Le besoin d’oublier
vendredi 12 juin 2020, 21:04 Un peu de recul Lien permanent
Il se passe à merveille, ce déconfinement. Ici, à la clinique, beaucoup de clients sont arrivés dans la fameuse phase « quoi, on a foutu l’économie française en l’air pour ça ? », « y en a marre de ces consignes » et autres « tout ça c’est des conneries, je l’ai toujours dit, on en a trop fait. »
On savait que ça viendrait, qu’une fois que le pire serait passé, que les choses iraient mieux, il serait facile d’oublier que c’est (en partie) grâce aux mesures prises. Comme le bug de l’an 2000 !
Il faut à nouveau insister pour les masques et les gestes barrière. Les complotistes et les antitout commencent à se sentir pousser des ailes, n’hésitant pas à m’expliquer que tout ça, c’est dû à « eux » (je n’ai pas réussi à savoir une seule fois qui était « eux »). Alors bien entendu, ce n’est pas le cas de tout le monde, beaucoup restent très attentifs et apprécient les distributeurs de solution hydro-alcoolique placés à chaque porte, les consignes répétées avec gentillesse mais fermeté, bref, notre attention portée à la sécurité, notamment les plus fragiles. « Beaucoup de choses sont inutiles quand elles ne sont utiles qu'aux autres. »
Le contraste est quand même saisissant entre notre petit village préservé et le centre-ville de Toulouse dans lequel je suis allé la semaine dernière, constatant que les commerces restaient drastiques sur les gestes barrière.
Moi-même, il faut bien que je me l’avoue, je suis très tenté de lâcher la pression. Les chiffres sont bons, il n’y a plus de nouveaux cas graves, il n’y en a jamais vraiment eu par ici, il fait beau, tout va bien. J’aspire à un retour à la normale. Je sature, comme tout le monde, de l’ambiance anxiogène de ces derniers mois. J’ai envie de passer à autre chose, quitte à abandonner la raison. Juste un moment. Ou plus longtemps. C’est confortable, et puis si ça va bien en en faisant moins, c’est que ce n’était pas utile d’en faire plus ?
Mais lorsque je suis tenté de tomber le masque, je repense à mes clients éleveurs bovins ou canins et aux épidémies qui ravagent périodiquement leurs cheptels. Je m’entends leur répéter les protocoles de vaccination et de désinfection, les quarantaines, les procédures. Les choix réalisés ensemble pour sauver leurs animaux et leur revenu. Je me vois, un an ou deux après l’épizootie, insister et leur rappeler de commander les vaccins, de faire attention. Je me vois aussi, atterré devant un diagnostic de leptospirose sur un chien dont la vaccination a été abandonnée cinq ans plus tôt, parce que… parce que la paresse. Le déni. La peur, parfois. Je me suis même fait engueuler par un éleveur dont j’avais élucidé le problème de carence en minéraux, parce que du coup je lui faisais acheter un complément alors « qu’il n’avait aucun souci ».
Nous sommes faits pour oublier. Pour garder les bons souvenirs, et enterrer les mauvais. Nos cerveaux nous trahissent. C’est certainement un mécanisme de sauvegarde de notre santé mentale, mais il nous coûte souvent très cher. On dit que l’histoire se répète… Alors je garde mon masque, je continue à consulter fenêtres ouvertes avec des clients qui restent dehors, je remplis mes distributeurs de SHA et j’attends de voir ce que l’avenir nous réserve.
Ce billet a été écrit pour La Semaine Vétérinaire numéro 1858 du 12 juin 2020
Commentaires
Bein...moi c'est le contraire...j'ai toujours été effarée de voir que n'importe qui embrasse des quasi inconnus, que personne ne nettoie les clenches de porte, les plinthes etc...de constater que personne ne se lave les mains avant de manger chez son hôte...et tout un tas de trucs comme ça...je trouve ça miraculeux que nos organismes soient si défensifs!
Quant aux souvenirs, je n'ai pas de pot, je ne me souviens que des mauvais!
Moi aussi j'aspire à un retour à la normale, mais j'ai compris qu'il ne sera que temporaire, et que la liberté va perdre du terrain encore, sous des prétextes de politique de santé publique.
Conclusion: je ne me sentais déjà pas en sécurité dans ce système avant, du coup je vivais assez solitaire mais là, ce que je ressens est que jamais ma vie ne sera plus comme avant...
Bien sûr je porte un masque dans un magasin etc...je veux préserver les autres...mais cette vision là des humains, de ce mode de vie, me traumatise littéralement.
Je sais que ce virus ou d'autres referont un tour chez nous, je pense à la dengue notamment et franchement quand j'entends un discours politicien qui dit : "il faut produire plus", je suis désespérée! Il faut juste vivre plus intelligemment avec la nature, respecter ses distances avec elle au lieu de la piller, éviter de se saisir d'elle et de transporter tout d'elle a tout va, dont les virus.
Oui le déficit sera inconcevable, juste parce que des gens avertis, chargés de la santé publique, ont voulu concilier surproduction, pillage sans prévoir la base: des masques.
Le nombre de gens morts par catégories pro?? Non publié!
le nombre de victimes collatérales? On ne le saura jamais, mais il y en aura des quantités par manque de soins, dépression (pertes d'emplois) et j'en passe et les meilleures...
réforme chômage en septembre assassine...
Certaines catégories pro (toujours les mêmes) ont été bien protégées, bien payées aussi tandis que d'autres, les plus nécessaires ont été envoyées au front, souvent avec des salaires de survie (ex: les caissières)...Et ce qui m'a dégoûté le plus a été de voir le comportement individualiste prendre de l'extension, penser à soi, à sa petite tribu familiale, bourrer ses caddies dès l'ouverture des hypers, etc...
Les gens ont respecté le confinement? Tu parles Charles, juste en apparence, personne n'avait envie de se faire aligner de 138 euros, mais hors des zones publiques, c'était loin d'être le cas.
Je n'avais déjà plus beaucoup d'illusions sur l'humain mais là je me dis que dans quelques mois, la violence va exploser.
Oui, l'air est anxiogène, le virus n'en est que le révélateur.
et on pourra ajouter des moufles et des bonnets à nos masques, ça ne garantira pas de la connerie. Il faudrait d'abord enlever les lunettes fumées!
J'aime bien vos comparaisons avec l'élevage.
Je les ai en stock pour les anti-vaccins.
Dans un élevage, ou on vaccine, ou on abat.
Simple.
Pour le covid... J'attends la seconde vague. Ou a défaut, le truc qui aura un goût de covid mais qui demandera des FFP2 pour tout le monde. Comme le SRAS.
A propos, la peste porcine, c'en est où?