Jour seize. Motif : épillet ?
jeudi 7 juillet 2016, 11:00 Vétérinaire au quotidien Lien permanent
Jour seize.
Motif : Épillet ?
Cette journée n'en finit pas. Non qu'elle ait été très chargée. Quelques consultations ce matin, dont un cas vraiment compliqué qui m'a occupé en fin de matinée puis a rogné quarante minutes de ma pause. Des bricoles en début d'après-midi, des contrôles, un vaccin de chiot, avec ses innombrables questions posées, et ses non moins nombreuses questions non posées. Un suivi de chimio, qui commence à déconner. Un cas de dermato. Un retrait de points. Des coups de fils pour appeler suite à des résultats, pour rappeler ceux qui m'ont laissé des nouvelles. Un dernier rendez-vous à 17h, pour un vaccin, et puis plus rien. Cet après-midi, à chaque début de consultation, j'ai regardé le planning et espéré ce dernier rendez-vous. Et puis quand il s'est achevé, et que j'ai pensé me poser, un autre est arrivé. Ulcère cornéen. Et un autre. Un bobo. Et encore un autre. Un épillet.
Est-ce que je suis seulement capable de m'en occuper ? D'être disponible, patient, souriant ? Attentif à l'animal et à son maître ? De trouver la douleur, et la soulager ? Bon, un épillet, je devrais y arriver. Je le sens, je commence à me mécaniser. Je fais attention en disant bonjour, je fais attention en serrant la main. Il faut que je me réveille. Je fais attention en soulevant Foxie, en la posant sur la table. J'essaie de ne pas me précipiter sur la blessure, de prendre le temps, de la caresser, de l'explorer. De discuter. Anamnèse, commémoratifs. Tous ces petits riens qui n'ont rien à voir avec le sujet. Fox est un border terrier, enfin une, et sous sa bouille griffonnée et ses airs de modèle pour publicité se dissimulent un caractère de cochon, option têtue comme une bûche.
Je la retourne sur le dos, pour observer la blessure signalée. Elle gigote, se trémousse, râle, grogne, pédale et griffe. J'ai eu le temps de mettre un coup de tondeuse. Sa propriétaire a du rattraper sa bretelle de soutien-gorge à moitié arrachée par Foxie en furie. Je laisse tomber. Me passe la main sur le visage, soupire, et appelle une ASV.
- Perrine, j'ai besoin d'aide s'il-te-plaît. Il va falloir six mains pour tenir cet engin.
Perrine est à l'accueil, en train de finir d'expliquer à une dame que castrer son chat serait une bonne idée.
- Boudu, six kilomètres, mon chat il a fait six kilomètres pour sauter une minette ! Docteur, vous en connaissez des gars qui feraient six kilomètres pour sauter une minette ?
J'en reste pantois.
- Je suppose que oui.
- Bouduuuu, moi j'en ai pas connu ! Au revoir !
Perrine se cache derrière le comptoir. Comme si personne ne la voyait se marrer.
Nous saisissons Foxie. Mme tient les pattes arrière, je prends un antérieur, Perrine un autre. Il y a effectivement un trajet fistuleux, sous-cutanée. Du pus sourd. Ce n'est pas très douloureux. Foxie pédale, mais sans conviction. Coincée. Sa maîtresse protège ses bretelles de soutien-gorge, je commence à presser. Un couinement, peu convaincant. Un peu de pus. Je suis persuadé qu'il y a un épillet. Nous sommes sous l'aisselle, le poil est long et emmêlé, cette saleté de graine au profil de harpon a du se planter. En biais. Filer par ici. J'explore. Avec ma pince, je m'enfonce dans la cavité de l'abcès. Foxie pédale un peu. Je pourrais l'anesthésier, au moins localement, mais les piqûres feront plus mal que mon exploration. J'en ai pour un instant. Il doit être… Là ! Je l'ai attrapé. Quatre centimètres de long, mais il a eu le bon goût de rester dans un axe sous-cutané. Je désinfecte, Foxie peut se relever. Une pommade, et il n'y aura plus besoin d'en parler.
C'est le troisième épillet de la journée. Les deux précédents étaient dans une oreille. Enfin, dans deux oreille. Une chacun. Mais comme je le détaille à la propriétaire de Foxie qui le regarde d'un air horrifié, nous en avons déjà trouvé dans l'abdomen, dans le vagin, entre les plèvres, et bien sûr dans les yeux ou dans les espace interdigités, voire entre les gaines tendineuses des avant-bras… La saison vient à peine de commencer.
Commentaires
Par précaution, je vais tondre ce qui me sert de pelouse et qui , habitant en Paca, ressemble à une prairie sèche par ces chaleurs d'été.
Je suppose que les chats aussi risquent ces accidents ?
Merci encore pour ces billets journaliers :)
Les épillets : vaste sujet !
Jusque là pas de problème de ce type à déplorer, mais concrètement, comment peut-on s'en préserver ? A moins d'éviter systématiquement toute balade dans les herbes...
Je deviens moi aussi accro a ces billets journaliers ! Merci !
Fourrure :
Aucun moyen efficace. Raccourcir les poils sous les oreilles et entre les doigts pour les races à poil long. Et inspecter.
Merci pour cette réponse ! Ayant une "poil court", pas de raccourcissement possible. Je pense qu'une exploration poussée en retour de promenade en même temps que l'exploration des tiques sera la meilleure alternative.
Ben oui... deux épillets ce matin dans l'œil de mon chien, dont l'un, le plus gros, piqué dans la 2e ou 3e paupière, je ne sais plus! Et un bel ulcère de la cornée parce qu'il s'est frotté toute la nuit sans se plaindre... Pas douillet!
Il était allé farfouiller quelque part et était rentré couvert de graines! On tond tout ce qu'on peu mais on peut pas tondre toute la campagne et donc j'ai pris RDV pour tondre le chien!
Moi je n'ose plus promener mon labrador dans les champs autour de la maison, à chaque coup je suis obligée de l'amener en urgence chez le véto pour un épillet dans le nez... Heureusement qu'il a un très grand jardin! Mais il est vrai que ces plantes sont un fléau.
Bjr..
Et bien, quand je vois tout ce qui est susceptible d'arriver à un chien...
Un de nos lapins (qui passe le gros de son temps au jardin) a souffert d’un ulcère à l’œil (ça va mieux). Nous n'avons pas retrouvé la source de la lésion. Je me demande si cela pourrait être un épillet. C’est embêtant vu que nous avons un jardin de hautes herbes pour nourrir les lapins justement.
Et je dirais même plus : bouduuuuuu !