Manifestation du 6 novembre

De vrais gamins. C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit quand j'ai vu les vétérinaires (et ASV) se réunir sur le parvis de la gare Montparnasse, ce mercredi 6 novembre. Je ne reviens pas sur le pourquoi, je vous laisse lire ce billet si vous découvrez le sujet.

J'avoue que j'arrivais sans réelle idée de ce que j'allais découvrir. Monté à Paris avec quelques vétos de mon coin, nous avions discuté de tout sauf du sujet de la manif'. Il est si rare qu'entre voisins - et concurrents - nous ayons l'envie et l'occasion de parler de notre boulot. Le temps du voyage, d'un repas partagé, nous ont permis de mieux nous connaître. Nous avons échangé anecdotes et plaisanteries sur des clients communs, sur les vétos qui nous ont précédés, sur des cas inhabituels. Nous n'avons pas parlé de conjoncture, de politique, de notre profession. Comme si tout avait déjà été dit. Comme si tout cela nous semblait si évident qu'il n'y avait plus rien à discuter. Peut-être avions nous simplement envie de nous rencontrer, sans nous prendre la tête.

Cette manifestation, ce fut aussi cela. Une rencontre, non plus avec des confrères avec lesquels nous aurions eu un peu le temps de discuter, mais avec notre profession comme un tout global. Alors même que je ne me suis jamais réellement pensé comme une partie d'un tout qui serait constitué par mes confrères. Nous n'avions aucune idée réelle du nombre que nous serions. La manifestation était maintenue malgré la reculade du gouvernement, acquise l'avant-veille dans un communiqué qui m'a laissé un goût amer de foutage de gueule. Est-ce ce parfum d'amertume qui a maintenu la mobilisation de notre profession ?

En tout cas, sur le parvis de la gare Montparnasse, c'est la joie et la bonne humeur qui dominent. Je vois des vétérinaires se donner l'accolade, prendre des nouvelles de ceux qu'ils ont perdu de vue depuis l'école, comparer leurs tenues. Les stickers passent de main en main. Il n'y en aura pas assez. Blouse cachou ou imprimé à petits chiens ? Masque de chirurgien ou bonnet de laine ? Chasuble de vêlage ou blouse blanche ? Visages juvéniles d'étudiants ou vieilles barbes déjà retraitées ? Les vétérinaires sont là, dans toute leur joyeuse diversité. Les drapeaux régionaux flottent au vent, dominés par les inévitables bretons (peut-on manifester sans drapeau breton ?). Un rayon de soleil vient éclairer les banderoles, on compare les slogans potaches, on tente quelques chants avec une moue plus ou moins appréciative. Sur une butte, des gars des RG rigolent et essayent de compter la petite foule qui s'amasse. Nous tentons des paris. Combien serons-nous ? 2000 ? 3000 ? 5000 ? Je penche pour la deuxième option. Je vais perdre, et de loin. Et cela me fait super plaisir.

J'ai abandonné mes voisins pour aller, comme les autres, retrouver de vieilles connaissances. Le hasard me permet de rencontrer Zythom qui passait par là. Quelques mots trop vite échangés, j'hésite entre tutoiement et vouvoiement, le temps manque pour faire connaissance, me laissant un goût d'inachevé. Il y a tant de personnes croisées sur internet que je voudrais rencontrer !

Le cortège s'ébranle enfin. Il est 11h. Je tweete plus ou moins discrètement, je vois que je ne suis pas le seul. Je capte un sourire. De connivence ? Je suis à peu près certain que certains amis de promo ont percé mon anonymat. Je me doute qu'ils comprennent mes raisons et du coup, peu importe. Le groupe compact de la place s'allonge. Je n'avais pas vu le parvis se remplir à ce point. La longueur de la file me déconcerte. OK, les étudiants sont un millier. Leurs bus s'alignent le long d'une avenue. Même les liégeois sont venus ! Il y a des ASV. Combien ? Aucune idée. Mais nous sommes bien plus que 3000, j'en suis certain.

J'arpente le cortège, sa lente progression permet de prendre la température en tête comme en queue. Des sourires, partout. Ravis. Je les interprète comme une joie de nous découvrir capables, nous, salariés ou libéraux individualistes aux parcours et aux intérêts si différents, de faire corps, ne serait-ce que le temps d'une manifestation. Je suis fier d'être vétérinaire, et je suis fier de mes confrères. On peut bien nous accuser de protéger nos intérêts économiques : c'est vrai. Mais nous savons que nos raisons ne se logent pas que là, que nous avons aussi d'excellents arguments techniques.

La manifestation est finalement assez silencieuse. Très calme, même si elle est joyeuse. Les CRS ne sont pas très nombreux, la police régule le trafic. Je ne vois plus les gars des RG. Les heures passent au fil de notre très lente progression jusqu'au ministère de la Santé. Il y a bien quelques pauses pour des cris et des sifflets regroupés, mais finalement peu de slogans scandés. Des étudiants vétérinaires chantent une variation d'une paillarde pour appuyer nos revendications. Il y a des caméras, des photographes. Quelques interviews. Nous ne ferons pas la une de l'actualité. Les patrons des bistrots et boulangerie sur le chemin du cortège ne craignent aucun débordement. Ils doivent plutôt se frotter les mains vu le nombre de manifestants qui viennent se ravitailler ?

Goulet d'étranglement avant la dernière ligne droite. Le cortège passe par une petite rue, qui, remplie à bloc, donne une idée de l'importance de la manifestation. C'est là que l'on me glisse le nombre de manifestants comptés par les RG. 6500. Un sourire de joie incrédule. Le syndicat en revendiquera 8000, ou 10000. Peu importe : nous sommes 16000 vétérinaires en France. Cette proportion me paraît incroyable. J'espère qu'elle fera réfléchir les responsables politiques. Je me fais peu d'illusions sur leur bonne foi, sur le poids entre arguments techniques et arguments politiques. Mais cette fois-ci, je pense que nous avons gagné. Reste à les surveiller.

Le reste de mes photos de la manifestation se trouve sur ma galerie Flickr.

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