industrialisés, car ailleurs la consommation de viande augmente (dans les pays pauvres). On pourrait dire que la solution est d'exporter de la viande. Après tout au point où en est la planète...
Une dernière chose, je ne sais pas si voir la france sans élevage sera bien ou pas, mais au rythme ou nous développons l'élevage, on va bientôt voir la planète sans aucun animal sauvage. Et ça c'est moche.
Fourrure :
L'élevage n'a jamais empêché les animaux sauvages de vivre. Ici l'endroit le plus spectaculaire pour observer des hardes de cerfs est un silo d'ensilage.
Enfin j'admet que là on part loin et que ça dépasse le simple problème du cours de la viande bovine.
Mais j'aimerais que les gens qui mangent de la viande aient parfois une pensée juste pour l'animal qui fut tué pour leur confort gustatif. Je n'aime pas cette société dans laquelle les humains et les animaux sont réduits à des objets. (surtout les animaux). Nier les ressemblances entre les humains et les autres animaux c'est occulter une réalité qui fait que certains humains passent parfois de l'autre coté de la barrière. Lire "un eternel Treblinka" de Patterson qui explique comment au cours de l'histoire c'est arrivé maintes fois. Non ce n'est pas un point godwin, c'est un parallèle.
Fourrure :
N'essayez pas de justifier les phrases que vous avez commises dans votre billet précédent.
L'elfe m'a paru plus convainquant
Surtout et ça, il faut vraiment que vous en ayez conscience, il rejoint un discours très dominant dans les journaux, blogs, études et même télé qui me hurle de manger moins de viande voir pas du tout. Le tout à coup de diagrammes, de rapports scientifique, de géo-politique... À qui dois je prêter l'oreille ?
C'est un discours économique (lu maintes fois dans les revu eco sur le poids de l'élevage contre l'agriculture),
médical (je passe sur les innombrables maladies qu'on me promet)
et enfin éthique (je ne peux tout simplement pas concilier mon confort et ma conscience)
Je veux vraiment que vous ouvriez les yeux et que vous voyez enfin l'écrasant discours auquel on nous soumet constamment. Nous sommes sensibles aux discours.
Je me dois aussi de rappeler que mon temps et mon revenu ne sont pas extensibles. C'est très aimable de me parler de petits éleveurs, de bio "pas si cher" et que "ça ne prend pas beaucoup plus de temps". Sauf que vous niez totalement qu'on a peut être déjà une vie remplie.
Ici vous devriez donner des clés : des noms de commerces, des adresses, des méthodes, de bonnes pratiques à suivre. Ne restez pas dans le général.
Je ne peux pas assumer tous les désirs de tout le monde ni toutes les industries. Je le sais parce que j'y échoue. C'est l'une des principales raison à ce que vous prenez pour de l'indifférence.
Vous, les commentateurs, vous demandez souvent pourquoi les gens "voient rien" ou "disent rien". Vous nous prenez pour des imbéciles égoïstes ? On retrouve la même culpabilisation sur les blogs/journaux/assos de libraires, pour l'immigration, les sdf, etc.
Vous oubliez tout simplement que nous avons aussi nos considérations et la fuite en avant de notre quotidien.
Mais on est là dans le même monde que vous tous !
Fourrure :
Je ne comprends pas bien ce que vous demandez, ni à qui vous vous adressez d'ailleurs. Vous voulez quoi ? Des adresses de petits producteurs, des AMAP, des Biocoop ? Ils sont, par définition et dans cette logique, autour de chez vous. Google vous renseignera mieux que n'importe qui.
Vous nous dites que votre budget et votre temps en sont pas extensibles. Je suis bien d'accord, et c'est pourquoi je fais souvent remarquer à ceux qui critiquent l'agriculture intensive (qui est tout à fait critiquable !) que c'est elle qui leur permet de manger pour un budget si réduit. Le bio et les AMAP, c'est super chouette mais c'est un budget de luxe. Ou alors il faut revoir ses habitudes de consommation et arrêter de réduire la part de l'alimentation dans le budget des familles.
Ou bien vous continuez à faire les courses chez Leclerc parce que c'est simple et pas trop cher. C'est là que je ne rejoins pas l'Elfe (j'avais oublié cette conversation) : j'admets que dans notre monde imparfait, on a une agriculture dans laquelle certains animaux sont élevés dans des conditions intensives qu'on aimerait bien éviter. Comme les légumes et les céréales, sauf que ces derniers ne souffrent pas (mais ces modes de cultures ne sont pas bons pour l'environnement). Parce que j'admets que beaucoup de gens n'ont tout simplement pas les moyens de consommer autrement. Notamment nombre de mes clients.