Tests génétiques et autres boules de cristal
dimanche 12 octobre 2008, 11:45 Quelques bases Lien permanent
A l'origine de ce billet, une demande de Véro suite à une discussion sur le blog Aube Nature, au sujet d'une maladie cardiaque chez les chats de races Maine Coon dont le dépistage est désormais possible grâce à un test génétique.
Plutôt que de me lancer sur une discussion pointue au sujet de ce test, je pense plutôt reprendre quelques fondamentaux... ce qui me permettra sans doute de répondre aux questions soulevées par cette maladie et ce test.
Quelques bases
Aujourd'hui, la plupart des gens ont entendu parler de l'ADN et des instructions qu'il contient, les gènes, mais je ne crois pas inutile de reprendre quelques paires de bases.
L'ADN, c'est une immense suite d'instructions qui se trouve en nous et qui permet à notre corps de se construire dès le début de notre vie, qui lui permet de fonctionner, de lutter contre les maladies. L'ADN contient les informations qui font de nous un être humain, et non une baleine ou un myosotis. Et il y a de l'ADN dans tous les êtres vivants, même dans les tomates. C'est à cause de votre ADN que vous êtes un homme, ou une femme, que vous êtes blanc ou noir, que vous avez les cheveux bruns ou les yeux bleus.
Par contre, ce n'est pas seulement votre ADN qui fait que vous êtes petits, ou gros, ce n'est pas lui non plus qui est responsable de votre cicatrice en travers du menton, souvenir d'un coup de fouet reçu dans un train quand vous étiez jeune. Ce dernier exemple est caricatural, mais très important : votre ADN ne définit pas votre existence, il ne donne que les plans. Votre alimentation, votre éducation, votre "histoire" jouent également un rôle important dans ce que vous êtes aujourd'hui. Le débat de l'inné et de l'acquis ne date pas de la découverte de l'ADN...
Les généticiens parlent de génotype - le plan, les instructions contenues dans l'ADN - et de phénotype - votre apparence, et, au sens plus large, toutes les caractéristiques que vous exprimez.
Le phénotype dépend du génotype, mais pas seulement : cette cicatrice au menton fait partie de votre phénotype, mais elle n'était pas prévue dans le génotype.
Le phénotype est en partie déterminé par le génotype, mais toutes les instructions du plan ne se retrouvent pas forcément dans le phénotype. Par exemple, nous savons tous que nous sommes plus grands que nos parents, pourtant, ils possèdent à peu de choses près le même génotype : la différence, c'est que nous avons reçu une meilleure alimentation, de meilleurs soins médicaux, bref, nos parents ont donné à notre génotype la possibilité d'exprimer certaines potentialités qui étaient restées cachées chez eux.
Un abus très fréquent est de tout ramener à la génétique, comme Zola ramenait tout au milieu social - un fils d'alcoolique sera forcément un alcoolique ?
C'est une erreur. Nous ne sommes pas que le produit de nos gènes. Ceci est également valable pour les animaux. Voilà pourquoi il est stupide de croire que les pitbulls sont des chiens méchants, ou que les labradors sont tous des anges.
Je prends un exemple caricatural, le standard du labrador, mais ça pourrait être celui de n'importe quelle race :
Tempérament: Intelligent, ardent et docile, il ne demande qu’à faire plaisir. Naturel amical sans aucune trace d’agressivité, il ne doit pas non plus se montrer craintif à l’excès.
Si ça fait partie du standard, c'est que l'on sous-entends que tout ceci a un déterminant génétique majeure, or ce n'est pas vrai. Par contre, les chiens ne font pas des chats, et un chiot labrador, élevé par une mère labrador et des éleveurs qui attendent de leur chien qu'il soit un labrador, sera généralement conforme à ce standard comportemental, qui, de toute façon, ne se mouille pas trop tout en rassurant les futurs maîtres. Le problème, c'est la grosse déception de ceux-ci quand leur bébé inscrit au LOF ne correspond pas à la notice, souvent parce qu'il l'ont mal éduqué...
Petite remarque en passant, je crois qu'il est marqué "intelligent" dans tous les standards de race... Passons, je disgresse.
Allèles ? Ouh la !
Là, évidemment, je vous ai servi des exemples dans lesquels il semble évident que l'ADN ne fait pas tout, voire pas grand chose. Il est désormais acquis que notre comportement, comme celui de nos animaux, est plus le fruit de notre - et leur - éducation que d'un quelconque destin tracé dans nos gènes.
Las, le sujet serait plutôt, à la demande de Véro qui m'offre une excellente occasion d'aborder des sujets complexes et qui me tiennent à coeur, les maladies génétiques.
De quoi s'agit-il ? Certaines maladies sont inclues dans le plan. Dans l'ADN. Par exemple, la mucoviscidose, bien connue deux jours par an pendant le téléthon, mais oubliée le reste du temps à moins qu'un jeune homme ne rappelle son existence au grand public.
Là, les esprits les plus observateurs feront remarquer qu'il n'est pas logique qu'une telle maladie puisse exister dans le plan, puisque l'ADN est transmis par les parents, or ceux-ci n'étaient pas malades. Les choses se corsent, accrochez-vous, c'est très important pour comprendre la suite.
Notre ADN est une suite de gène, d'instructions. Chacun de ces gènes est présent en double, mais pas forcément dans la même version (le terme employé en génétique est allèle). L'une de ces versions est transmise par le père, l'autre par la mère (l'une était dans l'ovule, l'autre dans le spermatozoïde). Par exemple, pour la couleur des yeux, je peux avoir une version bleue, et une version marron, ou bien deux bleues, ou deux marrons, selon ce que m'ont légué mes parents.
Si j'ai deux fois la version "bleu", on dit que je suis homozygote pour ce gène, et j'ai les yeux bleus. Idem avec deux version "marron", et des yeux marrons.
Et si j'ai deux versions différentes, une bleue, et une marron ? On dit que je suis hétérozygote. Et j'ai les yeux de quelle couleur ? Marrons, parce que la version "marron" est dominante sur la version "bleue".
Maintenant, intéressons-nous à la transmission : si j'ai un enfant, et que je suis homozygote "bleu", je vais leur transmettre, forcément, la version "bleue". Leur mère leur offrira une autre version, ou la même, et puis on verra bien.
Mais si je suis hétérozygote "marron-bleu", j'ai une chance sur deux de leur transmettre la version "marron" ou "bleue". J'ai les yeux marrons, mais, si ma femme donne une version "bleue", et moi aussi, les yeux de notre enfant seront bleus.
Ceci est un exemple simpliste de transmission dite mendelienne, du nom de son découvreur.
La mucoviscidose fonctionne à peu près comme ça : des parents sains, mais hétérozygote, transmettent une version "maladie" et celle-ci se déclenche si l'enfant possède deux versions "maladie".
Mais la plupart du temps, ça ne marche pas comme ça, car la vie est beaucoup plus compliquée.
Il existe bien des versions dominantes et dominées (on dit récessives), mais le plus souvent, une caractéristique physique est le fruit de l'expression de plusieurs gènes. Certains sont dominants, d'autre récessifs, il peut en exister des dizaines de versions, et non pas seulement deux, et en plus, en général, d'autres gènes viennent modifier leur expression. Par exemple, et c'est imaginaire, un gène "blue lagoon" pourrait finalement faire que c'est la version "bleue" qui va s'exprimer aux dépends de la version "marron", et qu'un hétérozygote "marron-bleu" ait finalement des yeux bleus grâce au gène blue lagoon.
Certaines versions, dominantes ou récessives, ne s'expriment pas toujours. Dans ce cas, on dit qu'elles ont une pénétrance incomplète.
Du phénotype, on ne peut donc pas déduire le génotype.
Et si on a le génotype, on n'est pas sûr du tout de pouvoir prévoir le phénotype.
Maintenant que nous savons de quoi nous parlons, revenons en à la question de départ, qui concerne le test génétique de dépistage de l'hypertrophie concentrique du myocarde chez les chats de race Maine Coon.
Le coeur serré
L'hypertrophie concentrique du myocarde, ou cardiomyopathie hypertrophique, ou HCM pour faire classieux, est une maladie qui provoque un épaississement du muscle cardiaque, aux dépends de ses cavités. Le résultat, c'est que le débit de la pompe cardiaque s'en retrouve modifié, puisque moins de sang est pompé à chaque contraction. Le malade s'épuise petit à petit et peut même décéder brutalement sans signe précurseur majeur.
Le diagnostic est réalisé à partir d'un ensemble de symptômes, et confirmé par une échographie du coeur.
Hem. Et l'Ecole Nationale Vétérinaire de Maison-Alfort n'est pas la seule autorité en matière de cardiologie vétérinaire, très loin de là (je précise, pour avoir lu cette énormité quelque part...).
Cette maladie est extrêmement rare chez le chien, mais assez fréquente chez le chat.
Déjà, votre attention de généticien s'éveille : il y a donc un déterminisme génétique.
Elle est fréquente chez les chats de race Maine Coon, on peut donc supposer que la sélection réalisée par les éleveurs a involontairement favorisé une version "maladie" d'un gène qui coderait l'avenir du muscle cardiaque. C'est malheureusement souvent le cas : la sélection classique se fait sur un ensemble de critères physiques plus ou moins objectifs, et il arrive parfois que l'on favorise certaines maladies, surtout si elles ne sont pas visibles immédiatement, comme c'est le cas de notre hypertrophie concentrique du myocarde. Avec cette maladie, il a fallu le développement de l'échocardiographie vétérinaire et la multiplication des cas pour comprendre ce qui se passait, et tenter d'agir dessus, tout d'abord en écartant de la sélection les animaux malades.
Le souci, c'est que ces animaux potentiellement malades pouvaient ne l'être que très tardivement, voire jamais. Et pendant ce temps, ils ont pu se reproduire.
Comme, la plupart du temps, on pouvait identifier des lignées d'animaux malades, les chercheurs se sont dit que nous devions avoir affaire à une maladie au déterminisme génétique simple, ce qui semble être le cas : un gène, poétiquement baptisé MyBPC3, possède une version "maladie" nommée HCM1.
Cette version "maladie" est dominante : il suffit d'une version pour être malade, contrairement à la mucoviscidose citée plus haut. La fiche du laboratoire Antagène est extrêmement claire, je vous invite à vous y reporter si le sujet vous intéresse, mais ça correspond à l'exemple "marron" vs "bleu" utilisé plus haut.
Tests génétiques, un invention d'eugénie ?
A priori, les choses sont donc simples :
- On a un gène MyBPC3, codant pour une protéine du muscle cardiaque.
- Il en existe une version "défectueuse", nommée HCM1, responsable d'une hypertrophie concentrique du myocarde.
- Une seule version HCM1 suffit à déclencher la maladie.
- Un test génétique permet de déceler la présence de cette version HCM1.
C'est ce que la plupart des gens, vétos compris, vont retenir. Pourtant, les fiches d'Antagène sont beaucoup plus riches d'enseignements que cela.
En réalité, les choses sont bien plus compliquées. J'avais un prof qui disait : "Je vais vous expliquer un truc simplement, pour que vous puissiez comprendre. Mais n'oubliez pas : c'est simple, donc c'est faux."
Reprenons les propositions simples énoncées ci-dessus.
- On a un gène MyBPC3, codant pour une protéine du muscle cardiaque.
Corollaire : il n'y a pas que ce gène impliqué dans les muscles cardiaques.
- Il en existe une version "défectueuse", nommée HCM1, responsable d'une hypertrophie concentrique du myocarde.
Il en existe au moins une version de MyBPC3 favorisant la maladie. Il en existe certainement d'autres. En fait, on sait déjà qu'il en existe d'autres. On en connaît d'ailleurs des centaines chez l'homme.
En plus, il existe d'autres gènes responsables d'une hypertrophie concentrique du myocarde, car, je vous l'expliquais plus haut, la plupart de nos caractéristiques physiques dépendent de plusieurs gènes qui interagissent les uns avec les autres au cours de notre développement et de notre vie.
- Une seule version HCM1 suffit à déclencher la maladie.
C'est malheureusement vrai.
Mais la maladie peut se déclencher sans que le chat ne porte cette version HCM1 du gène MyBPC3, parce qu'il existe d'autres version de ce gène, et d'autres gènes impliqués.
Mais la présence de cette version HCM1 ne dit pas quand le chat sera malade, ni à quel point sa maladie sera grave. On sait juste qu'il sera malade un jour... pas qu'il en mourra, pas qu'il en sera malade avant d'être mort d'autre chose, pas qu'il en sera malade comme un chien, etc.
- Un test génétique permet de déceler la présence de cette version HCM1.
Oui, c'est Antagène qui le commercialise.
Je cite le laboratoire, dont les fiches sont un modèle de clarté :
Ce test permet de dépister uniquement la forme HCM1 et aucune autre forme de cardiomyopathie. Ce test ne permet pas de dépister la CMH dans les races de chat autres que le Maine Coon.
De tout ce qui précède, vous pouvez en déduire les précisions apportées par le laboratoire, je pense qu'il faut les marteler, c'est très important.
Cette maladie cardiaque présente une très grande variabilité d'expression. Le test génétique ne permet pas de déterminer l'âge d'apparition et la gravité des symptômes. Consulter votre vétérinaire traitant et/ou un vétérinaire spécialisé en cardiologie pour suivre l'évolution de la maladie.
Le test n'est pas une boule de cristal. Il répond simplement à une question simple, et ne dit rien d'autre : "ce Maine Coon est-il porteur de la version HCM1 du gène MyBPC3 ?"
Tout le reste, c'est votre vétérinaire, et vous, qui le déduirez.
Maintenant, nous savons ce que dit ce test. A quoi sert-il ?
Antagène nous propose les utilisations suivantes :
Garantir la santé du chat
Non. C'est mal formulé. Tester le chat ne permet absolument pas de garantir sa santé, seulement de dire s'il est, ou non, porteur d'une version d'un gène provoquant inéluctablement une maladie qui ne sera pas forcément fatale, mais qui sera peut-être très grave. Il est possible que cette maladie atteigne un stade fatal après une mort "naturelle" et à un âge avancé, d'une cause qui n'a rien à voir avec l'hypertrophie concentrique du myocarde.
Dépister précocement les chatons.
Oui, et ça, c'est très utile.
Ca permettra à l'éleveur de dire à son client que son chaton est, ou n'est pas, porteur d'une version d'un gène provoquant inéluctablement une maladie qui ne lui sera pas forcément fatale, mais qui sera peut-être très grave. Et qu'il est possible que cette maladie atteigne un stade fatal après une mort "naturelle", et à un âge avancé, d'une cause qui n'a rien à voir avec l'hypertrophie concentrique du myocarde.
Vous avez remarqué ? C'est beaucoup plus difficile à placer dans la conversation que "ce chat est un déficient génétique, il va mourir". Mais cette dernière version de l'explication est simple, donc...
Sélectionner les reproducteurs et adapter les croisements.
Oui, à l'échelle d'un élevage, cela permet au sélectionneur de choisir, en connaissance de cause, ses reproducteurs et ses schémas de croisements.
Cela ne signifie pas qu'il écartera forcément de la reproduction tous les porteurs du gène, car la race possède un très faible effectif et certains chats possèdent par ailleurs des qualités remarquables dont la préservation peut être capitale. A mon sens, il serait excessif de retirer tous les chats porteurs du schéma de reproduction, même si l'on sait qu'ils transmettront la version HCM1 à une partie de leur descendance.
N'oublions pas, même en raisonnant uniquement d'un point de vue de sélectionneur, que ces chats portent aussi des gènes très variés dont la diversité est indispensable au "sang" Maine Coon. Je prends un exemple caricatural, intuitif. Simple, donc faux, pour vous aider à comprendre : et si les seuls chats non porteurs de ce HCM1 appartenaient tous à la même famille ? Vous imaginez ce qui va se passer au bout de trois générations de croisements consanguins ? On n'aura plus que des débiles et des handicapés, dont aucun ne sera porteur de HCM1.
Eviter de propager la maladie dans votre élevage et dans la race
C'est à l'échelle de l'élevage et de la race qu'un contrôle intelligent doit s'exercer : savoir qui est porteur, qui va transmettre, pour, très lentement, faire disparaître cette forme de la maladie. Ce n'est pas un combat de court terme.
Anticiper l'apparition de la maladie & adapter les conditions de vie des chats potentiellement atteints
Ces deux points vont ensemble. L'hypertrophie concentrique du myocarde, ça se dépiste et ça se diagnostique.
Ca ne se guérit pas, mais ça se soigne.
Plus on s'y prend tôt, mieux ça se passe.
Gènes, et pis ?
Quelques points pris à la volée dans la discussion sur le blog Aube Nature.
Il faut raisonner par l'absurde (si j'ose dire) : avant que ce test n'existe, l'espérance de vie des maine coons était EXACTEMENT la même qu'actuellement, soit environ 12/13 ans
Oui, mais ce n'est pas une raison pour se voiler la face : le test n'est disponible que depuis très peu de temps, nous n'avons pas de recul, toute décision et conclusion hâtive serait une erreur.
Pour l'instant, l'espérance de vie des Maine Coons n'a rien à voir avec le test.
Si des chats d'une lignée donnée vivent tous vieux, il y a de très fortes chances que les descendants vivent aussi vieux, furent-ils ADN+ ou non
Bof. Trop de facteurs environnementaux.
Et puis je pense que tous les chats sont "ADN+", mais je vous taquine.
Gêne éthique ?
D'une certaine manière, en inhibant la reproduction de cette race dont le génome est "indésiré", il y a eugénisme ; ce qui est délicat.
Quelle drôle de formulation. Nous ne parlons pas d'humains. La création des races et leur sélection n'est qu'eugénisme (enfin, si on est rationnel).
C'est la définition même du métier d'éleveur.
Que l'on sélectionne sur la présence d'un gène "défectueux" ou sur la couleur des moustaches, quelle différence ? L'homme s'arroge ce pouvoir sur la nature, on pourrait en discuter des heures, mais il faut l'assumer !
Bref, n'est-il pas mieux de laisser faire la nature (sélection naturelle) dans ce cas ?
Je vous imagine bien expliquer à une enfant : "écoute petite, c'est comme ça, on aurait pu le savoir avant, supprimer cette maladie ou au moins la prévenir, mais c'est la sélection naturelle, que veux-tu ?"
Je suis un poil cruel, car, plus sérieusement, nous ne parlons de toute façon pas de sélection naturelle mais d'élevage. De plus, la mortalité peut survenir après 15 ans, combien de chatons nés avec cette maladie pendant cette période de la vie d'un reproducteur ? La sélection naturelle n'éliminera pas l'hypertrophie concentrique du myocarde, car la "sélection naturelle" (je n'aime vraiment pas cette formulation...) n'empêchera pas ces chats d'avoir une descendance.
Cédric Girard enchaîne avec pertinence sur les implications juridiques de l'existence de ce test, je vous invite à lire son message, je ne ferai pas mieux que lui.
Véro soulève tout un tas de points passionnants. Certaines questions trouveront leurs réponses plus haut dans mon billet. D'autres ne sont pas de ma compétence, mais de celle des éleveurs...
Plus loin, elle soulève une question fondamentale sur les boules de cristal et la pertinence des tests de dépistage en faisant un parallèle avec l'espèce humaine.
Imaginons 2 minutes l'enfer que seraient nos propres vies si on faisait des tests ADN , nous serions tous ou cardiaques ou futur cancéreux ou futur Alzheimer ou autre ....
N'oubliez jamais que les animaux ne sont pas des humains, et que l'anthropomorphisme conduit souvent à des erreurs de raisonnements et nombre d'excès. C'est un autre débat.
Références :
Le site d'Antagène offre statistiques et tableaux afin de mieux cerner la maladie.
Le site Pawpeds offre une page très claire et très complète sur ce test et cette maladie, ainsi qu'une foule de liens, je vous le recommande si vous voulez aller plus loin.
Le site de la chatterie Koolkat offre à peu près les mêmes explications.
Commentaires
Bonjour
Merci pour cet article qui éclairera bien des lanternes ! C'est une lecture que je vais proposer à tous nos futurs propriétaires de chatons (maine coons ou pas d'ailleurs !)
PS : mon allusion à l'ENV Maisons-Alfort (car c'est moi l'auteur de l'énormité) était strictement faite dans le cadre "juridique". En France, sauf erreur de ma part (des connaissances éleveurs ont eu ce type de déboire), ils sont les seuls à avoir valeur "légale" en cas de conflit entre acheteur et éleveur sur les questions de maladies cardiaques. En matière de diagnostique ce n'est évidemment pas le cas (même si la difficulté en la matière s'appuie sur deux points : le fait de pratiquer très souvent le geste, et surtout le coût exorbitant du matériel quand on exige un Doppler tissulaire !)
Fourrure :
Tout vétérinaire est par défaut "expert", de par son diplôme. Evidemment, s'il devait y avoir expertise judiciaire concernant une maladie cardiaque, le vétérinaire aurait plus qu'intérêt à posséder le matériel et l'expérience pour appuyer son expertise, mais ce n'est nullement l'apanage de l'ENVA, et heureusement !
Juste une chose : le lien "implications juridiques..." est incorrect ;-)
Bon week-end !
Fourrure : Lien corrigé, merci.
Finalement, est-ce qu'il ne faudrait pas déduire de ça que si l'homme voulait être raisonnable avec les animaux, donc avec lui-même, il ferait mieux de se contenter de "batard", sans aucun sens péjoratif. Mais arrêter de jouer à Dieu en créant des races millimétrées?
Fourrure : Pourquoi pas, mais alors, pas avec 6 milliards d'individus sur la planète...
Je trouve plutôt rassurant que les races ne soient pas parfaites, moi. Et non, ce n'est pas parce que ça me fait du boulot !
Merci infiniment pour cet article passionnant et les références qui y sont faites .
Cela m'a permis de trouver chez Antagène cette phrase :"la reproduction des chats hétérozygotes..est fortement déconseillée.Néanmoins, si un chat hétérozygote présente un excellent patrimoine génétique (conformation , type , couleur),il serait dommage de perdre ce patrimoine et dans ce cas un mariage avec un individu homozygote sain peut-être envisagé.La sélection doit alors se faire sur les chatons "
Ce qui repose ma question : que faire des chatons hétérozygotes ? les vendre en sachant qu'ils auront un risque de maladie grave ?
Fourrure :
Par exemple, oui, si l'acheteur est prévenu.
Prendre le risque qu'ils soient reproducteurs ou les supprimer? Qui aura le courage de supprimer des chatons de 3 semaines ?
Fourrure :
Moi, on me paie pour ça...
Vous m'avez également rassurée sur ma supposée pratique de l'Eugénisme !!!!
Fourrure :
Il y a des mots, comme ça...
Excellent billet !
Ca fait du bien de recentrer tout cela, et d'expliquer aux gens que tout n'est pas génétique, que l'on n'est pas dans Bienvenue à Gattaca (Gattaca étant lui-même un mot composé des seules lettres ATGC, pour les 4 bases codantes de l'ADN - y'a un U qui trainent parfois, mais passons... Comme dit plus haut, ATGC, c'est simple, donc c'est faux).
J'ai été étonné, Fourrure, que tu ne fasses pas allusion au gène culard, toi grand amateur de fesses bovines *se souvient avec émotion*
Cela reste un excellent exemple des abberrations de l'eugénisme : là où Fourrure parle de gènes néfastes (provoquant une maladie cardiaque) mais dont les porteurs peuvent, en parallèle, avoir des gènes très intéressants et donc à conserver malgré tout, je parle, moi, d'un gène dit "culard" que l'on a fortement sélectionné chez les bovins à viande (de bonnes grosses fesses pour faire plein de bons morceaux de viande bien chère) mais qui s'est accompagné d'autres modifications, imprévues et liées à des gènes proches (géographiquement : les gènes sont partiellement liés les uns aux autres, et se regroupent entre copains).
Parlons aussi de la dysplasie du chien, pour laquelle beaucoup de gens rèvent de voir sortir un test génétique. Dans l'état actuel des choses, soyons clairs, c'est impossible, car contrairement au cas présenté ci-dessus chez le Maine-Coon, la dysplasie est probablement polygénique, avec un déterminisme complexe et une ENORME influence de l'environnement.
Alors vous allez dire : "Oui mais alors, à quoi ca sert tout cela, pourquoi on travaille dessus ?" Et bien, en fait, au-delà du test génétique, il existe d'autres moyens, encore plus sophistiqués, pour pousser l'eugénisme : les indices de sélection. Ou le mathématicien au service de la génétique. Par des modèles statistiques dans lesquels vous entrez autant de facteurs que ce que le concepteur dudit modèle l'aura prévu, vous obtenez un indice associé à votre animal : une note. Cette note est la résultante de l'analyse des critères choisis pour la sélection : le résultat d'un test génétique, le score obtenu lors des concours de beauté/travail auxquels a participé la bête, l'interprétation de sa radiographie (donc une autre note donné par le radiologue), la couleur de sa peau (dont on sait qu'elle est indirectement liée au gène TarTANPYON25alpha, lui-même partiellement responsable du critère que l'on veut noter/sélectionner/éradiquer...
Bref, vous obtenez des notes. Chaque animal d'une race se trouve alors noté, et seules les mentions "très bien" auront le droit de reproduire. C'est fou, hein ? Si cela devait arriver, le monde irait bien mal, pauvre nature...
Pourtant, et cela, je puis vous l'assurer, cela existe déjà, c'est même très implanté, et cela se développe. Dans quel domaine ? Les bovins, quotidiennement, les équins, de concours surtout. Chez les chiens, de nombreuses études existent, et certains clubs de race commencent à songer à des applications pratiques sur leur sélection.
Pauvre nature... ou pas ! Aussi inquiétant que cela puisse paraître, en dépit des sonneurs d'apocalypse, cela existe déjà. Et globalement, cela marche très bien, et cela a un effet positif, car justement, cela tente de prendre en compte tous les facteurs de décision en les pondérant deleur importance. PAr contre, évidemment, il ne faut pas qu'un mathématicien se gourre dans la formule...
Mais dans "eugénisme", il y a "génie" !
La selection animale existe depuis que l'homme utilise l'animal pour survivre : bétail, chien de berger, chien de garde, poules pondeuses ou à manger... il faut etre extremement loin de la réalité de l'élevage pour s'offusquer et appeler eugenisme le traitement selectif qui n'existe que pour repondre finalement à une demande... mais cela se comprend aussi. Je suis moi même passé d'une vie de citadin (bien qu'ayant été élevé à la campagne et dans un esprit ou le fait de tuer des petits chats ou manger un lapin qu'on a tué devant moi était des concepts abstraits mais que je savais exister et réels), à une vie proche de l'agriculture vivriere ou j'ai hélas du effectivement tuer des poules pour les manger, noyer des chiots pour que ceux restants soient élevés en bonne santé, ramassé des agneaux morts nés durant les 60km de transhumance, et d'autres choses encore mais bref, quand on est pas d'un milieu il n'est pas simple d'aprehender un tas de concepts exterieures, malgré la télévision et internet...
Maintenant etre obtu n'est pas reservé à certaines catégories de personnes : un jour demandant conseil a propos d'une portée de chiots issu d'un chien labrador/bouvier et d'une chiene pure race labrador, je me suis fait insulté par un éleveur qui m'a traité pire que tout parce que j'allais avoir des batards !
Et sinon pour les yeux bleux hétérozygotes, il y a un gene autre qui peut pousser du recessif a dominer ? mes enfants avaient 1 chance sur 64 d'avoir les yeux bleu. ca a réussi une fois sur 2 !
Je ne suis pas contre la sélection pour améliorer les races, mais je trouve que certains produits sont des erreurs de la nature, l'homme ne sait pas toujours rester raisonnable, et la production d'hypertype si elle est rentable ou esthétique est un non sens biologique: les blanc bleu belges qui ne sortent que par césarienne car ils sont trop gros pour passer par les voies naturelles, puis en chien et chats on a de nombreux exemples: les chats nus qui sont sensibles au froid et au soleil, enfin bref, ce ne sont pas toujours des maladies "cachées" comme pour la cardiomyopathie du main coon alors pourquoi diable les éleveurs persistent dans ce sens ? Quand je vois le persan de ma copine qui met 3h à manger ses "minicroquettes spécial persan" ben voila je me dis que cette bête est incapable de survivre dans la nature, aucun instinct de chasse, rien, mais je m'égare... C'est un sujet qui me met toujours en colère parce que créer ces erreurs de la nature ce n'est pas aimer les animaux, et en plus quand on voit tout le business qu'il y a derrière, le prix des semences de certains étalons qui se révèlent finalement porteurs de gènes morbides et qui ont pourri la race car utilisé des centaines de fois, je me dis que c'est du grand n'importe qui , aucun bon sens, juste une histoire de fric...moi je dis vive les beaux bâtards !
Il est cependant qqs fois utile de créer des races, je suis très fière de ma travailleuse agricole. Pour être quasi sure d'avoir un chien de berger vous prenez un border colley qui grâce à des décennies de sélection sont très bons. Vous voulez des steacks majoritaires et tendres vous prenez du BBB, vous voulez du lait très crémeux vous prenez une jersiaise…
J'ai pas dit que j'étais contre toutes les races, mais je trouve que des fois ils poussent le bouchon un peu loin, c'est comme tout, un juste milieu me semble raisonnable, puis ce que vous perdez en performance vous le gagnez surement en rusticité ...
Bonjour
Je me suis rendu hier à l'ENV Maisons-Alfort pour des échos cardiaques + DTI (la totale), et j'ai donc eu l'occasion de discuter avec le Pr Chetboul et le Dr Carlos (qui termine sa thèse sur la HCM chez le maine coon).
En ressortent les statistiques suivantes, qui risque de faire du bruit dans le monde des éleveurs de maine coon et qui relativisent carrément les résultats du fameux test HCM1 sur la mutation MyBPC3 :
- 4% des maine coons NON PORTEURS de la mutation déclenchent une HCM
- 11% "seulement" des maine coons porteurs hétérozygotes déclenchent une HCM
- les porteurs homozygotes déclenchent statistiquement deux fois plus que les hétéros la maladie (je n'ai pas eu le chiffre exact)
Ces chiffres doivent sortir officiellement cette semaine dans un magazine international scientifique... Cela signifie entre autres que les hétéros peuvent (et doivent, dans le cas du maine coon puisqu'ils en représentent 40% de la population !) être préservés sur 2 à 3 générations dans le cadre de l'élevage, afin de ne pas en perdre le potentiel génétique.
Au passage, notre gros mâle (4 ans et demi) vient de déclencher la maladie :-( (il est hétéro) et devra donc suivre un traitement à vie. J'ai eu confirmation que les chats sains issus d'hétéros ne présentent pas plus de risques que des sains issus de sains (ce qui est la moindre des choses !)
Enfin, les sains qui déclenchent la maladie n'ont pas les mêmes symptômes physiologiques que ceux porteurs de la mutation MyBPC3, car ont les premiers symptômes d'épaississement/fibrose sur la partie centrale des ventricules (comme les ragdolls) et non à l'apex, sur la pointe comme chez les coons porteurs de HCM1... ce qui laisse à penser qu'il existe une seconde mutation (voire plusieurs), pas encore découverte.
Voili voilou. Super intéressant malgré que notre étalon soit "blindé" !
Fourrure :
Merci pour les précisions !
Espérance de vie de 12, 13 ans? Le choc! Mon Maine Coon prend 13 ans dans quelques mois.
Du coup j'ai fait une recherche google sur "Maine Coon espérance de vie", et ça donne des tas de nombres différents, rien que sur la première page. Mince.
Fourrure :
Ce sont des chiffres assez foireux, en fait. Et puis, une moyenne... ça ne dit rien des écarts autour !