Ecouter
lundi 19 janvier 2009, 12:53 Vétérinaire au quotidien Lien permanent
Écouter.
Un cœur qui bat.
Une litanie, un simple bruit.
Écouter.
Pour ne pas voir ne pas entendre.
Ne pas savoir ces gens qui pleurent.
Ces grands enfants ces vieilles gens.
Terrorisés, ou affligés.
Impuissants.
Écouter.
Un cœur qui bat.
Mon stéthoscope, les yeux fermés.
Écouter.
Ne pas pleurer, ne pas plonger.
S'enfuir, ou se cacher.
Loin de ces gens, loin de ce temps
Entouré, caressé.
Il part...
Un battement. Il manque un temps.
Le rythme se perd, le tempo pleure
Une rébellion, dernier clairon
Fibrillation.
Le son s'éteint,
Lentement.
Le sang s'enfuit
Il n'y a plus.
Que ce cœur, que ce rythme, que ces coups, cette pulsation.
Je suis parti, il m'a
Enfui,
Je suis assis, près de lui
Ils sont là
Mais ce cœur solitaire
Ne bat plus que pour moi
Je suis seul à entendre
Cette musique là
Ce coma.
Je recueille
Quelques minutes, quelques mesures
Ce dernier souffle,
Une fugue.
Doucement.
Silencieusement.
Dernier témoin.
Sans douleur, sans souffrance
Loin des gens, loin des enfants, de ces adolescents, de leurs parents
Si nombreux.
Sa dernière pirouette
Était pour eux.
Son dernier battement.
Pour moi.
"Il est parti.
C'est fini."
Commentaires
...
C'est malin, j'ai failli pleurer...
Que ce métier doit être dur parfois...
La mort vous épuise, doc. A force de poser du point final, vous vous étiolez en points de suspensions, il manque des lettres capitales pour annoncer le retour triomphal d'un début de phrase, un nouveau cycle, avec un V comme Vie ou comme Victoire...
Fourrure :
Oui et non. La mort, par euthanasie ou pas, peut être un moment très violent lorsque la distance s'écrase sur la douleur des personnes qui m'entourent. Comme avec le poney de Noël. Celle-ci par exemple, je l'ai très bien vécue, parce qu'elle était l'aboutissement logique et inéluctable de l'existence d'un animal pour lequel tout avait été fait, sans acharnement. Bien sûr, ce n'est pas facile. Bien entendu, les larmes sont contagieuses. Et la vie, je la donne tous les jours aussi... ne serait-ce qu'à travers les vêlages ou les césariennes, mais dont j'ai moins besoin de parler que des morts.
j'ai les larmes aux yeux ... que c'est beau ...
Comment vivez-vous une telle sensibilité dans votre quotidien professionnel ?
C'est bien triste , y a t'il quand même des moments joyeux dans la vie de véto ?
Fourrure : Donner la vie ? Ou la sauver ?
Oui, il y a aussi de très bon moments.
Maman, pourquoi tu pleures ?
Parce qu'un chien, que je ne connais pas, est mort quelque part. Le vétérinaire l'a laissé partir, et moi je pleure.
Et le vétérinaire, il pleure aussi ?
Oui ma chérie, lui aussi il pleure. Au-dedans.
Et moi qui venais chercher un peu de réconfort en cette pénible période de partiels...
En tout cas, même si c'est triste, c'est vraiment beau.
En effet, cette mort là est belle, paisible, sereine. Elle est dans l'ordre naturel des choses. C'est sans doute pourquoi, pour une fois, vous l'évoquez dans sans culpabilité.
Bon, et pourquoi je ne peux pas accéder à votre page par un ordinateur et je suis obligée de me connecter depuis mon tel (et depuis l'étranger en prime, vos patients radins vous regardent de travers, maintenant vos lecteurs radins vont en faire de même). Suis-je la seule dans ce cas ?
Fourrure :
Oui, enfin, c'était quand même une euthanasie. Pas forcément une spécifiquement d'ailleurs, c'est vraiment une étrange sensation que d'écouter les derniers battements du cœur d'un animal.
Par contre, je n'ai pas bien compris votre souci d'accessibilité, a priori il n'y a pas de raison de ne pas pouvoir venir sur cette page depuis un ordinateur, quel qu'il soit ?!
C'est moi ou vous avez le moral dans les chaussettes en ce moment?
Je ne retrouve plus la verve, l'enthousiasme, de Conte de laie ou de Origine...
Des vacances?
Bonne journée
Quand je me connecte depuis un cyber via Explorer *soupir* j'ai droit à une page introuvable, quelle que soit l'adresse que je mette. Mais bon, c'est peut-être la connexion du coin qui merdoie... Je rejoins Aline, qui exprime de manière directe ce que je cherche (vainement) à insinuer avec tact : j'ai le sentiment que ces décès vous fragilisent. Darth Vader n'a décidément pas envie de faire du mal à Bambi, même si on le paie (ou pas ) pour ça. Dans un commentaire de Colère vous disiez passer votre temps à vous en vouloir. Pourquoi ?
Jumasa, il n'a jamais été dans mes habitudes de tourner autour du pot: je ressens de a fatigue, de la lassitude, mais aussi et surtout, un mal être insidieux et culpabilisant qui me fait m'inquiéter pour Mr le D Fourrure!
Pourquoi? A mon humble avis d'extérieure... Parce que véto, surtout en ce moment, c'est peut être un beau métier, mais c'est aussi un métier dur, et que la dureté est plus facile à voir et à ressentir que la joie par lmes temps qui courent...
ERt c'es Adeline, ou Spadie, au choix, mais pas Aline, non mais! ;)
Han !!! Spadie, vous z'ici ? Tain, pas juste, moi j'ai gardé mon pseudo au moins ! Scusez nous Doc, on papote... Je disais donc j'ai tourné autour du pot (et t'es bien placée pour savoir que Diplomatie n'est pas mon 2ème prénom) parce qu'un avis est toujours subjectif, personnel et surtout intrusif.
Où s'arrête la compréhension et où commence l'indélicatesse ? Quand quelqu'un m'invite chez lui je ne fouille pas ses placards, Fourrure raconte des choses suffisamment douloureuses comme ça, il n'est peut-être pas nécessaire d'appuyer là où ça peut éventuellement faire mal, et surtout, avant d'être un lieu d'information, d'émotion ou simplement de détente pour nous. ce blog est un moyen d'expression pour lui. En bref, arrête de lui conseiller de prendre des vacances, on va lire quoi s'il s'en va ?
ben vu que c'est bibi qui vous avait parlé de ce blog là, voui, je suis toujours là.. Et à un pseudo, sur mes blogs préférés, je préfère mon nom, signe de respect étrange je l'avoue, mais c'est comme ça!
Je fouille pas les placards, je constate et je l'exprime, ignorer par "décence" est parfois un mal, je préfère mettre les pieds dans le plat que me dire que j'aurais peut être pu... Brute de décoffrage, parfois indélicate, parfois trop franche.. Oui je l'avoue. Loin d'être parfaite! Bonne cuisinière, ça rattrape?
Et si il y a vacances, hé bien, il y aura vacances.. Et la joie des retrouvailles ensuite!
A bientôt, Jum's...
PS: j'ai adopté 2 minettes abandonnées cet hiver,la famille s'agrandit, j'espère que tes gremlins vont bien...
Allez, on replonge le nez dans le sac en cherchant quoi, rien sinon un subterfuge pour cacher les deux grosses larmes qui vont gouliner d'un instant à l'autre en emportant le marron des cils, déjà bien fatigué par la journée. C'est un beau triste-instant que vous racontez-là, je n'avais pas réalisé que vous viviez ça.
Comment faite-vous pour évacuer les détails visuels/textures/odeurs/sons qui s'incrustent dans l'esprit dans une situation de mort difficile/violente ? Arrivez-vous à les éviter ?
J'ai vécu plusieurs mois avec les visions subites de ma nénette crachant son sang (hémorragie interne, mort chez le véto - empoisonnement aux anticoagulants), son cri, mon je t'aime dans la voiture en panique, ses yeux dilatés sur la table du véto, ses doigts bleus, mon visage dans la fourrure de son ventre, des détails assaillants, grossis comme une photo en macro. Plus d'un an après, il m'est difficile d'en parler (d'ailleurs, là, je vais sortir du bureau avec mon sac sur la tête). Ca veut pas partir, je frotte la tâche pourtant.
Trois chats supplémentaires ont fait du bien, quand même. De nouvelles vies quoi.
Bon courage en tout cas
Ce n'est pas tellement de donner ou de prendre la vie qui importe, même si cela d'une part nous enchante et d'autre part nous rend triste, ou génère en nous de la colère.
C'est de considérer que la vie, que toute vie, est une chose sacrée qui doit être respectée.
Tant que je ressentirai cela en moi, je continuerai ce beau métier...
Bon courage confrère
Bon... ben voilà... c'est juste beau et ça évoque tellement de souvenirs. En plus, j'espère que vous allez le mieux possible... Adeline a réussi à m'inquiéter...
Ouh la, que de commentaires tout d'un coup !
C'est très agréable de lire vos réactions, et même vos discussions. Ne vous arrêtez pas !
Pour répondre un peu à toutes vos remarques...
Non, la plupart du temps, une euthanasie ne me fait pas culpabiliser. La culpabilité accompagnerait un sentiment de faute, pas forcément celui d'un échec si tout a été tenté. De toute façon, une euthanasie que je ne veux pas faire, je ne la fais pas. Je passe mon temps à mon vouloir plutôt vis à vis de ma gestion des gens que de leurs animaux. Difficulté à saisir ce qui fait fonctionner une personne, humaine colère, ce sont des choses normales mais frustrantes.
Quant aux billets gais ou joyeux, et bien... pour moi, celui-ci n'était pas un billet pessimiste, ou sinistre. Triste, certainement, mais sans morosité. Pour le reste... disons qu'il est plus facile de parler de la mort que de la vie, le seconde ayant tendance à susciter une mièvrerie qui m'écœure facilement. Les billets humoristiques, eux, ont une fâcheuse tendance à me décevoir, souvent parce qu'ils appuient sur l'insuffisance ou la stupidité humaine, et que le cynisme n'est pas, pour moi, un refuge.
Enfin, j'ai plusieurs "cas" en tête qui pourraient faire l'objet de billets, mais qui ne sont pas faciles à traiter. De beaux succès humains et médicaux sur des cas très complexes, à tous points de vue. J'attends de trouver le bon angle.
J'écris le plus souvent mes billets sur un coup de tête, c'est aussi pour cela qu'ils sont irréguliers. Il s'agit parfois d'histoires anciennes, parfois d'histoires récentes, mais pour lesquelles je viens de trouver une voie d'abord qui me convient. J'écris spontanément, je me relis toujours immédiatement, mais pratiquement jamais plusieurs jours après. Je publie directement, ou je programme la publication du billet, mais sans revenir dessus.
Il y aura peut-être du soleil et des sourires, peut-être des larmes et de la souffrance. C'est selon.
On verra.
Z'avez vu comment on s'inquiète pour vous ?
Bon, juste pour vous dire que vous avez tort concernant les récits sur la vie, on peut en parler sans être mièvre, avec émotion, justesse et humour, comme pour la mort, et c'est exactement ce que vous faîtes.
L'important n'est pas le sujet traité mais la manière dont on le traite.
Et Spadie, génial pour les deux poilus ! Ici les chauves souris vont bien, à peine j'étais rentrée qu'elles ont recommencé à faire la nouba alors que pendant la semaine elles étaient sages comme des images de calendrier de Suzanne le Good. C'est moi qui doit les rendre tarées... :-)
Je viens de découvrir votre blog par hasard. J'aime beaucoup malgré ce dernier post très émouvant. Bravo, continuez.
j'ai découvert votre blog en faisant des recherches google sur la FCO...je suis véto aussi. et je vois que je ne suis pas la seule à vivre intensément mon métier. vétos, nous faisons partie de ceux qui voient encore en face la naissance et la fin de la vie. des vies certes animales, mais dont dépendent de près ou de loin des vies humaines. et en fin de compte je me dis que pour apprécier le métier de véto, ce n'est pas tant les animaux qu'il faut aimer. ce sont les gens.
Je me souviendrais toujours d'un jour où une maman est venue m'apporter le corps du chat de la famille, qui venait de décéder. Et avec, les deux dessins de ses enfants, pour que je les mette avec le chat.
En tout cas j'apprécie votre blog, je m'y reconnais. Et je comprends aussi votre besoin d'anomymat.
Buongiorno a tutti,
Je viens de découvrir ce blog. Je suis une grande amie des animaux et je ne compte plus le nombre de mes chats SPA lol. Je suis psy, vivant à Rome depuis peu, la Ville Eternelle...Egalement bouddhiste ( si qqn veut des intros sur le sujet ;-)convaincue, je me suis régalée avec mes premières lectures de ce blog. Juste un petit mot pour me présenter donc.
Bonne année à tous, Auguri !
Karin, Rome, 36 ans
Très émouvant.
Si dur.
J'ai pleuré en lisant ce poème.
Cela réveille malheureusement le souvenir du moment le plus dur de ma vie.
Il faut être fort pour faire ce métier, celui que je voulais faire étant petite, avant de changer de voie en sachant que la vue du sang m'est insupportable.
Tant de souvenir... Un chien et une rate sont partis sous le liquide rosé, de cette même manière. Mes deux plus fidèles compagnons d'ailleurs... Vous faite un fabuleux métier, que j'aurai adoré exercer (mais je ne suis pas assez tombée dans ma jeunesse pour chopper la bosse des maths...). Je vais lire ce blog, qui m'a l'air merveilleux.
Merci...