Farines animales
dimanche 2 mars 2008, 12:38 Un peu de recul Lien permanent
Je lis sur le Figaro.fr que Bruxelles réfléchit à la réintroduction des farines animales dans l'alimentation des porcs, volailles et poissons d'élevage. L'article alterne entre le bon (considérations intéressantes sur l'impact psychologique d'une telle mesure), l'insuffisant (pas d'information sur les farines animales), et le très mauvais (la conclusion, genre on nous cache tout on nous dit rien).
Evidemment, l'article commence par rappeler l'ESB, la crise de la Vache Folle et la maladie humaine correspondante, Creutzfeldt-Jacob. Il y a une phrase très intéressante, mais elle n'est pas suivie d'explications claires :
Entre les intérêts économiques, les enjeux sanitaires, les règles politiques et la sensibilité du grand public se joue une partition subtile où chacun sait que le moindre faux pas peut être synonyme de tremblement de terre.
Je tiens donc à reprendre quelques points simples pour répondre aux questions ou aux hurlements des commentaires de l'article, qui sont du niveau habituel des réactions sous les articles de presse en ligne : beaucoup d'ignorance et d'a priori. N'hésitez pas à poser des questions ou à apporter des précisions.
Les farines animales, c'est quoi ?
Du sang, des graisses superficielles, des os, des déchets de volailles et autres déchets d'abattoirs, c'est à dire des morceaux non commercialisables, viscères lavés et vidés, déchets de découpe. Les animaux saisis à l'abattoir pour des raisons sanitaires ne peuvent être utilisées, ce qui signifie que l'on n'utilise, en fait, que des déchets de produits sains.
Ces déchets sont broyés, cuits, pressés puis dégraissés.
Les farines animales, c'est dangereux ?
Les processus de cuisson imposés sont capables de détruire tous les agents pathogènes connus, y compris les prions responsables de l'ESB ou de Creutzfeldt-Jacob. Ce sont donc des produits sûrs, et sains.
Sauf si... on dérégule les règles sanitaires, ce qui a été le cas au Royaume-Uni, ou des industriels ont abaissé les températures de cuisson à des niveaux capables de détruire les virus et bactéries, mais pas les prions (qui étaient alors inconnus). Ces farines contaminées ont été fabriquées à partir de 1981, et utilisées jusqu'en 1988 (le temps de comprendre ce qui se passait).
Pourquoi fabriquer des farines animales ?
Comme je vous l'indiquais plus haut, les farines animales sont issues des déchets sains d'abattoir. Parce que ces déchets existent, et qu'il faut bien en faire quelque chose... A l'heure actuelle, on fabrique toujours des farines animales, mais on les incinère.
Pourquoi utiliser des farines animales ?
Comme nous, les animaux ont besoin de glucides, de lipides et de protéines. Les farines animales sont une excellente source de protéines de bonne qualité, et contiennent en plus pas mal de calcium et de phosphore.
Les protéines de l'alimentation animale proviennent essentiellement du soja (et de certains pois), qui est la graine qui contient le plus de protéines.
Les farines animales sont donc très intéressantes car elles sont fabriquées dans le pays, à partir de déchets, alors que le soja est surtout importé. Les premières ne sont pas très chères, le prix du soja ne cesse d'augmenter (et je ne parle même pas de la problématique OGM, car le soja est une plante dont la proportion de production OGM ne cesse d'augmenter, en trouver du non-OGM devient difficile).
Les farines animales étaient peu utilisées dans l'alimentation des bovins (au plus 1% de la ration), et pouvaient représenter jusqu'à 5% de l'alimentation des porcs charcutiers. Aujourd'hui, leur utilisation est totalement interdite.
Et donc ?
Je récapitule : on brûle des farines animales désormais saines (ce qui est cher et polluant, je passe sur les autres effets collatéraux notamment sur le service public de l'équarissage) et l'on importe à prix d'or du soja à la place (ce qui est cher et polluant).
Mais comme le souligne l'article du Figaro, si l'interdiction des farines animales n'a plus vraiment de base scientifique valide, l'image auprès du consommateur est tout autre. Il suffit de lire les commentaires de l'article ou d'en discuter deux minutes au café du commerce pour s'en rendre compte. "Cannibalisme, agriculture folle, vache carnivores," les images s'entrechoquent et se bousculent, la peur règne et l'information est rare.
A mon avis, réintroduire les farines animales serait une erreur, car le public n'est pas du tout prêt à cela et les éleveurs n'ont vraiment pas besoin d'une nouvelle crise. Evidemment, pour eux, la situation économique est très difficile. On les accuse de vouloir nous faire "bouffer de la merde" quand ils espèrent surtout survivre. Oui, le prix de la viande augmente et va sans doute continuer à augmenter, à moins que vous n'achetiez du boeuf importé de pays qui n'ont pas interdit les farines animales (hors de l'UE, pour faire simple).
Je le disais dans un autre billet au sujet des règles strictes qui encadrent le bien-être animal, notamment à l'abattoir, je le répète ici avec ces problèmes alimentaires : les produits français sont chers car les pouvoirs publics et les filières ont mis en place des cadres très contraignants afin d'offrir des produits de grande qualité et de satisfaire le consommateur.
Nous consommateurs, avons des droits : manger ce que nous souhaitons manger. Et des devoirs : mériter tous ces efforts, et les reconnaître. Des efforts qui se payent à la caisse du supermarché.
PS : parce que je ne résiste pas : les vaches ne sont pas herbivores. Non, non. Elles ont dans le ventre un immense estomac, la panse, d'une contenance d'environ 100L, et qui ne contient que des bactéries et autres micro-organismes capables de digérer l'herbe. La vache, elle, digère ces bactéries. Les vaches sont bactérivores. D'ailleurs, les animaux qui mangent de l'herbe se servent de microbes pour la digérer à leur place. Et ces microbes sont parfaitement capables de digérer de la viande. Je fais de la provoc' ? Oui, mais réfléchissez-y.
Commentaires
Bien expliqué... J'ai tapé à l'ordinateur un cours d'alim sur les farines (et graisses) animales, ce billet est un bon résumé ! Quant à redonner des farines animales je suis d'accord avec toi au niveau image publique ça ne passera pas. (Et puis j'ai quand même une réticence à en donner aux vaches, même si actuellement on ne peut plus nourrir une vache laitière avec uniquement de l'herbe. - Petite explication pour non-spécialistes : elle produira trop de lait par rapport aux apports alimentaires et développera une pathologie métabolique, elle tombera malade ! On l'a sélectionnée pour ça, pour qu'elle produise toujours plus de lait...)
Merci pour ce nouveau billet très instructif. Je pense aussi qu'il serait difficile aujourd'hui de faire accepter la farine animale, à moins d'utiliser un tour de passe-passe (adjonction d'un truc X ou Y qui permet de donner une nouvelle appellation ultra-hype).
Je venais poser une question (pourquoi ne peut-on plus nourrir les vaches "à l'ancienne" ?) mais Spierre y a déjà répondu pour ce qui concerne les vaches laitières. Pour les autres bovins et pour les porcs, à quel point en sont-ils dépendants ?
Sinon, j'ai aussi une question bête (sans jeu de mots) : les vaches, quand elles broutent, doivent bien de temps à autres, avaler des insectes et des vers de terre, non ? A moins qu'elles les recrachent proprement dans leur serviette ou qu'elles les poussent délicatement vers le rebord de l'assiette, elles sont donc déjà peu ou prou carnivores. Et idem pour les ovins. Non ?
Fourrure : Les tours de passe-passe, c'est le meilleur moyen de détruire la confiance. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles, non plus...
Pour les bovins à viande, les farines animales n'ont pas d'intérêt. Ce sont effectivement pour les vaches laitières hautes productrices, que ces compléments sont intéressants pour apporter beaucoup de protéines de bonne qualité dans un faible volume ingéré, et à faible coût.
Les porcs, volailles et poissons sont (plus ou moins) des omnivores, qui ont donc des besoins en protéines d'origine animale assez élevés. De mémoire (mais ce n'est pas du tout ma spécialité) les produits dérivés du lait sont très utilisés pour les porcs. Pour les volailles, l'alimentation est essentiellement céréalière, pour les poissons, aucune idée. Ca sort complètement de mon domaine de compétences.
Pour les vaches, bien entendu, elles ingèrent n'importe quoi quand elles mangent (et je pèse mes mots, je vous ferais un jour un billet sur ce que l'on peut trouver dans le ventre d'une vache).Lles ovins sont plus sélectifs, ce qui ne les empêchera effectivement pas d'ingérer des insectes ou des mollusques. Cela dit, peu importe, cela ne fait pas partie de leur ration de base. C'est "accidentel". Ces animaux sont des herbivores. Simplement, si on leur demande une forte production, il faut avoir une alimentation parfaitement adaptée (l'alimentation animale représente un volume de cours impressionnant pour les étudiants vétérinaires, et c'est très technique).
Les farines animales sont un moyen d'arriver à ces rations, comme le soja... mais le coût n'est pas le même.
Alors effectivement, une solution serait de diminuer la production exigée d'une vache. Mais qui nous parlait d'augmentation des prix dans les supermarché, d'augmentation du prix du lait et des céréales ?
A une époque le même débat existait avec la nourriture pour les chevaux. Ce sont les granulés qui étaient en cause. Je n'ai jamais eu une grande confiance dans ces granulés, peut être à cause de leur couleur (rires). Elle est en pension chez un agriculteur qui utilise ses propres récoltes pour nourrir à la fois le bétail, chevaux, les poules....C’est une petite exploitation, il est évident que ce mode d’alimentation est possible. Concernant mon cheval je trouve que l’orge aplatie est d’une meilleure qualité que la bouffe en sachet et le prix de la pension s’en ressent parallèlement Les grandes marques d’aliments pour chevaux proposent en effet de supers produit savamment dosés, cependant c’est 25 euros le paquet. Et puis je crois qu’en tant que consommateur on est tous un peu paumé parce que l’information est très distillée.
Fourrure : Les préjugés à l'égard de ce qu'on ne comprend pas sont hélas bien ancrés.
Niveau qualité, tout est possible : il y a du très mauvais orge "fait maison" et d'excellents aliments industriels. Et l'inverse.
Pour les aliments industriels, il est évident qu'un propriétaire d'animal a du mal à comprendre ce qu'on lui propose. Le plus simple est de demander conseil au véto, au centre équestre d'à côté, au maréchal ferrant, etc. Et puis il y a une idée simple à retenir : plus c'est cher, meilleure est la qualité (oui, je sais, c'est caricatural, mais pour des prix assez bas c'est plutôt réaliste).
Pour l'information, tout est sur les étiquettes... mais ces informations sont inutilisables pour la plupart des gens.
Ceci étant dit, un cheval inactif n'a pas vraiment besoin d'orge ou de granulés divers et variés... (j'entends par cheval actif, un cheval de club qui fait 2-3 heures de manège par jour, un cheval de sport, une poulinière, etc.).
Encore un billet instructif dommage que la population ne soit pas plus informée sur ce sujet.
Merci pour les réponses. :)
Moi non plus, je ne suis pas partisane d'un tour de passe-passe. C'est un pari risqué et je ne trouve pas que le jeu en vaille la chandelle.
Merci encore.
Et bien moi j'apprends encore des trucs, yeah!
merci
Je n'ai pas lu l'article d'origine, mais c'est clair que l'on a toujours un dilemme entre le faisable, ce qui respecte l'équilibre d'origine, ce qui ne le respecte pas mais est faisable quand même, ce qu'on aimerait faire mais n'est pas faisable et ce qu'on aimerait pas faire mais que l'on doit faire quand même... L'opinion publique est un verrin assez impressionnant de puissance, parfois à la bonne heure, parfois à côté de la plaque. Pas grand chose de plus à dire sur le problème des farines, par contre :
Poussons la provoc', mon ami !
Pourquoi ne pas faire digérer les farines animales par des bactéries, puis les lyophilisats bactériens par des vaches ? Puisque les vaches sont bactérivores, ca se tient !
...
C'est par où la sortie ? :D
Bien dit, je suis totalement d'accord.
Dommage que personne n'ait le courage de bien expliquer ça clairement au grand publique.
Meuhhhhh !!!!
Espérons que l'industrie sache retrouver la confiance de l'opinion publique en expliquant clairement les choses tel que tu l'as fait ici.
Slak
Fourrure : Le problème, c'est que l'industrie n'est pas crédible, car suspectée de ne penser qu'à ses profits.
Que les agriculteurs sont soupçonnés par beaucoup de vouloir empoisonner le monde.
Que les politiques, s'ils sont bien informés, ont peur de déplaire.
Et que les journalistes jouent trop la carte de l'inquiétude pour donner du relief à leurs écrits (en tout cas, c'est net dans cet article du figaro).
C'est le règne de la peur et de la défiance...
Tous ces commentaires par des gens qui ont l'air de s'y connaitre me suggère quelques questions :
1) On avait parlé de fabricants de farines animales qui utilisaient des boues de stations d'épuration ... info ou intox ?
2) Dans tout ça (farines animales pour tous, hormones pour les veaux, antibiotiques pour les poissons et les volailles), on a toujours un peu l'impression qu'on ne sait pas où on va, et qu'il n'y a pour ainsi dire pas d'évaluation de ce qui se fait, avec prise de décision en conséquence. Vrai, faux ?
3) A ce propos, si quelqu'un pouvait m'éclairer sur le rôle des antibiotiques dans l'élevage : rôle préventif ou augmentation des rendements (et alors par quel mécanisme)?
Et puis une remarque. On veut tous être des consommateurs avisés, mais dans la réalité, on n'a pas les compétences. On voudrait pouvoir choisir sa viande avec une étiquette disant ce qu'elle a mangé, mais au fond, on serait bien incapable d'en conclure quoi que ce soit. Vous votez pour quoi vous ? Farine animale bien de chez nous ou soja transgénique du Brésil ? Compléments alimentaires britanniques ou bonne herbe grasse française broutée au pied d'un incinérateur (donc pleine de dioxines diverses, là c'est le chimiste qui parle) ?
Les scandales lié à la nourriture, ça fait toujours plus peur (le mot "empoisonnement" n'est jamais loin). J'ai encore jamais entendu personne demander l'interdiction des pompes à essence, et pourtant, l'essence c'est plein de composés qu'on a à peine le droit d'utiliser dans les labos de chimie (à commencer par le benzène, cancérigène notoire non éliminable par l'organisme). Mais il faut dire que la MCJ, c'est plus vendeur qu'un bête cancer...
Rêvons un peu : si on avait des politiques qui prenaient le temps de se faire expliquer les problèmes, puis d'expliquer ensuite leurs décisions aux citoyens ...
Fourrure : Pour ma part, je vais me cantonner aux questions auxquelles je peux répondre. Pour le reste, je n'ai que des avis personnels.
1) Aucune idée, mais cela ressemble à un bon scandale comme on les aime, alors, indélicatesse d'un imbécile ou fausse info, aucune idée.
2) L'évaluation (sérieuse) est censée se faire par la voie des recherches scientifiques (des vraies, indépendantes et publiées dans des revues sérieuses). C'est le rôle des agences du type Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) ou Food & Drug Administration pour les US (FDA) de centraliser ou de commander ces études afin d'éclairer les décideurs et le public. Les avis de l'AFSSA sont d'ailleurs consultables par tout un chacun sur leur site. L'agence édite aussi des lettres d'informations à destination des professionnels (les vétérinaires reçoivent ainsi régulièrement des bilans sur la pharmacovigilance vétérinaire).
Nous disposons donc maintenant d'outils et d'un organisme capable de donner des avis éclairés et éclairants. La prise de décision, elle, revient toujours au politique : même si l'AFSSA rendait un avis pour autoriser le retour des farines de viande dans l'alimentation des animaux, il y a fort à parier que le ministère de l'agriculture refuserait, pour des raisons plus... psychologiques.
Un exemple pratique ici sur l'utilisation de certains sous-produits animaux dans l'alimentation animale. C'est lisible par tout un chacun même si c'est un peu ardu (au pire, sautez à la conclusion) et ça devrait rassurer sur le sérieux du système.
Evidemment, les plus malins auront remarqué que l'AFSSA existe depuis... 1999.
3) Très vaste question !
Je vous propose un joker pour vous écrire un billet sur le sujet.
Pour la remarque : oui, c'est un débat très intéressant que l'intérêt du sur-étiquetage, et une source récurrente de moqueries de la part de Jean-Pierre Koff (que je respecte pour sa mauvaise foi très bien utilisée et son honnêteté, au-delà d'une certaine démagogie) que ces informations inutilisables par le consommateur moyen. Le choix, censé être rationalisé par ce genre d'étiquettes, finit par reposer sur des critères peut-être mal interprétés.
Mon exemple préféré : si vous avez le choix, vous préférez les oeufs de la fermière d'à côté avec ses poules dans sa cour ou ceux des poules en batterie ? Pourquoi ?
Je suis curieux de connaître vos réponses. J'essaierais de commenter les choix de ceux qui se prêteront au jeu !
Pour les rêves, je recommande la lecture des blogs de Maître Eolas (droit) et d'Econoclastes (économie, le blog est passionnant), où l'on se rend compte que les décisions politiques pourraient vraiment être meilleures.
C'est très vrai Nicl : souvent on juge sans avoir les compétences. C'est vrai en toutes choses, on va faire davantage confiance à l'empirisme du coiffeur qui nous a dit que ca devait pas etre un cancer, plutot que de croire le professionnel de santé qui, de toute façon, est juste là pour te soutirer une consult et, si possible, te fourguer un produit cher sur laquelle il est supposé faire une grosse marge.
Sur la sécurité alimentaire, cela m'évoque des débats comme "farines ou pas" "bio ou pas". ca me fait toujours rire quand j'explique à des amateurs acharnés du bio sous prétexte que "c'est plus sûr" (il y a d'autres arguments recevables en faveur du bio, hein ^^) que de nombreux "pesticides" et autres produits de culture ont des risques sanitaires nettement plus faibles que certaines bestioles, parasites et autres conneries que ces produits tuent et qui, en leur absence, peuvent se retrouver dans les aliments.
C'est comme expliquer à un petit vieux que son jambon artisanal fait avec amour dans le grenier est à l'origine de l'hospitalisation de sa femme car ledit jambon maison etait bourré de bactéries anaérobies maison extrêmement dangereuses ;op.
Bon alors si Vache Albinos me lance sur le sujet, je vais pas rater une occasion.
Vos exemples me semblent tout à fait similaires à ceux du type : "naturel" (synonyme comme chacun sait de "bon et sans danger") contre "chimique" (synonyme comme personne ne l'ignore de "horrible et dangereux"). C'est curieux, quand je j'essaie d'expliquer qu'un médicament de synthèse comportant un unique produit actif pur à 99,99% (voir plus) me parait plus sûr qu'une décoction de grand mère faite avec les herbes du chemin et comportant au bas mot 100 molécules différentes (sans compter les polluants extérieurs) dont la plupart n'ont pas même été identifiées, et dont les effets n'ont jamais été étudiés, j'ai rarement du succès ...
On est bien d'accord, hein, je suis chimiste, mais j'ai pas dit non plus que chimie = bien ! ni que les décoctions sont à bannir.
Merci à Fourrure pour la réponse.
Juste à titre de remarque/question (mais là encore je manque de temps pour approfondir). L'ennui de l'AFSSA ou de la FDA, c'est qu'il y a (assez) régulièrement des histoires de liens pas toujours très clairs entre ces institutions et les secteurs industriels concernés (je crois me souvenir d'une affaire pas glorieuse d'aller-retour Monsanto-FDA-Monsanto de certains cadres), du pantouflage quoi ! Dommage que cela décrédibilise l'action de ces organismes, mais là encore, si le politique pouvait édicter des règles claires ... Mais je suis enchanté que les professionnels soient informés des avis de l'AFFSA.
Pour le jeu des poules, je veux bien me lancer :
Moi je choisis les oeufs de la fermière d'à-côté parce que :
1) elle a pas une tête à donner des cochonneries chimiques à ses poules,
2) ses oeufs ont pas fait 300 km en semi-remorque diesel,
3) ses poules ont sûrement été plus heureuses à courir qu'à être enfermées (syndrome "Chicken run" pour ceux qui connaissent cet excellent dessin animé), DONC les oeufs sont meilleurs,
... JUSQU'au jour où je tombe sur un oeuf qui sent pas bon. Alors là je change dare-dare mes habitudes. J'achète les oeufs du supermarché :
1) en regardant attentivement la date de ponte,
2) en ouvrant la boite pour regarder s'il y en a pas un fendu,
MAIS
3) je prends quand même ceux qui sont marqués "label rouge" ou "pondus en plein air" ou "10 m2 par poule" ou autre faribole dont la signification est de toute façon opaque,
... jusqu'au jour où je retombe sur la fermière du marché, qu'a l'air ben malheureuse avec ses oeufs. Etc.
En d'autres termes, et comme 99,9% des consommateurs, je n'ai aucun critère objectif disponible pour choisir. Et comme je n'ai pas la chance d'avoir une opinion bio-intégriste en la matière ... (NB : j'ai rien contre le bio, j'en ai seulement contre ceux qui croient que bio = solution de tous les problèmes).
Fourrure : Hop, j'esquive le duel naturel/artificiel et la question des oeufs (j'interviendrais plus tard, voyons d'autres réponses !), pour reprendre le point de la crédibilité d'organismes comme la FDA ou l'AFSSA (d'ailleurs évitons de mélanger les deux, je ne crois pas qu'ils fonctionnent de la même manière).
Le boulot de l'AFSSA, c'est de prendre les données disponibles (études scientifiques, indépendantes ou pas), d'exercer son esprit critique et de proposer des avis et rapports sur diverses questions touchant à la sécurité alimentaire. Evidemment, certains intérêts peuvent nuire à sa crédibilité... mais c'est hélas une constante dès qu'il y a de l'argent en jeu. Est-ce une raison pour rejeter son travail ?
Ce genre d'inquiétude relève encore de la défiance que tout un chacun éprouve vis à vis de ces experts, qui sont soit incompétents, soit corrompus. Que certains d'entre eux le soient, et bien... ils sont humains, cela me paraît malheureusement inévitable. C'est un risque dont j'ai conscience, et que j'accepte, c'est donc pour cela que j'aiguise mon sens critique dans les domaines où je suis compétent, et m'en remet à leur avis dans ceux où je ne le suis pas. Parce que je préfère la confiance à la méfiance. Au risque d'être déçu ? Oui, inévitablement, mais au moins, je n'ai pas peur de ma nourriture et mange sereinement.
si vous avez le choix, vous préférez les oeufs de la fermière d'à côté avec ses poules dans sa cour ou ceux des poules en batterie ? Pourquoi ?
Personnellement, ceux de la dermière d'à côté, même si ce qu'elle donne n'est pas forcément ce qu'il y a de plus naturel, même si la date de ponte n'est pas notée sur l'oeuf....bref je sais d'où il vient, et d'où il sort, limite elle va me désigner la poule qu'il l'a pondu, et je pourrai lui tordre le coup et faire un bon poulet rôti :)
J'ai eu des poules, c'était un plaisir de faire des oeufs à la coque ou des gâteaux, la différence se voit quand même. Cela ne m'empêche pas d'acheter des oeufs au supermarché.
Tout à fait d'accord avec votre opinion sur les experts (de toute discipline), Fourrure. Je voulais juste souligner qu'il était dommage que des conflits d'intérêts existent (le mot corrompu me semble un peu fort, car je ne crois pas que les intéressés soient forcément conscients, même si certains le sont sans doute). A la relecture de mon précédent commentaire, c'était pas très bien tourné, mais je voulais dire que ce serait mieux si le pouvoir politique s'intéressait à ces organismes un peu plus : suivre leurs conseils, mais aussi veiller (au niveau des nominations par exemple) à éviter les conflits d'intérêt.
Attendez, Fourrure. Vous dites que la t° de cuisson des farines animales détruit le PrPsc (enfin les prions en général) mais pas les protéines ? Mais que je sache, le prion EST une protéine. Isn't it ?
Serait-il alors plus sensible à la température que les autres protéines ? Ou la température n'influerait que sur le repliement (en le dépliant en fait) qui rend le PrPsc pathogène ?
Mon interprétation est que la température utilisée déplie les protéines (comme en cuisine, par exemple) dont les prions, mais ne les détruit pas. Et les protéines dépliées (toujours comme en cuisine) gardent leur valeur nutritive.
J'ai bon, Greg ?
Fourrure :
Fiou ces questions techniques. Non, en fait, le traitement thermique consiste en une cuisson à au moins 133°C, 20 minutes à 3 bars (je vous rassure, je ne sais pas ça de tête, j'ai été vérifier). A cette température, on détruit toutes les structures complexes que vous évoquiez, mais pas la chaîne protéique et surtout pas les acides aminés (heureusement !). La lysine est l'exception, car elle ne supporte pas de telles conditions de cuisson. Pour plus de détails, ça va dépasser mes compétences !
moi je choisis sans hésiter les oeufs de la fermière, parce que j'aime bien acheter des trucs locaux, je m'en fous si c'est bio, et même un peu si c'est meilleur. je veux connaître les gens qui ont produit ça. J'aime voir quand ils aiment leur métier, en discuter. La relation, quoi. Quelquefois j'ai pas le temps, mais c'est rare. Ca m'est pas trop arrivé de me taper une discute passionnée sur le métier de caissière ou sur les produits à franprix quand j'y passe.
C'est aussi ça qui me fait aimer votre blog, c'est que vous êtes vraiment très humain dans la manière d'aborder les problèmes et les gens. Et qu'on voit bien qu'ils vous intéressent, les gens, même si votre boulot c'est les animaux!