mardi 30 septembre 2008

Des gosses

Il est à peine onze heures lorsque je ressors mon bras du vagin de la vache.

"Torsion utérine, 3/4 tour, irréductible. On ouvre !"

Dans les minutes qui suivent, déboulent papys, voisins et autres curieux venus assister au grand show : la césarienne. La scène est avantageuse : lumière claire, paille fraîche, petite brise. Quelques meuglements et pépiements en guise de musique, plus le parfum des bovins mêlés à l'odeur indéfinissable de l'herbe humide qui sèche au frais soleil de septembre...

Nettoyage, désinfection, incision, je demande au papy qui vient d'arriver de m'attraper la boîte métallique contenant mes instruments de chirurgie.

"Sans mettre les doigts dedans, s'il vous plaît."

Gagné, il a mis ses gros doigts dedans, mais sans rien toucher.

Boaf.

Grand, raide, la peau cuivrée par le soleil sous sa casquette, pantalon brun et chemise d'un bleu indéfinissable, il commence à chahuter avec l'éleveur qui s'appuie contre la génisse, juste à côté de moi.

Et lorsque je me retourne... Sourire en coin, yeux plissés, le papy de 85 ans est occupé à mimer un coup de bistouri dans le ventre de l'éleveur.

Mignon...

Un bruit métallique. Je me retourne brusquement, le papy tient mon scalpel dans sa main droite, et mime encore une fois le coup de bistouri.

J'explose.

"Mais bordel, ça va pas bien non ?"

Incrédule, voix fautive : "Mais je n'allais pas le faire !"

Je n'y crois pas. Il se justifie comme un gamin. Là, je gueule franchement.

"Mais rien à foutre que vous lui ouvriez le ventre !"

Je détache bien les syllabes.

"Mais..."

Un gosse...

"Mes instruments sont stériles, et vos mains sont dégueulasses ! Ca va pas bien non ? Putaaaaaiiiin ça va dans le ventre de la vache ça !"

Et blam, il repose très vite mon scalpel dans la boîte.

Génial.

N'empêche qu'après, j'ai eu l'assistant le plus zélé de ma carrière. Il n'a plus moufté, plus rien dit, il devançait chaque fois mes gestes lorsque je me retournais pour saisir une aiguille ou un clamp.

Des gosses !

mardi 9 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : La flambée

Pour suivre ces billets publiés au gré des moustiques :

Lorsque le sérotype 1 fut confirmé, cela faisait déjà une bonne huitaine de jours que nous gérions l'épizootie sur le terrain. De deux ou trois foyers les premiers jours, nous sommes rapidement passés à une dizaine, puis une quarantaine. En 10 jours, j'estimais à 80% le nombre de foyers déclarés. Curieusement, la plupart des cas concernaient des élevages bovins, et restaient assez bénins. Il y avait bien quelques troupeaux ovins atteints, mais très peu.
Le fait que nous les ayons appelés dès la première suspicion pour leur faire traiter leurs troupeaux aux insecticides y était sans doute pour quelque chose ?

Alors que la panique gagnait la région, nous roulions d'élevage en élevage. Les résultats tombaient dix jours plus tard, mais ils ne servaient finalement qu'à permettre à l'élevage de devenir "officiellement infecté" ce qui lui permettait de prétendre aux aides. Nous savions déjà que le virus était chez eux, nous avions appris très rapidement à repérer les animaux atteints, même quand il n'y avait presque rien - souvent, en passant, nous avons prélevé des bêtes dont les propriétaires ne pensaient pas qu'elles puissent être contaminées.
D'ailleurs, au début, nous avons fait des prises de sang sur presque chaque bête vue en visite, que son problème soit manifestement la FCO ou pas - histoire de voir et de comprendre. Nous avons eu de sacrées surprises : la plupart étaient positives alors que les symptômes n'étaient pas du tout évocateurs.

Le tableau clinique s'est affiné :

FCO - brebisChez les ovins, une forte inflammation des lèvres, de la bouche, de la langue, entraînent le plus souvent une tête gonflée. Les muqueuses virent au rouge vineux puis éventuellement au bleu violet (d'où le nom de la maladie). Le nez coule énormément (c'est ce que veut dire « catarrhale »), de grosses croûtes se forment sur les narines. Les animaux sont très raides, abattus, ils ont une forte fièvre. En général, ils arrêtent de manger. Pas d'avortements pour le moment, mais nous ne nous faisons pas d'illusions.
Le traitement est illusoire sur les animaux qui déclenchent une forme très brutale de la maladie. Ceux qui résistent ont une chance de s'en sortir avec des antibiotiques et des anti-inflammatoires, deux à cinq jours de traitement. Apparemment, les béliers en sortiront stériles. A vérifier.

FCO - bovin - sérotype 1Pour les bovins : Il est clair que la plupart des animaux cliniquement ateints ne sont pas réellement malades : des courbatures, très nettes (l'éleveur appelle en disant que sa vache boîte de tous les pieds, ou qu'elle a du mal à se lever), et une petite fièvre, pas systématique. Je suppose qu'en réalité, il y a énormément d'animaux infectés qui ne présentent aucun symptôme.
Chez les plus sensibles, les symptômes les plus fréquemment observés sont de petits ulcérations qui deviennent croûteuses sur le mufle et dans les narines, parfois un peu d'écoulement nasal. Le mufle vire alors au gris-violet. Il peut y avoir un œdème inflammatoire de la tête, des ulcérations buccales (dans ce cas en général la vache bave et mange moins, ou difficilement, voire rejette son bol ruminal). Les plus atteintes se lèvent peu et mangent moins, leur production laitière diminue. Aucun avortement n'a été observé ici (les avortements sont provoqués par une forte fièvre, or il n'y en a pas avec le sérotype 1).
En général, tout ça passe en deux jours, au plus cinq. Certains animaux (notamment les plus âgés) ont mis une dizaine de jours à s'en remettre.
Nous comptons quelques morts, essentiellement dans des cas de co-morbidité avec des pathologies lourdes (mammites aiguës) ou un parasitisme délirant. Aucun animal par ailleurs en bonne santé et en bon état d'entretien n'a été sérieusement malade.

La maladie est donc clairement plus grave pour les animaux âgés, déjà malades, ou très forts producteurs : les plus fragiles. En général, j'explique à l'éleveur que c'est comme la grippe pour les humains : ce sont les plus vieux et les plus fragiles qui sont les plus malades.

Après 10 jours de flambée, alors que nous nous apprêtions à vacciner les ovins, puis les bovins, l'épizootie nous laissait un sentiment mitigé, fruit notamment de cette panique délirante sans rapport avec la gravité de la maladie. Journaux locaux, téléphone arabe, la machine à rumeurs fonctionnait à plein et, pendant quelques jours, cela a confiné à l'hystérie. Puis, comme le nombre de nouveaux foyers, cette panique s'est effondrée. Il ne restait plus beaucoup d'élevages indemnes, et, si les cas se multipliaient, nous ne les comptabilisions plus dans une exploitation déjà déclarée infectée. Au vu du nombre de médicaments vendus, cependant, il était clair que nous étions encore dans le pic de l'épizootie.
En tout cas, apparemment, le message était passé. Maintenant, nous allions pouvoir arrêter de "perdre" du temps à calmer les gens pour nous consacrer à la vaccination.

vendredi 5 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Panique

Si vous débarquez par ici, commencez par l'épisode précédent : Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : du plan aux premiers cas.

Panique

La flambée... après nos deux premiers foyers, les coups de fil ont commencé à pleuvoir. Ils étaient de deux types :

  • Les appels pour suspicions : des éleveurs qui trouvaient leur vache bizarre et qui, paniqués, voulaient nous voir au plus vite pour savoir si ça en était.
  • Et les demandes de renseignements...

Nous, nous avons appelé les éleveurs laitiers et ovins afin qu'ils mettent au plus vite des insecticides sur leurs troupeaux afin de limiter la casse. Pour les autres...

C'est du 8 hein ?
Je le savais toutes mes vaches vont avorter
On vaccine demain ?
Pourquoi on va vacciner alors que la grippe est déjà là, fallait le faire avant !
Bande de connards !
La DSV m'a dit que vous aviez les doses ?
J'ai une portée de chiots qui est morte de FCO, je peux être indemnisé ? Heu, oui, une diarrhée hémorragique. Vaccinés ? Pas contre la FCO ! Non, contre le reste non plus.
Encore un coup du gouvernement qui veut supprimer les éleveurs.
Ma vache a un pis rouge c'est la FCO ?
J'ai deux vaches à vacciner je veux être le premier ! Comment ça pas prioritaire ? J'ai 80 ans, on n'a jamais osé me dire ça !
Pff on nous invente encore une nouvelle maladie hein ?
J'ai pas de FCO, mais si j'avais deux vaches qui boitent et qui bavent, ça pourrait en être ? Vous passez ? Ah bon.
Non j'ai pas de FCO, vous n'abattrez pas mon troupeau !
L'huile essentielle de lavande elle marche contre le moustique ?
J'ai une vache qui a le chickungunya !
J'avais demandé qu'on me vaccine mon troupeau le mois dernier !

Grâce soit rendue à nos ASV, qui ont géré ces coups de fils incessants avec beaucoup de calme, malgré quelques crises de fou rires plus ou moins nerveux en raccrochant. En général, quand nous entendions distinctement la personne à deux mètres, nous leur prenions le téléphone. Bizarre, ils ne gueulaient plus avec nous... "Ah, bonjour docteur..."

Oui, je peux être vacciné en premier si je paye plus ?

Imaginez qu'à ce moment là, nous ne savions pas si c'était du 8 ou du 1. Nous ne savions pas quand nous aurions les vaccins. Je rassurais les gens ne leur disant que nous les aurions dans les dix jours. Nous avons briffé les ASV pour leur faire tenir un discours homogène, noté des tonnes d'élevages qui voulaient être les premiers à vacciner, tout en continuant à gérer l'activité quotidienne de la clinique !

Mon cheval tousse, il a la fièvre !? Non ? Ah bon. Pas grave alors ? Si, peut-être ? Ah ben oui si vous pouviez venir...

Des foyers se déclaraient un peu partout. En une semaine, j'ai fait autant de kilomètres que dans un mois... A chaque fois, la même procédure : noter un maximum de renseignements sur les bêtes atteintes, faire une prise de sang, téléphoner ou envoyer un e-mail à la DSV et attendre. Nous avons commandé des stocks énormes d'insecticides, d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires... tout en sachant que nous serions payés trois mois plus tard puisque les éleveurs ne pouvaient pas vendre leurs broutards ! Il allait aussi falloir gérer la trésorerie.

Le Butox vous le faites à combien vous ? Ah ben vous êtes cher, c'est dix euros de moins chez les vétos d'à côté ! J'ai qu'à aller chez eux ? Ouais mais bon c'est à 30 bornes...

Les journées commençaient à s'allonger. 10 à 11 heures en général. Jusqu'à 15.

Ca ça va vous faire du beurre hein ?

Et puis, le résultat : sérotype 1. Plus de 200 foyers en l'espace de 10 jours. Les vaccins étaient en train d'être débloqués. Réunion des vétérinaires la semaine prochaine.

Faites quelque chose docteur !

Le DSV, le directeur du LVD et le préfet, ainsi que divers représentants des professions, allaient se réunir demain.

Elles vont toutes mourir !

Avec cette information, nous allions pouvoir calmer les gens, et, d'ailleurs, nous le faisions déjà, car nous en étions déjà presque sûr : presque aucun cas sérieux, des bêtes raidouillardes un peu partout, pas de morts, peu de vrais malades. Inlassablement, nous faisions passer le mot. A chaque visite, nous avons, dans la cour d'une ferme, expliqué les choses aux éleveurs, à leurs femmes, à leurs mères, à l'inséminateur, au peseur, à tous ceux qui allaient relayer le message pour calmer la panique. Parler, expliquer, convaincre, communiquer, encore et encore...

Si je les vermifuge, elles résisteront mieux ?

Sérotype 1.

Et mes broutard qui allaient partir, ils restent ?

Pas un cadeau, mais pas non plus la catastrophe... sauf pour la trésorerie des éleveurs, et nos quelques troupeaux de mouton.

lundi 18 août 2008

Fièvre catarrhale, c'est parti...

Ca y est, elle est là. Elle ? La fièvre catarrhale ovine...
Tout le monde s'est planté : les labos, les vétos, les éleveurs, les GDS...
Nous pensions avoir le temps de la voir venir.

Il y a à peine dix jours, je disais encore à un client : "vous savez, si la maladie continue à rester dans ses foyers d'origine, on attendra sans doute la prophylaxie de cet hiver pour vacciner.
- Ah oui docteur, ça serait franchement mieux."

Ils n'y croyaient plus. Ils ne voulaient plus mettre d'anti-moustiques.

Nous restions prudents, mais détendus. On verrait bien.

Alors on vaccinait (et on vaccine toujours) les broutards pour l'exportation, en attendant les doses pour les troupeaux.

Ca n'arrive qu'aux autres, n'est-ce pas ?

Ironiquement, c'est moi qui ai eu l'honneur de voir la première, alors que je vaccinais les veaux d'un client. Pas en forme, 40,5°, des bouses un peu sèche, des raideurs, mais rien d'autre. J'ai pensé à une anaplasmose. Perdu.

Et puis je suis parti en vacances. Quand je pars en vacances, je coupe tout, je deviens injoignable. J'ai bien fait, ils m'ont envoyé un sms : "FCO, on baigne dedans, à la semaine prochaine".

Mon "anaplasmose" a été un peu mieux (merci les anti-inflammatoires) mais a continué à bricoler. Je la sentais mal, j'avais briefé mes confrères avant de partir. Penser à la revoir.
Et puis une autre à fait pareil à 8 km de là. A la troisième vache aux symptômes incompréhensibles, Olivier a bien du se rendre à l'évidence. Surtout quand il a reçu un coup de fil d'un confrère voisin : "je crois que j'ai de la FCO, toi aussi tu as des trucs bizarres ?"

Jeudi dernier, le foyer le plus proche était à plus de 200 km.

Pour l'instant, nous n'avons que des cas très très frustes.

Du coup, tous les éleveurs ovins qui ne voulaient pas vacciner parce qu'"on ne sait jamais, avec ces vaccins", veulent que nous passions chez eux. On commence à 7h demain.

Branle-le-bas de combat !

Je vous tiendrai au courant.

mercredi 25 juin 2008

Vaccination FCO

Ca y est... il est là.

Bovilis BTV8

Je suis un peu silencieux en ce moment, non pas que je passe le bac ou autre joyeusetés de saison, mais l'organisation de cette campagne de prophylaxie, comme les multiples questions des éleveurs ou des négociants, accaparent beaucoup trop mes neurones... tandis que le reste de l'activité ne faiblit pas.
Et non, ce n'est pas la vaccination elle-même qui me prend le plus de temps, c'est tout ce qui l'entoure, surtout les conseils aux éleveurs.

Je vous prépare aussi un gros billet sur la nouvelle loi sur les chiens dangereux, un peu de patience !

dimanche 18 mai 2008

Naissance

Il fait nuit noire. Les nuages dissimulent complètement la lumière de la lune, mais les phares de ma voitures balayent l'irréel spectacle de cette petite route forestière frappée par la grêle. Un tapis de feuilles alternant vert tendre et argent ne laisse apparaître que par endroit le bitume, noir et aveuglant lorsque les halogènes frappent sa surface détrempée.
Dans les fourrés qui défilent bien trop vite, je devine un chaos de jeunes branches et de feuilles, de fougères et de ronces, impénétrable refuge de chevreuils probablement terrifiés par l'orage.

Les diodes oranges de mon tableau de bord indiquent une heure du matin.

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mercredi 30 avril 2008

Matrice oh ma matriiiice, ne touche pas à matrice...

Oui, je sais, le titre est mauvais, mais il est tiré d'une excellente chanson des Singlar Blou dont je vous recommande chaudement les délires musicaux. Notamment la Complainte du taureau, une ballade comme on les aime (promenez vous sur le site, c'est sur le dernier album dans la partie "discothèque"). C'est du rock agricole, c'est à dire que les musiciens sont avant tout agriculteurs, en Corrèze. Et en plus ils sont bons (en musique en tout cas, le reste, je sais pas).

Bref.

Certains invoquent la loi des séries, d'autre le pas de bol, les plus pragmatiques parlent de complications de vêlages tardifs. Mouais...
En tout cas, cette semaine, au menu il y avait des renversements de matrice.

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lundi 31 mars 2008

Pourquoi vacciner mon animal ? (1/5)

"Docteur, bonjour."

Une dame s'avance vers moi. La quarantaine, les cheveux frisés, elle me sourit. Elle n'a pas d'animal avec elle. Prise de rendez-vous ou demande de renseignements ?

"Je voudrais vous voler quelques minutes de votre temps afin de discuter des vaccins de mes animaux. Je suis nouvelle dans la commune et ma voisine m'a conseillé de venir vous voir.

- Heureuse idée, que souhaitez-vous savoir ?"

Il y a trois ou quatre personnes dans la salle d'attente. L'ASV est en train de servir un éleveur venu chercher des antibiotiques et quelques conseils, tandis que les autres patientent en attendant leur tour. Il y a là une cliente habituelle avec son labrador, un chien sans histoire aucune, venu justement pour son rappel vaccinal. Il y a également un jeune homme avec un chaton sur l'épaule, je devine d'ici ses paupières gonflées et son écoulement nasal. Un coryza ?
Enfin, il y a M. Ferrier, un jeune homme très stressé depuis qu'il a acheté une ponette à sa fille, et encore plus depuis que je lui ai annoncé qu'elle allait bientôt pouliner... Elle a manifestement eu le temps de faire des galipettes avant d'arriver chez lui. Son anxiété est perceptible depuis le comptoir contre lequel je m'appuie pour répondre à la dame qui m'a interpellé.

"Et bien, aucun de mes animaux n'est vacciné. Enfin, mon chien Whisky l'a été, mais cela fait longtemps, je ne suis pas sûre qu'il soit encore protégé. Est-ce que ça vaut la peine de recommencer ? J'ai peur que ce soit dangereux, il est vieux maintenant. Et mon chat, qui vivait en appartement, il sort, maintenant. Il faut le vacciner aussi ?"

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mardi 25 mars 2008

Improvisation

Deux chirurgies, des consultations et des visites en rurale jusqu'à midi : il y a de quoi occuper trois vétérinaires, on ne va pas s'ennuyer... Evidemment, il y aura des urgences au milieu, sinon les choses risqueraient d'être trop bien organisées, mais... on a l'habitude. Olivier part en visite, Juliette commence les consultations. Francesca, notre ASV (auxiliaire spécialisée vétérinaire), est noyée sous les coups de téléphone et les gens qui viennent chercher des médicaments, des renseignements ou un rendez-vous à l'accueil. Moi, je nettoie ma boîte à césarienne de vaches en attendant les chiens pour les chirurgies. Francesca me prévient : M. Candelle aura un peu de retard, il n'amènera son chien pour la castration que vers 9h30. Pas grave, il y a l'autre chirurgie... sauf que l'animal n'est pas là non plus. Il n'est que 9h10, ce n'est pas trop grave.

A 9h30, ma boîte à césarienne reluit, mais aucun des deux chiens n'est là. Le téléphone ne cesse de sonner, mais ce sont plutôt des consultations pour l'après-midi. Je souris : je ne travaille que ce matin ! J'ai prévu d'aller voir des amis, j'essaierai de partir tôt.

A 10h00, toujours pas de chien... Francesca essaie de joindre les propriétaires des animaux : M. Candelle a un empêchement, et l'autre ne répond pas. Il semblerait que j'ai ma matinée pour lire la pile de revue de formation continue qui m'attend, le site internet d'éthologie canine et féline qui vient d'ouvrir, en plus je dois téléphoner à l'école vétérinaire pour une vache et rappeler un labo pour une série d'analyses. Impeccable !

J'ai à peine raccroché le combiné que Francesca passe la tête par la porte du bureau. Le deuxième chien, je suppose... Perdu : "Docteur, c'est le GAEC des trois grenades. Il y a une vache qui maigrit depuis dix jours, et qui a vêlé il y a quinze jours."
Evidemment... Le GAEC des trois grenades, c'est un gros élevage laitier, situé à une bonne vingtaine de kilomètres. Vue la description, ça sent le déplacement de caillette jusqu'ici. Je soupire. Je n'aurais pas fini à midi, même si je pars de suite.

Cinq minutes plus tard, je suis dans ma voiture. J'ai ma boîte de chirurgie (elle reluit, même), du monopropylène glycol, tout le matériel, si tout va bien je pourrais peut-être revenir à l'heure ? Et puis ce ne sera peut-être pas une caillette, j'éviterais peut-être la chirurgie. On peut rêver.

Vingt minutes de route, sous un soleil radieux : la neige fait briller les Pyrénées, les prunus et autres cerisiers sont en fleur, l'herbe est très verte, le paysage est vraiment magnifique. C'est lors de ces moments de répit que j'apprécie le plus ma région. L'exploitation des trois grenades se trouve sur une crête, plein sud : la vue est absolument splendide.

Dans le boxe de droite, une vache solitaire. Elle a le dos voussé, les oreilles tombantes, elle est maigre, elle respire vite. J'ai trouvé ma malade. L'éleveur n'est pas encore là, mais il a du m'entendre. J'enfile mes bottes et ma blouse cachou, j'attrape un gant de fouille, un stéthoscope et un thermomètre. Je suis à peu près persuadé, vue l'allure de la vache, que mon intuition était la bonne. Je l'observe une ou deux minutes, sans bouger. Elle est prostrée dans un angle de son enclos, tête basse. Elle ne rumine pas, sa respiration est superficielle, sa panse ne se gonfle pas, cet animal souffre. Juste derrière moi, les jeunes génisses, rassurées par mon immobilité, tendent le cou pour essayer de me renifler, voire d'attraper ma blouse avec la langue. Lorsque je fais un pas vers ma "patiente", toutes bondissent en arrière en se cognant la tête à leur petit cornadis. Curieuses, mais pas courageuses !

Je commence à rabattre la vache vers les barrières où je pourrais la coincer pour l'examiner. J'aperçois, du coin de l'oeil, l'ombre de l'éleveur dans la travée centrale. Une poignée de main, pas de commentaire, il m'aide à l'attraper. Température : normale, presque basse. Auscultation cardiaque : rapide. Auscultation ruminale : calme plat. Je cherche le ping. Je le trouve immédiatement. J'enfile mon gant, puis enfonce mon bras dans le rectum de la vache. Je n'arrive pas à toucher la caillette, mais ça ne m'étonne pas outre mesure, on ne la sent pas à tous les coups.
"Caillette."
Je lâche le diagnostic dans un soupir. Je ne suis pas très motivé, encore prisonnier de mon espoir de tranquillité envolé. Je revois l'ordinateur et la pile de revues.
"Je m'en doutais", commente l'éleveur.

Bon, il n'y a pas à tortiller, il faut opérer, et autant le faire de suite. Je commence à préparer le matériel, et indique à l'éleveur comment assurer la contention de la vache. J'en profite pour reprendre mes explications sur cette pathologie, qu'il ne rencontre pas souvent. En plus, la dernière fois, c'était son ouvrier qui m'avait aidé, lui n'était pas là.

Les vaches ont quatre poches stomacales. Trois pré-estomac, et un véritable estomac.
Le premier pré-estomac, le réseau (ou reticulum), est assez petit, il sert de chambre d'entrée et d'expulsion. Il a un grand intérêt d'un point de vue médical, mais nous en parlerons un autre jour.
Le deuxième pré-estomac, la panse (ou rumen), est un immense tambour de machine à laver, plein de bactéries et autres protozoaires chargés de digérer les fibres végétales. Cet estomac malaxe ce bouillon de culture régulièrement (5-6 contractions par minute en temps normal), qui sera régulièrement renvoyé dans la bouche pour être mâché et remâché, en bref, ruminé : la vache assure un broyage mécanique et une imprégnation de salive pour faciliter le travail de ses hôtes. Les bactéries et protozoaires digèrent les molécules végétales, et notamment la cellulose, qui ne sont pas digestibles par les mammifères (seuls ces micro-organismes en sont capables), et la vache va les digérer, eux, et le produit de leur métabolisme. Les autres fibres, plus grossières, assureront simplement le transit. Ces dernières, accompagnées de contenu ruminal suffisamment digéré (des micro-organismes, donc), sont envoyées dans l'estomac suivant. D'un point de vue médical, la panse est le siège de nombreuses pathologies et représente un très bon indicateur de l'état général de l'animal. Une vache vraiment malade ne rumine pas...
Le troisième pré-estomac, le feuillet (ou omasum), a un rôle de triage et de pressage du bol digestif. Médicalement parlant, le feuillet n'a aucun intérêt, il n'existe qu'une seule pathologie le concernant, et on ne la diagnostique jamais.
La quatrième poche, le véritable estomac, s'appelle la caillette (ou abomasum). Elle joue un rôle essentiel chez le veau, car c'est là que le lait, mélangé aux acides gastriques, "caille", et où commence la digestion (semblable à la nôtre, pour le coup). En vieillissant, le veau devient un ruminant et la caillette perd son rôle central. Les pathologies de la caillette sont assez complexes chez les vaches adultes.

La principale est le déplacement de caillette à gauche : il faut imaginer que tous ces estomacs sont suspendus à la colonne vertébrale dans deux sacs nommés omentums (comme, pour les cochons, la crépine des charcuteries maisons, mais en beaucoup plus costaud). Pour le reste... tous ces estomacs ont des positions spatiales précises, mais mobiles, avec tous les organes abdominaux intercalés autour. C'est pour ainsi dire indescriptible et les schémas n'aident pas beaucoup (demandez aux étudiants vétérinaires). Heureusement, l'informatique est un outil miraculeux, et, en voyant ce qui suit, un vieux véto m'a un jour dit que les jeunes n'avaient plus aucun mérite : l'université de Montréal a modélisé un déplacement de caillette à gauche.
En gros, l'énorme truc rose, c'est la panse, et ce qui passe en dessous et se met à gonfler, la caillette. Celle-ci, une fois dilatée, produit un petit bruit caractéristique des poches de gaz sous pression lorsque l'on donne une pichenette sur le cuir en regard, avec le stéthoscope posé sur la vache. Ping' ping' ping' fait la caillette. Un bruit métallique assez amusant, sauf qu'il signifie en général que l'on doit opérer. Il y a bien d'autres causes de ping', mais elles sont plutôt rares.

Bref. La vache est maintenant attachée, l'éleveur a appelé son ouvrier, je rase une petite partie du flanc droit de la vache, puis je commence l'anesthésie locale.
Evidemment, ça ne plaît pas du tout à la bestiole qui essaye de placer son sabot postérieur droit dans mon estomac.
Heureusement, elle est attachée... Trois minutes plus tard, elle ne sent plus rien, et j'incise le cuir et les muscles sur une quinzaine de centimètres. Il faut bien réaliser que l'on opère debout, et que l'on n'endort pas la vache (pour des raisons pratiques, mais je vous rassure, l'anesthésie locale n'est pas là juste pour faire joli). Je vais donc réaliser une omentopexie par voie latérale droite. La classe, non ?

La vache est ouverte, elle ne gigote plus. J'enfonce mon bras gauche jusqu'à l'épaule dans son abdomen, je fais le tour de sa panse par l'arrière en passant sous le rein droit, et là, je touche la caillette, qui s'est dilatée comme sur la vidéo.

Ou pas.

Curieux. Il y a bien une grande poche de gaz mais elle a l'air cachée derrière le grand omentum (le sac qui suspend la panse). Je change de bras, je me dis que j'ai du mal suivre le trajet pour aller là-bas (imaginez l'angoisse la première fois que l'on fait ça et que l'on sent juste des poches et des membranes lisses partout).

Rien.

Je recommence. Toujours pas de caillette. Je me dis qu'elle doit être moins dilatée que d'habitude. Ca tombe bien, la vache n'est pas très grande, et moi j'ai des longs bras, je repousse un peu la panse pour enfoncer mon bras le long de sa paroi abdominale gauche, vers le point où la caillette passe sous la panse. Je tombe sur le foie.

Caramba !

Une magnifique erreur de diagnostic, docteur.

La classe, non ?

Je laisse tomber la caillette à gauche, et je pars la chercher à droite. Je suppose que c'est le gaz de la panse qui m'a fait ce ping' trompeur... Gagné, la caillette est bien à sa place, mais elle a un contenu très bizarre, très dur, presque du mastic. Ma main heurte un truc dur. Grmbl... Imaginez que je suis appuyé contre la vache, et que l'un de mes bras est entièrement à l'intérieur. Mon ouverture laisse juste la place pour le passer, je travaille à l'aveugle. L'éleveur me demande si je n'aurais pas une caméra comme à l'hôpital. Je lui propose de me sponsoriser, mais il n'a pas l'air motivé.
Je m'entends très bien avec cet éleveur, nous avons l'un pour l'autre une confiance réciproque. Je ne lui cache pas du tout que je me suis planté, mais qu'il y a quand même quelque chose d'anormal. Lui, ça ne le perturbe pas, il a manifestement ouvert un paquet de carambars récemment, et me livre le fruit de ses lectures. J'ai les pieds dans la paille, la vache est résignée à se faire tripoter les boyaux, les génisses tendent le cou à travers la barrière pour atteindre la petite table de camping sur laquelle sont posés mes instruments de chirurgie, et les Pyrénées sont toujours magnifiques. Mais la vache n'a pas lu les bouquins de pathologie digestive bovine, et me fait n'importe quoi.

Son feuillet est énorme. Deux ou trois fois le volume d'un ballon de rugby, plein d'un mastic extrêmement dur. Je reprends plusieurs fois le fil de mes explorations. L'abouchement de la panse sur le feuillet, mastiqué aussi. Le feuillet, énorme. La caillette, avec des "boules" de ce mastic, grosses comme des pamplemousses. J'essaye de fragmenter cette masse dure : peine perdue, c'est bien trop collant.

Cette bestiole me fait une surcharge de feuillet. Dans mes souvenirs, c'est une affection plutôt théorique... et de mauvais pronostic. Tout est bouché, et bien bouché. Je vérifie dix fois que c'est bien ce que je pense. Mes tripotages digestifs ne servent à rien, je décide donc de refermer la vache. Je vérifie quand même l'absence de corps étranger dans les pré-estomacs, en palpant à travers la paroi (pour la panse, c'est illusoire, sauf si quelque chose se plante dedans, mais je vérifie quand même). Déjà une heure que je l'ai ouverte !

Il est midi, et je vais faire un aller-retour à la clinique pour aller chercher du matériel. En attendant, j'injecte antibiotiques, anti-inflammatoires et anti-spasmodiques digestifs à la vache.

Il est midi et quart lorsque j'arrive au cabinet, où Francesca semble toujours crouler sous les appels téléphoniques et les gens à l'accueil. Juliette consulte, et Olivier a interrompu ses visites pour aller sur un vêlage, m'informe-t-on. Je récupère ce que je suis venu chercher, et je file en vitesse, avant que l'on me coince.

A 12h40, je suis de nouveau face aux Pyrénées, dans l'exploitation des trois grenades. J'ai moins profité du paysage sur la route...

Je commence à sonder la vache : j'utilise un espèce de tuyau que j'enfonce jusque dans la panse de la bête, qui apprécie peu la manœuvre. Ensuite, je branche une pompe à bras sur la sonde pour envoyer une vingtaine de litres d'eau tiède additionnée d'ions et de stimulateurs de la motricité ruminale. Je rajoute 5 litres d'huile de paraffine fluide, et dix litres d'eau supplémentaires : si c'est bouché et qu'on ne peut pas ouvrir, il ne reste plus que la pression et la lubrification... on verra bien. Je suis assez pessimiste.

jeudi 20 mars 2008

2298

La 2298 a 18 ans.

La 2298 est une vache ordinaire.

La 2298 est plutôt gentille, mais ni plus ni moins qu'une autre.

La 2298 est une vieille vache qui ressemble vaguement à une blonde d'Aquitaine croisée d'on-ne-sait-quoi.

La 2298, malgré son âge, reste dans l'élevage. Parce qu'elle a toujours vécu tranquillement et fait son veau tous les ans, qu'elle a allaité sans difficulté. Parce qu'en outre, elle n'a pas de difficultés de locomotion. Elle a simplement dépassé de 6 ans l'âge moyen de réforme pour ce type d'animaux.

La 2298 est tombée sur le côté, il y a quelques semaines. Elle ne s'est pas relevée. Son éleveur l'a redressée sur le sternum, l'a calée avec une botte de paille, lui a donné à boire et m'a appelé.

La 2298 est pleine de 4 mois, et elle est percluse d'arthrose. Je lui injecte un anti-inflammatoire et recommande à son éleveur de la lever de force avec des sangles ou une pince afin de ne pas la laisser couchée trop longtemps, de la faire manger, surtout du foin, et de la faire boire.

La 2298 s'est relevée en quelques heures, et a repris son train-train quotidien.

La 2298 est retombée sur le côté, il y a quelques jours. Elle ne s'est pas relevée. Son éleveur l'a redressée sur le sternum, l'a calée avec une botte de paille, lui a donné à boire et m'a appelé.

La 2298 est un peu maigre, mais sans plus. Elle a bon oeil, n'a pas de déficit neurologique décelable, elle rumine toujours, mais sa température baisse doucement. Elle est fatiguée. Fatiguée de porter son veau qui n'a pas encore commencé sa phase de croissance rapide, dans les derniers mois de gestation. Fatiguée de se lever tous les matins, fatiguée de ces hanches qui ne suivent plus comme avant. Je lui injecte un anti-inflammatoire et ne recommande pas grand chose à l'éleveur, il a déjà tout fait, même curer le stabulation pour conserver une fine épaisseur de fumier et lui permettre de s'appuyer sur la terre battue en-dessous. La 2298 n'est tout simplement plus vraiment capable de porter son poids.

La 2298 ne s'est pas relevée, malgré les efforts de son éleveur. Deux jours plus tard, il m'a rappelé.

La 2298 est couchée, sur le côté, elle a repoussé les bottes de paille qui la soutenaient sur le sternum. Elle a toujours un bon oeil, elle boit, elle mange. Son éleveur m'a accompagné, le visage fermé. Le père de l'éleveur a préféré rester à la maison.

La 2298 est morte. Je l'ai euthanasiée.

La 2298 a vaincu 18 ans sans incident majeur. Elle a eu 16 veaux dont certains sont devenus des vaches de l'élevage. Trois, quatre, cinq générations ? D'autres sont partis à la boucherie.

La 2298, l'éleveur l'a vu naître quand il était petit garçon, il a fait naître ses veaux, il a guidé leurs premiers pas, leur a parfois montré le pis. Matin et soir, il les a mené à leur mère pour les faire téter, il les a soigné, les a vu grandir, et les a vu partir.

La 2298, l'éleveur l'a accompagnée depuis sa naissance, jusqu'à sa mort. Il s'est consacré à ses derniers jours. Il l'a levée, l'a tournée pour éviter les escarres, l'a nourrie, a pris le temps de la faire boire, a étayé son matelas de paille, a nettoyé ses bouses. Il a demandé que je fasse au mieux, n'a pas hésité sur le prix des anti-inflammatoires, même s'il savait qu'elle ne mènerait jamais sa dernière grossesse a son terme. "Je lui devais bien ça", m'a-t-il déclaré.

La 2298 était une vieille vache qui ne ressemblait à rien, une de ces vieilles vaches comme la sélection n'en fait plus. Une fleur des prés. Elle est morte en une trentaines de secondes, sans souffrance.

La 2298 était une vache ordinaire. Je l'ai tuée.

La 2298 avait 18 ans.

dimanche 2 mars 2008

Farines animales

Je lis sur le Figaro.fr que Bruxelles réfléchit à la réintroduction des farines animales dans l'alimentation des porcs, volailles et poissons d'élevage. L'article alterne entre le bon (considérations intéressantes sur l'impact psychologique d'une telle mesure), l'insuffisant (pas d'information sur les farines animales), et le très mauvais (la conclusion, genre on nous cache tout on nous dit rien).

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mardi 26 février 2008

Vêlage

Petit avertissement : ce billet est le compte-rendu d'un vêlage qui s'est très mal passé. Certains passages peuvent être assez choquants, n'hésitez pas à interrompre votre lecture, et à vous tourner vers une naissance plus... tranquille.
Vous êtes prévenus.

6h14. Mon réveil téléphone sonne. Je tends la main, grommelle un truc inintelligible. Une voix, claire, je la reconnais immédiatement, celle de madame Neste. "C'est pour un vêlage". Je réponds à peine... je me dis qu'il faut que je change la mélodie de mon téléphone, je commence à la détester, il faudrait que je trouve autre chose, de préférence une musique que je n'aime de toute façon pas.

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dimanche 27 janvier 2008

Donner la vie (1/2)

Je crois que s'il y a quelque chose qui me plaît par dessus tout dans mon métier, ce sont bien les naissances.

J'ai la chance d'être un praticien "mixte". C'est ainsi que l'on nomme, dans la profession, ces vétérinaires qui soignent à la fois les animaux de compagnie et les animaux de rente (bovins, ovins...). Ca a pas mal d'implications sur lesquelles je reviendrais dans un autre billet.

Le gros avantage, c'est que cela me permet de toucher à tous les aspects du début de la vie. Le plus spectaculaire, et celui que je préfère, c'est la naissance. Le reste est passionnant, mais... une naissance, c'est juste jouissif. De l'émotion à l'état pur, avec de l'action, de la tension, du suspense, des coups de théâtre et, en général, un dénouement heureux.

Evidemment, c'est plutôt pour les vaches que mes compétences en obstétrique sont sollicitées : c'est là le domaine-roi du vétérinaire en élevage. S'il y a bien un espace où d'autres acteurs n'essaient pas (trop) de nous piquer notre boulot, c'est bien celui-ci (tiens, ça ferait un bon sujet de billet ça aussi) : les vêlages.
Ben voui : veau, vêlage, comme poulain, poulinage, agneau, agnelage.

Bon, c'est un peu hors sujet, mais les plus drôles, ce sont les truies : porcelets... cochonnage. Si, si ! Et chiot... chiottage. On fait avec. Certes, ces deux-là, je ne les utilise pas couramment. Mise-bas, ça va bien aussi. Je n'utilise pas accoucher, qui est réservé à la femme, par contre, je me vautre régulièrement dans l'autre sens. La tronche de ma belle-soeur quand j'ai demandé à son mari : elle est pleine de combien ? La mise-bas est prévue quand ?

Bref

Prenons le déroulement d'un vêlage.

Ca commence par un coup de fil, généralement en hiver (période de vêlages par excellence), et souvent en pleine nuit (le pire, c'est à 5h00 du mat'). Immédiatement, c'est une décharge d'adrénaline : c'est une des rares urgences vraies. En réalité, dans la plupart des cas, le veau peut attendre quelques heures, mais bon : l'éleveur est moins patient que ses vaches. Il faut dire que les veaux, c'est son gagne-pain, l'essence de son métier. Si je suis à la clinique en train de voir un chien, je finis rapidement et je file, le bonnet sur les oreilles. Si je suis dans mon lit en train de ronfler, je me réveille vite fait, je saute dans mes bottes et je galope jusqu'à ma voiture, le bonnet encore mieux enfoncé sur le crâne. Ce coup de stress, ça réveille. Evidemment, sur le coup, je râle. Mais en réalité, je jubile. Ca finira bien par me passer, cette exaltation, mais en attendant, j'en profite.
Je me gare en vitesse dans la cour de la ferme, ou devant la stabulation. Temps d'intervention moyen : 20 minutes. Jamais plus d'une demi-heure.

En quelques mots, l'éleveur me dit ce qu'il en pense. Je connais bien ma clientèle, maintenant, je sais comment interpréter leurs commentaires. Entre le papy-qui-se-marre-parce-qu'il-en-a-vu-d'autres-mais-bon-quand-même-ce-veau-il-sort-pas, et l'éleveur technique et débrouillard, il y a un monde. Je sais aussi qui a déjà tiré comme une mule sur le veau pour faire sortir, ou qui au contraire a préféré m'appeler directement en voyant que ça ne se faisait pas tout seul.
Pendant cette discussion, j'enfile ma chasuble de vêlage (un genre de grand sac poubelle vert avec des manches, ça me donne un style avec mon bonnet bleu marine).
En général, les éleveurs m'appellent pour deux raisons : soit le veau est trop gros, et donc il ne sort pas, soit il est mal placé, et ils n'arrivent pas à le remettre comme il faut. C'est là que j'interviens, avec mes grands bras, pour comprendre le problème : tête déviée, pattes pliées, veau à l'envers. C'est la première partie du boulot. Normalement, c'est assez facile. Et puis ça devient physique, parce qu'il faut remettre le veau dans l'axe de la sortie, sans trop le fatiguer, sans tirer sur le cordon ombilical, et sans stimuler son réflexe de tétée si jamais sa tête est déjà dans le passage (histoire qu'il ne se mette pas à respirer et à boire la tasse...).

Imaginez-moi avec mon sac poubelle à manches et mon bonnet, de longs gants sur les bras, couverts de liquide amniotique. En général, je fais rapidement sauter les gants pour mieux sentir les différents tissus sous mes doigts : la douceur du placenta, les plis du col utérin, les poils collés et gluants du veau, la tension du cordon ombilical, les granulations des cotylédons placentaires...
La vache, généralement, est debout. Elle pousse tant qu'elle peut, pendant que moi, un bras dedans, parfois les deux, je plie et déplie les membres, détord une matrice ou ramène une tête vers le vagin, puis repousse le veau pour le ramener vers moi. C'est physique, c'est intense, c'est un moment de stress et d'exaltation qui confine, pour moi, à la jubilation. J'ai les bottes dans la paille propre, elle vient à peine d'être étalée là par l'éleveur. Souvent, le liquide amniotique et le sang coulent le long de mes manches, dans ma chasuble, teintant mon t-shirt de rosé. Sur le coup, je ne sens rien, c'est tiède et j'ai déjà très chaud, alors qu'il fait généralement très froid. L'éleveur, entouré de sa famille, m'aide parfois, surtout en maintenant la vache, mais le plus souvent, ils regardent, ils attendent. Ils espèrent que le veau sera vivant, que la matrice de la vache ne sera pas déchirée, que le veau sera un mâle, ou une femelle, que ce ne seront pas des jumeaux.
L'odeur de sang et de liquide amniotique est très prenante, c'est un parfum douçâtre, presque sucré, très entêtant. J'adore cette odeur, cette atmosphère d'attente, dans un silence seulement déchiré par les soufflements et mugissements de la future mère qui pousse tout ce qu'elle sait, sous le regard souvent curieux des autres vaches du troupeau. Moi je me bats, je sue, je tends mes muscles à en trembler sur mes pieds, il m'est arrivé de me faire des déchirures... c'est de plus en plus rare : avec l'expérience, je sais mieux jouer de forces de leviers avec les membres du veau et mes propres bras au lieu d'utiliser bêtement mes muscles. Et puis arrive la délivrance, j'ai réussi à amener le veau là où je voulais, les pattes étendues dans le vagin, les onglons encore mous pointant par la vulve, avec le nez à peine découvert entre les antérieurs s'il se présente par la tête.

Là, j'enfile des lacs (des espèces de bracelets en corde) autour des pattes du veau, puis nous y fixons un palan. Désormais, ce sont les éleveurs qui tirent et qui forcent, en rythme avec les efforts de la future mère. Moi, maintenant, je reprends mon souffle et je dirige la manœuvre, je dois m'assurer qu'il y a bien la place dans le bassin et dans le vagin pour le passage du veau. Parfois, je dois agrandir la vulve avec deux petits coups de bistouri (c'est ce qu'on appelle une épisiotomie). Cette phase ne dure que quelques minutes, il faut aller vite, surtout si les manipulations obstétricales ont été longues. En général, la vache est toujours debout. Au moment où le veau va tomber, je récupère son train postérieur et j'amortis sa chute au sol. Première gamelle, premier contact avec la vie.

A ce moment là, il est bien vu que le veau prenne une grande inspiration. Bizarrement, il semble toujours un peu groggy. Pas grave, en cadeau de bienvenue, il se prend un grand seau d'eau glacé sur la tronche, ça suffit le plus souvent à le réveiller (deuxième contact avec la vie !). Sinon, j'ai des médicaments pour relancer le cœur et la respiration, et diverses méthodes de réanimation à ma disposition.

Le veau, parlons-en : il est gluant, il est transi, il est perdu. Il appelle. Sa mère est couchée, maintenant, elle souffle et souffre dans son coin, du liquide amniotique mêlé de sang coule par sa vulve, avec un peu de placenta. Toujours cette odeur de naissance, ce parfum de vie autour de nous. Moi, je vérifie le cordon ombilical du veau, puis l'intégrité du vagin et de l'utérus de la mère. L'atmosphère est joyeuse, l'éleveur plaisante, sa mère ramasse deux-trois bricoles, les gosses retournent se coucher.

Bienvenue dans le monde.

samedi 19 janvier 2008

Donner la mort

L'euthanasie est l'un des actes emblématiques de la profession vétérinaire. Nous tuons tous les jours, ou presque. Pourtant, ce n'est un acte banal ni pour le praticien, ni pour le maître ou le propriétaire de l'animal.

Comment euthanasie-t-on ?

Il existe deux produits destinés à l'euthanasie des animaux, qu'ils soient de compagnie, de sport ou de rente (les animaux de rente, ce sont les bovins, porcins... qui sont élevés dans une optique économique).
Le premier est un anesthésique d'ancienne génération, surdosé. Le second est un toxique puissant qui bloque la respiration et arrête le coeur. Le choix de l'un ou de l'autre, ou d'un mélange des deux, repose plus sur des habitudes que sur des critères objectifs.

Je vais vous décrire ce que moi, je fais. Ce n'est nullement une méthode de référence. Je pense que dans la réalisation technique de cet acte, chaque vétérinaire doit surtout être à l'aise. Le résultat, de toute façon, est le même.

En général, je m'occupe des papiers et règlements avant l'euthanasie. Ainsi, le maître n'est pas obligé de s'attarder dans la clinique après ce moment difficile. Si je ne peux pas faire ainsi, c'est notre secrétaire qui s'occupe du règlement.

Le cas le plus classique, celui d'un chien ou d'un chat.

Je commence par poser un cathéter, car les produits euthanasiques doivent être injecté par voie intraveineuse. C'est parfois techniquement très difficile, notamment chez les tout petits animaux, ou ceux qui sont très déshydratés. C'est souvent la partie de l'euthanasie la plus pénible.
Ensuite, j'anesthésie l'animal. Il perd conscience très vite. Parfois, l'anesthésie induit des vomissements : je préviens avant. Si je peux (si l'animal supporte l'anesthésie), je laisse du temps au maître avec son chien. Juste une minute : c'est assez pour réaliser, pas assez pour se trouver mal à l'aise à côté du corps déjà inerte. Evidemment, cela dépend des gens, à moi de deviner à chaque fois.
Enfin, j'injecte l'euthanasique. La mort survient généralement dans la minute. Souvent, les animaux très âgés, ou malades, résistent mieux que ceux qui sont "en bonne santé". Je ne sais pas pourquoi. Encore une fois, s'il le souhaite, je laisse du temps au maître avec son animal.

La plupart des gens choisissent de rester pendant l'euthanasie. Evidemment, j'ai plus de pression, mais je préfère : ça permet de voir la réalité de cet acte et diminue d'autant les fantasmes. Le chien ne souffre pas, c'est évident, et donc apaisant pour les maîtres. C'est certainement une étape très importante du deuil.

Les cas plus difficiles, avec les animaux de compagnie.

Dans le cas de très petits animaux, ou d'animaux tellement déshydratés que je n'arrive pas à poser une voie veineuse, je n'ai qu'une solution pour euthanasier : l'injection intracardiaque. C'est un acte techniquement difficile, mais l'injection intrapulmonaire fonctionne aussi. Sauf que c'est très douloureux, il faut donc que l'animal soit anesthésié avant de la réaliser (l'injection intraveineuse n'est pas douloureuse).
Dans ce cas, je réalise une anesthésie avec une injection intramusculaire, puis l'intracardiaque (ou intrapulmonaire, à défaut). Si l'intracardiaque est réussie, la mort est instantanée. Sinon, cela prend deux à trois minutes.
Symboliquement, c'est un geste très fort, et très violent. Je préfère éviter que les maîtres y assistent, mais je ne leur ment pas.

Les bovins, équins, ovins...

Le protocole est exactement le même, mais sans l'anesthésie préalable qui entraîne avec ces animaux plus de problèmes qu'elle n'apporte de confort. Sans parler du coût des anesthésiques...

Qui euthanasie-t-on ? Pourquoi ?

En préambule, il faut aborder la question de la responsabilité de la décision d'euthanasie. Ne surtout pas choisir à la place du maître s'il hésite : je dois donner les moyens de choisir, mais pas choisir. A ce titre, la phrase "mais si c'était votre chien, docteur, vous feriez quoi ?", est un piège. Il faut l'esquiver : "ce n'est pas mon chien" !
Il est très important que les choses soient claires dans la tête de mon interlocuteur : il doit avoir été libre de son choix pour l'assumer, et ne pas rejeter "la faute" sur quelqu'un d'autre. Moi, en l'occurrence.
Evidemment, il est de rare cas ou j'appuie l'euthanasie. Lorsqu'il faut aller vite, qu'il n'y a pas vraiment d'alternative, suite à un accident par exemple, ou pendant une chirurgie lorsque je découvre une lésion trop importante pour qu'un traitement soit envisageable. Lors de souffrance aigüe et ingérable, également.
Mon devoir est d'informer de façon claire et loyale, de savoir me mettre à la portée de mon interlocuteur.

Les motifs d'euthanasie sont très variés, mais les plus fréquents sont :
- les maladies incurables, ou difficilement soignables. Le motif le plus fréquent est l'insuffisance rénale chronique dans son stade terminal, suivent les cancers divers et variés ou certaines maladies métaboliques en décompensation (diabète...). Parfois, l'animal peut techniquement être soigné, mais au prix de souffrances et pour un résultat difficilement justifiable. Parfois, c'est financièrement que les soins sont irréalisables.
- la paralysie, totale ou partielle, due à des causes nerveuses ou à une arthrose avancée (c'est très fréquent). L'animal ne peut plus se lever pour faire ses besoins ou manger, les escarres s'accumulent.
- les portées indésirées. Chiots ou chatons d'un jour ou parfois plus, portées entières ou partielles...
- les animaux mordeurs. C'est un motif rare, mais symboliquement important.

Dans le cas des grands animaux, c'est souvent une fracture qui amène à l'euthanasie. Certaines maladies chroniques qui rendent l'animal impropre à la consommation y obligent aussi.

Je peux refuser l'euthanasie. Cela m'arrive rarement, mais on ne m'obligera pas à euthanasier un animal pour lequel il existe une autre solution, traitement simple, placement ou abandon dans un refuge, selon les cas.
Je ne me fais pas d'illusions, certains recevront un coup de fusil, d'autre iront chez un confrère.

Ca fait quoi d'euthanasier ?

Pour le vétérinaire, je le disais en introduction, ce n'est pas un acte anodin.

D'abord, je dois anticiper. Deviner si le maître préfèrera être présent ou non pour l'euthanasie elle-même, comprendre très vite son état d'esprit, pour choisir les bons mots, pour réconforter, déculpabiliser ou expliquer pourquoi c'est un bon choix. Ca demande pas mal de finesse psychologique, c'est complexe.

Euthanasier un animal en fin de vie, souffrant de pathologies invalidantes et/ou incurables, moralement, ça ne me dérange pas. La justification médicale, pour moi, est évidente.
Parfois, l'euthanasie est l'aboutissement d'une longue démarche clinique et thérapeutique, un accompagnement de l'animal et de son ou ses maîtres jusqu'à cette dernière étape. A l'inverse, je peux aussi recevoir un animal que nous connaissons à peine car il n'a jamais été vraiment médicalisé, mais qui arrive au bout du rouleau.
Le geste en lui-même n'est difficile pour moi que sur les portées de chiots ou de chatons. Je sais que je n'ai pas vraiment le choix, mais ça reste moralement discutable et puis... euthanasier des nouveaux-nés, c'est dur ! Je le fais, parce que je sais que sinon ce sera la noyade ou l'abandon, ou d'autres solutions sans élégance. A choisir, les euthanasier implique moins de souffrances.

Dans tous les cas, il faut que je me protège. C'est vital. Même si l'animal est un patient depuis parfois dix ou quinze ans, même si j'ai fait son premier vaccin, même si j'ai parfois vacciné ses descendants, même si je l'ai suivi pour ses bobos et son coeur qui fatiguait, ou si j'ai sué sur un diagnostic complexe ou difficile à annoncer au propriétaire, je dois rester "le docteur". Même si les clients sont parfois des amis, ou du moins des relations appréciées.
Ne pas m'impliquer émotionnellement. Eprouver de la compassion, oui, mais rien de plus. Surtout, rien de plus.

Parfois, c'est terriblement difficile.

Certaines euthanasies m'ont dévasté. Le vieux caniche d'une grand-mère atteinte d'alzheimer, qui trouve dans la mort de son chien l'écho de sa propre déchéance physique et mentale.
Le chiot d'une petite fille qui ne peut pas accepter la malformation cardiaque incurable de la peluche. "Tu vas le soigner, docteur ?"
Cette dame d'une quarantaine d'années, qui m'a dit au moment ou j'appuyais sur la seringue : "ce chien, c'était notre cadeau de mariage. Mon mari est décédé il y a deux ans d'un cancer."
Tous ceux qui fondent en larme ou qui retiennent leurs pleurs, ces messieurs très dignes, ces dames effondrées.

Les larmes, c'est contagieux, mais je n'ai pas le droit de pleurer. Je suis "le docteur", solide, et rassurant.

Et ne croyez pas que ce soit facile pour une vache... ce n'est pas parce que la logique économique dicte les choix de l'éleveur qu'il apprécie pour autant de voir un animal qu'il a vu naître, qu'il a fait têter, qu'il a élevé pendant des années, finir tristement son existence à l'équarissage. Bien sûr, l'implication émotionnelle du propriétaire n'est pas la même. Mais elle existe, plus que la plupart des éleveurs ne l'admettront.

Mais c'est cher une euthanasie ?

Alors oui, une euthanasie, c'est assez cher.
D'abord, parce que ça prend du temps.
Parce que c'est un acte technique qui se passerait très mal si nous ne le réalisions pas dans les règles de l'art.
Parce qu'en général l'animal est incinéré et qu'il faut garder son cadavre puis payer l'incinération.
Parce que nous engageons notre responsabilité en acceptant d'euthanasier un animal (et si la personne qui présente ce chien n'était pas le maître mais un voisin mal intentionné ? Oui, il y a des décharges et des déclarations de consentement éclairé, mais...).
Parce que se décharger de sa culpabilité sur le dos du véto, ça a un prix (euthanasie de portées de nouveaux-nés...).

Parfois, c'est gratuit. Je ne facture généralement pas les euthanasies des animaux hospitalisés, ceux pour lesquels on a tenté un traitement qui n'a malheureusement pas porté ses fruits. C'est une erreur, sans doute, car généralement, je ne suis pour rien dans l'échec du traitement... Je facture un prix symbolique aux indigents qui ont été jusqu'aux bouts de leurs moyens pour leur animal de compagnie.

Le fait de payer, d'ailleurs, joue sans doute un rôle dans le processus de deuil, je ne sais pas...

Réflexions errantes en guise de conclusion

Il parait que nous, vétérinaires, avons un rapport très étrange à la mort. Notre profession serait l'une des toutes premières de par son taux de suicides. Nous avons les produits, nous savons que ça ne fait pas mal, et nous avons une profession très anxiogène.
Par ailleurs, d'après une espèce de sondage réalisé par un hebdomadaire vétérinaire sur son site internet, nous sommes globalement en faveur de l'euthanasie humaine.
D'après un autre sondage de ce même type, la plupart de mes confrères et consœurs se disent au minimum "affectés" par une euthanasie, même parfaitement "justifiée".

Ce qui me réconforte, moi, égoïstement, c'est que certains propriétaires d'animaux se rendent compte de ce qu'ils nous demandent quand il s'agit d'une euthanasie.

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