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lundi 16 septembre 2013

Génériques

Je n'ai jamais entendu un client se plaindre des génériques vétérinaires. Et quand je dis jamais, c'est vraiment jamais. Pourtant, je lis un peu partout qu'ils sont responsables de tous les maux, qu'ils sont moins bien que les princeps (les princeps, ce sont les "originaux"), qu'ils ne sont pas vraiment équivalents. La machine à réglementer devient ridicule pour réussir à imposer son autorité dans ce domaine, au lieu de tenter de redresser la barre sur la mauvaise presse et la méfiance envers les génériques. Dernière trouvaille en date, les médecins sont désormais punis de lignes de copie s'ils veulent prescrire un princeps, devant rédiger AVANT le nom du médicament, et A LA MAIN, la mention "non substituable" pour qu'elle soit respectée, bref.

Mes deux centimes de rappels, avant quelques réflexions de praticien vétérinaire.

Le code de la Santé publique nous dit qu'un médicament générique est un médicament ayant « la même composition qualitative et quantitative en substance active, la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées." Grange Blanche vous explique ici très bien cette notion, je n'y reviens pas.

Hormis des cas d'intolérance à certains excipients, il n'y a donc pas réellement de raison de refuser l'utilisation des génériques. Les excipients, c'est ce qu'il y a dans le médicament et qui n'est pas la molécule active, c'est, si l'on veut, le support de la molécule active. Par exemple, le lactose, un sucre issu du lait, est un excipient mal supporté par pas mal de monde, générique ou pas. Pour certains médicaments, c'est plus nuancé : la lévothyroxine par exemple, dont on a entendu parler récemment. Mais ce dernier cas est une exception.

Évidemment, comme les médicaments génériques sont souvent nettement moins chers que les princeps, il est intéressant d'utiliser les premiers pour faire des économies, ce dont se fout le patient lambda puisque de toute façon tout est remboursé de la même façon (quoique le tiers payant ne soit plus acquis en cas de refus de substitution).

Alors dans le doute, on n'aime pas. Et on n'aime pas, plus ou moins selon les pays. Les États-Unis et le Canada utilisent bien plus les génériques que nous. L'Espagne beaucoup moins. Pourquoi ?

En pharmacie vétérinaire, les problématiques sont un peu différentes.

D'abord, la plupart des nos princeps sont dérivés de la pharmacopée "humaine".

Les doses ne sont pas forcément les mêmes, et varient parfois d'une espèce à l'autre, car le corps des animaux n'absorbe et n'élimine pas toujours les médicaments de la même façon que le nôtre (on appelle ça la pharmacocinétique, j'aimais beaucoup ça à l'école véto, mais je suis masochiste). Le paracétamol est par exemple un poison violent pour les chats, dont le foie ne sait pas gérer l'élimination et donc la toxicité (alors que le nôtre se débrouille très bien, tant qu'on respecte les doses). C'est vrai aussi pour des produits "naturels", les huiles essentielles sont des molécules "médicamenteuses" elles aussi. Les règles de la chimie ne varient pas en fonction de l'origine d'une molécule, qu'elle soit issue de processus chimiques "industriels" ou de processus chimiques "traditionnels" : certaines sont inoffensives pour les humains mais toxiques pour les chats.
Mais si les doses ne sont pas les mêmes, les modes d'action (la pharmacodynamie), eux, sont globalement très semblables.

Les premiers médicaments vétérinaires, ceux que nous, vétos, désignons sous le nom de princeps, n'en sont donc pas vraiment. Ils ne sont, en tout cas, pas originaux. Les labos ont cependant réalisé des dossiers d'autorisation de mise sur le marché (AMM) selon des règles équivalentes à celles qui concernent les médicaments à destination des humains : prouver qu'ils ont une efficacité, qu'ils ne sont pas dangereux, qu'ils ne laissent pas de résidus dans les produits laitiers, la viandes ou les œufs au-delà d'un délai défini, etc. Aujourd'hui, des médicaments réellement développés pour le marché vétérinaire existent, mais ils sont rares (et très chers).

Depuis 15 ans environ, nous voyons apparaître des génériques vétérinaires de ces médicaments vétérinaires. Comme en pharmacie humaine, certains labos se sont fait une spécialité de ce type de produits, et tous y ont touché (ce qui rendait les délégués défendant les princeps assez peu crédibles, étant donné qu'ils avaient aussi des génériques dans leur catalogue).

La plupart du temps, outre un prix inférieur, ces génériques ont apporté un plus par rapport au princeps, ceux qui ont eu le plus de succès sont ceux dont la galénique a été la plus travaillée pour s'adapter aux contraintes imposées par nos patients. Essayez un peu de filer un comprimé de la taille d'un sucre à un chat, pour voir. Ou un truc amer. Des antibiotiques plus petits, sécables, en conditionnements plus pratiques, aromatisés à la viande ou au poisson sont apparus. J'ai toujours été surpris qu'aucun labo ne se soit lancé dans le comprimé aromatisé à la charogne ou à la poubelle, je suis sûr que les chiens et les chats auraient adoré.

Et depuis plus de dix ans que je bosse, jamais, jamais je n'ai entendu le propriétaire d'un animal se plaindre qu'on lui ait prescrit un générique, même lorsque je changeais au cours d'un traitement à vie (traitements pour le cœur par exemple). Ou que je zappais d'un générique d'anti-inflammatoire à un autre dans le cadre d'une gestion d'arthrose au long terme.

Sans doute parce que ces médicaments sont moins chers. Qu'ils sont souvent plus pratiques. Et que les propriétaires n'ont pas vu de différence.

Alors pourquoi ce bordel avec les génériques pour humains ?

Si le sujet vous intéresse, il y a un rapport de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) plutôt bien foutu sur le sujet. Moi, à part du placebo et du nocebo, je ne vois aucune raison (en dehors des exceptions précédemment citées) à refuser les génériques.