Manifestation du 6 novembre
dimanche 17 novembre 2013, 14:38 Vétérinaire au quotidien Lien permanent
De vrais gamins. C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit quand j'ai vu les vétérinaires (et ASV) se réunir sur le parvis de la gare Montparnasse, ce mercredi 6 novembre. Je ne reviens pas sur le pourquoi, je vous laisse lire ce billet si vous découvrez le sujet.
J'avoue que j'arrivais sans réelle idée de ce que j'allais découvrir. Monté à Paris avec quelques vétos de mon coin, nous avions discuté de tout sauf du sujet de la manif'. Il est si rare qu'entre voisins - et concurrents - nous ayons l'envie et l'occasion de parler de notre boulot. Le temps du voyage, d'un repas partagé, nous ont permis de mieux nous connaître. Nous avons échangé anecdotes et plaisanteries sur des clients communs, sur les vétos qui nous ont précédés, sur des cas inhabituels. Nous n'avons pas parlé de conjoncture, de politique, de notre profession. Comme si tout avait déjà été dit. Comme si tout cela nous semblait si évident qu'il n'y avait plus rien à discuter. Peut-être avions nous simplement envie de nous rencontrer, sans nous prendre la tête.
Cette manifestation, ce fut aussi cela. Une rencontre, non plus avec des confrères avec lesquels nous aurions eu un peu le temps de discuter, mais avec notre profession comme un tout global. Alors même que je ne me suis jamais réellement pensé comme une partie d'un tout qui serait constitué par mes confrères. Nous n'avions aucune idée réelle du nombre que nous serions. La manifestation était maintenue malgré la reculade du gouvernement, acquise l'avant-veille dans un communiqué qui m'a laissé un goût amer de foutage de gueule. Est-ce ce parfum d'amertume qui a maintenu la mobilisation de notre profession ?
En tout cas, sur le parvis de la gare Montparnasse, c'est la joie et la bonne humeur qui dominent. Je vois des vétérinaires se donner l'accolade, prendre des nouvelles de ceux qu'ils ont perdu de vue depuis l'école, comparer leurs tenues. Les stickers passent de main en main. Il n'y en aura pas assez. Blouse cachou ou imprimé à petits chiens ? Masque de chirurgien ou bonnet de laine ? Chasuble de vêlage ou blouse blanche ? Visages juvéniles d'étudiants ou vieilles barbes déjà retraitées ? Les vétérinaires sont là, dans toute leur joyeuse diversité. Les drapeaux régionaux flottent au vent, dominés par les inévitables bretons (peut-on manifester sans drapeau breton ?). Un rayon de soleil vient éclairer les banderoles, on compare les slogans potaches, on tente quelques chants avec une moue plus ou moins appréciative. Sur une butte, des gars des RG rigolent et essayent de compter la petite foule qui s'amasse. Nous tentons des paris. Combien serons-nous ? 2000 ? 3000 ? 5000 ? Je penche pour la deuxième option. Je vais perdre, et de loin. Et cela me fait super plaisir.
J'ai abandonné mes voisins pour aller, comme les autres, retrouver de vieilles connaissances. Le hasard me permet de rencontrer Zythom qui passait par là. Quelques mots trop vite échangés, j'hésite entre tutoiement et vouvoiement, le temps manque pour faire connaissance, me laissant un goût d'inachevé. Il y a tant de personnes croisées sur internet que je voudrais rencontrer !
Le cortège s'ébranle enfin. Il est 11h. Je tweete plus ou moins discrètement, je vois que je ne suis pas le seul. Je capte un sourire. De connivence ? Je suis à peu près certain que certains amis de promo ont percé mon anonymat. Je me doute qu'ils comprennent mes raisons et du coup, peu importe. Le groupe compact de la place s'allonge. Je n'avais pas vu le parvis se remplir à ce point. La longueur de la file me déconcerte. OK, les étudiants sont un millier. Leurs bus s'alignent le long d'une avenue. Même les liégeois sont venus ! Il y a des ASV. Combien ? Aucune idée. Mais nous sommes bien plus que 3000, j'en suis certain.
J'arpente le cortège, sa lente progression permet de prendre la température en tête comme en queue. Des sourires, partout. Ravis. Je les interprète comme une joie de nous découvrir capables, nous, salariés ou libéraux individualistes aux parcours et aux intérêts si différents, de faire corps, ne serait-ce que le temps d'une manifestation. Je suis fier d'être vétérinaire, et je suis fier de mes confrères. On peut bien nous accuser de protéger nos intérêts économiques : c'est vrai. Mais nous savons que nos raisons ne se logent pas que là, que nous avons aussi d'excellents arguments techniques.
La manifestation est finalement assez silencieuse. Très calme, même si elle est joyeuse. Les CRS ne sont pas très nombreux, la police régule le trafic. Je ne vois plus les gars des RG. Les heures passent au fil de notre très lente progression jusqu'au ministère de la Santé. Il y a bien quelques pauses pour des cris et des sifflets regroupés, mais finalement peu de slogans scandés. Des étudiants vétérinaires chantent une variation d'une paillarde pour appuyer nos revendications. Il y a des caméras, des photographes. Quelques interviews. Nous ne ferons pas la une de l'actualité. Les patrons des bistrots et boulangerie sur le chemin du cortège ne craignent aucun débordement. Ils doivent plutôt se frotter les mains vu le nombre de manifestants qui viennent se ravitailler ?
Goulet d'étranglement avant la dernière ligne droite. Le cortège passe par une petite rue, qui, remplie à bloc, donne une idée de l'importance de la manifestation. C'est là que l'on me glisse le nombre de manifestants comptés par les RG. 6500. Un sourire de joie incrédule. Le syndicat en revendiquera 8000, ou 10000. Peu importe : nous sommes 16000 vétérinaires en France. Cette proportion me paraît incroyable. J'espère qu'elle fera réfléchir les responsables politiques. Je me fais peu d'illusions sur leur bonne foi, sur le poids entre arguments techniques et arguments politiques. Mais cette fois-ci, je pense que nous avons gagné. Reste à les surveiller.
Le reste de mes photos de la manifestation se trouve sur ma galerie Flickr.
Commentaires
"Qu'elle fera réfléchir les responsables politiques..." Je l'espère mais je n'en suis pas certain. Ce serait dommage...
Virtuellement, le cortège était un peu plus épais, si tu comptes ceux qui sont restés de garde.
Oui, c'est a se demander qu'est-ce qui a été échangé contre le retrait de cette mesure. Vétérinaire référent? Voilà qu'un fonctionnaire de la Santé nous calque un truc qui n'a pas de sens (vu qu'il n'y a pas de sécu pour les animaux) faute idées plus pertinentes et de besoin de contrôle. Une couche de paperasserie de plus, quelques fonctionnaires qui justifient leur croute, mais pour la lutte contre les antibiorésistances, je ne vois pas trop.
Enfin, merci pour les photos. Tu les as prises ou tu es dans l'une d'entre elles? Lo a t'elle eu son autographe ou pas? Si j'y avais pensé, j'aurais demandé un autre pour moi.
:-p
Fourrure :
Je suis derrière l'objectif, pas devant !
Je découvre ce blog suite à une recherche sur cette manifestation.
Sympa comme site.
Les lois aujourd'hui sont bizarrement votées et réflechies, je commence à ne plus rien y comprendre.
Eh bien on a du se croiser, je vois un de mes amis en premier plan sur une de tes photos!
L'ambiance y était ^^
Par contre faire réfléchir les responsables politiques? Quand on voit le discours de notre ministre (qui visiblement ne comprenait pas grand chose à ce qu'il racontait) je n'y crois malheureusement pas trop...
Superbe article, qui fait chaud au coeur. Et bravo pour les photos !
J'ai transmis le lien à "ma" véto, qui m'avait déjà bien expliqué le problème et qui avait fait grève sans pouvoir aller à Paris.
Et bien moi vu d en haut de mon balcon, cf ta première photo, j ai trouve que vous étiez bien nombreux, joyeux et très sympas.
Vous avez eu mn soutien.
Merci pour les photos et toujours agréable de lire ta prose.
Moi, j'ai suivi la manif devant mon ordi (j'assurai les urgences, au cas ou).
Confraternelles amitiés Fourrure !
Tout ce qu’on espère c’est que la manif soit fructueuse et que le gouvernement ne fera pas la sourde oreille. En tout cas, merci d’avoir partagé cette journée en photo et avec des détails sur ton blog. L’essentiel c’est que tout s’est bien passé dans le calme. Je me souviens de certaines manifestations il y a longtemps où on se battait contre les CRS, c’était tout simplement horrible.
Une manif que je ne comprends vraiment pas ...
Les vétos français délivrent 5 fois plus d'antibiotiques que leurs collègues du Danemark par exemple. Il y a là de quoi règlementer non ?
Fourrure :
Je ne connais pas la situation danoise, je ne me prononcerai donc pas dessus (mais attention aux comparaisons internationales, il faut aussi prendre en compte, au-delà de l'organisation des soins, les risques pathologiques comparés : types d'élevage, concentration d'animaux - la France a une forte densité d'élevages - climat, etc.
A mon avis, il y a deux problématiques à décomposer, surtout avant de faire des comparaisons internationales.
On cherche à diminuer la consommation d'antibiotiques en France, comme ailleurs, que ce soit pour les humains ou pour les animaux. Pour les premiers, en France, augmentation lente et progressive, pour les animaux, diminution, ceci sans législation afférente, uniquement via des engagements des professionnels (pas seulement les vétos, mais les éleveurs aussi). On veut diminuer cette consommation d'antibiotiques surtout à cause des risques d'apparition de résistances qui menaceraient la santé humaine en rendant inopérants des antibiotiques utilisés pour les humains (sauf exceptions, nous utilisons grosso modo les mêmes molécules en médecine humaine et vétérinaire).
Il a été démontré, via les exemples espagnols et italiens notamment, que le découplage n'améliorait pas la situation à cet égard. Il est assez probable que ces deux points (couplage de la prescription et de la délivrance d'une part, et taux d'antibiorésistance d'autre part) ne soient pas fortement liés.
On peut trouver tout un tas d'explication à cela. J'en ai cité quelques unes dans mon billet précédent.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien à faire. Nous disons simplement qu'il y a plus intelligent à faire que de séparer strictement la prescription et la délivrance des médicaments vétérinaires. Sensibiliser, éduquer, les vétérinaires comme les éleveurs, notamment.
C'est actuellement ce qui marche bien, dans notre pays, et sans intervention de la loi. Il faut faire mieux ? Oui, et bien, continuons. Mais sans foutre en l'air notre réseau de soins vétérinaire, de préférence.
A ma modeste échelle, je ne consomme plus de fluoroquinolones pour les diarrhées de veaux. J'en utilise beaucoup moins qu'avant pour les pathologies respiratoires. Je n'en utilise presque plus en dermatologie canine. Parce que j'ai appris. Je n'utilise plus de céphalosporines intramammaires, sauf après antibiogramme et de toute façon en seconde intention.
Bref, je me forme, j'apprends mon métier. Et je pense que c'est là qu'est la clef : dans l’éducation, la formation, des éleveurs et des vétérinaires. Non dans une législation faite à la hache sans balance bénéfice/risque.
@ ama : je n'attends pas la réponse que Fourrure vous donnera sans doute, pour réagir à votre commentaire. Tout simplement, le découplage n'apporterait aucune limite au volume de délivrance des antibiotiques. Ses deux aspects les plus pernicieux seraient de compliquer le travail du vétérinaire et de mettre en danger la vie des animaux, puisqu'il contraindrait à séparer dans le temps la prescription et l'administration du remède.
@ama : il faut voir de quoi on parle. Si on parle de volumes net, il est clair que le cheptel Bovin et Equin sont plus important en France qu'en Scandinavie. Et il est clair aussi qu'une vache consomme plus d'antibio qu'un chat ou qu'un chien. Lorsque un pays a une agriculture développée il est clair que sa consommation d'antibio vétérinaire suit.
Et on peut prendre d'autres chiffres : la consommation d'antibio décroit en médécine véto, couplée, alors qu'elle augmente en médecine humaine qui elle est découplée. Là solution n'est donc pas là. Et l'Espagne ou l'Italie, pays où le découplage est en place en médecine véto, ont une consommation relative d'antibio supérieure à celle de la France.
Je dis pas qu'il n'y a pas de progrès à faire, simplement que ce n'est pas la solution. Là, le rapport bénéfice/risque est trop défavorable.
Qui plus est, les objectifs du plan écoantibio sont déjà atteins alors qu'il reste encore "un peu" de temps avant la deadline. On est sur la bonne voie et il faut persévérer. Mais il serait contre-productif de prendre ce type de mesure sur cet argument.
@ama:
Moi aussi, j'attends la réponse de Fourrure, mais ne peux résister à y mettre mon grain de sel. Car tu es un peu coquin(e). Tu mentionnes le Danemark, qui est bon élève en matière de "délivrance" d'antibiotiques (je pense que tu voulais dire "consommation", parce que sinon, qu'est-ce qu'on s'en fout, non?) mais pas l'Espagne, qui est très mauvais élève. Et pourtant, ces 2 pays pratiquent le découplage prescription-délivrance. Pourquoi cette omission? Soit tu es bien renseigné(e) et alors ta remarque est malhonnête, soit il faut se renseigner: si le découplage faisait baisser la consommation d'antibiotiques en médecine vétérinaire, ça se saurait et les deux pays pourraient alors être cités en exemple.
Qu'il faille réglementer la délivrance d'antibiotiques pour limiter leur consommation, c'est possible. Mais essayons de trouver des solutions constructives. Et puis, appliquons ces solutions à toutes les professions de santé.
sympa le reportage..beaucoup de jeunes..ceux qui reprendront le flambeau ? à voir...
suis allée sur flickr..j'ai vu des drapeaux..normands..en plus des bretons...quelle drôle de France parfois..entre Europe et Régions..
De toute façon, pour abuser des antibiotiques, il faut être une andouille. Chez les humains comme chez les animaux à cause du risque de résistance. Un éleveur met en péril son élevage en en abusant, car le jour où il en a vraiment besoin, il sera mal. En plus, ça fait mauvais genre auprès des clients et il y a souvent des délais d'attente contraignants (c'est pire en laitier où il faut carrément bazarder la production).
Au final, ça coûte cher pour être de moins en moins efficace. Et puis un vétérinaire qui prescrit trop de médicaments, qui ne sont pas remboursés comme en médecine humaine, risque tout simplement de perdre sa clientèle, ou de ne plus vendre ses médicaments, les gens filant avec l'ordonnance chez le pharmacien.
On trouve sans doute des idiots chez les vétos : heureusement, la plupart sont intelligents, responsables et conscients du problème. Et la véto qui amène les médicaments à domicile, c'est bien pratique, les pharmaciens n'ont pas toujours les molécules ou le dosage pour animaux. Ce ne sont pas les mêmes doses pour un chat, un homme ou une vache.
blog très intéressant et d'une manifestation avec beaucoup !! de participants !!
j'aime bien ton blog :)
dis moi, aurais-tu la gentillesse de m'aider, je t'en remercie d'avance.
Je participe à un concours organisé par le Conseil Général de l'Aisne.
Pour valoriser la région de l'Aisne, il faut proposer un slogan.
Le mien a été validé, tu peux le trouver sur le site ici : http://aisne.com/-Trouvez-un-slogan... (ligne 44)
Attention ! mon slogan est au prénom de Anne, car j'ai été plagiée !!
Pour arriver en finale et gagner :) il faut avoir le maximum de votes et d'étoiles.
Il est très important de cliquer sur la 5eme étoile, car c'est celui qui aura la 5ème étoile qui gagnera et je n'en ai que 3.
Si tu as des amis qui veulent bien m'aider, c'est très gentil à toi de leur en faire part et merci de leur vote :)
Le concours se termine aujourd'hui, Samedi 30 Novembre à minuit, je suis donc sur la dernière ligne droite :)
cordialement
J'y étais (après 10 heures de bus ^^) ! Un grand moment inoubliable ! Très impressionnant pour une première année en école véto mais qui donne une très belle image de la profession au vue de l'ambiance qui y régnait ! Merci pour les photos ;)
Ce qui deux ans + tard n'a finalement rien arrêté puisque la loi est passée, en douce, derrière le dos des vétérinaires....
Fourrure :
Derrière notre dos ? Non.
Et puis, nous ne sommes pas arrivés à une interdiction de prescription, même si l'accumulation de la réglementation sur le prix des antibiotiques vétérinaires et de la récente modification du mode de prescription des antibiotiques critiques peuvent laisser un goût amer. Sur ce dernier point, j'y reviendrai dans un billet. Je ne suis pas du tout, du tout catastrophé.