Obligations et responsabilité du blogueur vétérinaire

Maître Eolas, avocat et blogueur, a réalisé un billet particulièrement complet sur les responsabilités du blogueur. D'autres points plus spécifiques à la profession vétérinaire, et notamment à nos obligations déontologiques, me poussent aujourd'hui à récapituler.

Secret professionnel

Article R242-33 du Code rural : Le vétérinaire est tenu au respect du secret professionnel dans les conditions établies par la loi.

Article 226-13 du Code pénal : La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.

Il m'est donc interdit de révéler toute information dont j'aurais connaissance dans le cadre de mon travail au sujet de mes clients et de leurs animaux, selon :

Article L1110-4 du Code de la santé publique : Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Il existe toute une série d'exceptions à ce principe, prévues dans l'article 226-14 du Code pénal (dans le cadre d'une information judiciaire), ou même dans le code de déontologie lorsqu'il s'agit de transmettre des informations sur un cas référé à un confrère. Lorsque j'interviens en tant que vétérinaire sanitaire (mandaté par l'Etat), le secret professionnel ne s'applique pas aux maladies légalement réputées contagieuses : si je découvre un cas de fièvre aphteuse, mon devoir est d'avertir les autorités sanitaires.

Evidemment - et c'est heureux - un blog n'entre pas dans ces exceptions. C'est pourquoi je modifie, dans chaque billet, les noms et sexes des animaux et des gens, les dates, les lieux, les situations, pour ne conserver que ce qui fait l'objet de mon article : une situation, une maladie, un dialogue.

Déontologie de la communication et de l'information

Article 242-35 du Code rural : Communication et information.
La communication doit être conforme aux lois et règlements en vigueur et en particulier aux dispositions du code de la santé publique réglementant la publicité du médicament vétérinaire.
La communication des vétérinaires vis-à-vis de leurs confrères ou des tiers ne doit pas porter atteinte au respect du public et de la profession. Elle doit être loyale, scientifiquement étayée, et ne doit pas induire le public en erreur, abuser sa confiance ou exploiter sa crédulité, son manque d'expérience ou de connaissances.
Les mêmes règles s'appliquent aux communications télématiques ou électroniques destinées au public (forums ou sites de présentation) faisant état, dans leurs adresses ou dans leurs contenus, de textes ou d'images en relation directe ou indirecte avec la profession vétérinaire. Ces communications sont sous l'entière responsabilité de leur auteur.

Article R242-70 du Code Rural : La communication auprès du public en matière d'exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux ne doit en aucun cas être mise directement ou indirectement au service d'intérêts personnels.
Le vétérinaire est responsable des actions de communication qui résultent de son propre fait ou qui sont conduites à son profit.

En passant, la deuxième partie de implique que si un client reconnaissant fait publier un petit article à mon sujet dans un journal local, je peux avoir de gros ennuis si le texte est indirectement ou directement au service d'intérêts personnels.

Exemple ludique :

Le chevreau pascal est né grâce au vétérinaire !
Dans la nuit de dimanche à lundi, le docteur vétérinaire Smarrepas, exerçant son art à Cuisine, a réalisé en urgence une césarienne sur Finie, la gentille chèvre du refuge des Alouettes. Le docteur Smarrepas n'est pourtant pas un habitué des chèvres et des vaches, mais aucun vétérinaire n'était disponible 50km à la ronde pour opérer Finie. Malgré toutes ces difficultés, l'opération s'est déroulée dans les meilleures conditions et Finie a pu rejoindre son enclos. Nous tenons à adresser nos plus sincères remerciement au vétérinaire qui nous a reçu en urgence malgré l'heure tardive et le fait qu'il ne soigne habituellement pas les chèvres.

Ne riez pas, cette anecdote est véridique. Et le vétérinaire aurait vraiment pu avoir des ennuis avec cet article anodin !

Publications

Le blog constituant une forme de publication vétérinaire, l'article R242-36 s'applique :

Article R242-36 du Code rural : Dans les publications, le vétérinaire ne peut utiliser les documents ou résultats d'examens et d'observations qui lui ont été fournis par d'autres auteurs qu'en mentionnant la part prise par ces derniers à leur établissement ou en indiquant la référence bibliographique adéquate. Toute communication doit être signée de son auteur. Le vétérinaire auteur d'une communication comportant les indications en faveur d'une firme, quel que soit le procédé utilisé, doit mentionner, s'il y a lieu, les liens qui l'attachent à cette firme.

Evidemment, cet article s'applique plus aux blogs tenus par des confrères présentant des cas cliniques ou des notes de lecture.

Consultations ?

J'ai déjà abordé ce point essentiel dans un autre billet : le diagnostic ne doit pas s'établir à distance, il est donc interdit de tenter de l'établir via internet.

L'anonymat

Article R242-72 du Code rural : Communication télématique.
Toutes informations destinées au public doivent être impersonnelles, à l'exception des éléments d'identité (photographie de l'auteur, nom et prénoms) communément admis pour les communications dans la presse écrite.

Pour ma part, j'ai choisi l'anonymat et l'utilisation du pseudonyme Fourrure, mais un confrère écrivant en son nom n'aurait pas le droit d'indiquer l'adresse de son cabinet, ses horaires d'ouverture, le matériel dont il dispose, etc.

Article R242-37 du Code rural : Tout vétérinaire se servant d'un pseudonyme pour des activités se rattachant à sa profession doit en faire la déclaration préalable au conseil régional de l'ordre.

J'ai donc fait la déclaration de mon pseudonyme au président de mon CRO.

L'anonymat est très important pour moi.
Je sais que certains de mes proches ont été vexés de découvrir très tard que je possédais un blog. "Quoi, et tu ne me l'a pas dis ?"
D'autres que je leur demande d'effacer un lien qui rompait mon anonymat, genre : "Mon frère le véto".
Certains ont pensé que je ne leur faisais pas confiance. Je sais que vous connaissez mon besoin d'anonymat. Mais votre femme, le sait-elle ? Elle ne pensera pas à mal lorsqu'elle dira à son amie du club de natation que j'ai un blog. Laquelle sera sans doute ravie de le dire à ses propres amis, sans se rendre compte qu'avec ce genre d'information, c'est mon travail ici que l'on enterre.

La raison en est simple : le jour où mes clients sauront que j'ai un blog, je ne pourrais plus écrire aucun billet contant une consultation ou relatant mon quotidien, pour des raisons tenant au secret professionnel et à la publicité dont je vous ai montré la teneur un peu plus tôt.
Mon anonymat, c'est ma liberté : on ne peut m'accuser de servir des intérêts personnels, ni de rompre le secret professionnel (avec les précautions que je prends).

Merci donc de respecter ce point qui m'est essentiel, surtout vous qui vivez près de moi. Et mes excuses à ceux que j'ai pu vexer.
Et pour finir, je ne vous demande pas de ne pas mettre de lien sur vos sites/blogs/forums : je vous demande simplement que ce lien ne me trahisse pas.

Résumé des obligations

  • Déclarer son identité à son hébergeur ou à son fournisseur d'accès en cas d'hébergement direct par le fournisseur d'accès (LCEN).
  • Faire figurer sur le site le nom du responsable, ou en cas de site non professionnel et anonyme (comme celui-ci), la mention de l'hébergeur qui a les coordonnées du responsable (LCEN).
  • Publier gratuitement et sous trois jours à compter de la réception un droit de réponse de toute personne nommée ou désignée dans un billet ou un commentaire, sous la même forme de caractère et de taille, sans que cette réponse ne puisse dépasser la longueur de l'écrit initial (sauf accord de l'éditeur, bien sûr). Dans le cas d'une mise en cause par un commentaire, la personne en question pourra y répondre directement par un commentaire la plupart du temps, bien sûr. Dans le cas d'une mise en cause dans un billet, l'éditeur doit publier le droit de réponse sous forme d'un billet (LCEN, je cite directement Maître Eolas).
  • Déclarer son pseudonyme au conseil régional de l'ordre vétérinaire (code de déontologie).
  • Respecter le secret professionnel et, d'une manière générale, les règles de déontologie (code de déontologie).

Vous aurez remarqué que je poursuis ici une espèce de crise de réflexion sur l'écriture et la publication de ce blog, et je vous rassure, elle sera bientôt terminée, pour revenir (enfin !) à des choses plus... vétérinaires. Mais il me semble qu'il s'agit là de questions essentielles alors que ce site dépasse les 80 billets et les 6 mois d'existence, que mon classement wikio explose et que les visiteurs se font chaque jour plus nombreux.
Merci à tous pour vos visites, vos commentaires et votre intérêt pour ce blog.

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