Animalecdotes

Petites histoires de vétérinaire...

Fil des billets Fil des commentaires

samedi 8 mars 2008

Vive internet !

Le vétérinaire : Bon, 39.6 de température, auscultation normale, mais la rate est un peu grosse, je vais faire un frottis sanguin pour rechercher des piroplasmes.
La dame, catégorique : Ce n'est pas une piroplasmose, docteur.
Le vétérinaire, sceptique : Ah ?
La dame, moderne : Oui, j'ai vu sur internet que si les urines étaient foncées, c'était la piroplasmose, et que sinon, c'était autre chose.
Le vétérinaire, qui se demande pourquoi il a fait 6 ans d'études : Mais les urines foncées, ce n'est pas tout le temps, et c'est un signe tardif, ça peut venir demain.
La dame, têtue : Je pense que c'est une leptospirose.
Le vétérinaire, d'un ton résigné : J'en doute, mais nous allons vite le savoir, je vais faire ce frottis sanguin.
La dame, narquoise : Alors ?
Le vétérinaire, devant son microscope : Ben c'est une piro...
La dame : ...
Le vétérinaire, pédagogue : Venez-voir par vous-même. Mettez vos yeux ici. Voilà, il y a plein de petits ronds, ce sont les globules rouges.
La dame, contrariante : Ils ne sont pas rouges.
Le vétérinaire, patient : Certes, au microscope, la couleur est moins nette. Bon, au milieu de l'écran, dans un petit rond, il y a deux petits trucs qui brillent un peu. Ce sont des piroplasmes.
La dame, méfiante : Je ne les vois pas.
Le vétérinaire, angélique : Si si, au milieu, deux petites poires blanches et brillantes dans un rond.
La dame : Ah oui, je vois !
Le vétérinaire, fier de lui : Donc, c'est une piroplasmose.
La dame, affirmative : Je pense que c'est une leptospirose.
Le vétérinaire, contrarié : Et ben pas moi. Et je vais lui faire le traitement de la piroplasmose, car si je vous écoutais, votre chien mourrait demain ou après-demain, et que nous ne souhaitons pas cela. Et s'il ne va pas mieux, on le reverra, et vous m'enverrez au tribunal si vous le souhaitez.

Heureusement, ce chien a eu la bonne idée de ne pas faire de complication de sa piroplasmose. Je passe sur les reproches de la dame quand son chien a crié à cause de l'injection d'imidocarbe, un piroplasmicide efficace mais douloureux...

Depuis, elle m'adore, et ne veut voir que moi en consultation...

vendredi 15 février 2008

Contacts humains

Par Vache albinos, invité de luxe
_________________

Mardi soir, ou plutôt mercredi matin. Je dors, comme souvent à ces heures-là. La journée écoulée a été rude, les urgences se sont accumulées ces derniers temps sur un planning déjà chargé. Je ne m’en plains pas, même si je préfère crouler sous les vaccins que, comme c’est le cas depuis janvier 2008, sous les cas rares et graves. Le besoin de souffler commence à se faire sentir, une fatigue morale surtout, fatigue de devoir gérer la tristesse compréhensible des uns tout en ménageant l’exaspération incompréhensible des autres qui, pressés par le planning surchargé de leur inactivité latente, ne peuvent concevoir qu’un docteur ait du retard dans ses rendez-vous.
« Je suis vraiment navré madame Clockwork, mais un patient est venu avec un chien en convulsions, nous sommes en train de le gérer, nous allons avoir du retard…
- Mais je n’y suis pour rien, moi docteur, et je n’ai pas que ça à faire. »
Que répondre ? Souvent je m’adapte, je réagis spontanément, trop peut-être. Parfois l’indélicat s’excuse, parfois il raconte alentour avoir été mal accueilli. Dans ce registre, je me souviendrai longtemps de la venue de Robert de Niro dans mon cabinet (pas le vrai, hein…). Jugez vous-même.

Lire la suite...

mercredi 23 janvier 2008

Le vieux, la vache et la jument

La jument avait 28 ans. Il y a un mois déjà, M. Firmin avait pensé la perdre. Maigre, efflanquée, elle baladait son arthrose dans le petit champs devant la maison, au milieu des poules, des oies, des paons et autres colverts. Elle avait une compagne, une rescapée : une vache de 23 ans, une Montbéliarde comme on ne les fait plus, petite, râblée, aux pieds déformés et aux articulations douloureuses.
Le matin, M. Firmin sortait la vache et la jument de la vieille étable dans laquelle il avait trait ses vaches, pendant plus de 40 ans. A l'époque, il avait une belle ferme : 10 vaches, ce n'était pas rien.
M. Firmin avait toujours tout fait tout seul. Non qu'il refusait la venue du vétérinaire ou du maréchal-ferrant, mais quand il s'agissait de gérer sa ferme, il n'avait d'aide à recevoir de personne. Pourtant, lui, ne comptait pas les coups de main donnés pour les vendanges, les semailles ou les moissons.

Lire la suite...

mardi 15 janvier 2008

Cannabis

Par Vache albinos, invité de luxe
_________________

18h30, un vendredi : Mme Très-Riche, la soixantaine, gérante d'une propriété comprenant des activités de chasse, pêche, exploitations agricoles fruitière et horticole, une propriété abritant également un hôtel restaurant parmi les plus renommés du canton (une opulence qui aura son intérêt dans la section « Diagnostic »)... Mme Très-Riche, donc, débarque en urgence, catastrophée, tenant aux bras Linette, sa petite croisée (type bichon croisée papillon, 1,5 kg environ), sa fifille recueillie et sauvée de la famille Nardier chez qui elle est née dans des conditions douteuses il y a quelques mois.
Linette présente des symptômes plus qu'évidents : elle tremble comme jamais je n'ai vu trembler un animal. La petite chienne a un peu vomi mais, surtout, on citera comme clinique : convulsions brutales, sur l'ensemble du corps, les yeux - en mydriase, noirs de jais – sont pris de violents nystagmus, le tout à une vitesse frénétique. Imaginez quelque chose entre la possession démoniaque et le cartoon (vous savez, Grominet qui prend le jus)... Pathologie d’apparition suraiguë, température corporelle : 42°C (un muscle qui travaille est un muscle qui chauffe). L'animal est hyperesthésique à un degré rare (augmentation des réactions aux stimuli ; dans le cas présent, vous marchiez à moins de 2 mètres sur un sol carrelé sans prendre la précaution de retirer vos semelles et d'arriver en chaussettes, le bruit de vos pas faisait bondir - comme propulsée par un ressort - la pauvre Linette).
Gestion dans l’urgence, Valium insuffisant, anesthésie générale... L'animal continue de trembler sous anesthésie, même profonde...

Lire la suite...

jeudi 10 janvier 2008

Famille

Une dame inquiète : Docteur, ma chienne grossit !
Le vétérinaire, après un examen rapide : Elle est pleine.
La dame : Impossible !
Le vétérinaire : Ben...
La dame, très claire : Elle vit dans un chenil, enfermée tout le temps, elle ne sort jamais.
Le vétérinaire, blasé : Ah...
La dame, de nouveau inquiète : Alors elle a quoi ?
Le vétérinaire, fatigué : Ben elle est pleine, d'environ 6 semaines.
La dame, outrée : Impossible !
Le vétérinaire, pédagogue : Elle était bien en chaleurs il y a un mois et demi ?
La dame, concise : Oui
Le vétérinaire, logique : Et il n'y a pas d'autres chiens dans ce chenil ? Pas un ? Même un jeune ?
La dame, "logique" : Non, aucun chien mâle, il n'y a que son fils avec elle !
Le vétérinaire, hilare-mais-qui-le-cache : Et il a quel âge ?
La dame, pince-sans-rire : Presque un an, pourquoi ?
Le vétérinaire, qui-ne-sait-plus-comment-l'expliquer-à-la-dame : Ben...

Je crois que je suis passé pour un dangereux pervers, ce jour là. Je ne suis pas sûr qu'elle m'ait cru, je ne l'ai jamais revue...

vendredi 28 décembre 2007

Foufoune

  • "Madame, Bullbastick Extraball du Pinball Céleste est monorchide. L'une de ses boul... testicules n'est pas descendu dans ses bourses."
  • Devant une religieuse : "Ma mère, votre chienne a une tumeur mammaire. Enfin, de la mamelle." (la honte ce jour là)
  • A un couple de vieux très dignes, tenant leur yorkshire sur les genoux : "Bon, on va faire le point au sujet de Lady Diana. Elle a du tartre en pagaille, des abcès et une fistule. Il faudrait lui arracher plusieurs dents. Elle a également les rotules luxées, mais on ne va pas l'embêter avec ça à son âge. Je passe sur son arthrose. Pour sa cataracte, je vous conseille de consulter un spécialiste si vous envisagez une opération, mais en raison de son insuffisance cardiaque et de ses reins fatigués, je pense qu'il vaut mieux s'abstenir. Et oui, elle vieillit, Lady Di !"
    Pince sans rire, la dame : "Lady Daïana, docteur."
  • A une jeune maman : "Terminator, comme nom pour un pitbull... vous voulez vraiment que j'écrive ça sur la carte de tatouage ?"
  • A un couple de jeunes très inquiets : "bon, dites-moi la vérité, votre chienne Cocaïne, elle a avalé une barette de shit, non ?" En fait, elle avait fumé du cannabis (technique de la fumette, pour les curieux, à ne pas faire : c'est très dangereux).

Mais ma préférée, c'est cette petite Westie (vous savez, le petit chien blanc plein de poils de la pub César) qui s'est échappée des bras de sa maîtresse au seuil de la clinique et a filé en courant. La petite dame, 1m60, rondelette, une robe à carreaux, levant les bras au ciel, avec un discret accent portugais, en un hurlement beaucoup moins discret :

"FOUFOUUUUUUUUNE, REVIENS !"

PS : pour des raisons tenant à la déontologie la plus élémentaire et au secret professionnel, je ne peux pas vous livrer ces gags formés par les noms cocasses qui font écho à celui du maître, et j'ai légèrement modifié les noms complets (avec affixe) des animaux.

mercredi 19 décembre 2007

Conte de laies

Il y a parfois des moments étranges, drôles et crispants dans le quotidien d'un vétérinaire. Ce genre de trucs dont on rêve quand, gamin, on se dit que plus tard, on va "soigner tous les animaux". Voilà un drôle de rêve de gosse, noyé dans un gros tas de problèmes d'adultes.

Il était une fois un couple de paisibles petits vieux vivant dans un hameau de deux habitants, quatre chiens, deux chats, un cochon et... une laie.
Ladite laie habitait une ancienne étable, dans un boxe à côté de son cochon de voisin destiné aux réjouissances charcutières de la nouvelle-année. Personne ne savait vraiment d'où venait la bête, sauvage mais néanmoins fort civilisée, et, à vrai dire, tout le monde s'en fichait. C'était la laie des deux petits vieux, comme c'était leur maison, leur étable et leur hameau, aucun intérêt. Personne n'y pensait vraiment, jusqu'à ce matin froid et brumeux de janvier, quand un tendre chasseur retint sa meute au sortir d'une bauge : même les vieux cabots firent des bonds et s'éloignèrent, indignés, devant cette petite forme galopante, qui poussait des cris d'une stridence telle qu'on aurait cru aux fracas d'une bataille des temps anciens. Le chasseur recueillit la hurleuse outrée, marcassine orpheline et solitaire. Le chasseur se souvint des deux petits vieux et de leur laie, et se dit que la bête trouverait là le gîte, le couvert et l'amour d'une famille.

La petite vieille pleura.

Le petit vieux ne dit rien, et lui servit un verre de goutte, en silence.

L'orpheline trouva le couvert, un biberon dans les mains calleuses des deux petits vieux. Elle trouva le gîte, et même un lit : un panier partagé avec un gros chien au grand coeur. Elle gagnait même des compagnons de jeu, les trois autres chiens.
Un grand sourire traversait les rides de nos deux petits vieux.

Hélas, les nuages s'accumulèrent sur le hameau et un jaloux dénonça les petits vieux à la garde sylvestre. Nul ne devait héberger sous son toit des bêtes sauvages, car la forêt était leur royaume et les futaies, leur vraie demeure. Mais comme nulle créature sauvage domestiquée ne peut retourner dans les fourrés, elles devraient être exécutées, avant la fin du mois de mai. L'éclair déchira les nuées, et la pluie fondit sur le hameau.
Les deux petits vieux voulurent croire que la garde les oublierait, comme on les avait toujours oubliés. Eux qui n'avaient que tendresse pour leur marcassine, désormais devenue jeune laie, eux qui habitaient un hameau si petit qu'il n'avait pas de nom et à qui, depuis des années, personne ne s'intéressait. Hélas, trois fois hélas, les gardes se souvenaient.
Cette fois, la moquerie avait trop durée, et la sentence tomba, nue et glacée comme un matin de janvier : les deux laies seraient guillotinées.

La petite vieille pleura.

Le petit vieux ne dit rien, et se servit un verre de goutte, en silence.

C'est un fermier des environs qui me parla de ce drame silencieux, et, un clair matin de mai, je rendis visite aux deux petits vieux, à leurs quatre chiens, à leurs deux chats, à leur cochon et à leurs deux laies. Il me contèrent leur histoire, et je lus avec attention les édits de la maréchaussée.
"Madame, monsieur, dites-moi bien toute la vérité : Lili, car c'est bien son nom, n'est point destinée à enfanter ? Pas plus que cette matrone silencieuse qui, chaque année, regarde son voisin de boxe se faire charcuter, sans pour autant faire naître quelque portée ? Sachez que la garde sylvestre peut tolérer ces deux compagnes si elle reçoit l'assurance qu'aucune des deux n'aura de descendance. Car, voyez-vous, ce que redoute la forêt, ce n'est pas tant de perdre ses enfants que d'héberger de coupables parents : les cochongliers, fruits des amours du verrat et de la laie, sont puissantes créatures dangereuses pour nos futaies.
Il est une solution simple, pour éviter le couperet : ovariectomiser."

La petite vieille pleura.

Le petit vieux ne dit rien, et me servit un verre de goutte, en silence.

Il fallu l'aide d'un fermier et d'un tendre chasseur, et je me fis charcutier, mais sans saucisse, ni pâté.

C'est un gros chien au grand coeur qui accueillit la jeune laie encore anesthésiée, avant son retour au palais...

Laie

Laie

Laie

page 4 de 4 -