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mercredi 29 juin 2016

Jour huit. Motif : plaie

Jour huit

Motif : Plaie

J'allais partir en visite, juste avant l'ouverture de la clinique, quand j'ai vu cette dame à l'air désemparé sur le parking. Il n'y a aucun rendez-vous à 9h00, je viens justement de vérifier. Je baisse la vitre et la salue. Elle vient pour un chaton. Non, elle n' a pas pris rendez-vous. Elle ne savait pas. Je lui explique qu'il faut appeler, toujours, même pour une urgence. Là, il n'y aurait pas eu de vétérinaire sur place avant une bonne heure, nous étions tous en visite.

Je la rassure, coupe le contact et ouvre la porte latérale de la clinique. Les ASV ne sont pas encore là, je ne veux pas que d'autre personne entre.

C'est une vilaine plaie à la queue, que le chaton ne me laisse pas examiner. Je subodore qu'elle s'enfonce bien plus profondément que le premier coup d’œil ne le laisse supposer. Elle ne sait pas comment le chaton s'est fait mal, mais la blessure date de hier soir. Elle l'a désinfectée.

Vu le très faible niveau de coopération de la bête, de toute façon, je n'ai pas 36 alternatives : je vais devoir l'anesthésier, et me préparer à toutes les possibilités. J'évoque donc avec Mme Maudan les différentes possibilités, du simple parage avec pansement jusqu'à l'amputation.

Anti-inflammatoires, antibiotiques. Et je file en visite, on verra ça tout à l'heure, il n'y a pas urgence.

Il me faut environ une heure pour faire le tour de trois exploitations proches – vaccination FCO, encore.

Lorsque je reviens, la clinique est très calme. Je devrais avoir le temps d'opérer le chaton avant que le prochain rendez-vous n'arrive. Un contrôle dermato, puis un contrôle ophtalmo. Ils pourront éventuellement attendre un peu.

Deux injections, j'esquive les morsures. Je repose le chaton dans sa cage, il lui faudra quelques minutes pour s'endormir vraiment. Dès qu'il dort, Perrine, l'ASV qui est sur le pont ce matin, prend la tondeuse et nettoie. J'en profite pour aller faire quelques factures.

Lorsque je reviens dans la salle de préparation, la queue est tondue, lavée, désinfectée.

- Vous amputez ?

Honnêtement, je n'en sais rien, je n'ai pas encore regardé. Je tourne et retourne la plaie. 4 cm de coupure cutanée, plus ou moins dans le sens de la longueur, des muscles releveurs de la queue sectionnés, mais pas complètement. Les ligaments des vertèbres caudales sont intacts. La vascularisation n'est pas atteinte.

- On tente de garder.

Perrine sort une petite boite de chirurgie, redésinfecte la plaie tandis que je me lave les mains. Une paire de gants, un fil non résorbable, un gros tas de compresses. Je commence par enlever les poils collés dans les recoins de la blessure. Puis je gratte dans les cul-de-sac et commencer à raviver la plaie en frottant à la compresse. Je désinfecte, encore et encore. Puis je décide de poser trois points en X sur la partie supérieure de la blessure tout en laissant la partie inférieure, la plus étroite, ouverte : la plaie est en phase de détersion, elle va suinter. Si j'enferme tout ça, je n'aurais que des complications. Comme d'habitude, je cherche le meilleure compromis entre « théorie médicale », faisabilité et acceptabilité par l'animal. Si le patient détruit méthodiquement ce que je fais quelques minutes après le réveil, ça ne sert à rien de faire la plus « belle » suture du mois.

J'enrobe le tout dans un pansement collé sur la partie supérieure de la queue mais ouvert sur la partie inférieure de la plaie. Il fera une « casquette » protégeant la blessure, tout en laissant les écoulement sortir librement. Ce chaton ne laissera personne lui refaire un pansement…

J'enlève mes gants, et remets le chaton dans sa cage, avec une bouillotte. Il fait très chaud aujourd'hui, mais s'il met plus de temps à se réveiller que ce que j'estime, on risque l'hypothermie.

Il ne me reste plus qu'à préparer l'ordonnance et à téléphoner à Mme Maudan pour lui faire le compte-rendu.

mardi 28 juin 2016

Jour sept. Motif : vaccination FCO

Jour sept

Motif : Vaccination FCO

Ce matin, c'est tournée FCO. Les vaccins contre la fièvre catarrhale ovine, ça a tout pour plaire. Le virus circule, mais personne ne voit d'animal malade (ici). Le vaccin est obligatoire, avec certification (donc réalisation par le vétérinaire) pour l'export des broutards (jeunes bovins) en Espagne ou en Italie.

Oui, nous exportons nos veaux en Espagne et en Italie, où ils sont engraissés, abattus et mangés. Nous nous mangeons du cul de vieille vache laitière de réforme, les voisins nous envoient même leur bidoche de vieille. C'est ce que les Français préfèrent. Bizarre.

Bref, nous exportons nos veaux, mais notre pays n'est plus indemne contre le sérotype 8 de la FCO. Du coup, il faut que les veaux soient vaccinés (deuxième injection depuis au moins 12 jours pour l'Italie) ou désinsectisés (c'est transmis par des moustiques) puis testés contre la maladie sur une prise de sang (pour l'Espagne). V'là l'bordel. Pour l'instant, le vaccin est gratuit, mais plus la vaccination. Donc nous facturons nos visites, pour un virus qui, vu d'ici, ne pose aucun problème, juste pour exporter les veaux (je ne dis pas qu'il n'en pose pas, de problème, mais dans le coin… non). Du coup nous essayons de ne pas coûter trop chers aux éleveurs, et pour ce faire, nous mutualisons et groupons les visites, ce qui permet aussi de ne pas gaspiller de dose de vaccin, idéalement (hem) conditionné en flacons de 50.

Ces tournées sont des rallyes. De saut de puce en saut de puce, avec de brusques accélérations sur la grande départementale, en esquivant les cyclistes et les tracteurs, on se gare, bonjour, on pique, ça prend un instant, on tamponne les cartes, et puis on appelle le suivant. Parce qu'évidemment, tout le monde fait les foins, en retard à cause de la météo, donc en urgence. Ce n'est même pas la peine de se pointer dans les fermes sans prévenir, et il est hors de question de les faire poireauter toute la matinée. Comme nous avons du mal à être précis sur les horaires (par exemple, je n'étais pas censé amputer un chien d'un doigt ce matin avant de partir vacciner), nous avons trouvé cette solution : téléphoner pour prévenir que nous serons là dans une dizaine de minutes. Ça fonctionne.

Je viens de vacciner quatre veaux (étiquetés « urgents » : on préfère vacciner des lots plus grands, mais l'éleveur n'en a aucun plus jeune que nous pourrions grouper avec, et ceux-là doivent partir vite – vous devriez voir le bordel que ça représente au secrétariat pour organiser ces tournées – louées soient nos ASV).

- Et au fait, Sylvain, vous vous rappelez du veau d'une heure du matin ? Celui que vous êtes revenu voir avec votre fille. Il a belle allure, non ?

M+2

- Par contre, vous pourriez regarder celui-là ? Il a de la diarrhée depuis hier soir, ce n'est le cas d'aucun autre.

Alors je change de casquette, passe du vaccineur fou au vétérinaire traitant, je sors mon stéthoscope et mon thermomètre. Il faut que je change de temps. Je ne suis plus une machine à vacciner, je ne suis plus une machine à vacciner, je ne suis plus... Cardio-pulmonaire ok, ça gargouille dans les boyaux, la palpation abdominale est souple mais rapidement douloureuse. Nombril sec et non douloureux. Veau de huit jours. Rota, corona ? Ou colibacille ? C'est bizarre en l'absence d'autre animal malade dans le lot. Ces veaux sont magnifiques… Je penche pour un coli, et retourne à la voiture chercher le traitement après une rapide fouille de sa pharmacie, où je ne trouve rien de pertinent. Gentamycine, flunixine, ça devrait suffire.

Je prépare mes seringues, laisse deux doses pour les deux prochains jours, et rédige mon ordonnance. Date, nom, adresse, identification du bovin, nom des médicaments, temps d'attente, tampon, signature.

Et je bondis à nouveau dans ma voiture.

vendredi 24 juin 2016

Jour trois. Motif : échange intracommunautaire de bovins

Jour trois
Motif : échange intracommunautaire de bovins

Je m'évade à grande vitesse de la clinique, faisant comme si je n'avais pas vu M. Barguelonne entrant en regardant partout où se cache le vétérinaire.

C'est l'heure des tampons. Je file en vitesse sur la départementale, me gare à l'arrache devant la stabulation. C'est le bordel, il y a encore des veaux dans le parc de tri. Je prends mon carnet, je fais le tour, ils sont tous debout, ils respirent normalement, les boucles sont en place. Je relève des numéros, au pif. Joli lot de blondes. Les employés de ce centre d'allotement me saluent en hurlant : c'est leur seule chance d'être entendu dans le vacarme des veaux qui meuglent et des barrières d'acier qui claquent. Je lève la main en retour, sans m'attarder, je dois être revenu dans quarante minutes à la clinique pour la suite des rendez-vous.

Mon ordinateur sur l'épaule, ma mallette à la main, je rentre dans le bureau et m'assieds à mon poste en saluant les deux forçats de l'export. Le patron n'est pas dans les environs. Deux lots aujourd'hui, et quatre certificats. Depuis le début de l'année, je suis VOP. Vétérinaire Officiel Privé. J'ai un beau tampon avec une Marianne, et tout un tas de textes réglementaires européens sous la main.

Premier lots, des mâles, vaccinés contre la Fièvre Catarrhale Ovine, sérotype 8, depuis plus de 60 jours. Je vérifie tampons et signatures. Ils sont là depuis moins de six jours, ils ont des attestations de désinsectisation, les vaccins sont en ordre. Je me connecte au Trade Control And Expert System. TRACES. Le mot de passe, la recherche du certificat pré-rempli. Contrôle des adresses, du lot, du transporteur, des attestations. Vérification du temps de trajet. Du plan de route. Tout est comme d'habitude : au carré. Je clique sur la partie qui m'est réservé, la certification. Clic-clic-clic-clic-clic-clic-2004-315-2003-467-ce-2004-315-2003-467-ce-2004-315-2006-467-clic-les animaux ont été contrôlés le-clic-valable 10 jours-clic-BT-2-animaux-clic-8(1)(b)-clic-BT-3-désinsectisation le-clic-BTA-5-Vacciné sérotype-8-clic-clic… Soumettre décision. Espagnol. Enregistrer sous, impression en deux exemplaires, tampons, tampons, tampons, signature, signature.

Lot suivant, des mâles blonds non vaccinés, mais désinsectisés et dépistés par PCR contre le sérotype 8, j'écris à la main, « animales son sometidos, con resultado négativo, a un test PCR contra el serotipo 8 de la FCO », je vérifie toutes les cartes, tous les résultats des PCR, cette fois-ci tout est bon, pas d'erreur, je retourne sur TRACES-clic-clic-clic, encore deux lots, il manque une adresse, coup de fil en Espagne, discussion rapide, nouveau client, l'exportateur lie l'organisation destinataire au certificat TRACES, je me connecte, j'uploade les myriades d'attestations et certificats, je reclique partout-2004-315-clic-clic-clic, je signe, je tamponne, nouveau lot, cette fois des femelles vaccinées depuis plus de 60 jours, tout est en règle, je retourne à l'écran de recherche des certificats, et je recommence, les clic, les 2004-315, les dates, les tampons, les signatures, puis les femelles avec désinsectisation et test PCR, je contrôle tout, je reclique, 2003-467-ce, soumettre, imprimer, signer, tamponner.

J'en profite pour valider le registre, faire les sauvegardes.

45 minutes. On a été bons. Ils ont super bien assuré la préparation documentaire, je salue tout le monde et repars aussi vite que je suis venu. Nous facturons ça à l'heure : tout le monde a intérêt à ce que ça dépote, et ça dépote. Quand rien ne cafouille. Car s'il faut expliquer au boss que non, ce veau ne part pas…

J'arrive à la clinique, madame Arrats vient de s’asseoir en salle d'attente pour Zéphyr, pour une diarrhée qui dure depuis trois jours. Je me lave les mains, j'enfile ma blouse blanche. Je
change
de
temps.

J'ouvre la porte de la salle de consultation.

- Bonjour madame, entrez je vous prie. Vous allez bien ?

jeudi 29 décembre 2011

Prendre son temps

Officiellement, les journées de travail durent 8h. De 9h à midi, de 14h à 19h. Classique, et bien suffisant. Surtout quand on dépasse presque toujours jusque 12h30 et 19h30, voire 20h. Hors astreintes.
Un rendez-vous toutes les demi-heures, sauf pour les trucs tout bêtes, comme les retraits de points. Vaccins, consultations médicales ou chirurgicales, contrôles "complexes", 30 minutes, en prévoyant les débordements sur les sujets qui sentent le CDM. Une demi-heure, ça permet de prendre son temps, de discuter prévention, et puis on finit souvent en 20-25 minutes, ce qui permet de passer les coups de fil aux confrères, de vérifier la commande suivante, de rédiger un certificat, de contrôler un animal hospitalisé, de rappeler un propriétaire d'animal pour vérifier que tout va bien, de lire un peu la presse professionnelle, de changer les bains de la développeuse radio, de discuter avec une ASV au sujet d'un client, d'un patient, de la compta ou des stocks, d'un pc qui déconne ou d'un débit de perf', d'un cas qu'elles n'ont pas compris ou d'un planning de visites, bref de toutes ces petites choses qui prennent parfois un peu de temps.
Beaucoup de temps.
Ça permet aussi d'absorber les inévitables clients sans rendez-vous, et les urgences qui viennent tout bousculer.

Mais j'ai réalisé il y a peu que nous ne prenions plus de pause.
Je veux dire : plus du tout. Pour un café, lire des mails persos, le fil twitter ou fumer une cigarette dehors. Juste pour raconter des conneries.
Au fils des mois, puis des années, notre équipe est devenue une mécanique exigeante et bien huilée, très efficace, en perpétuelle remise en question et réorganisation, sous les suggestions ou les intuitions des ASV comme des vétos. Parfois même des stagiaires.
Mais nous ne nous posons plus.
Ce qui est parfait pour arrêter de fumer.

Pas de management ou de méthodes existentielles. Nous avons réussi à monter une équipe harmonieuse, efficace, motivée. Pas sans couacs ni heurts, il y a des coups de gueule, des moments de découragement, les interactions entre le personnel et le professionnel. Pas vraiment des amis, bien plus que des employeurs et des employés, des confrères et des collaborateurs. Un groupe qui fonctionne.

J'ai comme l'impression d'une course folle.

Pour les vétos, un perpétuel mouvement, en équilibre entre les salles de consultations, les visites et le bloc, le chenil, le bureau et le téléphone. Penser à tout, tout le temps. Noter, se faire rappeler, ne rien oublier. Un oubli, c'est un client mécontent, un médicament qui manque, un animal en danger. Ou au moins négligé. Une pression permanente, sur tout le monde, partout. Combien de coups de fils passés de la maison un jour de congé ? Depuis l'hôpital quand on y a accompagné un proche ?
Bien sûr, il faut savoir prendre des jours de repos chaque semaine, prendre des vacances, tout couper. Facile à dire, moins à faire, c'est juste un coup de fil, hein, ou quelques dossiers qui peuvent être faits par mail, depuis la maison.

Ça, on le sait. On le fait plus ou moins bien, on se surveille les uns les autres. Jusqu'à dire aux ASV de ne plus décrocher si elles voient le numéro d'un confrère en congé s'afficher sur le téléphone de la clinique. C'est presque un jeu.

Pareil pour les ASV, avec les afflux permanents de clients venus chercher un renouvellement, un médicament pour les lapins, les poules, la vache, tamponner des cartes roses pour les vaccins FCO, commander les DAP, noter les produits pour les commandes, prendre les rendez-vous, mettre la seconde ligne en attente, la reprendre, aller aider le véto qui appelle au secours-que-c'est-urgent-bordel-laisse-le-téléphone, surveiller la fauche dans le rayons de laisses, colliers et jouets, conseiller pour des croquettes, passer un coup de balai, organiser le passage d'un véto itinérant, ou synchroniser une visite avec le maréchal-ferrant, aller vérifier les perfs au chenil, y faire une glycémie, repasser un coup de balai, mettre une fiche à jour, nettoyer les cages, encaisser un règlement, ouvrir le courrier, calmer un maître anxieux, donner des nouvelles du chat opéré, expliquer que le véto est déjà en visite et que, oui, il va arriver pour le veau à perfuser. En français, en anglais, en allemand, en néerlandais.

Mais quand est-ce qu'on le prend, le café ?

Quand est-ce qu'on débranche le téléphone, qu'on laisse la file devant le comptoir, qu'on crée un trou entre les consults, qu'on oublie un peu les hospitalisés ?

Est-ce qu'il faut une décroissance de l'efficacité, ou un coup de collier pour ménager une pause, qui ne vient jamais parce que le téléphone sonne sans répit ? Que les urgences ne cessent de débouler ?

Zapper, en permanence, des soins à la compta, de la commande à la prise de rendez-vous, des pansements au ménage, de la suture à l'endocrino, d'une euthanasie à un parage de pied, d'une césarienne à la coupe des dents d'un lapin nain. Je suis super fier de nous. Mais je suis super inquiet aussi.

lundi 31 janvier 2011

FCO : continuer à vacciner, ou pas ?

Suite aux légitimes interrogations de Paysan heureux et de la quasi-totalité de ses collègues, voici un petit point sur la vaccination FCO. Je n'exprime là que mon point de vue, mais je vais essayer de l'argumenter au mieux.

Je ne reviens pas sur la description de la maladie, j'en ai déjà parlé, ainsi que de la campagne de vaccination et les amers souvenirs qu'elle m'a laissé.

Le préalable à toute discussion est un document très simple disponible librement sur le site de l'ANSES, l'agence nationale de sécurité sanitaire (qui a avalé, entre autres, l'ancienne AFSSA). Ce document de 7 pages est un avis suite à plusieurs questions sur la stratégie vaccinale à adopter sur la campagne 2010-2011. C'est suite à cet avis que le gouvernement a décidé de rendre la vaccination contre la FCO facultative et réalisable par les éleveurs.

Cela signifie qu'en pratique, cet hiver :
- la vaccination contre la FCO n'est plus obligatoire
- la vaccination contre la FCO n'est pas interdite
- la vaccination contre la FCO peut être réalisée par les éleveurs eux-mêmes.
- la certification de vaccination contre la FCO ne sera cependant obtenue que si les vétérinaires sanitaires vaccinent (on ne certifie pas ce qu'on ne fait pas soi-même).
- la vaccination et le prix des vaccins ne sont plus du tout pris en charge et sont donc à l'entière charge des éleveurs, dans un cadre libéral avec les vétérinaires (ce qui implique : tarifs libres).

Mais la vaccination reste indispensable pour exporter les bovins vers l'Italie, premier marché (et de très loin) pour les jeunes bovins français. C'est une exigence de l'Italie. Une vaccination certifiée reste donc indispensable pour les plus jeunes animaux, et à l'entière charge des éleveurs.

Corollaires divers :
- les vaccins sont vendus par flacons de 50 ou 100 doses. Si vous avez dix vaches (ou 60 !) et que vous voulez les vacciner vous-mêmes, cela vous coûtera une fortune par tête de pipe (sauf à s'arranger avec les voisins).
- les vétérinaires facturent à la dose, mais il faut les payer... et nous savons tous où en sont les comptes des éleveurs.
- les vétérinaires fixent librement leurs tarifs, et ils n'ont pas le droit de s'entendre sur les prix. D'où grogne des éleveurs et des vétérinaires, personne n'est content, c'est parfait.

La question que l'on me pose tous les jours est donc : "Et toi Fourrure, t'en pense quoi, est-ce que je vaccine ?"

L'avis des experts est très simple, je cite (mais je vous invite à lire le document dans son ensemble, il est très simple à comprendre) :

Toutefois, il est impossible d’affirmer que les sérotypes 1 et 8 du virus FCO ont disparu de l’Hexagone. Seule une épidémiosurveillance, passive et active, bien conduite, permettrait dans le courant de l’été de confirmer la circulation du virus ou, en fin d’année, de supposer l’absence de circulation virale. La détection, dans les semaines ou mois à venir, de résultats positifs avec des Ct inférieurs à 28, mettrait en évidence une éventuelle nouvelle circulation virale. Ainsi, bien qu’il n’existe pas de preuve d’une circulation virale actuellement (données disponibles en mai 2010, fournies par la DGAl), la présence récente du virus sur le territoire français continental, associée au faible taux de vaccination des ovins, permet au GECU d’estimer que la probabilité de circulation de BTV-1 et/ou BTV-8 en 2010 en France continentale est élevée à très élevée (8 à 9 sur une échelle de 0 à 9).

Au vu de la diminution très marquée du nombre de foyers de FCO entre 2008 et 2009, résultant d’une part de la campagne de vaccination 2008-2009 et, d’autre part, de l’immunité postinfectieuse consécutive aux épizooties de 2007 et 2008, une éradication de la FCO à sérotypes 1 et 8 du territoire français continental paraît possible dans l’avenir. Elle nécessite la poursuite des efforts déjà mis en place.

Etant donné la probabilité élevée de circulation du virus de la FCO en 2010 (estimée entre 8 et 9 sur une échelle de 0 à 9), les moyens à mettre en oeuvre sont les suivants : maintien d’un taux de couverture vaccinale le plus élevé possible chez tous les animaux réceptifs, quel que soit leur âge, et quel que soit le nombre d’injections vaccinales antérieures, et ce pendant au moins 12 mois supplémentaires. Il est recommandé de maintenir, durant la campagne 2010-2011, une vaccination généralisée des bovins, des ovins et des caprins (i.e. correspondant à un taux de couverture vaccinale de l’ordre de 80 à 90% pour chacune des espèces). Le taux de vaccination des ovins serait notamment à améliorer par rapport à celui de la campagne en cours 2009-2010. Il appartient au gestionnaire de décider des modalités permettant d'atteindre cet objectif vaccinal ; réalisation d’un effort particulier afin d’optimiser la couverture vaccinale durant la campagne 2010-2011 dans les zones où des foyers de FCO seraient identifiés en 2010 (i.e. dans les élevages atteints et leur voisinage) ; maintien de mesures de surveillance et de dépistage de l’infection chez les animaux réceptifs (cf. avis 2010-SA-0107 relatif à l’épidémiosurveillance).

Tout est dit.
Pour ma part, au vu de la situation dans ma région, je ne m'attends pas du tout à voir resurgir sérieusement la FCO dans les deux ans qui viennent. Mais l'immunité post-vaccinale (vaccin non renouvelé) et post-infectieuse va s'atténuer, et de nombreux animaux, qui n'ont jamais vu le virus ou le vaccin vont devenir de jeunes vaches... renouvelant le stock d'animaux "naïfs". Je ne m'attends pas à une nouvelle épizootie, mais plutôt à une situation endémique, avec des cas par-ci, par-là, une flambée de temps en temps et des cas sporadiques en tâche de fond.

Donc MA réponse aux éleveurs est la suivante :

Vous n'aurez pas de FCO d'ici un an ou deux, même si vous arrêtez de vacciner.
Vous avez vu ce que ça donnait quand un élevage se la prenait dans la poire, ce qui pourrait arriver d'ici trois ans ou un peu plus. On en saura plus d'année en année avec la surveillance.
Vous savez combien coûtent les vaccins.
Faites vos calculs selon vos moyens !

J'observe deux types de réactions :
Ceux qui ont eu mal, ou ceux qui ont eu peur, qui n'ont pas oublié combien ils ont désiré le vaccin, et qui continuent à vacciner.
Ceux qui n'ont pas souffert de la FCO, ou qui ont plus peur du vaccin que de la maladie (ici nous avons eu une grosse confusion sur la nocivité du vaccin, car nous avons vacciné trop tard, alors que l'épizootie était déjà déclenchée, entraînant une superposition de la maladie et de la vaccination, ce qui a poussé à voir dans le vaccin le responsable des dégâts - et puis il y a la paranoïa habituelle sur les vaccins).

L'AFSSA expliquait très bien dans ce document l'impact probable de la vaccination sur la reproduction. Un bilan avait été établi quelques mois plus tard. Je n'ai pas connaissance de documents plus récents. Mon expérience sur le terrain est très proche de celle décrite dans ces documents.

Pour réduire les coûts, nous vaccinons de préférence en réalisant d'autres opérations sur l'élevage (prises de sang etc). Nous groupons les tournées de vaccination. Et par ailleurs, nous continuons à réaliser des prélèvements sur tous les cas suspects, même peu suspects. Pour l'instant, tout est négatif, et ce n'est pas une surprise au vu des données 2010, qui sont excellentes (quasi aucun foyer clinique).

Je ne sais pas si cela peut servir de conclusion mais... dès qu'on me parle de vaccination FCO, j'ai juste envie de soupirer. Voire de m'enfermer dans un placard pour pleurer. Depuis le début de l'épizootie, il y a eu une cacophonie et des défauts de gestion qui ont conduit, d'une part à une relative inefficacité des mesures prises (notamment, cette vaccination trop tardive), d'autre part, à une tension sans précédents entre vétérinaires et éleveurs. La décision de rendre la vaccination facultative et à la charge des éleveurs n'est que la dernière pierre à ce foutage de merde, dont je suis bien persuadé qu'il est involontaire, mais parfaitement insupportable. Pour moi, dans dix ans, je suis persuadé que le seul souvenir qui restera de tout cela sera celui de la délirante dégradation de nos relations avec les éleveurs.

NB : c'est fou le nombre de documents auxquels on peut avoir accès. Évidemment, il faut savoir qu'ils existent. les sites des diverses agences, du parlement et du gouvernement regorgent de pépites !

dimanche 21 novembre 2010

Rentabilité de l'élevage bovin

Un petit tableau issu du billet et des chiffres bien réels du blogueur-éleveur Paysan Heureux.

Les explications de PH sur son blog sont très claires et très complètes. Je ne vais pas m'amuser à tout recopier, je vous invite plutôt à le lire, mais, des fois que vous ne fassiez pas l'effort, je tiens à ce que ses explications accompagnent ses chiffres - il serait tellement facile de leur faire dire n'importe quoi. D'une manière générale, je vous conseille sa lecture si vous voulez approcher la réalité de ce boulot de dingue, qui rendit autrefois ces travailleurs aisés, quand, aujourd'hui, on ne les considère plus (parfois) que comme des empoisonneurs mangeurs de primes.

Paysan Heureux - Compta analytique pour la production d'un kg de viande bovine

==> 0.80 € d'achats d'intrants, engrais ou aliments, sachant que je suis très très autonome !
==> 0.65 € d'accès à la terre: le fermage, incompressible !
==> 0.76 € pour tous les services: assurances, vétos, réparations entretien, compta ...
==> 0.62 € comme rémunération du travail avec les charges sociales . Ces dernières ne sont pas calculées sur les prélèvements mais représentent 43 à 44 % du revenu agricole ! Si je prélève 1200 € par mois pour la famille, cela fait une rémunération horaire de mon temps de travail d'environ 6 € de l'heure !
==> 0.60 € pour les amortissements du matériel et surtout des bâtiments ! J'ai des bâtiments anciens et j'achète des tracteurs d'occasion ! Si je devais tout reprendre pour cause de mises aux normes, ce montant serait majoré de 20 à 30 cts au minimum ! Le reste du matériel est globalement ancien et j'emploie du matériel en CUMA ! Là encore, les mise aux normes me posent problème ! Rien que le remplacement des vieux tracteurs par un de 5000 h majorera ce chiffre de 0.13 €. en 2010...
==> 0.20 € d'impôts, de taxes et d'intérêts d'emprunt sachant que là encore je suis au plancher !

Notez qu'il s'agit d'un éleveur dans la force de l'âge, dont les investissements lourds sont derrière lui, avec un beau troupeau de charolaises (des vaches à viande, donc) dans une région propice à l'élevage. Et qui par dessus le marché gère très bien son exploitation, tant d'un point de vue conduite de troupeau, culture que "comptable".

Disons le clairement : non seulement il gagne peu et travaille énormément, mais même dans sa situation "privilégiée", il a passé une année 2009 à perte.

Je vous laisse imaginer le sort des jeunes (donc endettés) éleveurs, a fortiori s'ils ont le malheur de s'être installé dans des régions où la sécheresse ou la pauvreté des sols, ainsi que les dénivellations, rendent la culture et donc l'alimentation des animaux plus difficile (comprendre : plus chère).

Ces chiffres, je les approche tous les jours avec mes clients dont je ne suis pas un comptable mais, parfois, un banquier (les impayés s'accumulent pour certains depuis deux à trois ans), et, en tout cas, un partenaire : je serais un véto riche si mes clients étaient riches. Nous avons fait le choix de ne jamais refuser un appel d'un éleveur, même lourdement endetté chez nous. Nous n'en avons envoyé aucun à l'huissier. Ils n'ont pas le choix, ne peuvent appeler que nous, et nous tenons à cette notion de "service public". Ce volet de "service" était jusqu'à il y a peu, indirectement rémunéré en partie par les prophylaxies, mais elles tendent à disparaître, victimes de leur succès, et ce n'est pas la gestion calamiteuse de la FCO qui peut compenser quoi que ce soit. Au contraire, cette dernière nous a plutôt poussé dans un complexe conflit avec nos clients, en partie relaté dans les billets de la catégorie "FCO" de ce blog. De toute façon, le travail sanitaire du vétérinaire n'est pas là pour financer le reste de son activité !

Mes conseils financiers, comptables et autres, m'indiquent que je ferai bien de cesser mon activité rurale pour améliorer la rentabilité de ma structure, ce qui revient à dire : laisser des éleveurs sans vétérinaire à moins de trente kilomètres (sachant que de toute façon, la plupart des structures vétérinaires de ma région sont grosso-modo dans la même situation).

Finalement, notre objectif devient : se faire plaisir et rendre service sans plomber notre société, c'est à dire sans perdre d'argent sur la rurale. En le disant autrement : ce sont les chiens et les chats qui subventionnent les soins aux vaches et aux moutons dans ma clientèle.

Pour combien de temps ?

dimanche 13 décembre 2009

Case manquante

- Alors la FCO, c'est un virus ?
- Ben oui monsieur...
- Ah je m'en doutais !
- ...
- On m'a dit que c'était un moustique !
- C'est un virus transporté par un moustique.
- Non.
- ...
- De toute façon mes brebis je leur ai laissé la laine, comme ça pas de piqûre.
- Ce ne marche pas, les brebis n'ont pas de laine entre les cuisses...
- Moi je crois que ça marche.
- Vous êtes têtu hein ?
- De toute façon c'est pas possible il n'y a pas de moustiques en Belgique.
- Bien entendu, c'est pour ça qu'on en trouve aussi en Sibérie ou dans l'Himalaya ?
- Pfff
- Ben...
- De toute façon tout ça c'est comme la mouche tsé-tsé !
- Une maladie transportée par un insecte ? Oui.
- Mais non ! La maladie du sommeil elle n'existe pas et ces mouches elles rendent pas malade !
- Ah ?
- Oui les africains restent à dormir dans leur case parce qu'ils sont feignants et qu'ils ont peur des piqûres de mouche, c'est pour ça qu'on appelle ça la maladie du sommeil.
- Bien sûr. Et moi je vais faire un courrier à la DSV pour leur expliquer pourquoi vous refusez de vacciner votre troupeau.

jeudi 15 octobre 2009

Le retour des largages de moustiques en tongs bleues

Morceaux choisis...

- Ouais, mais n'empêche, l'autre jour, il y avait de drôles de nuages de moustiques partout au-dessus des marronniers et dans le ciel, j't'avais jamais vu ça, moi à mon avis s'parce qu'il n'y a pas eu assez de cas alors ils ont largué des moustiques.
- Un coup d'pluie, un coup d'chaud et un vent pas habituel venu du sud, non ?

- Je comprends pas pourquoi on appelle ça la blou tong les brebis c'est la gueule qu'elles ont bleue.
- ...

- Tu vois bien qu'le vaccin il sert à rien il n'y a pas eu de cas sur nos bêtes s't'année, pourquoi on revaccinerait ?
- Parce que c'est le fait d'avoir vacciné l'an dernier qui les a protégées ?

- J'vois pas pourquoi on vaccine les bêtes qu'on exporte vu qu'elles restent pas chez nous ?
- Parce qu'ils ne veulent pas de notre virus là-bas ?

- Tu vois s't'année ils nous ont inventé la grippe du cochon parce qu'on n'a pas cru à la langue bleue l'an dernier

- La FCO il y a 26 sérotypes pourquoi c'est des numéros alors que la grippe y en a plus que 26 et c'est des lettres ?
- Question existentielle, il est vrai. Et puis il y a 24 sérotypes de FCO.

- Moi cette année je vaccine pas et elles sont pas malades, alors que l'an dernier j'ai vacciné et elles ont été malades, alors c'est le vaccin qui rend malade.
- Mon pote, tes brebis ont été malades avant qu'on les vaccine, tu as la mémoire courte.

Oui, c'est véridique. Le second plaisantait, cependant, mais un instant, j'ai eu un doute...

Pour ceux qui n'ont pas suivi, là, on parle de la fièvre catarrhale ovine, ou FCO, qui a ravagé l'élevage français ces dernières années.

samedi 9 mai 2009

Variété

Le billet aurait aussi pu s'intituler : une journée de rêve.
Parce que vétérinaire, c'est dur, c'est parfois violent, souvent usant. Mais c'est aussi un métier magnifique, et, parfois, le fantasme de Daktari ressort. Le docteur de tous les animaux, avec sa blouse blanche, parfois, existe aussi.

La difficulté de ces journées là, en fait, tient autant à l'organisation du temps et des déplacements qu'à l'instabilité intellectuelle nécessaire pour sauter de la chèvre au chat, diagnostics cliniques simples ou de laboratoire plus ou moins pointus, mise en place de plan de prophylaxie ou gestion des urgences...

Mais j'adore !

1h00 - Le téléphone sonne. J'ai changé ma sonnerie, mais je la déteste déjà...
"Allo, je suis désolée, je viens de rentrer, on ensilait, et j'ai une vache dans le pré, sur le dos, elle est gonflée et en plus elle est à terme !"
La vache n'était pas prête à vêler, mais, couchée le dos vers la pente, la tête plutôt vers le bas, et gravide jusqu'au cou, elle ne pouvait plus se relever, surtout avec sa gestation avancée... Les estomacs étant un peu en vrac, elle ne pouvait plus éructer, et gonflait, gonflait, gonflait. Sous la bruine tiède, dans la boue et le brouillard, sous les phares du vieux Massey-Ferguson, un petit tour à 180°, des anti-inflammatoires, une perfusion et un bon seau d'eau, et c'était reparti comme un p'tit veau.

8h30 - "Ma vache a une piro !
- Encore ?
- Une autre !
- Encore ?
- ..." Bon, on verra plus tard, là j'avale mon café et je file à la clinique. 5 piros en quatre jours, quand même, c'est une sacré anazootie ! (et je mets des mots savants peut-être à mauvais escient si je veux).

9h00 - Ouverture de la clinique - Deux chats
"Bonjour, je vous ai amené Poupoune qui a un coryza et Loutron qui est bizarre".
Deux examens cliniques et une grosse discussion plus tard, avec quelques griffes dans le bras, la dame repart avec un traitement pour chacun des chats que je reverrais après-demain, et un traitement préventif pour le reste de l'effectif. Je crois que je n'arriverai jamais à la convaincre de les vacciner...

9h10 - Assurances
"C'est monsieur Lunde qui demande si vous pouvez passer voir une vache morte suite à l'orage de hier."
Non, marre de faire les constats de décès. Il appelle l'équarrissage et son assureur, qui de toute façon regardera le site de Météo France pour voir les points d'impacts d'orages. Le véto ne sert plus à rien dans ces cas là. Mais il faut l'expliquer à M. Lunde, et lui dire comment on déclare un sinistre...

9h35 - Retrait de points
"Elle pose la patte bizarre, quand même."
Tu m'étonnes, John. Ta labradore, on lui a ouvert le genou et tu l'as laissée courir dès le lendemain sous prétexte qu'elle est intenable. Maintenant les sutures ligamentaires ont lâché et elle a la rotule derrière le genou, elle n'a pas lu le mode d'emploi. Ça, je réfère, trop compliqué pour un généraliste comme moi.

9h50 - Contrôle d'évolution d'abcès.
"Dites, Milou (mais c'est un nom idiot pour un chat), il évolue plutôt bien pour un chat qui a eu la gueule à moitié ouverte par un blaireau. Parfait, on continue."

10h05 - Ce matin, un lapin...
"Ben il est mort ce matin, vous pouvez me l'autopsier ?"
Pas de problème, je vous appelle quand c'est fait.

10h20 - Vêlage - "J'arrive de suite"
"J'te l'dis Fourrure, il est mort le veau, sors moi ça d'là.
- Jte l'dis mon gars, il est vivant mais il est un peu fracassé, tu vas avoir du boulot pour le maintenir en vie. La mère va bien, impec.
- J'te l'dis Fourrure, faut être malade pour faire nos métiers."

10h45 - Piro
"Mais vous avez mis du produit anti-tiques sur vos vaches ?
- Ben oui, à la première piro, mais c'était il y a trois jours et...
- Et on est encore dans la période d'incubation, ok.
- Et pis celle-là elle boite.
- Et pis celle-là je veux bien parier qu'elle va vous faire aussi une piro.
Un sondage urinaire et trois vaches traitées plus tard, direction le centre équestre.

11h45 - Urticaire géant
"Joli réaction !"
Une intraveineuse, quelques caresses, une bonne discussion sur le beau temps et le sens de pousse des feuilles, direction la maison !

14h00 - J'ai attrapé Titoune !
"Et je pense qu'il a pareil que Poupoune et Loutron, et qu'il est aussi aimable. Vous êtes sûre que vous ne voulez pas qu'on les vaccine une fois qu'ils iront mieux ?
- J'ai aussi amené un chaton de trois semaines, c'est un mâle ou une femelle ?"

14h20 - Coup de téléphone motivant
Mirza vieillit mal et commence vraiment à présenter des troubles de comportement inquiétants, le traitement mis en place est inefficace. Ça a l'air mal barré, on essaie un autre traitement et quand ça devient intenable, ou dangereux, on l'endort.

14h30 - "Il est pas beau mon bébé ?
- Il est magnifique, joli petit chien. Un futur 60kg, vous êtes au courant ?
- Oui, mais j'ai déjà un St Bernard.
- Alors..."
Puce, vaccins, croquettes, vermifuge et j'en passe. Rappel dans trois semaines !

15h10 - Coup de fil
"Pour deux veaux déshydratés, je peux faire quoi ?"

15h20 - Coryza des familles
"Et vous avez combien de chats ?
- 14, ils vivent libre et heureux !"
Pas castrés, et pas vaccinés.
Traitement individuel et collectif, un frottis conjonctival conforte mon impression : coryza viral, on n'est pas sortis.
On discutera SIDA du chat et leucose féline si ça ne va pas mieux, hein ?

15h50 - "Oh mais qu'est-ce que c'est que ça !?
- Une chèvre angora madame, et coryza ou pas, elle ne mangera pas votre chat !"
Une mammite, une écho-de-gestation-juste-pour-le-plaisir, je vois les valvules du chevreau alors que mes échocardios de chiens sont nulles, super...
Antibiotiques, anti-inflammatoires, et ça devrait aller.
En plus elle a bouffé le bouquet de fleurs des champs laissé sur le bureau ! (véridique ! La précédente avait tenté de manger le mobilier, alors finalement...)

16h00 - Autopsie de lapin
Avec coproscopie. Malgré les traitements, c'est une coccidiose massive. On va adapter tout ça, et ça va être compliqué. Les lapins de ferme, quand ça ne va pas, c'est l'enfer.

16h05 - En passant
"Mais il va pas la faire avortier, vot' vaccin ?
Non, et si on ne la vaccine pas et qu'elle chope la FCO, là, elle avortera."

16h40 - Nombril de veau
Et comme l'éleveur ensile, je me démerde tout seul. Une bonne infection, mais pas méchante. Il arrive même à me faire tomber en me bousculant après m'avoir balancé un bon coup de tête dans les parties (genre, comme quand je tête ma mère, et bam ! bam ! bam !).

17h20 - Suivi de reproduction canine
5ème frottis vaginal, et l'amstaff est enfin en œstrus, je vais faire un test sérologique pour voir où en est l'ovulation. Verdict : elle va voir le mâle après-demain au plus tard. Et en même temps, j'explique les changements de traitements au propriétaire du lapin.

18h10 - "Vous êtes fermés le samedi ?
- Non, pas encore...
- C'est pour des croquettes !"

18h20 - Ma poule ne se tient plus !
- Et si elle était moins parasitée, elle irait mieux."
Encore une coproscopie et un traitement d'effectif...

18h40 - "Mais on n'a pas encore fait la commande de médicaments ?!
- Non, et il faut faire la caisse aussi..."

Et en plus, je suis de garde pour tout le week-end. Bah... on verra bien !

samedi 21 mars 2009

Je suis vétérinaire

Il y a de cela quelques semaines, une lectrice m'interrogeait par mail afin de savoir - je résume - si le métier de vétérinaire "était aussi éprouvant que cela". J'ai entamé une réponse brève à ses questions précises, puis j'ai abandonné mon message, en proposant un billet ultérieur.

Alors faisons simple : être vétérinaire, c'est éprouvant, c'est difficile, c'est compliqué.

D'ailleurs, pourquoi être vétérinaire ?

J'ai un doctorat et un BAC +6. J'ai survécu à une prépa. Comme beaucoup de mes confrère, je travaille entre 50 et 80 heures par semaine, sans compter les heures d'astreinte ou de garde. Un associé a la responsabilité de sa société, de ses salariés, et de sa famille. Je ne parle même pas de celle de ses patients et de ses clients, sans même évoquer son rôle en santé publique quand il exerce en rurale...

Et avec tout ça, mon "salaire" est d'environ 1900€ par mois.

Dans cette situation, soyons objectif, il est idiot d'être vétérinaire.

D'autant qu'il faut se coltiner à la fois :

  • La gestion d'une société

Plusieurs associés, des salariés, des personnalités différentes, la comptabilité, les assurances, les impayés, les stocks et les commandes, les investissements au long terme, les crédits qui vont avec... 5-10 heures de travail par semaine, et un relationnel qui ne se comptabilise pas. Il faut aussi que je sache me faire payer. Manager, comptable, DRH, patron, je suis vétérinaire.

  • La gestion des clients

Chacun a ses attentes, ses besoins, ses incohérences et sa personnalité. Je dois les écouter m'expliquer pourquoi ils viennent, puis comprendre pourquoi ils sont là. Ils ont leurs préjugés et leurs espoirs. Leur animal est un bébé mal géré. Ou bien il vient pour mourir. Ils peuvent être intelligents, débiles, sensibles, compréhensifs, complètement largués voire totalement cons. Ils peuvent être aisés, voire riches, ou pauvres, ils peuvent être bons ou mauvais payeurs, ils me font vivre : je suis vétérinaire.

  • La gestion des patients

Il y a les vaccins-qui-prennent-dix-minutes-sauf-s'il-y-a-autre-chose-comme-une-fois-sur-deux, les cas de médecine lourds, qui prendront des heures, les animaux hospitalisés qu'il ne faut jamais oublier, les urgences, les éleveurs qui attendent avec un troupeau dans le couloir pour les vaccins, les animaux des gens sans rendez-vous mais qui sont quand même malades. Il y a les animaux qui doivent être manipulés avec douceur (tous ?), ceux qui sont dangereux, ceux qui ont des dents, ceux qui pèsent 100 grammes et ceux qui font plutôt une tonne, il faut les connaître, prévoir leurs réactions... ça coule de source, je suis vétérinaire.

  • L'exercice lui-même

Il y a ma responsabilité que j'engage à chaque signature, à chaque diagnostic, à chaque choix. Ces choix sont souvent assez faciles, parfois très difficiles, et je dois parfois être rapide : on n'hésite pas quand un animal va mourir lors d'une urgence. Et puis il y a tous ces rendez-vous qui attendent dans la salle d'attente. Il y a les euthanasies. Je dois être médecin, dermatologue, radiologue, chirurgien, anesthésiste, ophtalmo. Heureusement, j'ai des confrères plus spécialisés à qui je peux envoyer les cas qui dépassent mes compétences, mais... encore faut-il savoir quand s'arrêter. Et puis il y a ceux qui choisissent de ne pas y aller, et que je dois bien gérer... J'ai le droit à l'erreur, mais pas trop. Je suis vétérinaire.

  • La paperasse façon "c'est pour la santé publique"

Et sa redoutable sœur jumelle "c'est pour la comptabilité".

Chaque ordonnance pour un bovin, c'est une assurance contre la présence de résidus dans les produits livrés au consommateur. Chaque ordonnance pour un chien ou un chat, c'est une prescription claire dans le respect des règles déontologiques et médicales.
Chaque prise de sang de ruminant, c'est une étiquette, un code-barre et un papier d'accompagnement pour le laboratoire, plus un résultat d'analyse qui reviendra.
Chaque vaccination, c'est un carnet, un passeport, une carte rose, dans le respect des lois et règlements (et ils changent tout le temps !). Depuis le début de la crise FCO, j'ai reçu 183 mails de ma DDSV, sans parler de ceux de l'AFSSA et du SNGTV. Pour les vaccins des bovins, il y a aussi les documents pour l'ONIEP, la DDSV et le GDS. Pour les chiens, les chats et les chevaux, ne pas oublier d'envoyer les cartes de rappel pour les vaccins.
Il y a les textes de loi.
Maintenant, chaque cession de chien ou de chat, c'est un certificat vétérinaire. En plus des cartes de tatouage ou de puce. Et il y a les évaluations comportementales.
Il y a les signalements d'équidés et l'exceptionnelle capacité des Haras Nationaux à m'emmerder.
Il y a les documents pour la formation continue, les notices des nouveaux médicaments et autres bulletins de l'AFSSA, les revues professionnelles et les lettres d'amour de l'Ordre.
Évidemment, il y a tous les bordereaux de commande et de livraison, ceux de notre centrale et ceux des labos indépendants. Les remises de chèques, d'espèces, les feuilles de paie et les pages du grand livre, les contrats, les offres commerciales du siècle et les fax de vendeurs de détecteurs de radars.
Il y a tous les clients qui ne comprennent rien aux demandes de leurs assureurs, aux courriers des Haras Nationaux ou à ceux de la Société Centrale Canine, à ceux des Groupements de Défense Sanitaire ou à ceux de l'équarrissage ou de l'abattoir.
Qui est là pour expliquer tout ça, pour remplir, signer, tamponner, faxer, lire et encore écrire ?
Moi, je suis vétérinaire.

Mais alors, pourquoi vétérinaire ?

Parce que je l'avais décidé quand j'étais petit. Tout petit. Et je suis très têtu.

Et si c'était à refaire ?

Je ne sais pas...

Soyons clairs : j'adore mon métier. Mais c'est un boulot de dingue. Exténuant. Par les horaires, la masse de travail, l'implication émotionnelle, les responsabilités.
Dangereux pour ma vie de famille.
Mal payé, en ce qui me concerne. J'ai des confrères qui vivent bien mieux que moi. Certains s'en sortent plus mal.
En l'état actuel des choses, je ne peux pas travailler moins. Embaucher un salarié ? Et avec quoi le payer ?
J'espère une éclaircie dans l'année qui vient. On verra bien.

Je vous rassure : tous mes confrères ne travaillent pas autant, ou avec un tel poids sur les épaules. Il y a tant de situations différentes.

Mais pourquoi est-ce que j'adore mon métier ?

Parce que je dois prendre des décisions, tout le temps. Gérer une équipe, des patients, des clients, une société, des urgences, des conneries, tout.
Mon métier m'a appris à travailler en équipe, à diriger, à déléguer.
Il m'a appris à échouer. Auparavant, je n'avais presque jamais échoué.
Il me donne l'impression d'être utile : je conseille, j'offre du bien-être, je soigne, je sauve.
Il me valorise : je sais que je suis sécurisant, que les gens m'apprécient. J'ai une blouse blanche et un stéthoscope, ou un bistouri, je peux commenter les épisodes de Dr House et je fais naître des veaux.
Il me donne des responsabilités. Mes avis, mes actions engagent la vie d'animaux et, à mon modeste niveau, la santé publique.

C'est un métier qui touche à la vie et à la mort. J'écoute un cœur s'arrêter de battre comme je réanime un nouveau-né anoxique. Je suis là quand un petit vieux voit sa vie s'écrouler, ou qu'un enfant découvre la splendeur d'une naissance. Ou la dureté d'une disparition.

C'est un métier profondément humain. Pour être vétérinaire, c'est bien d'aimer les animaux, mais il faut croire en l'être humain.

jeudi 13 novembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : coup de blues post-epizooticum

Les choses se tassent sérieusement. Nous avons bouclé le gros de notre vaccination en 6 semaines de folie, et, aujourd'hui, il ne reste plus à vacciner que quelques bêtes éparpillées dans les prés d'éleveurs pas stressés. Il y a aussi quelques veaux par ci, par là, qui atteignent les deux mois et demi, âge minimum de la première injection vaccinale.

Nous avons attaqué les prises de sang sur les veaux vaccinés destinés au marché italien : ils doivent être viro-négatif pour passer la frontière, et ces analyses nous ont réservé de belles surprises. Un tiers des veaux vaccinés environ sont actuellement porteurs du virus. Entendons-nous bien : ils ne sont absolument pas malades, ils sont simplement porteurs du virus, pour quelques semaines. Un moustique les a piqué, leur a transmis le virus, comme ils sont vaccinés ils ne sont pas malades, mais cela interdit leur vente à l'étranger, ce qui n'arrange pas la trésorerie des éleveurs, déjà pris à la gorge.

Il marche d'ailleurs drôlement bien, ce vaccin : je n'ai pas vu une vache malade depuis presque deux mois. Ah si, une : elle avait une autre maladie, et son affaiblissement a permis au virus de se développer.

La plupart des éleveurs attendent donc les 60 jours après la seconde injection pour envoyer leurs veaux en Italie, car ce délai permet d'éviter la fatidique virologie. Ce qui, en soit, est complètement stupide : ce n'est pas parce que ces veaux seront bien vaccinés qu'ils ne seront pas porteurs. Tout au plus peut-on espérer qu'ils ne risquent pas trop de transmettre le virus grâce à leurs défenses immunitaires et leur faible taux viral sanguin.

A côté de ça, la machine à rumeurs fonctionne toujours aussi bien, il ne se passe pas deux jours sans qu'un éleveurs viennent me parler du sérotype 52 qui serait apparu dans un élevage du Boukhistan, et qu'il va falloir rattraper toutes les bêtes, docteur.

Nan.

Pas d'autre sérotype pour le moment, s'il se passe quelque chose, on vous préviendra.

Bref, l'activité vétérinaire à proprement parler, s'est considérablement ralentie. Nous en avons profité pour prendre quelques jours voire semaine (au singulier, quand même), de congé.

Surtout, nous nous sommes lancé dans la délirante montagne de paperasses engendrée par cette crise sanitaire.

Pour chaque visite de suspicion, une fiche de police sanitaire : quatre pages.

Pour chaque élevage vacciné, un inventaire relevant chaque bête ayant reçu l'injection, avec date et type de vaccin évidemment. Quand on n'est passé que deux fois dans un élevage, c'est facile. Quand on est venu pour huit lots différents, c'est le drame. Dis comme ça, ça a l'air facile, mais nous avons vraiment vacciné très vite, et pas relevé grand chose. Funeste erreur lorsqu'il faut faire les comptes... Pour chaque élevage, je compte, je coche, je vérifie et je recoupe, je contrôle les âges des veaux et les intervalles entre injections.

Pour chaque élevage, date, nom du vaccin, signature et tampon sur chaque passeport de veau destiné à l'export. Une fois pour chaque injection, ça en fait des lignes ! Encore une fois, attention aux âges minimaux !

Pour chaque élevage, une facture spéciale sur une fiche spéciale, avec déduction de l'aide directe de l'état. Un exemplaire pour l'éleveur, un exemplaire pour l'organisme qui nous versera (un jour) cette aide, et la retranscription de cette facture dans notre propre logiciel. Evidemment, les tarifs sont par visite et par bête, mais varient selon la taille des cheptels.

Pour chaque éleveur, des dizaines de minutes d'explications.
C'est l'Etat qui paye une partie, ne vous inquiétez pas, c'est marqué là. Cette facture, une fois acquittée - oui, il faut la payer avant d'être remboursé, sans blague - vous l'amenez au conseiller agricole du conseil général, pas celui de la chambre, il va vous monter le dossier. Pour les vaccinations faites avant le passage de notre département en zone infectée, c'est le conseil régional. Non, je ne sais pas qui s'occupe de ça. Pour les médicaments administrés aux animaux soignés pour la FCO, vous amenez la copie de notre facture (oui, je vais vous faire un double), de notre ordonnance, et une déclaration sur l'honneur au conseiller agricole de la chambre d'agriculture. Non, pas à celui du conseil général, vous rigolez ? Pour les bêtes euthanasiées, je vais vous faire un certificat d'euthanasie. Non, pas besoin de certificat pour celles qui sont mortes "naturellement". Elles, vous fournirez le bon d'équarrissage. Vous ne l'avez plus ? Ben demandez un double à l'équarrissage. Ah, vous avez filé le cadavre de la brebis à vos chiens ? Super, c'est une excellente idée. Non, ils ne risquaient pas grand chose, c'est vrai. Mais pour le bon d'équarrissage, oubliez, et l'aide aussi du coup. Oui, monsieur, c'est illégal, je suis désolé. L'inscription UPRA ? Ah ça ce sont des documents qui sont en votre possession, là je ne peux rien faire. Ah oui, il y a une franchise de 3% du cheptel et un plafond à 25%. 3% de 20 brebis ? Ben 0.6 brebis, je suppose. Non, je ne sais pas si vous serez indemnisé avec une seule bête morte. Vous verrez avec le conseiller. Celui de la chambre, hein, pas celui du conseil général. Il a une permanence le jeudi matin à la mairie. mais pas cette semaine, il est en vacances. Pour deux semaines, paraît-il. Sa collègue de Framboisy devrait pouvoir vous aider si vous êtes pressé. Ah, oui, Framboisy, c'est à 30km est vous avez 80 ans.

Soyons sérieux : la vaccination à proprement parler, ce n'était que le tiers du boulot. Le premier tiers, c'était la logistique, l'organisation, bref toute la préparation de la vaccination. Le dernier tiers, cette folie de paperasses de la maison qui rend fou.

Avec ça, il faut ajouter ce curieux syndrome de relâchement qui nous envahit tous, à la clinique. Moi plus que les autres, cela dit. A ma décharge, c'est moi qui ai organisé toute la vaccination et qui fait toutes les factures : trop complexe pour s'y mettre à plusieurs si on voulait aller vite.
Au mois de septembre, j'ai travaillé 280 heures. Un joli score, je trouve. Octobre n'était pas mal non plus, en tout cas au début du mois. Et là, les quelques jours de repos que j'ai pris m'ont complètement cassé.

En septembre, j'avais redécouvert cet étrange rush d'adrénaline permanent qui m'avait permis de traverser la classe préparatoire vétérinaire. Drôle de sensation, drôle de plongée dans mes souvenirs.

Maintenant, je me sens... sans objet. Sans direction. Un peu perdu, étonné au milieu de mes papiers, presque désorienté sans l'objectif précis qui m'avait permis de tenir.

Pour la suite ?

On verra bien...

vendredi 3 octobre 2008

Prophylaxie

Prophylaxie, c'est un mot qui signifie, en gros, "méthode de prévention".
La prophylaxie dont je vais vous parler, la plupart des acteurs du monde rural la nomment "pique" ou "prophylo".
Je pense que c'est surtout un aspect du métier de vétérinaire que peu de gens connaissent.

Pour les vaches, les moutons et les chèvres, ce terme désigne en général les prises de sang qui sont réalisées annuellement sur une partie du cheptel français. Ainsi, tous les ans, je vais chez tous mes clients éleveurs de bovins pour réaliser une prise de sang sur chaque vache de plus de deux ans. Je vais également chez chaque éleveur de moutons pour faire une prise de sang sur tous ses reproducteurs, ou sur une partie s'il a vraiment un très gros cheptel. Les règles de cette lutte organisée par l'État sont édictées dans chaque département en fonction de leur situation sanitaire. Selon les maladies, le rythme peut être annuel, ou bisannuel, voire moins souvent. Quand une maladie est éradiquée, on arrête...

La prophylaxie est presque intégralement prise en charge par l'Etat : frais vétérinaires, analyses de laboratoire, gestion globale, ce qui a permis l'élimination de nombreuses maladies dangereuses pour le cheptel comme pour l'homme.

C'est une organisation titanesque qui mobilise :

  • Les éleveurs, qui doivent assurer la contention de leurs animaux.
  • Les vétérinaires sanitaires (des vétérinaires qui agissent sur mandat de l'État dans ce genre de situation), qui réalisent les prises de sang, ou toute autre opération, comme la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine, ou (mais c'est terminé pour l'instant), contre la fièvre aphteuse...
  • Les laboratoires départementaux vétérinaires, qui réalisent les analyses.
  • Les groupements de défense sanitaire, qui organisent.
  • Les directions des services vétérinaires, qui supervisent le tout.

Par exemple, pour les bovins, la prophylaxie concerne, ou a concerné :

  • La brucellose, une maladie qui a presque disparu (grâce à la prophylaxie). Chez l'homme, on parle de fièvre de Malte, vous avez peut-être un grand-père qui l'a attrapée et qui en a gardé des séquelles ?
  • La leucose bovine enzootique (LBE), une maladie très grave pour les bovins, elle a pratiquement disparu (grâce à la prophylaxie).
  • La tuberculose, que je ne vous présente pas, et qui elle aussi pratiquement disparu des élevages (devinez grâce à quoi ?).
  • La fièvre aphteuse, très grave pour les ruminants, qui a disparu en France (grâce, a la prophylaxie, aussi).
  • La rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), qui elle n'est pas grave mais est prise en compte dans les échanges commerciaux (elle elle n'a vraiment pas disparu mais la lutte commence seulement).
  • Le varron, un parasite qui finit sa vie larvaire dans le cuir des ruminants et en déprécie fortement la valeur.
  • La fièvre catarrhale ovine, qui s'installe par chez nous depuis quelques années, et sans doute pour un bout de temps.

Mais la prophylaxie concerne aussi les ovins (pour la brucellose et la fièvre catarrhale) et les porcins (maladie d'Aujeszky, SDRP).

Dans tous les cas, soit l'État décide qu'il faut supprimer la maladie (prophylaxie obligatoire), soit ce sont les éleveurs (prophylaxie facultative, mais que l'État rend obligatoire si au moins 60% des éleveurs s'y mettent de leur propre chef, ça a été le cas de l'IBR).

Je parlais d'organisation titanesque. Ce n'est vraiment pas un vain mot, même en réduisant la prophylaxie à mon niveau de vétérinaire sanitaire libéral, ce qui est injuste pour ces techniciens des services vétérinaires et ces vétérinaires sanitaires qui interviennent à l'abattoir. L'inspection de la carcasse de l'animal permet de rechercher certains agents pathogènes dangereux pour l'homme et/ou l'animal. La plupart des (rares) cas de tuberculose sont aujourd'hui découverts par cette voie, on recherche des parasites dans les carcasses d'équidés ou de porcins... Je ne devrais pas non plus oublier la recherche de l'ESB dans la moelle épinière des bovins.

La prophylaxie mobilise chaque année tous les troupeaux bovins et ovins, ainsi que les élevages porcins. Tous les ans, il faut attraper ces bestioles pour leur faire des prises de sang, quand une épizootie de fièvre catarrhale ne vient pas compliquer les choses en obligeant à les coincer deux, voire quatre fois de plus. En plus, curieusement, la plupart des ces bêtes n'apprécient pas de subir :

  • une prise de sang (recherche de brucellose, de LBE, d'IBR et de varron).
  • une injection intradermique de tuberculine, qui permet de dépister la tuberculose.
  • deux injections intra-musculaires de vaccins contre la FCO.

Et là, il faut aimer les coups de pieds et ne pas tenir à sa propreté, parce que les prises de sang se font sous la queue. Âmes sensibles s'abstenir, il y a de la violence (dirigée contre le véto, je tiens à rassurer les amis des bêtes), de la merde et du sang. Que la vache vive dans une belle stabulation bien paillée ou dans un pré en altitude (allez les choper les limousines qui ne voit un homme qu'une fois par an, pour se faire perforer par un maniaque).

Chaque tube est identifié par le numéro du bovin ou de l'ovin, étiqueté, puis envoyer au laboratoire départemental. je vous laisse imaginer la complexité du bazar et la rigueur nécessaire. Quand je pense qu'on nous prédisait la mort du papier grâce à l'informatique !

De plus en plus, la prophylaxie est aussi l'occasion d'assurer un suivi sanitaire, un genre de mini audit de l'élevage sur les points-clefs (enfin, il paraît) : contrôle de la pharmacie de l'éleveur, de la tenue des registres, des précautions sanitaires de bases, de l'état général des animaux, de l'hygiène de la traite (enfin, ça, franchement, c'est théorique...). Cet aspect de la prophylaxie, avec l'éradication de ces maladies, vient peu à peu remplacer la "pique" d'antan. On y verra la marche du progrès, ou l'expression de la paranoïa attribuée au consommateur et l'invasion des tracasseries administratives et de la paperasse...

lundi 22 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Usure

Pour suivre ces billets publiés au gré des moustiques :

Ca y est, le premier cycle de trois semaines est bouclé, nous avons attaqué les rappels de vaccination. La panique est totalement oubliée, au point que certains n'ont même plus envie de vacciner... Quand je leur explique que le sérotype 1, c'était l'apéritif avant le 8, en général, ils prennent rendez-vous. Certains veulent attendre quand même, mais aurais-je des doses pour eux ?

A priori, cette galère des doses est derrière nous : aller piquer des flacons au cabinet voisin pour tenir jusqu'à la livraison du lendemain, en prêter à un autre, en faire envoyer à un troisième qui va vacciner certains de "nos" moutons en estives. Cette crise aura au moins permis de resserrer les liens entre les vétérinaires de la région.

Les nouveaux foyers deviennent plus rares. Logique, tout le monde a la pécole ! Par contre, nous découvrons plusieurs fois par semaines de petits cheptels non déclarés, qu'ils faut régulariser avant de vacciner. Maintenant, la procédure est bien rodée : coup de fil à la chambre d'agriculture, attribution d'un numéro EDE, prises de sang de création de cheptel, prises de sang pour virologie FCO, traitement des malades, et vaccination des brebis par encore atteintes. A la fin de la crise, le département aura "gagné" un certain nombre de têtes ! Paradoxal quand les pertes peuvent s'élever jusqu'à 30% dans certains cheptels. Les gens n'ont clairement aucune idée des obligations qu'implique la détention de ruminants, même pour tondre la pelouse.

Si les foyers deviennent plus rares, je ne sais pas trop pour le nombre d'animaux malades, c'est assez difficile à suivre : nous ne visitons que les nouveaux foyers ou les cas très graves, les éleveurs soignant eux-mêmes la plupart de leurs bêtes. Au vu du nombre de flacons d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires vendus, en tout cas, il y a encore pas mal de nouveaux cas. Ou d'anciens qui traînent.

Je suis assez surpris par le nombre de vaches que nous avons perdu. Oh, pas des dizaines, mais peut-être 0.5-1% du cheptel ? Des vaches qui bricolent et s'affaiblissent malgré tous les traitements, avec des myosites majeures, des syndromes hémorragiques digestifs voire nasaux. D'autres ne supportent pas une co-morbidité avec une pathologie grave, telle une mammite aiguë ou une broncho-pneumonie. A côté des mortes, il y a beaucoup d'animaux sérieusement touchés, qui mettront des semaines, voire des mois, à se remettre. De plus, certains taureaux seront peut-être infertiles. Un dommage moins spectaculaire mais sans doute plus important que la mortalité. Un peu comme les "blessés graves" des accidents de la route, oubliés par rapports aux morts.
Du côté des brebis, la mortalité est par contre moindre qu'escomptée : soignées à temps (c'est à dire dès le premier jour de la maladie), la plupart s'en sortent bien avec une semaine de traitement.

Vaccins FCO : avant - aprèsDe notre côté, c'est l'usure. Nous avons vacciné plus de dix milles bêtes en moins de trois semaines, et il faut recommencer. Certains jours, les coups de pieds sont plus difficiles à éviter... Normal avec 6 à 7 jours de travail par semaine, dix à douze heures par jour, et ce depuis plus d'un mois. Sans parler des (heureusement rares) urgences nocturnes.

Nous risquons trop souvent l'erreur en devant penser à trop de choses simultanément. Préparer les plannings de vaccination, n'oublier personne, gérer les animaux malades et surtout continuer à faire tourner la clinique, car la vie ne s'est pas arrêtée pour un moustique : bobos, vaccins, vrais malades, chiens à sangliers éventrés, vêlages, etc. Nous en avons déjà commises quelques une, des erreurs, qui ne seraient pas survenues en temps normal. Rien de grave, heureusement : nous sommes conscients de nos limites, mais vivement dans trois semaines ! Plus que 8000 bêtes !

mardi 9 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Une journée en enfer

4h10 - Réveil en sursaut, pas de sonnerie de téléphone pourtant - je suis en sueur, j'ai rêvé que les vaccins qui devaient être livrés ce matin n'arrivaient pas car j'avais oublié de passer le fax. 10 minutes pour me rendormir en m'insultant.

5h10 - Mon foutu téléphone portable fait vibrer les baffles de mon radio-réveil. Pour rien. Résultat : une augmentation délirante de ma fréquence cardiaque, une bonne bouffée de stress et une dizaine de mots doux à l'encontre de mon téléphone que je balance bien loin de ma table de nuit. Je ne suis même pas d'astreinte !

8h00 - Lever rapide, petit-dej' très rapide, café, sortir les chiens. Même pas en mode automatique : je me réveille instantanément maintenant !

8h30 - Je démarre la voiture, direction la clinique. 10 minutes de route avec les infos. Rien de neuf sous le soleil, évidemment.

8h40 - Je passe vite fait entre les cages des animaux hospitalisés après avoir salué notre ASV, qui vient de reprendre le téléphone de garde. Ici non plus, rien de neuf sous le soleil. Si j'ai le temps, je ferai les soins aux animaux, sinon Francesca s'en occupera. Rien d'urgent de toute façon. Notre parvovireux a arrêté de tout repeindre de diarrhée et l'anémie auto-immune a uriné clair. Impeccable.

8h50 - Je distribue la tournée de vaccination FCO à Olivier qui vient d'arriver. Ben oui, j'ai le privilège d'être le Grand Organisateur de nos tournées de prophylaxie. Boulot de dingue, je vous en toucherai un mot dans ce billet, et plus encore dans un autre épisode du journal de bord FCO.

9h00 - La clinique ouvre ses portes. 8 personnes (!) s'engouffrent avec leurs bestioles, leurs enfants, leurs sacs à main et leur stress. Je me cache lâchement dans la deuxième salle de consultation avec un téléphone, le planning des tournées et les feuilles de prophylaxie.

9h02 - Après deux minutes à bouger des piles de papier pour éviter de réfléchir, je jette un oeil par la porte. Merde, M. Dueil, c'est moi qui lui ai donné un rendez-vous pour une série de tests hormonaux. Pauvre chien, ça fait des mois qu'il se traîne une foutue infection cutanée récidivante, sans cause sous-jacente encore détectée. Le chien a 8 ans, c'est un chien de chasse, mais son propriétaire est prêt à aller sur les tests hormonaux et leur éventuel traitement. J'en profiterai pour refaire une série de raclages à la recherche de demodex ou autres saletés parasitaires.

9h03 - Finalement, je me décide. Un bonjour à la contonnade, j'interpelle M. Dueil et lui demande d'aller chercher son chien. Quelques minutes plus tard, ce dernier est dans la courette, son propriétaire reparti au travail, il reviendra le chercher à midi. Dans le même mouvement, j'hospitalise une minette venue pour une ovariectomie, salue un client venu régulariser des factures de médicaments pour la FCO, et avise un homme d'une quarantaine d'années avec sa fox dans les bras. M. Petit. Lui, il avait rendez-vous à 10h00, il s'est encore gouré...

9h15 - Olivier est parti en tournée, il n'a que 200 vaches à faire ce matin. Tranquille. Cette fois-ci, il a pris trop de vaccins, il s'est fait coincé hier à 25 km d'ici avec 35 doses manquantes...

9h16 - J'invite M. Petit à me rejoindre en salle de consultation avec sa fox, pour un vaccin. Ca fait au moins trois fois que ce rendez-vous est reporté : M. petit est vraiment un homme très gentil, mais il est un peu... léger. Sa présence est presque incongrue dans notre quotidien de stress et de tensions. Il sourit et me salue de sa voix étrange, à la fois brisée comme celle d'un vieux fumeur, et aiguë comme celle d'une fillette. Il n'articule pas bien du tout et entends très mal, mais il lit remarquablement sur les lèvres. Il rit aux éclats en voyant sa chienne faire le beau devant moi, puis me décrit ses dernières chasses au renard. Je n'y comprends pas grand chose : son élocution est terriblement difficile à suivre, surtout quand il aborde un sujet que je ne maîtrise pas du tout, mais il mime, il gesticule, il rit à nouveau pendant que j'examine rapidement. J'en oublierai presque la FCO et le stress quotidien.

9h24 - Olivier passe la tête par la porte de la salle de consultation :"heu j'avais rien compris à ce que m'avait dit Mme Wood au téléphone ce matin, je croyais qu'elle amenait un chat qui bavait mais c'est un bélier ! Il est dans le coffre de leur 4x4, tu y jetteras un coup d'oeil ?"
Il n'était pas parti, lui ?

9h30 - Le bélier a une magnifique langue bleue. Évidemment, c'est un tout petit cheptel non déclaré, et Francesca a remarquablement anticipé la suite : elle a déjà téléphone à l'EDE pour faire enregistrer le cheptel afin que la suspicion de FCO puisse être validée. Deux injection, une longue conversation en anglais pour expliquer la blue tongue et la déclaration de l'élevage, le traitement aux insecticides et la vaccination à prévoir dans la semaine qui vient (mais quand ???), et je repars sur les chiens et les chats.

9h50 - Je m'excuse auprès de M. Bel qui avait rendez-vous à 9h30, pour recevoir Belle (si si, Belle Bel) qui nous revient avec sa DAPP annuelle mâtinée d'aoûtats en goguette. En plus elle est en chaleur et mon pantalon vient de recevoir une belle quantité d'écoulements vaginaux. C'est tiède, c'est humide, c'est presque transparent (fin des chaleurs, donc) et ça va terriblement plaire aux chiens mâles que je verrai en consultation aujourd'hui.

10h15 - Je vois Francesca qui réceptionne un sac de poulets morts pour autopsie. Super.
Je viens de me rendre compte que nous n'avons pas en stock les produits nécessaires aux tests hormonaux que je comptais réaliser sur le chien de M. Dueil. Je téléphone donc illico à la pharmacie pour les commander - livraison à 15h30 cet après-midi. Il faut penser à rappeler le propriétaire pour lui dire de venir chercher le chien ce soir, finalement.
Pas de rendez-vous avant 10h30, je devrais pouvoir placer quelques fermes supplémentaires sur la tournée de vaccins de vendredi, et il faut que je valide un élevage pour demain, je n'ai pas encore eu leur réponse.

10h20 - Finalement, c'est une éleveuse qui m'alpague avec sa feuilles d'analyses bactériologiques à la main. Un prélèvement qu'elle a elle-même réalisé sur le lait d'une vache à mammite, et une belle saleté de Streptococcus uberis résistants à plein de choses. Pratique.

10h45 - J'ai prescris le traitement ad hoc à l'éleveuse et invite M. Dulin dans la salle de consultation. Évidemment, je n'ai pas pu joindre les éleveurs comme je l'avais prévu quelques minutes plus tôt, je m'excuse auprès de M. Dulin pour le petit quart d'heure de retard et je l'écoute m'expliquer les manies de sa chienne anxieuse. Je n'ai absolument pas le temps de gérer une consultation de comportement maintenant, d'autant qu'un éleveur de mouton a appelé, il a un cas de FCO... Je rassure donc M. Dulin sur les tumeurs mammaires de sa chienne, il faudra penser à opérer mais sans urgence, je l'invite à reprendre un rendez-vous pour une consultation de comportement si mes quelques indications trop vite assénées ne suffise pas faire rentrer les choses dans l'ordre. Accessoirement, je le conseille sur le choix d'un traitement pour les aoûtats qui pullulent sur sa chienne.

10h58 - Je prends ma voiture et me lance vers un village distant d'une dizaine de kilomètres afin de vérifier l'existence d'un nouveau foyer de FCO. La brebis a les lèvres gonflées, violacées, mais elle est relativement en forme. Comme le bélier de ce matin, elle a une chance de s'en sortir. prise de sang, conseils, dissipation de rumeurs, je note ce que j'ai fais sur mon indispensable bloc-note et reprends la route.

11h28 - Je m'arrête chez des clients qui sont sur le chemin, pour prendre des nouvelles d'une vieille chienne opérée une semaine auparavant avec d'énormes réserves sur la période post-opératoire, en raison d'une ancienne crise d'insuffisance rénale aiguë. Ils ne sont pas là, mais j'entre quand même pour jeter un coup d'oeil au chenil des chiens de chasse. Elle ne semble pas en forme du tout, la louloute...

11h35 - J'arrive à la clinique, le livreur est en train de déposer la commande. Tandis qu'il finit son déchargement, je passe enfin les coups de fil pour les rendez-vous de vaccination de demain.

11h42 - Je remplis rapidement la paperasse pour les deux suspicions de FCO de ce matin, puis je m'attelle au classement des prises de sang de prophylaxie d'un cheptel ovin.

11h48 - Je me lève pour aller chercher un meilleur stylo, et, sur le passage, je ne peux pas m'empêcher de jeter un oeil aux milliers de doses vaccinales pour la FCO.

11h48 - Le temps s'arrête.

11h48 - Il manque les doses de sérotype 8.

11h48 - Il me reste à peine de quoi faire la tournée de demain au frigo !

11h48 - En plus les seringues automatiques commandées ne sont pas livrées non plus, et il ne nous en reste plus que deux !

11h49 - J'appelle la centrale d'achat, qui me confirme une rupture de stock de vaccins et m'annonce une livraison dans la semaine.
Dans la semaine ?
Mais quand ?
Impossible !

Et les seringues automatiques ?
Il ne reste plus qu'un modèle médiocre et inadapté en stock.

11h51 - Je téléphone à un confrère voisin pour lui demander s'il pourrait me dépanner de 1500 doses. C'est une de ses ASV qui me répond, elle dépose le combiné le temps d'aller vérifier les stocks. J'entends une autre ASV expliquer à une dame manifestement bouchée que les vétérinaires, elle ne les voit pas de la journée, et que donc le certificat pour Kiki, il attendra ! Je souris malgré moi.

11h53 - 1500 doses, peut-être. Il faudrait que je rappelle dans l'après-midi.

11h58 - Je file en vitesse de la clinique, j'ai une course urgente à faire. Évidemment, en partant, je croise M. Dueil que personne n'a appelé pour le prévenir du contretemps sur les tests hormonaux de son chien. Heureusement, il n'habite pas loin. Il repassera ce soir vers 18h.

12h25 - Je suis chez moi avant 13h00 ! Une première depuis 24 jours de travail non-stop ! Pour fêter ça, je mange en vitesse et j'écris un billet sur mon blog.

14h00 - De retour à la clinique, je croise mes deux confrères qui vaquent chacun à leurs consultations canines. Olivier repartira en tournée de vaccination. Dans trente minutes j'y vais aussi, en attendant je découvre avec plaisir qu'il faut que je prépare les cartes roses de 27 veaux pour l'éleveur de 14h30 : il a trouvé un acheteur et il faut donc mettre leurs papiers en règle pour la vente. Tampons, signatures...

14h14 - Olivier est en train d'examiner un chat qui avait rendez-vous avec moi, normalement, un suivi d'une vilaine plaie cutanée. Je vais quand même saluer la dame et regarder l'évolution, histoire de. Puis je retourne à mes tampons.

14h21 - Je rappelle à Olivier qui passe par là dans sa blouse immaculée qu'un éleveur l'attends pour la tournée de l'après-midi.

"Merde !"

14h27 - Francesca me demande de l'aide pour une facturation de médicaments pour la FCO - il faut faire des factures spéciales afin que les éleveurs puissent prétendre à la caisse de solidarité des GDS pour les soins aux bovins malades. Je ne vois vraiment pas comment je serais à 14h30 chez cet éleveur pour les vaccins et les prises de sang de vente...

14h41 - Je tamponne à nouveau.

14h52 - Je n'ai pas fini de tamponner mais je me rends compte que j'ai oublié de rappeler le véto voisin pour les 1500 doses. Et s'il pouvait avoir deux seringues automatiques, aussi... ? la discussion s'anime au sujet de quelques problèmes de procédure avec certains élevages que nous nous échangeons pour les vaccination : normalement, cette vaccination est réalisée par le vétérinaire sanitaire de l'élevage, responsable du suivi sanitaire. Afin de gagner du temps, pour cette crise, nous nous "échangeons", sur demande ou avec l'accord des éleveurs, certains cheptels qui sont beaucoup plus proches du cabinet du voisin. J'apprécie vraiment la bonne entente qui règne entre les vétos de la région. En attendant, il peut me dépanner de 1000 doses, et pas de seringue automatique.

15h08 - J'appelle la DSV pour lui soumettre mon problème de doses. On me propose 1500 doses débloquées pour demain et livrées sur place afin de pallier l'urgence. Pour la suite... croisons les doigts pour que notre centrale soit très vite livrée en doses fournies par d'autres centrales (c'est marrant, à leur échelle, les centrales d'achats font comme nous : "t'as pas 1000 doses ?").

15h24 - J'ai fini de tamponner ces foutues cartes, je file chez l'éleveur pour les vaccination et les prises de sang.

15h52 - Premier lot de 24 broutards terminé. Numéros relevés, vaccinés, prélevés, triés, ils sont prêts à partir. En attendant le lot suivant, j'ai une idée. je passe un coup de fil à un autre cabinet voisin que je sais se fournir dans une autre centrale d'achats que la nôtre. "Dis moi, tu pourrais me commander deux seringues Injecto-matic pour demain ? Oui, ils en ont en stock ? Magnifique !"

15h58 - Je passe un autre coup de fil, à la clinique cette fois. J'ai oublié de dire à Juliette de passer chercher les médicaments à la pharmacie pour les tests hormonaux, il faut se dépêcher si l'on veut rendre ce chien ce soir. Normalement, j'aurais du être en train de finir ces prises de sang et de m'occuper de ça, mais bon... J'ai du mal à l'entendre au bout du fil avec ces cons de veaux qui gueulent à 10 mètres de moi.

Couché sur l'asphalte, un setter hors d'âge me regarde d'un air morne.

16h02 - Prises de sang, vaccins, tampons, signatures, j'en profite pour remplir les cartes vertes.

16h15 - Trop vite, je me suis planté et j'ai rempli des cartes de veaux qui ne partent pas. J'ai gagné le droit d'appeler l'EDE pour demander des duplicatas, tiens.

16h24 - Je reviens à la clinique. Les test hormonaux sont lancés, je finis de ranger les prises de sang de prophylaxie ovine que j'avais entamées ce matin.

16h44 - Je reprends le chien à problèmes cutanés sur la table de consultation afin de refaire des recherches parasitaires. Raclages, calques, microscope...

16h58 - Pas moyen, tout est négatif, il n'y a pas un demodex sur ce chien...

17h04 - Je repasse quelques coups de fils pour les tournées de vaccination bovine de la fin de semaine. Il ne me reste presque plus d'élevages à placer.

17h11 - M. Tourlan veut me parler, et me tiens la jambe au moins 25 minutes sur l'organisation de la vaccination de son cheptel de 16 bêtes...

17h30 - L'anémie auto-immune se dégrade à nouveau. Je relance une prise de sang pour vérifier les paramètres sanguins. Pas trop mal, mais bon...

17h45 - Je modifie le traitement en ajoutant des immuno-suppresseurs. Demain, s'il empire, on tentera le tout pour le tout avec une transfusion.

17h52 - Je reprends mon bloc-note afin de facturer les six derniers jours de visites. Un enfer ponctué de coups de fil, du retour de M. Tourlan avec ses 15 vaches, d'un appel de la DSV qui me précise quand et comment me seront livrées les doses (merci, merci !).

18h07 - Je fais sa dernière prise de sang au chien de M. Dueil que je lui rends après lui avoir expliqué que nous n'avons rien trouvé de neuf. J'espère que les tests seront concluants mais je n'y crois plus trop.

18h15 - J'ai fini de centrifuger le sang du chien précédemment mentionné, et transfère le plasma dans des tubes stériles plus approprié au transport. J'en profite pour remplir sa feuille de commémoratifs, y agrafer son chèque et compléter le bon d'expédition en colissimo. En passant, ej signe un chèque pour un laboratoire qui nous a réalisé quelques analyses en début de semaine. Faudra penser à vérifier si c'est enregistré et refacturé, ça...

18h22 - Tout ça me fait penser que j'ai aussi les prises de sang des vaches de M. Bleure à préparer pour des sérologies douve. Feuille de commémos, bon d'expédition, facturation des frais d'envoi au client...

18h37 - Olivier est en train d'autopsier les poulets. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas l'air très frais... Ca parfume la pièce dans laquelle je suis en train de mettre à jour toutes les vaccinations ovines afin de préparer la tournée de rappels qui commence... la semaine prochaine déjà !

19h21 - J'en ai fini avec les feuilles de vaccination, je prépare celles de demain, puisque je partirai directement en tournée. J'en profite pour charger ma glacière avec 250 doses de chaque vaccin. Finalement, je passerais d'abord chez un autre véto voisin pour lui piquer une seringue automatique - j'en ai retrouvé une vieille qui fera bien l'affaire malgré ses joints défaillants.

19h24 - Comme je m'ennuyais, je passe dix minutes à changer les joints de la vieille seringue et à lubrifier tous ses composants.

19h35 - OK, je passe au chenil pour le dernier tour de la journée. le parvovireux est de mieux en mieux, je stoppe presque sa perfusion et le force à manger un peu après une batterie de piqûres. On verra s'il garde tout d'ici demain matin. L'ASV est partie depuis un quart d'heure et le téléphone ne sonne plus.
L'anémique a l'air un peu plus gaillard, et Olivier est en train de faire le tour de toutes les armoires de la clinique pour la commande de médicaments bi-hebdomadaire.

19h51 - Cette fois-ci, je m'attelle à la caisse. Compter, vérifier les chiffrages, contrôler que chaque traitement pour la FCO a été facturé en bonne et due forme pour la prise en charge - c'est le cas cette fois - reprendre les chèques, faire la remise, vérifier le fond de caisse et sauvegarder les données...

20h02 - Le téléphone sonne ! Un monsieur que nous ne connaissons pas et qui a manifestement de la FCO dans son petit cheptel ovin. Nous passerons demain, je prends dix minutes pour lui expliquer les choses et noter l'endroit précis où il habite.

20h12 - Le chiot à parvo hurle un coup. Je vais vérifier rapidement : cet ahuri de bleu de Gascogne s'est coincé la perfusion dans les lattes de son caillebotis... Rien de méchant.

20h17 - Cette fois, j'ai terminé la caisse, et Olivier semble en avoir fini avec la commande. L'heure de rentrer à la maison, un peu plus tôt que d'habitude dans cette journée finalement moins chargée que celles de la semaine dernière...

Comme vous vous en doutez, je ne vous ai pas parlé de tout ce que j'ai pu faire dans cette journée, puisque j'en ai déjà oublié la moitié. Plus que 5 semaines à tenir...

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : La flambée

Pour suivre ces billets publiés au gré des moustiques :

Lorsque le sérotype 1 fut confirmé, cela faisait déjà une bonne huitaine de jours que nous gérions l'épizootie sur le terrain. De deux ou trois foyers les premiers jours, nous sommes rapidement passés à une dizaine, puis une quarantaine. En 10 jours, j'estimais à 80% le nombre de foyers déclarés. Curieusement, la plupart des cas concernaient des élevages bovins, et restaient assez bénins. Il y avait bien quelques troupeaux ovins atteints, mais très peu.
Le fait que nous les ayons appelés dès la première suspicion pour leur faire traiter leurs troupeaux aux insecticides y était sans doute pour quelque chose ?

Alors que la panique gagnait la région, nous roulions d'élevage en élevage. Les résultats tombaient dix jours plus tard, mais ils ne servaient finalement qu'à permettre à l'élevage de devenir "officiellement infecté" ce qui lui permettait de prétendre aux aides. Nous savions déjà que le virus était chez eux, nous avions appris très rapidement à repérer les animaux atteints, même quand il n'y avait presque rien - souvent, en passant, nous avons prélevé des bêtes dont les propriétaires ne pensaient pas qu'elles puissent être contaminées.
D'ailleurs, au début, nous avons fait des prises de sang sur presque chaque bête vue en visite, que son problème soit manifestement la FCO ou pas - histoire de voir et de comprendre. Nous avons eu de sacrées surprises : la plupart étaient positives alors que les symptômes n'étaient pas du tout évocateurs.

Le tableau clinique s'est affiné :

FCO - brebisChez les ovins, une forte inflammation des lèvres, de la bouche, de la langue, entraînent le plus souvent une tête gonflée. Les muqueuses virent au rouge vineux puis éventuellement au bleu violet (d'où le nom de la maladie). Le nez coule énormément (c'est ce que veut dire « catarrhale »), de grosses croûtes se forment sur les narines. Les animaux sont très raides, abattus, ils ont une forte fièvre. En général, ils arrêtent de manger. Pas d'avortements pour le moment, mais nous ne nous faisons pas d'illusions.
Le traitement est illusoire sur les animaux qui déclenchent une forme très brutale de la maladie. Ceux qui résistent ont une chance de s'en sortir avec des antibiotiques et des anti-inflammatoires, deux à cinq jours de traitement. Apparemment, les béliers en sortiront stériles. A vérifier.

FCO - bovin - sérotype 1Pour les bovins : Il est clair que la plupart des animaux cliniquement ateints ne sont pas réellement malades : des courbatures, très nettes (l'éleveur appelle en disant que sa vache boîte de tous les pieds, ou qu'elle a du mal à se lever), et une petite fièvre, pas systématique. Je suppose qu'en réalité, il y a énormément d'animaux infectés qui ne présentent aucun symptôme.
Chez les plus sensibles, les symptômes les plus fréquemment observés sont de petits ulcérations qui deviennent croûteuses sur le mufle et dans les narines, parfois un peu d'écoulement nasal. Le mufle vire alors au gris-violet. Il peut y avoir un œdème inflammatoire de la tête, des ulcérations buccales (dans ce cas en général la vache bave et mange moins, ou difficilement, voire rejette son bol ruminal). Les plus atteintes se lèvent peu et mangent moins, leur production laitière diminue. Aucun avortement n'a été observé ici (les avortements sont provoqués par une forte fièvre, or il n'y en a pas avec le sérotype 1).
En général, tout ça passe en deux jours, au plus cinq. Certains animaux (notamment les plus âgés) ont mis une dizaine de jours à s'en remettre.
Nous comptons quelques morts, essentiellement dans des cas de co-morbidité avec des pathologies lourdes (mammites aiguës) ou un parasitisme délirant. Aucun animal par ailleurs en bonne santé et en bon état d'entretien n'a été sérieusement malade.

La maladie est donc clairement plus grave pour les animaux âgés, déjà malades, ou très forts producteurs : les plus fragiles. En général, j'explique à l'éleveur que c'est comme la grippe pour les humains : ce sont les plus vieux et les plus fragiles qui sont les plus malades.

Après 10 jours de flambée, alors que nous nous apprêtions à vacciner les ovins, puis les bovins, l'épizootie nous laissait un sentiment mitigé, fruit notamment de cette panique délirante sans rapport avec la gravité de la maladie. Journaux locaux, téléphone arabe, la machine à rumeurs fonctionnait à plein et, pendant quelques jours, cela a confiné à l'hystérie. Puis, comme le nombre de nouveaux foyers, cette panique s'est effondrée. Il ne restait plus beaucoup d'élevages indemnes, et, si les cas se multipliaient, nous ne les comptabilisions plus dans une exploitation déjà déclarée infectée. Au vu du nombre de médicaments vendus, cependant, il était clair que nous étions encore dans le pic de l'épizootie.
En tout cas, apparemment, le message était passé. Maintenant, nous allions pouvoir arrêter de "perdre" du temps à calmer les gens pour nous consacrer à la vaccination.

vendredi 5 septembre 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : Panique

Si vous débarquez par ici, commencez par l'épisode précédent : Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : du plan aux premiers cas.

Panique

La flambée... après nos deux premiers foyers, les coups de fil ont commencé à pleuvoir. Ils étaient de deux types :

  • Les appels pour suspicions : des éleveurs qui trouvaient leur vache bizarre et qui, paniqués, voulaient nous voir au plus vite pour savoir si ça en était.
  • Et les demandes de renseignements...

Nous, nous avons appelé les éleveurs laitiers et ovins afin qu'ils mettent au plus vite des insecticides sur leurs troupeaux afin de limiter la casse. Pour les autres...

C'est du 8 hein ?
Je le savais toutes mes vaches vont avorter
On vaccine demain ?
Pourquoi on va vacciner alors que la grippe est déjà là, fallait le faire avant !
Bande de connards !
La DSV m'a dit que vous aviez les doses ?
J'ai une portée de chiots qui est morte de FCO, je peux être indemnisé ? Heu, oui, une diarrhée hémorragique. Vaccinés ? Pas contre la FCO ! Non, contre le reste non plus.
Encore un coup du gouvernement qui veut supprimer les éleveurs.
Ma vache a un pis rouge c'est la FCO ?
J'ai deux vaches à vacciner je veux être le premier ! Comment ça pas prioritaire ? J'ai 80 ans, on n'a jamais osé me dire ça !
Pff on nous invente encore une nouvelle maladie hein ?
J'ai pas de FCO, mais si j'avais deux vaches qui boitent et qui bavent, ça pourrait en être ? Vous passez ? Ah bon.
Non j'ai pas de FCO, vous n'abattrez pas mon troupeau !
L'huile essentielle de lavande elle marche contre le moustique ?
J'ai une vache qui a le chickungunya !
J'avais demandé qu'on me vaccine mon troupeau le mois dernier !

Grâce soit rendue à nos ASV, qui ont géré ces coups de fils incessants avec beaucoup de calme, malgré quelques crises de fou rires plus ou moins nerveux en raccrochant. En général, quand nous entendions distinctement la personne à deux mètres, nous leur prenions le téléphone. Bizarre, ils ne gueulaient plus avec nous... "Ah, bonjour docteur..."

Oui, je peux être vacciné en premier si je paye plus ?

Imaginez qu'à ce moment là, nous ne savions pas si c'était du 8 ou du 1. Nous ne savions pas quand nous aurions les vaccins. Je rassurais les gens ne leur disant que nous les aurions dans les dix jours. Nous avons briffé les ASV pour leur faire tenir un discours homogène, noté des tonnes d'élevages qui voulaient être les premiers à vacciner, tout en continuant à gérer l'activité quotidienne de la clinique !

Mon cheval tousse, il a la fièvre !? Non ? Ah bon. Pas grave alors ? Si, peut-être ? Ah ben oui si vous pouviez venir...

Des foyers se déclaraient un peu partout. En une semaine, j'ai fait autant de kilomètres que dans un mois... A chaque fois, la même procédure : noter un maximum de renseignements sur les bêtes atteintes, faire une prise de sang, téléphoner ou envoyer un e-mail à la DSV et attendre. Nous avons commandé des stocks énormes d'insecticides, d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires... tout en sachant que nous serions payés trois mois plus tard puisque les éleveurs ne pouvaient pas vendre leurs broutards ! Il allait aussi falloir gérer la trésorerie.

Le Butox vous le faites à combien vous ? Ah ben vous êtes cher, c'est dix euros de moins chez les vétos d'à côté ! J'ai qu'à aller chez eux ? Ouais mais bon c'est à 30 bornes...

Les journées commençaient à s'allonger. 10 à 11 heures en général. Jusqu'à 15.

Ca ça va vous faire du beurre hein ?

Et puis, le résultat : sérotype 1. Plus de 200 foyers en l'espace de 10 jours. Les vaccins étaient en train d'être débloqués. Réunion des vétérinaires la semaine prochaine.

Faites quelque chose docteur !

Le DSV, le directeur du LVD et le préfet, ainsi que divers représentants des professions, allaient se réunir demain.

Elles vont toutes mourir !

Avec cette information, nous allions pouvoir calmer les gens, et, d'ailleurs, nous le faisions déjà, car nous en étions déjà presque sûr : presque aucun cas sérieux, des bêtes raidouillardes un peu partout, pas de morts, peu de vrais malades. Inlassablement, nous faisions passer le mot. A chaque visite, nous avons, dans la cour d'une ferme, expliqué les choses aux éleveurs, à leurs femmes, à leurs mères, à l'inséminateur, au peseur, à tous ceux qui allaient relayer le message pour calmer la panique. Parler, expliquer, convaincre, communiquer, encore et encore...

Si je les vermifuge, elles résisteront mieux ?

Sérotype 1.

Et mes broutard qui allaient partir, ils restent ?

Pas un cadeau, mais pas non plus la catastrophe... sauf pour la trésorerie des éleveurs, et nos quelques troupeaux de mouton.

dimanche 31 août 2008

Journal de campagne - Fièvre Catarrhale Ovine : du plan aux premiers cas

Je vais essayer de tenir un journal un peu décalé de cette invraisemblable épizootie. Quand j'y pense... trois ans que la maladie touche le nord de l'Europe ou l'Espagne, deux ans qu'elle est en France, et je n'ai lu presqu'aucun article sur la façon dont les vétérinaires (et encore moins les autres acteurs de la filière) ont vécu la crise. Ni même d'actualisation des listes de symptômes ou de l'épidémiologie de la maladie. Encore moins de papier du genre "ça s'est passé comme ça, c'est ça, ou ça, qui nous a mis la puce à l'oreille".

Le rappel des faits

La fièvre catarrhale ovine est une maladie connue depuis très longtemps dans l'hémisphère sud. Elle s'introduit progressivement en France depuis plusieurs années. Plus connue sous le nom de maladie de la langue bleue ou blue tongue, elle affecte uniquement les ruminants. Il en existe de très nombreuses formes, mais deux surtout nous concerne en France métropolitaine :

  • Le sérotype 1, confiné jusqu'à il y a peu au pays basque et à ses environs, s'attaque aux ovins. Les bovins et caprins le subissent plutôt comme une mauvaise grippe, rien de très méchant.
  • Le sérotype 8, venu de Hollande (probablement via transport aérien depuis l'Afrique), qui est aussi mauvais que le 1 pour les moutons mais qui, en plus, rend les bovins très malades. Pour les chèvres, je ne connais pas assez la question pour en parler de façon constructive.

Le virus responsable de la FCO n'est pas contagieux d'animal à animal : il doit absolument passer par un petit moustique très particulier qui sert de vecteur. Du coup, la maladie peut frapper n'importe où et se déplace au gré des courants aériens... Les mesures classiques de gestion des épidémies ne fonctionnent pas (isolement/abattage des animaux malades par exemple).

J'ai assez longuement parlé de cette maladie dans ce billet, alors que, dans ma région, nous commencions à nous préparer pour l'épizootie.

Le plan

Pendant des mois, ce schéma de lutte a persisté : sérotype 8 dans le très grand quart nord-est, sérotype 1 dans le pays basque, tout petit bout de quart sud ouest.
Les décideurs ont choisi : on vaccinerait tout le pays contre le sérotype 8, le plus dangereux pour les bovins, en commençant par les régions historiquement touchées afin d'essayer de sauver la filière. Le reste du pays serait vacciné au rythme des chaînes de fabrication des vaccins.
Pour le sérotype 1, les départements autour du pays basque subiraient une vaccination massive et obligatoire contre le sérotype 1 afin de tenter d'étouffer le virus. L'idée était de l'empêcher de se "réfugier" dans des ruminants afin de le faire disparaître, ce qui revient à ôter son combustible à un feu pour l'empêcher de brûler.

A la mi-août, quasiment tous les animaux du nord est du pays étaient vaccinés contre le sérotype 8. Presque tous les troupeaux des départements des Pyrénées Atlantiques, des Hautes Pyrénées, du Gers, des Landes et de la Gironde étaient vaccinés contre le sérotype 1. Dans cette zone, les cas devenaient assez rares. Les choses semblaient à peu près sous contrôle.

Les premiers cas

Dans toute la France, une vaccination dérogataire était réalisée par les vétérinaires sur les broutards, ces jeunes bovins destinés à l'exportation en Espagne et en Italie, ces deux pays refusant l'entrée sur leur territoire d'animaux non-vaccinés.

C'est au cours de l'une de ces tournées de vaccination qu'un éleveur m'a présenté une vache, une blonde d'Aquitaine de 6 ans qu'il trouvait "un peu bizarre". Il ne me l'aurait probablement pas montrée si je n'étais pas passé par là pour une autre raison.
La bête avait 39.8°C de température, une bonne fièvre, donc. Les muqueuses congestionnées, ce qui est normal en cas de fièvre. Elle respirait vite, rien de bien étonnant avec cette hyperthermie et la chaleur estivale. Elle ne présentait par ailleurs aucun symptôme d'aucune sorte. J'ai suspecté une maladie parasitaire transmise par les tiques, et traité en fonction, notamment avec des anti-inflammatoires. La bête a été mieux pendant deux jours, puis a rechuté. Devant l'absence de nouveaux symptômes, une antibiothérapie de couverture a été mise en place, les anti-inflammatoires ont été arrêtés (plus de fièvre). La vache était simplement "raide". Nous nous sommes dits qu'elle devait avoir de l'arthrose.
Dans le même temps, un troupeau d'habitude sans histoire a compté dans ses rangs deux vaches boiteuses, ce qui ne serait pas forcément surprenant si ces boiteries n'avaient pas concerné tous les membres simultanément. L'une des deux bêtes avait un peu de fièvre (39.1°C). Encore une fois, aucun symptôme ! Le jour suivant, l'une des deux vaches a présenté un écoulement nasal séreux, très liquide. Toutes deux semblaient éprouver d'assez importantes douleurs dans les membres, et se déplaçaient comme des animaux âgés. Une autre vache du même troupeau a commencé à présenter le même tableau clinique.

A ce stade, nous n'avions fait aucun lien entre les deux élevages. Nous ne nous inquiétions pas trop puisque de toute façon, même si le problème n'était pas identifié, il ne se passait rien de bien méchant. Un virus respiratoire banal aurait pu provoquer de tels symptômes.

C'est le coup de fil d'un vétérinaire du canton voisin qui nous a amené à réaliser : lui avait déjà 6 troupeaux du même type et commençait sérieusement à suspecter la FCO. Nous n'y avions même pas pensé. C'est lorsqu'il a prononcé ces trois lettres que nous avons compris ce qui nous arrivait. Et nous avons confirmé ses soupçons en lui parlant de nos cas.

Les premières prises de sang de suspicion ont été réalisées. A ce moment là, nous ne savions pas du tout où nous allions. Nos tubes de sang sont partis au laboratoire départemental. La DSV nous a confirmé un très grand nombre de suspicions.

Nous ne savions pas du tout à quel sérotype nous faisions face, mais nous supposions le 8 en raison des nombreux cas sur les bovins. Nous ne savions pas encore comment ces animaux allaient évoluer, mais nous discutions quotidiennement avec les vétérinaires de la DSV pour les tenir au courant, et centraliser les informations.

Les déplacements de ruminants en dehors du département, et donc tout le négoce, ont été gelés.

Nous avons téléphoné à chacun de nos clients éleveurs d'ovins ou de bovins laitiers, afin de les prévenir au plus vite et de les encourager à reprendre immédiatement la désinsectisation que la plupart d'entre eux avaient abandonné. Nous avons compté sur le bouche à oreille pour que l'information circule ensuite à tous les éleveurs de la région, ce qui a été le cas.

Cette période a duré environ une semaine. Elle a pris fin avec les résultats du laboratoire vétérinaire départemental.

lundi 18 août 2008

Fièvre catarrhale, c'est parti...

Ca y est, elle est là. Elle ? La fièvre catarrhale ovine...
Tout le monde s'est planté : les labos, les vétos, les éleveurs, les GDS...
Nous pensions avoir le temps de la voir venir.

Il y a à peine dix jours, je disais encore à un client : "vous savez, si la maladie continue à rester dans ses foyers d'origine, on attendra sans doute la prophylaxie de cet hiver pour vacciner.
- Ah oui docteur, ça serait franchement mieux."

Ils n'y croyaient plus. Ils ne voulaient plus mettre d'anti-moustiques.

Nous restions prudents, mais détendus. On verrait bien.

Alors on vaccinait (et on vaccine toujours) les broutards pour l'exportation, en attendant les doses pour les troupeaux.

Ca n'arrive qu'aux autres, n'est-ce pas ?

Ironiquement, c'est moi qui ai eu l'honneur de voir la première, alors que je vaccinais les veaux d'un client. Pas en forme, 40,5°, des bouses un peu sèche, des raideurs, mais rien d'autre. J'ai pensé à une anaplasmose. Perdu.

Et puis je suis parti en vacances. Quand je pars en vacances, je coupe tout, je deviens injoignable. J'ai bien fait, ils m'ont envoyé un sms : "FCO, on baigne dedans, à la semaine prochaine".

Mon "anaplasmose" a été un peu mieux (merci les anti-inflammatoires) mais a continué à bricoler. Je la sentais mal, j'avais briefé mes confrères avant de partir. Penser à la revoir.
Et puis une autre à fait pareil à 8 km de là. A la troisième vache aux symptômes incompréhensibles, Olivier a bien du se rendre à l'évidence. Surtout quand il a reçu un coup de fil d'un confrère voisin : "je crois que j'ai de la FCO, toi aussi tu as des trucs bizarres ?"

Jeudi dernier, le foyer le plus proche était à plus de 200 km.

Pour l'instant, nous n'avons que des cas très très frustes.

Du coup, tous les éleveurs ovins qui ne voulaient pas vacciner parce qu'"on ne sait jamais, avec ces vaccins", veulent que nous passions chez eux. On commence à 7h demain.

Branle-le-bas de combat !

Je vous tiendrai au courant.

mercredi 25 juin 2008

Vaccination FCO

Ca y est... il est là.

Bovilis BTV8

Je suis un peu silencieux en ce moment, non pas que je passe le bac ou autre joyeusetés de saison, mais l'organisation de cette campagne de prophylaxie, comme les multiples questions des éleveurs ou des négociants, accaparent beaucoup trop mes neurones... tandis que le reste de l'activité ne faiblit pas.
Et non, ce n'est pas la vaccination elle-même qui me prend le plus de temps, c'est tout ce qui l'entoure, surtout les conseils aux éleveurs.

Je vous prépare aussi un gros billet sur la nouvelle loi sur les chiens dangereux, un peu de patience !

jeudi 19 juin 2008

Amateurisme

Il y a des fois, comme ça, où on aimerait avoir un tracteur et une remorque de fumier à aller déverser devant le ministère de l'agriculture et de la pêche.

Depuis plusieurs mois maintenant, il est prévu que les départements indemnes de FCO8 du sud ouest et de la Bretagne deviennent "zones réglementées" le jour où y débutera la vaccination contre cette maladie.
En effet, contrairement à l'avis de l'AFSSA et des vétérinaires, le ministère a choisi un plan de vaccination destiné à permettre aux zones les plus touchées de vacciner les premières, dans une louable intention de les soulager dans leurs difficultés économiques. Les experts auraient préféré une vaccination destinée à supprimer la maladie, avec une ceinture de protection autour desdites zones les plus touchées, afin de circonscrire l'épidémie. C'est un choix politique qui a été fait, et je le comprends, il n'est pas injustifié.

Il faut savoir que la plupart des grands veaux (on les appelle des broutards puisqu'ils ont commencé à brouter, contrairement aux veaux sous la mère, ou aux veaux en batterie qui boivent du lait, et uniquement du lait), bref, ces broutards nés en France sont exportés en Italie, qui constitue le principal marché pour les éleveurs français. Si les animaux sont dans une zone infectée, ou réglementée (en "bordure" des zones infectées) et qu'ils ne sont pas vaccinés, l'Italie les refuse. Si un certain délai ne s'est pas passé depuis la vaccination, l'Italie les refuse.
Ceci dure depuis des mois et fait l'objet de négociations serrées entre la France et l'Italie, avec des plans, des arrêtés, les contraintes européennes et nationales, les conflits d'intérêts, etc. C'est toute une filière qui tente de survivre aux cahots de cette crise, éleveurs et négociants les premiers.

Bref, dans ma région (indemne de FCO8 et 1), la vaccination devait commencer le premier juillet. Nous devions donc devenir une "zone réglementée", ce qui interdit de facto l'exportation des broutards jusqu'à ce que les animaux soient valablement protégés, c'est à dire d'ici deux à trois mois selon les protocoles vaccinaux.

Il s'est trouvé qu'un laboratoire a réussi a produire plus de doses vaccinales que prévu, permettant une vaccination anticipée des zones indemnes. On nous a donc annoncé vers le 30 mai que nous allions devenir zone réglementée 15 jours plus tôt que prévu, à savoir le 15 juin, et commencer à vacciner vers cette même date.
Soit. Je me dis que j'ai de la chance : certains départements ont été prévenus la veille de ce changement. Les éleveurs ont donc commencé à vendre des veaux pas finis, ou se sont préparés à les garder bien plus longtemps que la normale (alimenter des animaux que l'on garde plus longtemps que d'habitude sans pouvoir les vendre, ça fait un sacré défaut de trésorerie pour les éleveurs). les négociants se sont organisés pour faire partir tous ces animaux au plus vite, quitte à brader, et à trouver des solutions pour continuer à entretenir le flux d'animaux en se servant dans d'autres régions. Le fait d'être, comme les voisins, une zone réglementée, nous dispense des formalités nécessaire au passage d'un broutard de zone réglementée à zone indemne (que nous étions).
Vous suivez encore ?
Je vais éviter de vous noyer avec les subtilités réglementaires permettant de passer d'une zone réglementée FCO1 comme le Gers ou les Haute-Pyrénées, qui restent néanmoins indemnes de FCO8. Ou sur tous les pièges des différents délais afférents aux différents vaccins, j'ai des pages et des pages d'arrêtés, de communiqués et de protocoles d'accords sur mon bureau.

Vous aurez compris que c'est un casse-tête.

Donc, le 30 mai, nous apprenons que nous passons le 15 juin en zone réglementée, et que nous aurons des vaccins plus tôt que prévu, réservés aux broutards à exporter.
Nous envoyons donc immédiatement un courrier à tous nos clients pour les prévenir, commençons à organiser les tournées tandis que les éleveurs vendent leurs bêtes.
Nous discutons des heures avec nos clients négociants afin de débroussailler la nouvelle organisation.
Nous passons de nombreux coups de fils à la DDSV, responsable de la distribution des vaccins et des certificats d'exportation des broutards, afin de clarifier certains points. Il faut changer tous les certificats d'export. Soit. En utiliser des différents pour des broutards allotés selon le vaccin qui a été utilisé pour eux, leur origine, leur destination. Magnifique.
Nous recevons les coups de fil ou les visites de nos clients, qui veulent des conseils, ou des explications, qui veulent être sûrs de vacciner, nous recensons les broutards, définissons les priorités, commençons à esquisser les tournées, annulons nos jours de repos, nos week-end. Nous commençons à réaliser que nous n'allons pas avoir assez de doses.
Passent les jours, le rythme s'accélère, la pression monte. Nous savons enfin combien de doses nous allons avoir, mais il y a trop de broutards, qui sera prioritaire ? Nous commençons à faire des choix, quitte à vexer, pour la survie des exploitations. Faut-il favoriser les négociants, clef de la vente pour les éleveurs, ou les éleveurs directement ? Je vous laisse imaginer l'ambiance.
Nous commençons à prendre des contacts avec les vétérinaires voisins pour savoir s'ils n'auraient pas trop de doses.
Nous établissons un planning prévisionnel avec notre DSV pour essayer de prévoir l'arrivée des nouveaux lots de vaccins. Je ne lui aurais jamais autant parlé, à celui-là !
Nous passons également du temps avec les responsables des laboratoires d'analyses vétérinaires de la région afin de comparer la réactivité et les tarifs. Qui a une navette, qui répond le jour même, combien ça coûte ?
Le téléphone chauffe, mais tout prend forme. Dans la douleur.

Et puis, avant hier, je reçois un coup de fil d'un négociant, sa voix hésite, moitié rire, moitié larme, moitié rage. Au moins.

"Et tu sais quoi Fourrure ?
- Heuuu, ils se fichent du prévisionnel ? Je t'avais prévenu, ils n'ont pas le contrôle de l'arrivée des doses.
- Non, laisse tomber ça : nous ne sommes pas en zone réglementée.
- Hein ? Mais si, depuis le 15.
- Non, j'ai reçu un fax de la fédé. L'arrêté n'est pas sorti !
- Faxe moi ça, que je téléphone au DSV !"

L'arrêté n'a pas été pris.
Nous sommes toujours en zone indemne : il n'y a pas assez de doses vaccinales.
Quand il y en aura assez, ils publieront.

Quand ?
Quand il y en aura assez.

Notre plan de prophylaxie s'effondre.

Les éleveurs ont vendu trop tôt certains broutards.

Les animaux venus de zones réglementées chez le négociant ne sont plus tous en règle puisque nous ne somme "plus" une zone réglementée, les protocoles sont différents. On en fait quoi ?
Les certificats d'exportations ne sont plus valables, les lettres A/R pour leur expédition n'ont pas fini de fonctionner.

La filière cale à nouveau, l'incertitude est totale. Les chauffeurs italiens piétinent sur le parking autour de leurs camions désinsectisés. On recommence à vendre des broutards de zones indemnes, alors ? Mais si ils publient demain, ils seront bloqués dans le centre de rassemblement. C'est invivable.

Et les éleveurs, quand ils vont savoir, ils vont dire quoi ?

Tout ça, pour ça ?

Parce que le ministère n'avait pas prévu ? Alors qu'il a tous les chiffres ?

EDITION du 23 juin : et paf on repasse en zone réglementée. Tiens, chez les voisins, ils avaient le vaccin et ils ont vacciné, alors qu'ils étaient en zone indemne. Ne vous inquiétez pas, la France gère.

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