Rentabilité de l'élevage bovin

Un petit tableau issu du billet et des chiffres bien réels du blogueur-éleveur Paysan Heureux.

Les explications de PH sur son blog sont très claires et très complètes. Je ne vais pas m'amuser à tout recopier, je vous invite plutôt à le lire, mais, des fois que vous ne fassiez pas l'effort, je tiens à ce que ses explications accompagnent ses chiffres - il serait tellement facile de leur faire dire n'importe quoi. D'une manière générale, je vous conseille sa lecture si vous voulez approcher la réalité de ce boulot de dingue, qui rendit autrefois ces travailleurs aisés, quand, aujourd'hui, on ne les considère plus (parfois) que comme des empoisonneurs mangeurs de primes.

Paysan Heureux - Compta analytique pour la production d'un kg de viande bovine

==> 0.80 € d'achats d'intrants, engrais ou aliments, sachant que je suis très très autonome !
==> 0.65 € d'accès à la terre: le fermage, incompressible !
==> 0.76 € pour tous les services: assurances, vétos, réparations entretien, compta ...
==> 0.62 € comme rémunération du travail avec les charges sociales . Ces dernières ne sont pas calculées sur les prélèvements mais représentent 43 à 44 % du revenu agricole ! Si je prélève 1200 € par mois pour la famille, cela fait une rémunération horaire de mon temps de travail d'environ 6 € de l'heure !
==> 0.60 € pour les amortissements du matériel et surtout des bâtiments ! J'ai des bâtiments anciens et j'achète des tracteurs d'occasion ! Si je devais tout reprendre pour cause de mises aux normes, ce montant serait majoré de 20 à 30 cts au minimum ! Le reste du matériel est globalement ancien et j'emploie du matériel en CUMA ! Là encore, les mise aux normes me posent problème ! Rien que le remplacement des vieux tracteurs par un de 5000 h majorera ce chiffre de 0.13 €. en 2010...
==> 0.20 € d'impôts, de taxes et d'intérêts d'emprunt sachant que là encore je suis au plancher !

Notez qu'il s'agit d'un éleveur dans la force de l'âge, dont les investissements lourds sont derrière lui, avec un beau troupeau de charolaises (des vaches à viande, donc) dans une région propice à l'élevage. Et qui par dessus le marché gère très bien son exploitation, tant d'un point de vue conduite de troupeau, culture que "comptable".

Disons le clairement : non seulement il gagne peu et travaille énormément, mais même dans sa situation "privilégiée", il a passé une année 2009 à perte.

Je vous laisse imaginer le sort des jeunes (donc endettés) éleveurs, a fortiori s'ils ont le malheur de s'être installé dans des régions où la sécheresse ou la pauvreté des sols, ainsi que les dénivellations, rendent la culture et donc l'alimentation des animaux plus difficile (comprendre : plus chère).

Ces chiffres, je les approche tous les jours avec mes clients dont je ne suis pas un comptable mais, parfois, un banquier (les impayés s'accumulent pour certains depuis deux à trois ans), et, en tout cas, un partenaire : je serais un véto riche si mes clients étaient riches. Nous avons fait le choix de ne jamais refuser un appel d'un éleveur, même lourdement endetté chez nous. Nous n'en avons envoyé aucun à l'huissier. Ils n'ont pas le choix, ne peuvent appeler que nous, et nous tenons à cette notion de "service public". Ce volet de "service" était jusqu'à il y a peu, indirectement rémunéré en partie par les prophylaxies, mais elles tendent à disparaître, victimes de leur succès, et ce n'est pas la gestion calamiteuse de la FCO qui peut compenser quoi que ce soit. Au contraire, cette dernière nous a plutôt poussé dans un complexe conflit avec nos clients, en partie relaté dans les billets de la catégorie "FCO" de ce blog. De toute façon, le travail sanitaire du vétérinaire n'est pas là pour financer le reste de son activité !

Mes conseils financiers, comptables et autres, m'indiquent que je ferai bien de cesser mon activité rurale pour améliorer la rentabilité de ma structure, ce qui revient à dire : laisser des éleveurs sans vétérinaire à moins de trente kilomètres (sachant que de toute façon, la plupart des structures vétérinaires de ma région sont grosso-modo dans la même situation).

Finalement, notre objectif devient : se faire plaisir et rendre service sans plomber notre société, c'est à dire sans perdre d'argent sur la rurale. En le disant autrement : ce sont les chiens et les chats qui subventionnent les soins aux vaches et aux moutons dans ma clientèle.

Pour combien de temps ?

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